Chapitre 51 : Les compromis du rêve

L'anniversaire de Liam est à la fin du mois. Il va avoir vingt-cinq ans, quatre mois avant moi. En temps normal, comme une année lambda, je veux dire, on aurait été en train d'organiser une fête. On l'aurait sûrement fait chez moi, puisque j'aime organiser et recevoir, et surtout parce que je pense un peu plus à tout que la plupart de mes amis. On aurait sûrement décidé ensemble de ce qu'on achèterai à manger, des boissons que chacun apporterai. Mais cette année rien n'est comme toujours évidemment, et Liam passera son vingt-cinquième anniversaire inconscient dans un lit d'hôpital.

Au moins, il y a le bon côté que son état se porte bien. Il est encore beaucoup trop tôt pour dire qu'il va mieux, mais son état n'a pas replongé pour autant depuis son intervention chirurgical pour son poumon perforé, alors, en silence, tout le monde espère que cette fois sera la bonne. J'ai croisé ses sœurs et ses parents hier. Ils ont tous l'air fatigués et amorphe, ils n'en peuvent physiquement plus, donc je suis content, je pense, quelque part au fond de moi, d'être revenu au pays. Ainsi je peux être là pour eux un peu, essayer de les aider et de les soutenir, de leur changer les idées.

C'est naturel que toutes nos pensées soit réuni vers Liam et qu'aucun de nous n'ai envie de parler de ce qu'il vit et fait, mais je pense que ça reste important qu'on tisse des liens comme on l'a toujours fait. Lucas m'a déjà dit que dans ce genre de situation on avait tendance à s'oublier, parce que c'est normal quand un proche souffre tant, mais qu'il ne fallait pas oublier qu'on était aussi atteint. Alors parfois je pense que c'est bien de discuter avec eux de leurs vies, qui continuent de tourner et d'être, malgré le fait que celle de Liam soit en suspend. Surtout Olivia, la sœur jumelle de Liam, qui vient d'être maman d'une petite fille. La vie a prit un nouveau tournant pour elle en même temps que celle de Liam a basculé et c'est important d'essayer de la conforter dans le fait qu'elle a le droit d'avoir cette vie, d'être heureuse d'avoir un enfant, et aussi de faire face aux problèmes de la parentalité et donc de chercher un peu d'aide dans ces moments.

« Dis donc, si tu continues comme ça on aura bientôt plus assez de couche jeune fille. » Je ris en passant ma main sur le petit ventre du bébé, fermant sa couche bien comme il faut en la regardant babiller.

Il est là, encore, l'équilibre de la vie. Un malheur et un bonheur confondu dans le temps et l'espace, si proche que c'est la même famille qui les porte. C'est une part de la cruauté de ce monde, une part que Lilly portera avec elle toute sa vie. Pour toujours son anniversaire fera écho à cette journée où son oncle a frôlé la mort, cet accident qui marquera toutes nos vies et surtout celle de Liam, qui laissera pour toujours des traces, des séquelles, physiques comme psychologiques, et des douleurs plus grandes que nous, qu'on ne peut pas vraiment comprendre.

« Merci beaucoup Louis. » Je me tourne vers Olivia.

Celle-ci se tient dans l'embrasure de la nurserie, enveloppé dans un large t-shirt et portant un jogging. Son accouchement a été plutôt rude et même si il date maintenant d'il y a une dizaine de jour elle est encore assez fatiguée, si on ajoute à cela la douleur qu'elle ressent pour son frère on peut comprendre qu'elle soit autant amorphe et a grandement besoin de soutien. Je lui souris et secoue la tête en rhabillant Lilly, la portant ensuite vers moi, prenant garde à bien tenir sa tête alors que je retourne vers l'extérieur de la pièce.

« Ça me fait vraiment plaisir de t'aider. » Je lui assure, souriant toujours alors que l'on retourne vers la pièce à vivre où Eva, la petite sœur de Liam et Olivia, est assise avec sa tasse de thé. « Me rendre utile comme ça.... c'est presque moi qui devrait te remercier. » Je pousse un petit rire en reposant tout doucement la petite dans son couffin, posé sur la table non loin d'Eva. « Ça me fait de l'entraînement pour quand ce sera mon tour d'être papa. » Je glousse gentiment en m'asseyant.

« Oh t'as envie d'être papa ? »

Je lève mon regard vers Eva. Celle-ci tient son téléphone entre ses doigts et je sais que, dessus, elle envoie des messages à sa mère. Elle et moi revenons à peine de l'hôpital donc elle doit un peu lui parler de comment ça s'est passé. Quand on y était il y avait encore plus de carte de vœux de rétablissement que le jour de mon arrivé, il y a trois jours. Il y avait aussi de nouvelles fleures et un ballon d'hélium avec écrit son prénom dessus. Tous nos amis, ou presque, et beaucoup de membre éloignés de sa famille viennent le voir, alors ça ne donne pas trop mal au cœur de repartir quand les visites sont terminées.

Il est toujours aux soins intensifs, ce qui veut dire que les visites ne durent que quelque heures et que chaque visites ne peut durer que quelques minutes. C'est juste assez de temps pour déposer de nouvelles fleures et faire un bisous, raconter quelque chose à Liam, en espérant que les mythes à propos du fait que les personnes inconscientes entendent tout soit vrai, puis repartir.

Il fait moins mal au cœur de le voir. Son visage, depuis le jour de son accident, a considérablement dégonflé et il ressemble un peu plus à lui même maintenant. Il a encore beaucoup de bleus et de plaies, d'os fracturés, mais au moins il a à nouveau son visage d'une taille et d'une forme normal et c'est comme un soulagement chaque fois que je m'en rends compte à nouveau. Je l'ai vu chaque jour depuis mon retour et chaque fois je me suis sentit bien de le voir un peu mieux physiquement. Il est toujours sous perfusion, il est toujours sous assistance respiratoire, et a toujours des machines qui traces ces constantes mais au moins quand je regarde son visage j'ai l'impression d'avoir une raison minime de me réjouir. Ainsi, il donne un peu plus l'impression de simplement dormir, il ne me donne pas le même sentiment que le premier jour, celui que j'étais face à un mort.

« Je pense oui. » Je répond finalement en raclant ma gorge. « C'est... définitivement quelque chose que j'envisage. » Je souris en me tournant vers Olivia qui veille sur Lilly avec attention, passant sa main sur son ventre comme pour l'apaiser. « Pas toi ? » Je me tourne de nouveau vers Eva.

« Je pense pas non. » Elle hausse ses épaules et pose ensuite son téléphone. « C'est mignon et tout, mais je pense que je préfère être tatie. » Glousse-t-elle. « Surtout si Liam fait comme Olivia et s'inspire de moi pour nommer un de ses enfants. » Je sens qu'elle tique un peu en disant ça.

Tout le monde a eu assez de mal à voir le bon côté des choses, ou a ouvertement espérer. Eva est une personne assez optimiste de nature, donc ça ne me surprend pas qu'elle croit si fort au rétablissement de son frère, mais c'est beaucoup plus dur pour leur mère et leur père qui ont déjà connu, tout deux, la maladie, les hôpitaux, et les espoirs qui jamais ne connaissent raison. Je suppose donc que ça se répercute sur elle au point où parler ainsi sonne quelque peu faux.

