Chapitre 2
— Les filles, vous êtes sages aujourd'hui.
— Comme toujours papa, répondirent les petites filles en chœur.
— Pour ce qui est de ton cas Elfie, je te crois, quant à toi Louve, il va falloir que nous discutions de tes manières. Les professeurs te trouvent insolente, bagarreuse et très impulsive. Pourtant ils savent que tu es brillante, moi aussi je le sais, et tu pourrais aller très loin dans la vie si seulement tu apprenais à te tenir un peu tranquille.
La jeune adolescente de quatorze ans haussa une épaule négligemment.
— Ce n'est tout de même pas de ma faute si les élèves de notre classe sont des crétins. Ils n'arrêtent pas de charrier Fifi. Elle, elle est trop gentille pour dire quoi que ce soit, mais moi je ne supporte pas qu'on se moque de ma sœur. Ils disent que ses cheveux blancs et les marques sur son visage font d'elle au mieux un fantôme ou peut-être même un monstre.
— Qu'est-ce que je vous ai déjà dit à ce sujet les filles ? Il ne faut pas les écouter. Vous le savez, tout comme moi je le sais, vous n'êtes pas humaines. Alors, si vous voulez vous intégrer, il faut que vous fassiez plus d'efforts que les autres. Que vous vous montriez plus intelligentes.
— Nous sommes leurs supérieurs et ils nous doivent le respect ! répliqua Louve d'un ton impétueux. Si mon Drakar était avec nous à l'école, personne n'oserait nous importuner.
Le pauvre Alexis se sentait très souvent dépassé de devoir s'occuper de deux adolescentes aux pouvoirs magiques si terribles qu'à elles deux les jumelles pourraient détruire tous les habitants de cette ville. Lorsque Navi était encore de ce monde, elle lui avait dit que leurs filles risquaient d'être très puissantes et qu'elles devraient être cachées aux su et aux vu des humains. Mais que pouvait-il bien faire d'autre que de les envoyer à l'école ? Comment pourrait-il les nourrir s'il n'allait pas chasser ? Comment les empêcherait-il de tomber malade s'il n'allait pas travailler pour s'offrir le charbon qui permettait de chauffer leur logis ? Et comment les instruirait-il lui qui n'avait jamais été à l'école et qui était analphabète. Il était d'ailleurs très fier d'être le père de deux très intelligentes jeunes filles, même si parfois il se disait qu'elles étaient peut-être trop intelligentes pour leur propre bien. Sans compter qu'il ne pouvait rien leur apprendre sur leurs dons. Elles étaient obligées d'apprendre par elles-mêmes. Bien sûr, quand elles s'entraînaient à utiliser leur magie, il allait avec elle pour superviser, même s'il se rendait compte qu'il n'avait de superviseur que le titre. Il était tout bonnement incapable de faire quoi que ce soit pour elles.
Parfois il se demandait s'il ne ferait pas mieux d'aller à l'un des deux Royaumes féériques Naskavi et Dariade. Mais dans lequel des deux ? Rien que cela, il l'ignorait. Feu son épousée avait été tellement mystérieuse concernant sa nature féérique et tout ce qui s'en approchait. Elle avait argué le fait que si elle lui disait quoi que ce soit, elle prendrait le risque de le mettre en danger. Ensuite était venues les jumelles. Leur naissance avait été un jour béni pour Alexis, le plus magnifique spectacle qui soit. Et pas parce que la pièce s'était emplie de lumières et de ténèbres, non. Simplement parce que Navi, la femme qu'il avait choisi et qui l'avait choisi en retour, venait de mettre au monde deux merveilleuses créatures aux oreilles bien pointues. Elles étaient tout simplement sublimes.
Navi, inquiète de voir que la génétique féérique avait pris le dessus sur la génétique humaine, avait prévu de les cacher dans l'un des Royaumes, auprès d'une personne de confiance. Bien évidemment, elle ne lui avait pas dit lequel. "Moins tu en sais, mieux c'est." Cependant, ni elle ni lui n'étaient parvenus à se séparer de leurs petites princesses aussi rapidement. Navi leur avait raconté des histoires, expliquant que tant qu'elles étaient encore jeunes, les faes ne les remarqueraient pas. Alors à chaque fois c'était "une année de plus", "encore une année". Jusqu'à ce que des années ils n'en aient plus. Les petites étaient bien plus puissantes que ce que Navi aurait cru possible parmi les siens, alors qu'elle n'étaient que des demi-fées. Il fallait dire que depuis la Grande Guerre, plus aucun fae ne parlait d'enfant mi-fae mi-humain. Il n'y en avait même plus trace dans les livres, car Navi bien évidemment avait cherché. Elle avait juste fini par penser que ces deux espèces ne pouvaient pas procréer ensemble et que c'était pour cette raison, outre leur haine viscérale pour l'espèce inférieure, que les couples hybrides avaient été interdits. Elle avait pensé que ces sentiments qu'elle nourrissait envers un humain n'auraient nulles conséquences. Jusqu'à ce que ces deux petits êtres qu'elle aimait plus que sa propre vie viennent au monde.
