1.2
14 boulevard st michel, paris, automne 2019.
T'avais passé cinq minutes à essayer de le réveiller sans succès. Non, Julian avait trop bu et tu savais qu'il était impossible à réveiller dans ce cas-là. Alors tu lui avais écrit un mot, déposé un baiser sur le crane et t'avais quitté son appart et cette ville.
T'avais le cœur qui te faisait souffrir. Parce que toi tu voulais passer une soirée avec lui et qu'il s'était barré avec ses coéquipiers. Parce que tu voulais un resto avec lui mais il t'avait dit non. Pour qu'il décide finalement quelques heures plus tard de sortir avec eux. Et ça te saoulait.
En plus tu les aimais pas ses coéquipiers. Tu connaissais les allemands, ceux que tu comprenais parce qu'ils parlaient ta langue. Des beaux connards. Ils avaient commencé par se moquer de ton accent. Y avait que Thomas qu'avait rien dit et qui t'avait fait un petit sourire à ce moment là avant de dire que l'accent bavarois restait plus cool que celui du Sud-Tyrol. Et il avait réussi à t'arracher un rire, parce qu'avec lui, rien ne semblait important et tout tournait autour de la rigolade. T'arrivais pas à savoir s'il faisait exprès ou s'il était toujours comme ça. Mais au final tu t'en moquais bien, parce que c'était agréable de le côtoyer.
Mais les autres tu les avais pas trop compris. Ils étaient là à parler de meufs alors que vous étiez à côté. Ça valait pour toi comme leurs petites-amies. Ils s'étaient permis des blagues sur ton sport sans le connaître et Julian t'avait pas défendu. Ouais, ce jour-là, il t'avait vraiment déçu. C'était peut-être ce jour-là que tout avait changé entre vous.
Alors si c'était pour que ça fasse pareil à Paris, t'avais pas hâte de rencontrer ses coéquipiers. Les seuls que t'appréciais à peu près c'était Presnel que t'avais côtoyé en vacances. Il était sympa. Quand tu lui avais dit ce que tu faisais il t'avait parlé de Martin. Evidemment que pour un français il allait te parler de lui. Parce que c'était peut-être un des plus grands sportifs tout confondu au monde, un roi dans une discipline bien trop peu connue.
Et puis il avait posé plein de questions. Sur ta vie. Sur l'entrainement. Sur les compétitions. Sur le tir. Sur le ski. Sur comment vous vous étiez rencontrés. T'aimais bien être avec lui. Parce que c'était simple. Parce qu'il se prenait pas trop au sérieux, il prenait rien au sérieux tout court. Parce qu'il était là avec son gamin à faire l'imbécile et tu te disais que tu voulais ça avec Julian aussi. Et parfois t'avais l'impression que le français le comprenait. Parce qu'il te laissait le garder pendant quelques heures et il faisait des remarques sur comment tu serais une maman parfaite à Julian qui comprenait pas vraiment les sous-entendus.
Mais c'était peut-être mieux qu'il ne les comprenne pas. Parce que tu savais pas vraiment ce que tu voulais. Oui, tu rêvais d'un enfant avec lui, mais pas comme ça. Pas alors qu'il était en France et toi en Italie. Parce que qui s'en serait occupé de ce gosse quand vous seriez tous les deux en déplacement ?
Et puis y avait Mario. Et Mario il était pas du tout pareil. Il était beaucoup plus calme. La première fois que tu l'avais vu, c'était juste après que les autres aient rigolé. Lui il était resté silencieux et quand t'avais quitté le groupe il était venu s'asseoir à côté de toi. Il t'avait juste fait un petit sourire et t'avais compris qu'il savait ce que tu ressentais. T'avais bien vu qu'il approuvait pas. Et puis il t'avait sorti son téléphone pour te montrer des photos d'une compet où il avait été avec Marco.
« J'préfère Denise Hermann », c'était ça qu'il t'avait dit avant de se mettre à rire. Ils s'étaient fait prendre en photo avec les biathlètes qu'ils avaient réussi à croiser ce jour-là. Alors quand tu te retrouvais avec l'équipe allemande tu te débrouillais pour être pas trop loin de lui en soirée et pendant les repas. Vous parliez de choses et d'autres et tu savais plein de trucs sur lui. Et y avaient toutes les choses que tu devinais à ses silences, à ses soupirs, à ses regards qui se perdaient parfois dans le vide.