« Je me suis inspiré de vous deux. » Reprend Olivia. « Lilly Eva Payne, Lilly étant pour Liam. Dis donc. » Elle lance un semblant de regard noir à sa petite sœur et je ris gentiment.

« Ouais, mais y a que mon prénom qui est en entier. » Elle sourit avec malice.

« Bien, les filles. » Je tape gentiment la table et me lève, jetant un regard sur l'horloge mural. « Je vais devoir vous fausser compagnie. Ce n'est pas que je vous aime pas, mais je dois aller voir Calvin. » Les deux filles se tourne vers moi et sourissent, presque en même temps, avec le même sourire qu'a Liam, plein de gentillesse et de sincérité.

« Bien sûr, on ne te retiens pas. » Me dit Eva.

« Oh attend. » Olivia attrape rapidement son sac, non loin, et fouille dedans avant de me tendre un billet de dix livres. « Tiens, ce n'est pas beaucoup mai tu es tellement gentil avec moi et et Lilly que- »

« Non, non, garde ton argent, je fais tout ça de bon cœur, honnêtement. »

« Louis, s'il te plaît... je sais que t'as besoin d'un peu d'argent en ce moment, prends ça pour te payer un repas ce soir au moins. » Je me sens un petit peu piquer en plein dans ma fierté.

Ça ne me dérange pas qu'elle le dise, je pense, parce que c'est vrai, mais ça me dérange plus qu'elle s'en soit rendu compte. Je pensais avoir assez bien réussi à cacher le fait que j'étais en train d'arriver sur la fin de mes économie, mais apparemment quelque chose dans mon attitude a dû me vendre. Maintenant je ne peux plus vraiment nier, n'est ce pas ? En revenant en Angleterre, je ne suis pas simplement revenu au pays, je suis aussi retombé tout droit dans le monde réel et ses responsabilités. J'avais un bon paquet d'économie, avec mon dernier salaire en poche et un dernier chèque de mon père, mais mon appartement, même si je n'étais pas dedans pendant deux mois entier, ne peux pas payer son loyer tout seul, et louer un autre appartement, à Palavas-les-Flots, pendant une semaine n'est pas gratuit, sans oublier les quelques dépenses que j'ai fait ça et là pendant l'été... les fait sont là : je n'ai plus un sous, et c'est pour ça que je dois urgemment voir Calvin. Alors je soupire et accepte l'argent, souriant, et mal à l'aise, d'être un boulet à ce point, au point où une maman célibataire me donne dix livres pour m'offrir un repas.

« Merci. » Je répond, timide. « Ça va beaucoup m'aider. » Je souffle en un semblant de courbette, en partant vers la porte de la maison, pour sortir.

C'est peut-être encore un peu faux, que je n'ai plus d'argent. Il doit me rester encore un petit paquet de livres, mais sûrement pas assez pour me faire tenir le mois. Si avant j'avais de l'argent qui tombait chaque mois des poches de mon père droit dans les miennes, j'ai un peu pris mes aises et oublié que ce n'était plus le cas, maintenant. Mon frigo est presque vide, j'ai dû jeter des choses périmés, ou des fruits pourris, pour dire, et ça m'a permis de réaliser que j'ai peut-être assez de nourriture pour tenir encore une petite semaine si je fais des efforts. Mais après ça, ce sera difficile de sortir quoi que ce soit, et je dois réussir à rebondir assez vite, surtout si je ne veux pas me retrouver à la rue. Par conséquent, aujourd'hui, je fais du vélo. Je dois économiser, donc pas de voiture, pour ne pas user d'essence. Heureusement pour moi, j'avais un vieux VTT dans le garage, qui attendait gentiment que je daigne gonfler ses pneus.

Je suis chanceux que toutes mes destinations ne sois pas très loin de chez moi et que ce ne soit pas trop difficile d'y accéder à vélo. L'hôpital comme le quartier résidentiel de Olivia sont à une vingtaines de minutes de mon immeuble en vélo et c'est toujours mieux que de devoir supporter la densité de la population sur la route. C'est en effet un peu trop de sport pour mon pauvre corps qui n'est pas habitué à tant se donner du mal, mais c'est toujours mieux que de perdre de l'essence pour rien en me déplaçant dans Londres.

En plus, depuis la maison d'Olivia, il ne me faut que quelques minutes pour rejoindre la brasserie de Calvin. Elle est juste un peu plus haut, sur la route principal. Une route bordée de grande maison bien plus bourgeoise plus haut, mais surtout animé par plusieurs petites enseignes, dont Calvin fait partit. Alors évidemment je ne met qu'un court paquet de minute à arriver le long de la rue et à la remonter un peu jusqu'à son local. Histoire de me prouver un peu plus à moi même que le vélo est le meilleur mode de transport, je n'ai aucun mal à trouver un nouvel endroit où ranger mon destrier de ferraille, avec mon magnifique anti-vol. Je me rappelle, en le sécurisant, que je dois attacher le cadre du vélo et non pas son pneu, pour ne pas risquer de me faire voler et de me retrouver à devoir prendre le métro alors que la station la plus proche n'est pas à côté.

Quand je suis sûr que mon fidèle destrier ne peux pas m'être dérobé, je m'avance vers la porte vitré de la brasserie. La dernière fois que je suis venu je m'étais dis à moi même que ce lieu était chargé d'histoire personnel, et cette fois c'est avec un sourire triste que je réalise qu'il l'est encore plus aujourd'hui qu'il ne l'était à ce moment là. Perdu dans ces souvenirs maussades qui me collent à la peau, je pousse un soupir triste qui se noie dans le son de la porte qui s'ouvre. Depuis deux jours, je fais de mon mieux pour me concentrer sur les choses ici, à Londres, et ne pas me perdre dans ma tête et mes émotions douloureuses, ce n'est pas pour flancher et perdre la face maintenant, au premier souvenir d'une vie qui semble révolue. Je suis déjà bien assez misérable comme ça de façon générale, pour que je vive en même temps sur deux plans temporelles à cause d'endroit où la distance entre moi et Harry semble se raccourcir par le biais du vécu.

Depuis sa position de l'autre côté du comptoir, essuyant un verre en me souriant, Calvin m'a remarqué bien avant que je n'ai moi même réalisé où il était. Quand j'approche pour m'asseoir à un tabouret, il pose son verre sur une étagère derrière lui, puis comble la distance jusqu'à moi, apparemment plus que ravis que je sois là.

« Louis ! » S'exclame-t-il. « Mon pote, ça faisait trois jours que je t'avais pas vu, je me faisais du soucis ! » Dit-il en s'accoudant en face de moi. « Dis moi tout, qu'est ce que je te serre. » Je pousse un petit rire face à son entrain et sa gentillesse.

