antholz, 21 février 2020.

Les encouragements emplissent le stade alors que tu rentres sur la dernière ligne droite. À ta gauche tu peux voir le bout des skis de ta concurrente que tu as réussi à rattraper au cours du dernier tour. Tu pousses sur tes bras avec force alors que la ligne d'arrivée se rapproche un peu plus à chaque seconde. L'intégralité de tes muscles brûle mais tu ne ressens plus la douleur. Tu as l'impression de flotter alors que tu franchis en seconde cette ligne rouge sous les applaudissements et les hurlements de joie du public. 

Tu t'effondres dans la neige alors que tes jambes lâchent. Tu avales des grandes bouffées d'air alors que tu sens des mains jouer avec tes chaussures et que bientôt tes pieds sont libérés de tes skis. Tu te fais relever et tes coéquipiers et coéquipière t'entourent avant de se mettre à sauter autour de toi. Tu serres fort Lukas contre ton cœur alors que vous venez de vous hisser sur la seconde marche d'un podium mondial. Bientôt, c'est dans les bras de ton ancienne amie que tu te retrouves. Votre rancœur, vos soucis, votre colère s'évanouie alors que l'Italie s'affiche en seconde sur le tableau des résultats après que vous soyez toutes deux responsables d'une immense remontée grâce à vos tirs parfaits. 

La joie est intense alors que tu partages ce résultat avec tes amis. Deux mains gantées entourent délicatement ton visage et tes prunelles se retrouvent happées par celles de ton meilleur ami.

─ Félicitations championne.

Les lèvres se posent sur ton front avant que tu te laisses être enveloppée dans sa puissante étreinte et que tu profites d'un semblant d'accalmie avant que vous soyez tous entrainés dans une tornade médiatique comme c'est le cas après chaque course ici. Mais c'est encore plus le cas lorsque vous gagnez. Alors, les conférences de presse deviennent obligatoire, tous les médias veulent un morceau de ce que vous ressentez et le passage au contrôle anti-dopage ne devient plus optionnel et aléatoire. Après des années au plus haut-niveau, tu t'y es habituée, mais dans des instants comme celui que tu es en train de vivre, tu aimerais que tout ralentisse un peu et juste profiter avec tes compatriotes. 

L'hymne norvégien résonne une nouvelle fois sur la place où est regroupée la foule vous acclamant. Comme tous les jours, les médailles sont remises de nuit et les flashs des téléphones les illuminent alors que les spots tombent sur vous. Tu tiens ton bonnet dans les mains alors que la musique qui a déjà retentit à de trop nombreuses reprises à ton goût résonne une nouvelle fois sur la place que tu connais pour y passer tous les jours de l'année pendant l'entrainement. Tes prunelles brûlent de joie quand tu reconnais ta famille et tes amis au pied du podium. 

Tu ne cherches pas parmi ceux-ci le visage de Julian, tu sais qu'il ne s'y trouvera pas. Cela fait des mois que tu ne le cherches plus. C'est le cas depuis cette victoire un an plus tôt sous le ciel suédois. Tes doigts agrippent la médaille argentée qui va rejoindre celle dorée que tu as déjà obtenue plus tôt dans la semaine. Tu l'observes alors qu'elle brille sous les lumières et tu sens les larmes qui se mettent brusquement à pointer alors que tu prends enfin conscience que tu viens de rentrer un peu plus dans l'histoire de ton pays. Ce résultat, c'est le plus haut que vous ayez obtenu dans cette catégorie mixte. Cet argent sur ton cœur, c'est l'aboutissement du travail de toute une nation sur ses sections masculine et féminine et appartenir à celles qui ont obtenu son meilleur résultat de tous les temps après avoir été bronzé à de nombreuses reprises te remplie d'une joie indescriptible. 

Des doigts se glissent dans ta main droite et les pressent doucement. Quand tu tournes la tête, tu croises les yeux sombres de Lisa dont les prunelles brillent également de larmes. C'est naturellement que tes lèvres s'étirent en un sourire alors que tes pupilles flamboient et que tu presses sa main en retour. Sa main finit par quitter la tienne alors que vous quittez l'estrade pour retrouver la chaleur du bâtiment avant de retourner dans l'hôtel où vous logez tous malgré vos maisons respectives parfois à uniquement quelques kilomètres. 