Et y avait son regard. Celui qui te donnait l'impression qu'il lisait dans ton âme. Le regard dans lequel tu aurais pu te perdre des heures quand il t'écoutait parler. Parce que ça donnait tellement envie de se confier. Il semblait toujours intéressé. Il semblait toujours comprendre. Il semblait toujours ne pas être dérangé. Et parfois tu te demandais comment une personne si discrète comme lui, qui n'aimait pas forcément trop se faire remarquer en soirée et en groupe pouvait être en couple avec quelqu'un d'aussi rayonnant, bruyant et sûr de lui. Mais c'était certainement parce qu'ils étaient tellement différents.
brunico
─ Ça va Dora ?
T'as l'regard qui se porte sur ton coéquipier, celui qui habitait à côté de chez toi, celui avec qui t'allais souvent skier, qui tirait à tes côtés.
─ Ça va pas avec Ju.
Il te lance un regard étonné, mais ne pose aucune question. Parce qu'il était comme ça Lukas. Il ne s'imposait pas dans ta vie privée sans que tu ne l'y invites. Pourtant de tous, il était certainement celui qui en avait le plus le droit.
─ J'sais pas, j'ai l'impression que j'le fais chier. On avait même pas une journée, il a pas voulu faire d'resto, mais pour sortir avec ses coéquipiers y avait du monde.
T'es énervée. T'as l'impression qu'il en a plus rien à faire de toi. T'as passé la matinée à regarder les vidéos de ses storys sur les réseaux, celles qu'avaient été prises par ses coéquipiers. Tu l'avais vu en train de danser avec des meufs à moitié dénudées. Tu l'avais vu se prendre en photo avec elles. Pourtant t'aurais dû le savoir qu'il fallait jamais regarder les photos et vidéos de soirées.
Pourquoi est-ce qu'il t'invitait jamais à danser ? Bon, t'étais pas la plus douée, t'étais plus douée avec une carabine à la main, mais c'était pas une raison. De toute façon il dansait pas bien non plus. En plus tu sais qu'il y a pas tout qui sort. Est-ce qu'il les embrassait ? Est-ce qu'il te trompait en soirée ? Tu serais même pas étonnée.
─ C'est juste un bas à passer, ça va s'arranger.
─ J'sais pas Lucky. Les gens savent même pas pour nous. On est plus rien de c'qu'on était. J'regrette tellement qu'il soit parti là-bas. Il a tellement changé.
Y a ton meilleur ami qui te prend quelques secondes contre lui.
─ Il viendra pas chez toi.
T'as une larme qui vient rouler sur ta joue. T'étais en train de le perdre.
─ J'sais pas toi t'en penses quoi d'nous ?
T'as la tête enfouie dans son torse alors qu'il t'prend dans ses bras.
─ C'est normal tu sais, il a aussi sa carrière. Ça ira mieux quand vous en aurez terminé.
─ Si on est encore ensemble à c'moment-là.
─ Dora... Il t'aime.
─ Faudrait p't-être qu'il me l'montre parce que j'le vois plus trop. Il en a qu'pour ses soirées et ses potes. J'suis la cinquième roue du carrosse. Il vient jamais m'voir en compet.
─ Il a des matchs.
─ Et j'ai des compets, c'est pas pour autant que j'vais pas l'voir jouer.
Le silence s'installe une seconde tandis que ton meilleur ami semble réfléchir. Et tu sais qu'il prend sur lui, parce qu'il n'aimait pas beaucoup Julian, il ne l'avait jamais réellement aimé. Peut-être parce qu'il n'aimait pas le foot, t'en savais rien. Alors t'étais étonnée de le voir le défendre à ce point ce jour-là.
─ Vous en avez parlé ?
─ Non j'arrive pas à l'faire.
Parce qu'aborder le sujet, ça pouvait être mettre un terme à votre histoire, à celle que tu partageais avec ton premier amour et qui durait depuis des années. Et t'étais pas prête à la voir s'envoler en fumée.