« J'aurai vraiment voulu t'acheter une bière... mais je suis venu te demander quelque chose de super important. » Ma mine sérieuse doit soudain bien le préoccuper, parce qu'il prend un air très sérieux en hochant la tête et se penche même un peu en avant, comme si il était dans la confidence. « Est-ce que... je sais que c'est une grosse question et tout... mais est-ce que t'aurais un job pour moi ? » Il hausse ses sourcils et recule, surpris.

« Un job ? » Répète-t-il.

« Ouais... j'ai plus une thune et... honnêtement je pensais pas que je reviendrai tu vois ? Et donc j'ai jamais vraiment pensé à retrouver le moindre job, puisque j'étais pas à la rue.. et maintenant je me retrouve dans la merde et... c'est pour ça que je te demande. » Je serre mes lèvres et le regarde encaisser la question avec un sentiment un peu confus et terrifié imprimé sur son visage. « Je t'aurai jamais demandé si c'était pas un cas d'extrême urgence. »

« Louis. » Commence-t-il en se penchant vers moi. « Si t'as besoin je peux te prêter de l'argent. J'ai ce qu'il faut pour t'aider jusqu'à ce que tu retombe sur tes pieds. » Je secoue la tête.

« C'est gentil mais je... je préfère faire ça honnêtement. » Il fronce ses sourcils et je racle ma gorge. « Je veux pas... juste que tu me prêtes de l'argent comme ça, je me sentirai trop mal de te faire ça... je préfère faire ça en échange d'un vrai service. Je t'ai amené un CV si tu veux. »

« Ok ok ok ok... doucement. » Il met ses mains devant lui quand je commence à m'agiter pour sortir quelque chose de mon sac à cordelette. « T'as de la chance, un de mes gars en salle m'a lâché. » Dit-il. « Mais c'est bizarre de ta part de... vouloir un travail. Genre... » Il fronce ses sourcils, un peu plus confus, puis secoue la tête légèrement, comme pour se sortir de ses pensées. « Enfin... du coup je manque de personnel sur genre le samedi soir qui est assez mouvementé, et genre sur quelques soirs en semaine. » Je hoche la tête, plus que prêt et intéressé. « Mais Louis ! » Il tend son index pour m'arrêter. « Tu dois me promettre que tu prendras ça sérieusement, je connais ta réputation avec les petits jobs... j'ai besoin que tu sois hyper responsable, d'accord ? Je vais te faire venir en essaie avant juste pour être sûr, ok ? Cette brasserie c'est mon bébé et j'ai besoin que tu sois au top ok ? » Je hoche la tête vivement.

« T'as ma parole. J'ai trop besoin de ce job pour faire de la merde. » Je glousse un petit peu. « Puis honnêtement, depuis que mon père m'a coupé les vivres j'ai un peu moins envie de prendre mon argent à la légère. Jusqu'à maintenant un chèque par mois tombait dans mes poches, alors quand ça s'est arrêté, bizarrement... ça n'a pas fait beaucoup de bien ! » On rit tous les deux gentiment et il secoue la tête, amusé.

« Content de savoir que t'es un peu moins un enfant gâté que tu l'étais avant alors. » Soupire-t-il en se penchant vers l'avant pour sortir un carnet de quelque part. « Ok, tu viens demain soir alors, on est en manque de staff, t'as deux trois trucs à apprendre mais c'est rien que tu ne peux pas faire. » Il hausse lâchement des épaules et marque l'heure sur un petit papier qu'il déchire pour me le tendre ensuite. « Les mardi on organise un genre de scène ouvert, donc c'est aussi un de nos soirs le plus populaires, t'as intérêt à gérer. » Rigole-t-il.

« Oh merci beaucoup mec... je ferai de mon mieux de chez mieux pour ne pas te décevoir. » Je fais une petite courbette en avant pour le remercier, joignant même mes mains l'une à l'autre dans un signe de gratitude, et il rit.

« Merci à toi, si t'es vraiment aussi responsable que tu le dis alors c'est toi qui me sauve la mise ! » S'amuse-t-il.

Je lui fais un grand sourire et range la petite note qu'il m'a donné, me sentant soulagé au fond de moi d'avoir ça en moins sur la liste de mes préoccupations. C'était sincèrement en train de me faire du mal, si bien que je n'en ai presque pas dormi la nuit dernière. Que je le veuille ou non, en revenant au pays j'ai perdu pas mal de repère et ma situation est passé de sécurisé à soudain cataclysmique et je me voyais déjà dormir dans un des parcs de Londres en attendant de retrouver un travail. Savoir que j'ai un peut-être échappatoire à ça est une vrai aubaine. Je vais réussir à garder mon toit sur ma tête pendant que j'essaie de moralement remonter la pente que j'ai dévalé en à peine une semaine. Mine de rien, dévaler une pente ça se fait vite, et facilement, mais tout remonter demande bien plus de temps et d'effort, alors je ne dis pas non au fait que la moitié du confort sois déjà gagné, surtout si je dois y passer des mois entiers, sur cette pente.

« Au fait Louis. » Je lève à nouveau les yeux vers Calvin. « Je sais que.... c'est super dur pour toi en ce moment, avec Liam et... ton.. ton mec et tout.. Mais les mecs étaient vraiment tristes que tu sois pas venu l'autre soir. » Un rictus tord mes lèvres.

Étrangement, je crois que je savais que ce propos viendrai. J'avais bien dit, pourtant, que je ne viendrai peut-être pas. Même si j'avais essayé de promettre l'inverse ensuite. Or, je n'avais pas prévu de m'effondrer une fois dans mon appartement, si fort d'ailleurs que j'ai fini par stupidement m'endormir sur le sol, dans le noir, comme un cadavre, après avoir pleuré une heure entière. Après ça je suis allé voir Liam et le retrouver a été comme la goutte de trop et quand je suis rentré chez moi, de nouveau, je n'ai plus quitté mon lit pour les vingt heure qui ont suivit. En bref ça n'allait vraiment pas fort et je n'avais vraiment pas envie de voir qui que ce soit.

« O... ouais je suppose, désolé, j'étais vraiment fatigué. » Je force un sourire en baissant mes yeux vers mes mains, ravalant ma douleur.

« Non t'inquiète... je pense que je savais que tu viendrai pas. T'étais vraiment super mal et je t'en veux pas du tout. » Il secoue la tête pour appuyer ses propos, puis il tend même gentiment sa main vers moi pour essayer de m'atteindre. Mais il se ravisse en cours de route, comme toujours avec lui qui a tant de mal à se montrer sensible. « Mais du coup... tous les autres... avaient vraiment envie de te voir... »

« Oh. » Peut-être que ça ne devrait pas, mais le peu de mon cœur qui vit encore se serre un peu sur sois même à l'idée que j'ai put manquer à mes amis.