Le bouchon d'une bouteille de champagne explose et s'écrase contre le plafond sous les éclats de rire des techniciens, entraineurs et reste de l'équipe. 

─ Bon, je crois qu'on a quelque chose à fêter !

Des flutes sont remplies. Le liquide déborde des différents verres et coule sur la table sans que personne en ait quelque chose à faire. Bientôt tu te retrouves avec une coupe dans la main et elle est bientôt levée vers le ciel avant que tu trempes tes lèvres dedans. Personne n'est étonné quand tu la reposes sans l'avoir terminée. Tu n'es d'ailleurs pas la seule à l'avoir fait. Tu peux voir celle à peine entamée de Lisa qui a rejoint la tienne sur la table alors que des chants en l'honneur de votre pays ou issus de musiques locales populaires sont repris en cœur.  

Alors que tu es appuyée contre une table, en profitant pour reposer tes jambes commençant déjà ta récupération avant la suite de la compétition intense qui continue dès le surlendemain, celle-ci craque. Un corps vient de s'installer à côté du tien, affaissant légèrement le meuble. Tes iris bleutés se tournent en direction de celle que tu appelais jadis une amie. Tu ne sais plus trop quoi en penser. Normalement c'était vous quatre avec Lisa, Lukas, sa compagne et toi. Et puis tout avait volé en éclats. Tu savais qu'elle restait là pour ton meilleur ami même si plus rien n'était pareil pour elle aussi. Lukas avait perdu sa compagne et avait une amie qui ne savait plus comment l'aborder. Tu avais perdu deux amies pour des raisons différentes. Lisa était certainement celle qui avait le plus perdu dans votre affrontement pour être la numéro un de l'équipe.

Le silence est pesant pendant plusieurs secondes alors que tu ne sais pas quoi lui dire. Cela fait trop longtemps que vous ne vous parlez que par interviews interposées. Pourtant, elle était certainement celle qui pouvait le mieux te comprendre. Elle vivait aussi une relation à distance, elle craignait aussi de n'être qu'une femme de alors qu'elle était l'une des meilleures athlètes du pays, elle vivait les sacrifices quotidiens pour son rêve sportif. C'était tant de choses qui vous avaient rapprochées pendant des années avant que ce dit rêve vous éparpille quand vous vous étiez mises à l'effleurer en même temps et que chaque décision de l'équipe s'était retrouvée disséquée. 

Alors t'es là à observer ton ancienne meilleure amie les larmes au bord des yeux. Celle qui a permis à votre pays, à votre équipe, à celle que vous aimez plus que tout toutes les deux de gagner cette seconde place alors qu'elle avait récupéré un relai à la sixième place. 

─ Tu me manques. 

 La voix se brise sur la fin et tu vois la larme qui finit par s'échapper des yeux sombres et se met à rouler sur la joue pâle de la brune. Tu bats à plusieurs reprises des paupières pour chasser les gouttes salées qui se frayent un chemin alors que ta gorge se noue violemment. Tes doigts frôlent sa joue avant que ton pouce écrase l'eau y roulant. Une fois cela fait, tu l'enveloppes de tes bras. Tu entends le soupir de soulagement qui lui échappe. Ta colère s'évanouie aussi rapidement qu'elle était montée après que tu aies lu les mots où elle critiquait ce relais un an plus tôt. Celui qui avait tout gâché alors que tu étais juste malade ce jour-là.

Tu la sens te serrer un peu plus fort contre elle alors que ses sanglots sont étouffés par ta veste aux couleurs du pays et cachés par les chants s'élevant autour de vous. Tu ne comprends pas vraiment comment vous avez pu à ce point tout gâcher. 

─ Avec toutes les interviews, j'ai pas vraiment eu le temps de te le dire. Mais félicitations pour ta course. On aurait pas eu ce titre sans toi.

Le corps s'éloigne légèrement et tu vois les pupilles qui brillent de fierté. Le visage de celle bien plus brune que toi rayonne pendant quelques secondes. Derrière sa joie, tu ne mets pas longtemps à distinguer le soulagement. Et pendant quelques secondes tu espères que tout rentre enfin dans l'ordre. Parce que les décisions sur ce relai un an plus tôt avait peut-être réduit en cendres ce qu'il restait de votre groupe d'amis, mais il avait également désintégré son flamboyant début de carrière. Et quitte à ne plus l'avoir en amie, tu la préférerais toujours rivale que remplie de doutes comme c'était désormais le cas depuis plusieurs mois. 