─ J'ai abordé le sujet enfant, il a pas compris j'crois.
Il rit un peu.
─ J'imagine que ça devait être très subtil te connaissant.
Il arrive à t'arracher un petit rire.
─ Tu veux vraiment un enfant maintenant ?
─ J'en sais rien mais j'ai envie qu'on en parle, qu'on passe pas à côté de quelque chose important pour notre vie privée juste parce qu'on se met des barrières à cause de nos carrières.
Lukas a un hochement de tête en réponse à ta remarque. Tu savais pas si tu voulais un enfant, peut-être. Tu voyais tes proches devenir mères sans que tu ne puisses y penser, ni même en parler. Mais il ne voudrait jamais faire une pause dans sa carrière, et toi non plus alors c'était certainement mieux que vous laissiez le sujet en suspens.
─ Il m'regarde plus. Il m'emmène plus au resto. Y a plus aucune flamme dans notre couple.
─ Vous couchez plus ensemble ?
─ Si mais j'sais pas...
C'était plus comme avant. Peut-être qu'il se forçait pour pas que tu comprennes qu'il t'aimait plus.
─ Tu crois qu'il m'trompe ?
─ Non.
─ Parce que j'vois ses photos d'soirées et...
Il a un léger rire.
─ C'est qu'des photos Dora. Ça veut rien dire. C'est p't-être elles qui le collent.
Tu souffles. Rien ne l'empêchait de les repousser. Ou de dire qu'il était en couple. Pourquoi il ne le faisait pas ?
─ Ouais p't-être...
─ Bon aller, on va skier ça va t'changer les idées. Tu d'vrais en parler avec lui t'sais.
Haussement d'épaules.
─ Ouais, j'vais voir...
Peut-être que tu le faisais pas parce que t'avais peur que tout s'arrête suite à ça. Parce que tu te voyais pas sans lui. Parce que tu te voyais pas loin de lui. Parce que même si tu détestais Paris, t'aimais bien son appart parce qu'il sentait son odeur, parce que c'était votre chez-vous.
Tu chausses tes skis et vous partez. Et comme bien souvent t'oublies. C'était pour ça que tu partais courir quand il t'énervait. Parce que ça te changeait les idées. Et si ça marchait déjà à Paris, dans cette ville bien trop animée, bien trop terne à tout goût, ça marchait encore mieux ici.
Tu sens la pression de tes bras sur les bâtons. Tu sens les muscles de tes jambes qui commencent à chauffer. Tu sens ta respiration qui devient plus difficile, l'air froid qui s'engouffre dans ta gorge et la brûle légèrement. Tu sens l'air frais fouettant ton visage alors que tu prends une descente. Tu sens ton rythme cardiaque qui accélère. Tu te sens vivre, comme à chaque fois que tu chaussais ta paire de skis. T'as le regard qui se porte sur la montagne enneigée et c'était beau. Tellement plus beau que cette ville où t'étais encore le matin même.
T'avais besoin de grands espaces. T'avais besoin de verdure, de neige, d'arbres, de lacs, d'entendre les chants des oiseaux dans le ciel, le vent dans les branches, le craquement de la neige fraiche sous tes skis. Paris c'était trop gris, trop terne, trop plat. Trop puant aussi. Tu détestais. T'aurais préféré qu'il soit en Bavière, il y aurait été bien mieux. Vous auriez été plus proches, vous auriez pu vous installer dans un coin plus calme, y aurait eu les montagnes à deux pas. Mais il avait fallu qu'il choisisse ce putain de club.
et voilà le 1er chap du point de vue de notre présence féminine. mesdames et messieurs, j'vous présente dorothea wierer. et elle a trooop la classe. vous pensez quoi de la demoiselle ? de la situation ?
vérifiez que vous aviez lu celui d'avant, je l'avais posté juste après le prologue mercredi :)
j'espère que ça vous plaît pour l'instant. hésitez pas à faire des retours. à bientôt pour le chap suivant ! les chaps tomberont tous les vendredis midi (pile grâce à l'incroyable outil de planification) jusqu'à ce que le rythme ralentisse peut-être quand ils seront tous republiés (mais ça va déjà mener jusqu'à un bout donc y aura le temps de voir venir !)
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