Je ne pense pas que j'ai oublié leur existence pendant mon absence, mais je ne peux pas nier que je n'ai pas beaucoup pensé à eux. Je pense qu'une part de moi s'attendait à ce qu'ils en fassent de même, mais il est vrai que c'était plutôt évident que non. Je suis le seul de nous tous a avoir réalisé qui j'étais vraiment. Ce sont des amis, pour la plupart, comme Jonathan et Wilbur. Des gens avec qui je m'entends bien, avec qui j'ai beaucoup de rires et de délires, avec qui j'ai partagé des choses et des moments, mais avec qui je n'ai jamais été vraiment moi même. C'est même possible que, pris sur le moment, et perdu tout seul dans les lignes de la personne que je me forçais à être pour eux, j'ai dis des choses immonde que je regrette. L'effet de groupe, la pression des pairs, ce sont des choses qui ont calqué sur moi un rôle sur mesure créé pour cacher mon vrai moi. Je pense que j'ai déjà était sincère, sur beaucoup de choses, que ce n'était pas que mensonges, mais je ne peux nier que je n'ai jamais été cent pourcent moi même avec eux.

Alors, si moi j'ai passé ses derniers mois à m'épanouir avec des gens dont je n'avais pas peur, des gens qui m'acceptait ainsi, qui voulait me connaître moi, mon vrai moi, et que ça m'a permis de presque oublier que j'avais des amis ici, eux non. Eux m'ont juste vue partir en vacances dans le sud, poster stories et photos, et pour eux je suis toujours ce même Louis qu'ils ont vu pour la dernière fois en soirée en mai. Je suis toujours ce même Louis qui est partit et qu'ils n'ont pas put voir en soirée durant l'été. C'est logique qu'ils aient envie de me revoir. Je ne pense pas que ce soit orgueilleux ou vantard de le dire ainsi, c'est plutôt un fait, un bête fait. Quand un pote de la bande s'en va, il manque aux amis qui le connaissent le mieux, et je m'entends avec bon nombre des personnes de notre bande.

« Du coup... vu que je tombe sur toi... tu veux passer à l'appart ce soir ? Puis on préviens les copains et... viendra qui pourra. » Poursuit Cal.

Je serre mes lèvres en étudiant la proposition à toute allure. Je sais que je suis touché, et je pense qu'une part de moi à envie, à cause de ça, de dire oui. J'ai besoin de sortir de mon appartement, de revoir du monde, au moins un peu. Moi aussi je mérite de penser à autre chose, surtout après le cauchemar qu'on était les dix derniers jours. Surtout après avoir presque attendu la mort dans mon lit et dormi sur mon propre carrelage. Peut-être, donc, que je mérite aussi, de revoir des gens qui ont envie de me revoir, des gens à qui j'ai manqué.

Une autre part de moi dis que c'est stupide. Que ça a beau être mes amis, bon nombre d'entre eux sont aussi de vrai trou du cul et que rien ne garantie qu'ils ne vont rien dire qui va blesser celui que je suis devenu. Que je serai mieux auprès de gens qui me font me sentir en sécurité. Je crois que cette voix a raison. J'aime un simple sentiment de confort dans mes amis, la moitié d'entre eux sont sûrement bien pire que ce que je mes souvenirs murmurent et rien ne garantie que je vais sortir de cette soirée le cœur léger et heureux d'avoir put penser à autre chose. Je me sens seul, mais rien ne garantie que voir ces gens me fera me sentir moins seul.

Et pourtant ce sont aussi mes amis. Et encore une fois mon propre piège à souris se referme sur moi. J'aime ces gens. J'ai partagé tellement avec eux, tellement de bons moments, de belles soirées. Je les aime, et même si il n'aime qu'un moi à moitié honnête, je pense que j'ai envie de les revoir. Je me sens seul et peut-être que pendant une soirée la simple illusion d'être part d'un tout sera suffisant ? Pendant une soirée ça me fera peut-être un peu de bien d'avoir la sensation d'avoir une place quelque part. J'ai besoin de sortir de toute façon, j'ai besoin de traîner mes fesses hors de mon appart pour ne pas me donner envie de m'apitoyer sur mon sort, encore plus que je ne le fais déjà, et de dormir trente-sept heure. Je connais ces gens, ça ne peut pas être si mauvais que ça ? Hein ? J'ai changé, oui, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas essayer de reprendre contact avec mes amis ? Je serre mes lèvres. Il y a peut-être un entre deux quelque part, un juste milieu à trouver, un no man's land, mais je ne le trouve pas, et ne vois pas vraiment d'autre solution à tout cela. C'est un peu comme si j'étais face à un quitte ou double, et que je ne pouvais que doubler pour l'instant.

« Ok. » Je souris en hochant la tête et Calvin semble se surprendre de ma réponse.

« C'est vrai ? Tu veux bien ? » Demande-t-il. « Oh c'est super ! Ça fait tellement longtemps que j'avais pas traîné avec toi comme ça... j'ai hâte ! » Il rit gentiment et je souffle du nez, d'un air amusé.

Ça me rassure un peu, je crois, que Calvin soit une sûreté avec cette soirée. Je ne pense pas que je sois terrifié de retrouver les autres, mais il est vrai pourtant qu'un sentiment de peur coule quelque part dans le fond de mes veines. L'idée, alors, que mon ami d'enfance, un pote qui me connait plus personnellement que les autres, soit là aussi, ça sonne vraiment rassurant à mes oreilles. Comme si il était une issue de secoure ou un semblant de sécurité dans la situation. Je n'ai pas vu tous mes amis depuis longtemps et je ne sais pas vraiment ce qu'il va se passer. Il est préférable que j'ai à mes côté quelqu'un de rassurant et avec qui je n'ai pas l'impression d'avoir d'obligation comportemental.

« Bon, du coup je vais partir un peu plus tôt. Comme ça je peux te ramener en voiture. Y a un Tesco plus haut dans la rue, on peut aller là bas avant de rentrer chez moi. » Il semble soudain bien surexcité et je le reconnais bien là.

Dans la vie il n'y pas beaucoup de chose qui motive Calvin, mais parmi ces choses il y a les potes, la bière et les soirées. C'est probablement pour ça qu'il a tout donné pour ouvrir une brasserie comme celle-ci. Je l'aurai difficilement vu dans un autre genre de métier ou d'occupation. Il a trouvé l'endroit exact pour lui, et en tant que son ami c'est toujours agréable de le savoir.

« Ça me va. Je suis venu à vélo par contre ? »

« Oh t'en fais pas j'ai toujours mon porte vélo. » Il me fait un clin d'œil complice et tape sur le comptoir en se penchant vers son associé. « Je vais y aller un peu plus tôt, ça te va ? » L'homme à côté fronce les sourcils en l'écoutant, pour essayer de mieux comprendre, et il hoche la tête solennellement. « Parfait ! Tu viens ? » Me demande-t-il ensuite en longeant le comptoir pour récupérer son sac et me rejoindre de l'autre côté.

Sur un hochement de tête, je lui emboîte la pas vers la sortie. Calvin fouille dans son sac rapidement, pour sortir les clés de sa voiture et les secouer comiquement devant son nez, vers moi. Je pouffe gentiment en récupérant mon vélo et grimpe dessus, plus pour la forme, pour le suivre jusqu'à sa voiture garé un peu plus loin, le long d'une rue adjacente.

« Alors, est-ce que ça t'as manqué, quand même, l'Angleterre ? Londres ? » Je pousse gentiment mon vélo pour être à son rythme, et tourne mon regard vers lui rapidement.

