2.3
antholz, 19 février 2020.
─ Qu'est-ce qu'tu fais ?
Tu te relèves de ton fauteuil où t'étais posée, le regard rivé sur l'ordinateur posé au loin devant toi.
─ Salut Lucky.
Il rentre dans ta chambre d'hôtel sans te demander la permission et vient s'installer en face de toi.
─ Alors ? Tu f'sais quoi ?
Tu restes silencieuse. Tu sais pas trop quoi lui dire. T'étais en train de faire la seule chose que t'aurais pas dû faire. Parce que oui, regarder le match de Julian plutôt que de te reposer et de te préparer mentalement à la poursuite du lendemain était une très mauvaise idée. Mais c'était comme ça. Depuis que t'avais rompu, tu pouvais pas t'empêcher de penser à lui.
Est-ce qu'il allait bien ? Est-ce qu'il pensait à toi ? Est-ce qu'il était heureux ? Est-ce que tu lui manquais ? Est-ce qu'il t'avait déjà remplacée ? Ton cœur se serre fortement à cette dernière idée. Mais c'était peut-être celle à laquelle tu penses le plus. Celle qui te parait la plus réaliste. Celle qui te brise le plus aussi. Parce que t'as pas envie de le voir refaire sa vie sans toi. Mais c'était certainement déjà le cas.
Tu retournes rapidement l'écran vers ton meilleur ami qui t'observe avec une légère inquiétude dans le regard. Il souffle. Et toi tu te contentes de baisser les yeux. Parce que toi aussi tu préférerais aller de l'avant. Te dire que c'était vraiment terminé. L'oublier. Mais ça fonctionnait pas comme ça. Tu l'aimais toujours et t'étais pas prête de l'oublier. Tu l'oublierais peut-être jamais. Et maintenant t'aurais tout donné pour que ce soit lui en face de toi et pas Lukas.
Mais il était sur un terrain de foot en plein milieu d'un match en France et toi dans ta chambre d'hôtel en Italie. T'aurais pu rentrer chez toi, dormir dans ton lit si confortable. Mais t'étais heureuse d'être ici avec tes coéquipiers. Et surtout avec lui.
Parce que c'était glacial avec Lisa depuis l'année d'avant, depuis que votre rivalité sportive avait fait exploser votre amitié. Tu lui avais même pas dit que t'avais rompu avec Julian. Pourtant, elle le connaissait, elle connaissait tout de toi. Mais c'était avant. Avant que sa jalousie de te voir remporter le gros globe à son détriment ne fasse voler en éclat ce que vous étiez l'une pour l'autre. Et t'avais perdu ta confidente ce jour-là. Celle qui te comprenait. Celle qui te connaissait. Celle qui t'aidait.
─ Et alors, ça donne quoi ?
Et une petite seconde t'es contente qu'il se contente d'éviter le sujet et non de tenter de te parler de lui. Mais c'était Lukas. Il savait toujours quoi faire avec toi. Toujours quoi dire. Toujours ne pas parler des sujets fâcheux s'il savait que ce n'était pas le bon moment.
─ Ils sont en train d'perdre. J'crois que c'est un p'tit club en plus.
Tu maitrisais pas tout de son championnat, de son sport. Tu connaissais ses coéquipiers et les grosses équipes de la Ligue 1. Et non, Amiens n'en faisait pas partie. Et il se met à rire.
─ Espérons qu'tu sois meilleure que lui demain alors.
Léger clin d'œil lancé et il t'arrache un rire.
─ J'ai ramené ça.
Il dépose son disque dur sur la table basse entre vous deux.
─ Enfin, s'tu veux. Si tu préfères le regarder jouer, ça me va aussi.
Son visage est légèrement éclairé par un sourire. Et tu te laisses immédiatement tenter. De toute façon, t'arrivais pas à savoir quoi penser de lui. Est-ce qu'il te regrettait vraiment ? C'était pas quelque chose que tu pouvais lire sur son visage, pas alors qu'il était trop fermé par la concentration. Alors tu pouvais que faire des suppositions. Mais elles te faisaient bien trop de mal pour que tu continues à le faire.
Il t'avait donné aucune nouvelle depuis presque quinze jours. Il avait commencé par t'envoyer plein de sms, surtout le premier jour. Et puis il avait essayé de t'appeler encore une ou deux fois. Et puis il s'était arrêté. Et tu t'étais dit que c'était parce qu'il avait arrêté. Arrêté de penser à toi. Arrêté de t'aimer.
Tu soupires et tu cliques sur la croix rouge, fermant ton navigateur internet pour couper le match. De toute façon, c'était pas comme si tu passais un bon moment à le regarder. T'étais nettement plus attirée par bien des autres sports. Quitte à regarder un match, tu préférais te mettre devant du hockey. C'était ça ton sport, celui de ton frère. Mais tu pouvais plus le voir autant qu'avant. Parce qu'il était à l'autre bout du monde. Canada. Le rêve de chaque hockeyeur. Mais des horaires peu pratiques depuis chez toi.