─ Tu me manques aussi.

La confession t'échappe et c'est quand les mots franchissent la barrière de tes lèvres que tu comprends que ton égo t'a empêché de les prononcer bien plus tôt. Peut-être que tu avais également peur d'un rejet qui aurait été douloureux. Et peut-être que l'argent qui entoure vos deux cous et reposent sur vos poitrines va permettre que tout rentre dans l'ordre. 

La suite des confessions et la proposition de s'entrainer ensemble que tu allais lui faire attendra alors qu'elle se retrouve dans les bras de son bel italien. Ton regard se perd dans le vide alors que tu la vois rire quand il lui glisse un mot dans l'oreille. La jalousie qui te prend au coeur à la vue de son bonheur ainsi affiché avec une personne pratiquant le même sport que Julian est insoutenable. Parce que tu étais peut-être la responsable de l'absence de ton ancien fiancé à cette soirée, mais tu savais qu'il n'aurait dans tous les cas était présent pour aucune d'entre elle quand Lisa se faisait encourager sur de nombreuses courses tout au long de l'année. Tu avais vu à de nombreuses reprises le joueur de Milan enfoui sous un gros bonnet dans les tribunes le week-end. 

─ Ça va Do ?

Les doigts posés sur ta main te tirent de tes pensées. Tu papillonnes à plusieurs reprises des yeux chassant les larmes qui y pointent alors que tu as l'impression qu'il te manque une personne avec qui partager ton immense bonheur et fierté. 

─ Ouais. 

Tu ne lui parles pas du sujet. Parce que cela ne fait plus partie des choses que vous vous confiez. Pourtant, tu aurais bien besoin de le faire ce jour-là. Parce qu'elle aussi avait été témoin de tes hauts comme de tes bas avec l'allemand. Ta réponse ne semble pourtant pas lui convenir. Tu le vois à ses sourcils se fronçant alors qu'elle t'observe avec attention. 

─ Allez viens, on va fêter cette médaille.  

Les doigts entourent ton poignet avant qu'elle se lève, laissant son petit-ami en plan et se dirige vers le centre de la pièce, te trainant derrière elle. Elle tire au passage Lukas et Dominik. Son sourire illumine la salle à lui seule. Bientôt, tu vois celui de Lukas pointer. Celui qui n'apparait plus autant qu'avant et qui pourtant été si joli. Et une vague de bonheur immense te submerge quand tu les vois aussi heureux, les visages rayonnant comme ils ne l'ont pas fait depuis des semaines. 

Vous rentrez une heure plus tard en tentant d'être discrets sans grand succès. Mais personne ne vous fait de remarque parmi ceux ouvrant leurs portes de chambre alors que vos rires et chants résonnent dans les couloirs. Vous vous engouffrez tous dans la même chambre d'hôtel. Vous vous laissez tomber sur le grand lit après vous être battus pour les places qui ne seraient pas celle du fauteuil. Un film choisit par Dominik tourne en fond alors que vous vous goinfrez du gâteau qui a été confectionné en votre honneur alors que vous débriefez une nouvelle fois la course. Cela change bientôt pour les derniers potins du cirque mondial dont Lisa semble avoir une parfaite connaissance. Vous y allez de vos commentaires sur chaque nouveau couple qui se serait formés d'après elle ou les anecdotes amusantes qui se seraient produites ces dernières semaines. 

Quand tu finis par t'écrouler et t'endormir sur l'épaule de ton meilleur ami, la médaille toujours bien fixée autour de ton cou, quelques dizaines de minutes plus tard, flottant dans un autre monde où tout te parait un peu trop parfait, tu te dis qu'il n'y a que d'eux dont tu as réellement besoin. D'eux et de ton immense passion pour le biathlon. 

et boom, arrivée de lisa vittozzi dans l'histoire. 

incroyable, j'ai pas mis 10 plombes à sortir ce chap. le suivant est prêt pour la semaine pro en plus :) 

et c'était pour l'histoire, mais c'est vraiment l'ordre du relais mixte d'antholz après vérification haha.