« Honnêtement ? » Je gratte paresseusement mon cou, dubitativement. « Je ne sais pas. Je pense ? Je veux dire j'ai toujours vécu ici alors ça m'a forcément un peu manqué. » Je hausse les épaules et fais une moue.

« Ouais... je suppose.. » Il racle sa gorge. « Je suppose que si tu pensais pas revenir... c'est que t'en avais pas envie. » La façon dont il le dit sonne comme une question, mais de la même façon comme une simple remarque.

« Hum... o-.. Ouais. » C'est assez dur de le dire, en fait.

Ces derniers mois j'étais vraiment focalisé sur ma vie, sur comment j'allais bien, comment je voulais vivre ainsi encore, j'étais focalisé sur moi même et j'avais oublié que j'allais devoir, à un moment, l'annoncer à ceux qui me sont encore proche. Je l'ai déjà dis, je savais que je reviendrai en Angleterre pour régler des choses avant de partir en France pour de bon, mais j'avais oublié ce que c'était que ces choses à régler. Je ne pouvais pas m'en aller sans régler de compte, et il était stupide de ma part de l'avoir cru, stupide aussi de penser que ça ne m'aurait pas affecter de le faire. Là, à côté du garçon avec qui j'ai grandi, que je connais depuis aussi longtemps que je sais ce que c'est que d'être ami, je me rends compte que ce n'est pas si facile de le dire. De regarder une personne qu'on aime et de lui dire qu'on s'en va.

Avec Liam ce n'était pas pareil, je pense que rien et sûrement pas la distance, ne pourra jamais nous séparer. Même si un jour on devait arrêter de se parler je sais simplement qu'on retournerai toujours l'un vers l'autre. Après tout il est encore mon premier reflex, celui vers qui je me tourne quand j'ai besoin de parler de quelque chose. Avec Calvin c'est différent. Comme si j'avais peur que partir signifie la fin de notre amitié. J'avais oublié que quitter des gens fait toujours mal.

Je soupire. De toute façon, pour l'instant, il n'est nul part question de partir. Pour le moment je suis là et c'est tout, alors ça ne serre à rien de penser à toutes ces choses.

« T'étais donc... vraiment bien avec ce gars. » Il se tourne vers moi rapidement et je pince mes lèvres en demi sourire, un peu forcé. Moi qui voulait ne pas y penser aujourd'hui... voilà que Calvin lui même ouvre cette porte, et que je m'engouffre droit dans un monde parallèle remplie de la sensation des mains de Harry sur ma peau.

« Ouais... » Je prends un profonde inspiration et lève le visage vers le ciel clair.

Je me demande ce qu'il fait aujourd'hui ? Maintenant ? Pense-t-il à moi ? Autant que je pense à lui ? J'ai cherché son nom sur internet hier soir, pour voir, mais il n'est pas une célébrité traqué à ce point, et la dernière photo en date que l'on a de lui date de la dernière fois qu'il était à Londres, avec moi, dans la brasserie de Cal. J'ai aussi regardé son Instagram, juste pour voir, mais je savais déjà qu'il n'était pas très actif, et que ce n'est toujours qu'en rapport avec le vin. Son dernier poste date de la fête d'anniversaire du domaine. En bref, je n'ai jamais aucun moyen de savoir ce qu'il fait, même si je regarde la story de Lucas ou celle de Madeleine.

À cette heure là il est sûrement chez lui après une journée de travail. Ou alors il croule sous les papier dans le bureau du domaine, penché en avant, les manche remontées alors qu'il se masse les tempes. J'aimerai pouvoir être là pour lui à son retour. Les vendanges vont commencer et il doit être stressé, j'aimerai pouvoir lui préparer du thé, et gentiment passer mes mains sur ses épaules tendu. J'ai mal au cœur d'être si loin, incapable d'agir.

« Il... il te manque hein ? » Je sursaute, n'aillant pas réalisé m'être perdu dans mes pensées, ou que mon manque se voyait si bien sous mon visage, sous forme d'un rictus tendre et triste à la fois.

Bien sûr, il est encore trop tôt pour affirmer que je vais bien, trop de chose vont encore trop de travers, mais maintenant je crois qu'une étape a été passé. Je ne pense pas qu'au bout de ces étapes je vais cesser de l'aimer, mais pour l'instant je ne pleure juste plus. Ce qui est bien. Honnêtement, j'aurais pensé pleurer beaucoup plus que cela, bien plus longtemps, mais finalement ce n'est pas plus mal. Maintenant je ne ressens qu'un étrange sentiment de vide et de peine nostalgique tendre, comme un manque cuisant contre lequel je ne peux pas me battre et qui pèse à mon cœur dans un mélange de bonheur lointain et de douleur actuel.

Pour répondre je me contente de hocher la tête, tordant mes lèvres puis haussant une épaule gentiment, alors que je cale mon VTT sur le porte vélo de la voiture.

En silence, Calvin conduit sa voiture dans la rue, pour la remonter jusqu'au petit magasin plus loin. Mes yeux rêves légèrement, observant les petits appartements au dessus des magasins, et imaginant les histoires de tous ces inconnus. Mais, maintenant que Calvin a ouvert cette porte par erreur plus tôt, il y a une histoire en particulier qui ne cesse de se représenter sous mes yeux, une histoire que je connais mais que, tout autant, je ne connais pas tant que ça.

Où est-ce que Harry a vécu ? Il a déjà parlé d'avoir été dans une école ici, en internat, jusqu'à ses dix huit ans avant de partir en France, et il avait dit qu'il avait eu une maison ici, qui avait été vendu peu après la naissance de Wilhelmina. Je me demande, alors, où. Et quel genre de maison. Je pense que j'aimerai voir à quoi a ressemblait son enfance. Est-ce qu'il a toujours été si riche, vient-il d'un quartier modeste ? Avait-il une maison bourgeoise dans le centre ? Ou un grand loft quelque part ?

Finalement, Harry et moi, on n'a jamais vraiment parlé de ça ensemble. On a partagé nos expériences traumatisantes, mais finalement il ne connaît même pas le nom de mes parents, simplement. Je n'ai eu que de petites fenêtres ouvertes sur son passé, des photos sur les murs de la maison de ses parents, et des bribes de souvenirs rapporté. Je pense que j'aimerai en savoir plus, voir les endroits où il a grandi, les gens qu'il a connu, son ancienne maison, entendre les morceaux de souvenirs qu'il a attaché à Londres. On a que deux ans et quelques mois de différence, lui et moi, et on a grandi ici tous les deux, on a peut-être fréquenté les mêmes endroits bien avant de se rencontrer. L'idée me fait un peu sourire et rire. On était probablement pas aux même écoles, mais ça n'empêche pas à ma tête de nous imaginer en train de se croiser dans une rue, sans savoir qu'un jour on partagerai une telle histoire.

L'idée même d'un Harry plus jeune m'amuse. Il est si mature que c'est comme si il avait toujours été comme ça pour moi, alors je me demande ce que c'était quand il était plus petit ? A-t-il un jour était aussi insouciant qu'un enfant de son âge ? Où a-t-il toujours été ainsi, comme je l'imagine ? Je me demande si il était le genre de garçon avec qui je me serai entendu au collège ou au lycée ? Je souris tout seul dans ces rêveries, peut-être qu'on s'est déjà vu une fois, il y a très longtemps, et que je ne m'en souviens plus.