─ Tu proposes qu'on r'garde quoi ?
─ Toys Story ?
T'as une petite voix. T'espères qu'il va accepter. Parce que tu sais qu'il est pas trop dessins animés. Vous aviez déjà eu le débat. Et puis lui, il préférait les Dreamworks. L'Age de Glace, Shrek, tout ça. C'était pas ton cas. Ça avait jamais été ton cas. Ça vous avait valu des sacrés débats d'ailleurs. Et tu gagnais pas souvent lorsqu'il s'agissait de choisir le film. Peut-être parce que ça avait toujours été lui en possession du disque dur et de la ressource et pas toi.
─ D'accord.
Et un immense sourire vient se peindre sur ton visage. Il était d'accord.
Vous êtes installés côte à côte dans ton lit, l'ordinateur un peu plus loin alors que les images défilent devant vous.
─ Je suis une patate mariée, je suis une patate mariée.
─ Tais-toi Doro, tu sais qu'je déteste ça.
T'éclates de rire.
─ En plus, j'vois pas pourquoi on continue d'le regarder, tu l'connais par cœur.
─ Promis tu choisiras la prochaine fois.
Il soupire un instant.
─ C'est c'que tu dis toujours. Et j'finis toujours par regarder un Pixar.
─ Arrête, t'adores ça aussi, tu l'dis pour m'embêter. Tu crois que je vois pas que t'es à fond devant Les Indestructibles ?
Il se contente de souffler sans rien répondre, ce qui te fait rire encore un peu plus.
─ Il t'a donné des nouvelles ?
Tu te retournes vers lui alors que t'es en train d'éteindre ton ordinateur, le générique final se terminant. Et immédiatement, ta poitrine semble se recomprimer. Pendant un peu plus d'une heure t'avais pas pensé à lui, mais il fallait qu'il revienne dans ton esprit.
─ Non.
Ta gorge se noue bien trop fortement. Tu sens les yeux qui te piquent directement.
─ Et t'as essayé d'lui reparler ?
Tu détournes tes prunelles bleutées de lui, les fixant sur le mur en face de toi.
─ Non. J'me concentrais sur les championnats.
Faire passer le sport avant. Faire passer tes ambitions avant lui. Et pourtant, tu ne pensais qu'à lui qu'une fois que tu te retrouvais toute seule chez toi le soir à la fin de la journée d'entrainement. Ou bien lorsque tu étais dans ton grand lit vide. Il était souvent vide à vrai dire. Mais c'était différent de savoir qu'il pensait peut-être à toi depuis la France et se dire qu'il n'y serait plus jamais. Que plus jamais tu ne pourrais passer une nuit glissée dans ses bras.
─ Alors t'as intérêt à tout déchirer demain.
Il te serre un instant contre lui et tu souris. Il savait toujours trouver les mots pour te réconforter. Et t'es content de l'avoir. Parce que c'était pas sur ton ancienne meilleure amie que tu pouvais compter à présent. Il finit par te libérer. Il s'éloigne un peu.
─ J'vais t'laisser, on a une grosse journée demain, il faut qu'on se repose.
Tu sens ses lèvres qui viennent se poser sur ta joue alors qu'il te reprend quelques secondes dans tes bras.
─ Te tracasse pas trop cette nuit, t'auras tout le temps de le faire une fois les championnats du monde finis avec trois médailles autour du cou.
Il a un léger rire qui te réchauffe le cœur. Et puis il se lève et s'éloigne, récupérant son bien au passage.
─ Bonne nuit Doro, repose-toi bien.
Il se retourne une dernière fois vers toi, te sourit et referme doucement la porte derrière lui alors que tu lui réponds. Tu te glisses sous la couette dans ton lit après quelques derniers étirements. Tu t'allonges sur le dos. Et tu fais le vide. Ne penser plus à rien. Baisser ta respiration. T'alignes des cibles. Des dizaines de cibles. Parce que tu ne voyais que ça après d'intenses journées d'entrainement. Parce qu'il n'y avait rien de plus apaisant pour toi que de voir la plaque basculer et le noir se transformer en blanc.
Noir.
Blanc.
Noir.
Blanc.
Noir...
Blanc...
Noi...r...
Bl...anc...
ce match a véritablement eu lieu à cette période-là, j'avais suivi son résultat en revenant de la poursuite de biathlon (j'étais aux championnats du monde cette année-là). et autant dire que j'étais trop fière quand j'avais vu le 4-4 face à amiens haha.
semaine pro, dernier chap avant le retour des flash-back avec julian qui prend conscience (ou pas) de l'importance de dora.
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