L'idée de la maman était donc de les confier à sa tante Greta. Cette dernière avait toujours été une farfelue en marge de la société fae. Personne ne s'intéressait à elle et le peuple la laissait vivre sa vie dans son coin sans jamais s'en soucier. En réalité, cette tante n'était pas folle. Du moins, pas aux yeux de Navi. Elle détenait de sombres secrets dont elle n'avait jamais osé parler à personne, pas même à sa nièce préférée de peur de la mettre en danger. Elle avait même couvert ses traces lorsque la jeune femme avait voulu vivre parmi les humains, auprès de son amant maudit.
— Il n'y a pas d'espèces supérieures, finit-il par dire. Juste des espèces différentes. Cela n'empêche pas de nous respecter les uns les autres.
— Parce qu'ils respectent ma sœur en se moquant d'elle peut-être ? Pourquoi devrais-je pardonner cela ?
— Pas pardonner, juste te montrer plus intelligente Louve.
— Je SUIS intelligente ! s'exclama-t-elle.
— Lou, arrête, finit par intervenir sa jumelle. Père veut juste notre bien. Et n'oublie pas que lui aussi est humain.
— Je ne l'oublie pas, répondit-elle avec un profond dédain qui moucha le pauvre Alexis.
Même Elfie était choquée par les mots de sa sœur. Mais ni le père ni la fille n'osa rien dire.
— Allons-y Fifi ! intima la forte tête à sa jumelle qui était pourtant tout son opposé.
***
Ni Elfie ni Louve ne s'étaient jamais fait d'amis au sein de cet établissement. Elles restaient donc toujours toutes les deux. La plupart du temps murées dans leur silence. Elles passaient pour étranges. Là où la blonde n'en avait cure, sa jumelle aux cheveux blancs en était blessée. Elle avait pourtant essayé de se rapprocher de certains élèves, mais tous l'avaient traitée de monstre et elle en avait énormément souffert. Cela arrangeait bien sa sœur qui tenait à garder Elfie juste pour elle. Pourquoi la partager avec ces êtres ignobles ? Ils ne méritaient ni l'amour ni même l'amitié de l'adolescente.
— Eh la balafrée ! s'exclama un jeune homme en faisant références aux deux traits blancs qui marquaient son visage au niveau de son œil droit. Passe moi ta copie pour que je prenne les réponses ! Dépêche-toi avant que la prof ne nous voit.
Louve fixa un large sourire hypocrite sur son visage et se tourna vers lui. Elle lui tendit sa copie et, dès qu'il se mit à copier, elle héla la maîtresse.
— Madame ? Dan a piqué ma feuille pour prendre mes réponses ! lui dévoila-t-elle en pointant le tricheur du doigt.
La professeure se rapprocha et regarda les deux élèves. Elle lança ensuite un regard noir à la jeune fille.
— Et tu penses que je vais te croire que toi tu n'as pas été capable de te défendre ? Tu seras collée pour mensonge.
Louve serra le poing autour de son crayon, jusqu'à ce qu'il se casse. Ce jour-là n'était qu'un exemple parmi tant d'autres des injustices que sa sœur et elle subissaient à longueur de temps.
Elle passa le reste de la journée murée dans le silence. Un silence que même sa sœur n'osait interrompre tant elle sentait la colère de Louve sur le point d'exploser. Lorsque la journée fut terminée, cette dernière se rendit à son heure de colle, tandis que sa jumelle qui ne pouvait se passer d'elle l'attendit dans la cour.
L'heure passa lentement. Très lentement. Et surtout, elle avait un très étrange pressentiment. Elle n'avait qu'une envie, quitter cette pièce pour rejoindre Elfie et s'assurer que cette dernière allait bien. Au bout de quarante minutes, le hurlement d'un loup se fit entendre non loin des lieux. Sans prendre le temps de réfléchir, Louve se leva et courut en direction de la sortie sous les cris de sa professeure :
— Louve Lievan ! Je ne t'ai pas autorisée à quitter la classe ! Reste là petite peste !
Cependant, Louve n'écoutait déjà plus. Elle fusa en direction de la cour, où elle vit un attroupement étrange d'élèves alors qu'il ne devrait plus y avoir personne à cette heure.
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