« Louis, j'y vais seul ? Tu m'attends ici ? » Je sursaute pour me tourner vers Calvin, assis à côté de moi, qui me ramène au monde réel.

« Euh, oui, oui vas-y. » Je hoche la tête pour appuyer mes mots et, aussi vite, il s'en va.

Il s'est garé dans une rue adjacente bordé d'habitation, un peu loin du magasin. Assis en silence, je regarde les maisons qui se ressemblent toutes. Quoi qu'il en soit, si je ne sais pas où vivait exactement Harry à Londres, il y a de grandes chances que je sache à peu près à quoi ressemble la maison qu'il connaissait ici. L'architecture Londonienne a cette particularité que presque toutes les maisons soit des répliques quasiment identique les unes et autres. Ça fait un peu bizarre, lui qui a maintenant une grande villa dans le sud de la France, en pierre, avec un olivier planté devant, d'imaginer qu'un jour il ait put connaître une maison comme celles qui sont sur le bord de cette route.

Moi, mes parents ont toujours fait partit de la haute société, alors leur maison est beaucoup plus dans la périphérie, et un peu plus unique en son genre. C'est la seule que j'ai connu, la seule dans laquelle mes parents ont vécu. Connaissant ma mère elle n'aurait jamais accepté de continuer à vivre une vie médiocre sans argent, dans une maison qui ressemble à toutes les autres. Tant mieux pour elle si elle a réussi à trouver une personne avec qui elle peut avoir la vie qu'elle rêvait d'avoir.

On n'a malheureusement pas tous eu ce luxe. La vie de mes rêves, moi, elle n'est belle et bien qu'un rêve.

*

Le marché de Borough n'est pas très loin de chez moi, à dire vrai il ne faut probablement pas bien plus qu'une dizaine de minutes de marche à pieds pour le rejoindre depuis mon appartement, et pour donc rejoindre, aussi, l'appartement de Calvin. Celui-ci se trouve dans la rue juste en face d'une des entrées du marché, si bien que l'on peut voir un morceau de l'enseigne depuis ici, en bas des fenêtres de l'appartement, au dessus d'un magasin de thé. Cal aurait sûrement put viser plus grand, surtout depuis que son affaire a commencé à bien rouler, mais je pense qu'il a trouvé ici, dans cette toute petite rue, sous les railles du métro en plein air, un certain confort qui lui va bien.

C'est au bout de cette même rue, à l'angle, en face même de l'entrée du grand hall de verre, qu'un grand restaurant/bar à vin est établi. J'ai entendu dire que leur nourriture était bonne, ce qui n'est pas trop surprenant quand on voit le lieu. La structure est belle, bien entretenu, bordée de fleurs et arborant de belles couleurs en accord avec celles des commerces du reste de la rue. 'Grands Vins' flatte sa façade, si bien que je ne pense même pas me tromper si je dis que le vin du Domaine Styles doit ici se vendre et se déguster autour de nourriture gourmande. Peut-être pas leurs plus grandes bouteilles, mais facilement certaines d'entre elles.

C'est peut-être à cause de Calvin et de sa question porte ouverte de tout à l'heure, mais j'ai l'impression d'être poursuivi par Harry, comme un fantôme. Tout autour de moi, de près ou de loin, me fait penser à lui, même dans une ville où je ne partage que des brefs souvenirs avec lui c'est comme si il était à chaque coin de rue, de partout. J'ai beau courir, fuir, me taire quand je pense à lui, il revient sur le tapis peu après. Une maison, une rue, une bouteille de vin ou une pensée à la vie de ma mère et je replonge droit dans les sentiments épris de mon cœur amoureux. Ça commence à devenir usant, pas de penser à lui, mais de souffrir perpétuellement sans avoir la possibilité d'avoir un seul instant de répit. Même quand je dors je vois son visage et sens ses mains.

« Alors ? La France ? »

Je tire une taffe sur ma cigarette, sentant la fumer toxique couler profondément en moi, s'enfoncer dans mon estomac et brûler mes muqueuses internes. Je lève ensuite les yeux vers Georges, détournant mon regard du bout de la rue, que je fixe sans raison comme si Harry allait sortir de nul part. Mon ami est adossé au mur, sur le trottoir, et me fixe de son regard qui semble toujours rieur, comme si la vie n'était rien de plus qu'une vaste blague.

Je sais qu'il ne pose cette question que pour la forme, qu'il ne me demande pas vraiment ce que j'ai fais, ou ce que j'ai vécu et vu, que c'est plus comme un 'ça va ?' à demi-sérieux auquel personne ne s'attend à te voir répondre autre chose que 'oui, et toi ?'.

« Bah écoute c'était bien. Il a fait super chaud, j'ai vu la mer, j'ai un peu trop côtoyer de vin mais c'était sympa. » Je hausse une épaule et tire une nouvelle taffe, jouant avec mon pied sur le bord du trottoir devant moi.

« Et.. les filles ? Elles sont aussi belles qu'elles en ont la réputation ? » Il s'adosse un peu plus contre le mur en soufflant sa fumée et je hausse mes épaules en en faisant de même.

« Du peu que j'ai vu ? Ouais. » Je lève mon visage un peu plus, sourire aux lèvres en le regardant et il agite ses sourcils. J'avais oublié combien c'est simple de jouer à ce petit jeu, celui du mec hétéro qui ne pense pas plus que ça aux choses qu'il vit et qui jamais ne parle vraiment de sentiment.

« Oh, dis donc tu t'en es tapé combien sale chien ? » Ricane-t-il en tendant son propre pied vers moi pour shooter dans le mien, pour m'embêter. Je ris et secoue la tête, pour le faire taire et ne pas avoir à mentir pour ça, puis il surenchérit. « Ooh, aller fait pas ta sainte-nitouche ! Elles étaient bonnes au moins ? »

« T'es con. » Je souffle, sur un ton qui se veut amusé.

J'avais oublié aussi que c'était désagréable, comme petit jeu. J'ai mal au cœur aussi. Mais il est fort possible que tout l'était beaucoup moins avant, et que ce soit simplement devenu trop dur pour moi de tenir le coup. Je ne pense pas qu'il pense vraiment à mal quand il parle ainsi, mais je suis devenu trop sincère envers moi même pour ne pas avoir bien plus de mal qu'avant à jouer le jeu avec eux. Beaucoup trop d'entre eux ont cette façon de parler et de penser, machiste et vieux jeu, problématique, et j'ai juste laissé faire, par peur, par instinct de survit, pour me mêler dans un tout et espérer que personne ne verrai jamais qui je suis vraiment.

« Lui parle pas de filles ! » Georges et moi levons la tête vers Wilbur, à la fenêtre de l'appartement de Calvin, au dessus de nous. Il tient une bière à la main et en bois une gorgée en nous regardant. « Il en a laissé une en France il est inconsolable ! » Georges baisse la tête vers moi, une grimace surprise écrasé sur son visage.

« Ta gueule Will. » Je râle bruyamment, dérangé.

« Nooon ! » S'étonne Georges, un rire roulant sur la langue. « Louis, notre éternel célibataire, aurait enfin trouvé la fille ! » Poursuit-il ensuite, en relançant son pied vers le mien pour me taquiner.

« N'importe quoi. » Je secoue la tête, agacé et détourne le regard en tirant une lourde taffe sur ma cigarette. « Vous être chiants. »

« Oh, il est gêné ! » S'exclame Georges.

« Il peut ! Il s'est tapé la plus belle des amies de son pote millionnaire ! » Je me baisse brusquement pour récupérer, sur le sol, ma capsule de bière et la lancer sur mon ami à la fenêtre.

« Ferme ta gueule Wilbur ! » Je lui cris en même temps, juste pour le voir éviter le petit objet en riant comme un idiot, prenant tout ça sur le ton de l'humour et de la blague, comme toujours.

Je n'ai jamais eu autant envie de crier et de m'énerver. Comment j'ai fais pour tenir avec eux si longtemps, alors que je ne peux maintenant tenir une rigolade aussi stupide que quelques minutes ? Mon ancien moi devait aimer souffrir, ou alors il était beaucoup trop passif pour pouvoir ressentir quoi que ce soit. Peut-être s'était-il même convaincu que tout était normal ? Qu'il pouvait vivre avec pour toujours et qu'il le devait peut-être même simplement ? J'ai mal à la gorge d'y penser. Comment ai-je fais pour ne jamais réalisé combien ça faisait mal de se cacher et combien vivre ainsi ne garantissait pas mon épanouissement, et encore moins sur le long terme.

« Hé détends toi, c'est juste une blague ! » Coupe Georges, probablement parce qu'il sent ma colère mieux que Wilbur. Il aplatit une main dans le vide en finissant sa cigarette, puis l'écrase contre le mur et jette le mégot par terre.

Je grince des dents.

« Mec ça pollue. » Je râle.

« Hé mais calme toi, dis donc t'as tes règles ou quoi ? » Il tousse un rire et la fenêtre de l'appartement, au dessus de nous, se referme, replongeant la rue dans le semi-silence d'une soirée londonienne, maintenant qu'on ne peut plus entendre la petite fête, où toute ma bande d'amis s'est ramené avec plus d'alcool que de bouche pour le boire.

« Mais c'est la moindre des choses, tu le jettes à la poubelle au moins ça coûte rien. » Il hausse les épaules mais n'insiste pas, sentant peut-être que je suis trop en colère, et récupère le mégot.

« Putain mon pote ça t'as pas réussi ces vacances, t'as grave les nerfs. » Remarque-t-il en haussant un sourcils. Un rire jaune et brute s'arrache à ma trachée.

« Ouais, aller, t'sais quoi, file moi une autre clope, je vais rester ici pour me calmer. »

« T'as bien raison. » Raille-t-il, haussant ses sourcils d'un air dépassé et jugeur, avant de me tendre une nouvelle cigarette et son briquet puis de repartir à l'intérieur.

La porte ne se ferme pas derrière lui, elle reste ouverte, retenu par une cale pour ne pas qu'on ai besoin de sonner pour entrée tant qu'on est dehors. Je regarde le petit couloir en face de moi, plongé dans une semi-obscurité nocturne inquiétant, et serre mes lèvres en me penchant pour placer mon mégot dans ma bouteille de bière vide. Aussi vite que je suis redressé, je coince le nouveau bâton blanc à mes lèvres pour l'allumer et inspirer longuement, espérant que je trouverai, dans cette toxine, un peu de calme.

« Je croyais que t'avais arrêté de fumer. »

Je suis tellement surpris que je m'étouffe sur ma bouffé de fumée et frappe sur mon sternum en toussant, pour essayer de rester en vie. Des larmes montent à mes yeux et je me tourne rapidement vers la provenance de cette voix que je connais bien, et que je ne m'attendais pas à réentendre de si tôt. Zayn se tient là, juste sous le petit pont, venant de je ne sais où et tenant dans ses mains une bouteille de soda quelconque. Je ne pensais pas le voir ici ce soir, mais on dirait que c'est ce qu'il fait de mieux, de venir au soirée où je me rends aussi et où je ne pensais pas le trouver. J'avais oublié combien il était silencieux comme un chat. Il a toujours été comme ça. La grâce de ses mouvements, la douceur de son aura, ce sont des choses qui le rende particulier et discret, tout en étant en même temps quelqu'un qui ne peut que vous marquer par sa beauté fine et androgyne et son intellect brillant.

« Euh.. » Je lance un regard à ma nouvelle cigarette, allumée entre mes doigts, les cendres rouges vif brillant dans la nuit. « Ouais... y a un an. » Je me rappelle, ramenant le cul de la cigarette à mes lèvres pour tirer une nouvelle taffe, un peu plus certaine et moins douloureuse que la précédente.

« Alors... qu'est ce que tu fais ? » Demande-t-il en approchant, se plantant devant moi avec un sourire sur ses lèvres fines et gracieuses, posant sa bouteille sur le sol comme pour se préparer à discuter. Je peux jurer voir ses yeux briller... ou alors n'est ce que le reflet de ma cigarette dans son iris assombris par la nuit ?

« Je craque, qu'est ce que j'ai l'air de faire ? Et toi, tu fais quoi ici ? » Je hausse un sourcil dans sa direction et il pousse un petit soupir.

« Je voulais te voir moi aussi, comme les autres. » Cette fois, c'est un froncement qui plie mon visage, alors que je l'observe avec incompréhension. Ça le fait rire. « Ne me regarde pas comme ça. » Souffle-t-il. « J'ai sut que tu étais revenu d'une escapade à l'étranger, pour Liam... je voulais.. juste savoir comment tu allais. » Un sentiment comprime ma poitrine et coupe mon souffle une seconde, la sincérité dans sa voix sonne beaucoup trop vrai et je crois que ça me fait peur.

« Ça va. » Bien sûr, c'est un mensonge, et j'en suis très conscient. Ça ne va pas, comment quoi que ce soit pourrait aller ? Je n'ai plus un sous, ma vie s'est effondré une deuxième fois sous mes pieds, mon meilleur ami est à moitié mort et l'homme que j'aime n'est plus avec moi, rien ne va. Au milieu de tout ça, je ne sais même pas comment j'ai fais pour ne pas sauter sous un train.

« Calvin m'a dit... que ça n'allait pas fort. » Dit-il, un petit rire dans sa gorge.

C'est un rire est mélodieux, le genre qui vous gratte gentiment le tympan mais sans être irritable, le genre qui vous donne envie de sourire. Pour être honnête, je crois que la voix de Zayn est une des voix les plus mélodieuses qui soit de façon générale, pas juste quand il rit. C'est une voix suave, juste assez grave et juste assez lente, marqué par un accent charmant. C'est peut-être ça mon vrai point faible chez les hommes, quand il parle lentement, posément, et que leur voix est aussi confortable que du chocolat.

« Je le retiens, ce Cal. » Je secoue la tête avec ennuie, permettant, par le mouvement, de revenir un peu sur terre et d'être moins perdu dans les restes de la voix de Harry en train de murmurer mon prénom et de dire qu'il m'aime. Je détourne mon regard, par peur, peut-être, d'être trop transparent, et occupe mes doigts en tapotant ma cigarette pour faire tomber ses cendres.

« Ne lui en veux pas trop, tu sais bien que c'est un peu sa façon de dire qu'il est inquiet pour toi. » Il hausse ses épaules et je soupire. Bien sûr que je le sais, il ne dit jamais rien, il ne sait jamais comment agir et parler de sentiment, alors si il est inquiet il passe toujours pas quelqu'un d'autre et si ce n'est pas Liam... apparemment c'est Zayn. « Est-ce que tu veux en parler ? »

« Avec toi ? » Je questionne, surpris, en lui jetant un regard étrange.

« Pourquoi pas ? Puisque je suis là. » Il hausse de nouveau ses épaules. « Tu sais je... je me fais du soucis pour toi, ton meilleur ami est à l'hôpital et... c'est pas la bande de trou du cul là haut qui te demandera avec sincérité si tu vas bien. » Ma gorge se serre un peu plus. C'est ça, le sentiment qui appuie sur mes côtes, il vient du fait que ce soit la première fois depuis que je suis de retour qu'on me demande vraiment, si je vais bien, et ça me fait peur. J'ai peur que, si j'en parle un peu trop, je m'effondre à nouveau et pour de bon.

« Je... » Je retiens mon souffle une seconde et regarde ma main et la cigarette coincée entre mes doigts.

Ce n'est même pas moi, ça, la cigarette. Je fumais le tabac régulièrement avant, parce que ça semblait logique, parce que le temps d'une cigarette tout était plus simple. Jouer au dur, se fondre dans la masse, faire part d'un tout. Ça faisait du bien, je pense, aussi, ça permettait d'oublier mes problèmes un instant, ou de me créer un point commun plus réel avec mes amis, peut-être. Je ne sais pas vraiment, je sais simplement qu'un jour j'ai arrêté. J'ai mis du temps, et je crois que c'est Zayn qui m'y a motivé, mais j'étais complètement clean depuis. Ça ne m'étonne pas que ce soit ce soir que j'ai choisi pour retomber droit dans une habitude aussi mauvaise. L'enchaînement de problèmes auquel j'ai fais face doublé par le fait de traîner de nouveau avec mes amis, ça n'a sûrement pas aider, ce n'est donc pas une surprise que j'ai craqué si vite et que je n'ai pas hésité quand Georges m'a demandé si je voulais venir fumer avec lui.

« Je pensais que tu me détestais. » Je répond finalement, bêtement, alors que je me baisse vers ma bière pour laisser ma cigarette tomber dedans et s'éteindre dans le fond de liquide restant. Zayn rigole gentiment et appuie son corps contre la façade bleu du magasin de thé.

« Honnêtement ? Ça a été le cas... assez longtemps même. » Il baisse la tête mais son regard est amusé et son sourire presque trop grand pour ses lèvres traduit une certaine tendresse face à ses souvenirs de nous. « J'étais... vraiment super en colère contre toi au début, mais ça a changé après. » Ajoute-t-il.

« Ah ? »

« Ouais... Notre rupture a été vraiment dur à encaisser en vrai. Pour moi... on aller finir notre vie ensemble, et même quand plus rien n'aller entre nous je crois que je m'étais simplement convaincu que c'était pas grave, que l'amour c'était ça aussi et que je devais juste m'y faire... alors.. » Il lève un drôle de regard vers moi, un peu rieur, remplie d'une réminiscence qui réchauffe un peu mon cœur. Je crois que je suis touché que notre histoire lui apporte un tel sentiment de tendresse nostalgique qu'il en fait rayonner son visage. « Ça a fait mal de me rendre compte que... pour toi non. Puis avec les mois j'ai simplement fini par réaliser que tu avais raison, et que c'était même mieux pour nous deux de tout arrêter. » Il se tourne pour s'adosser complètement au mur et porter son regard vers le bâtiment en face. « Tu t'es juste rendu compte avant moi que ça n'allait plus, finalement. Puis, quand ma colère a fini par définitivement passée, ça m'a permis d'avoir un regard bien plus large sur notre histoire et de ressentir un grand sentiment d'affection pour toi. Je me suis dis que c'était bête, un petit peu, d'agir comme si tu n'avais jamais compté pour moi et que je ne t'avais jamais aimé. Parce que je t'ai aimé, et tu as eu tellement d'importance dans ma vie, on a partagé tellement de choses, notre histoire n'avait rien de douloureux à part la fin et... et ce serai si triste de faire comme si tout ça n'avait pas été réel, tu vois ? » Il fronce ses sourcils, un peu confus par sa propre idée. « Je me suis rendu compte... que tu auras toujours de la valeur pour moi et que rien n'y changera jamais. Tu resteras une part de ma vie même alors qu'on n'est plus amoureux l'un de l'autre, et c'est comme ça... alors quand j'ai appris que ça n'allais pas fort... je me suis sentit obligé de venir te voir. »

Avec un air de boucle bouclé, il finit son discours et laisse un simple souffle satisfait s'échapper de lui, me permettant de sourire, touché au fond de mon âme par la profondeur de cette douceur et surpris par le fait que j'avais terriblement besoin d'entendre ça de sa part, surtout à un moment où je me sens aussi misérable et rejeté. Je suis heureux, aussi, d'enfin avoir son côté des choses. Du jour où j'ai rompu avec lui je n'ai jamais pu savoir ce qu'il se passait dans sa tête et je n'ai fait que présumer qu'il me haïrait pour toujours. Alors je suis heureux, de voir qu'on ressent la même chose à propos de ce qu'on a vécu, qu'on partage cette même bienveillance l'un envers l'autre. Je suis content de savoir que je peux ranger tout ça dans mon passé sans avoir à soulever de nouvelles questions à propos de ça.

« Tu sais quoi ? Ça fait beaucoup de bien de t'entendre dire ça. » Je confis alors, un sourire tendre aux lèvres. « Rompre avec toi n'a vraiment pas été facile. Moi aussi je pensais qu'on finirai ensemble pour toujours... C'est possible que je t'ai blâmé pour tout ça, je culpabilisais beaucoup et pour me dédouaner je crois que je me suis convaincue que c'était de ta faute et j'ai vécu dans cette étrange rancœur envers nous deux pendant des mois. » Je ris gentiment dans les souvenirs de toutes les fois où je grinçais des dents à l'entente de son nom, maudissant son âme mais ne maudissant vraiment que la mienne par ce biais. « Puis en fait... je me suis rendu compte de la même chose... Je t'ai revu, en mai, avec Gigi et... j'ai réalisé que ça ne faisait plus mal, plus du tout, que j'étais même heureux pour toi, que ça faisait du bien de savoir que tu allais bien, que je voulais que tu vives ce bonheur. » Je soupire lentement en le revoyant sur le canapé en tenant contre lui cette jeune femme, que je ne connais que de nom, et avec qui il a l'air si bien, si heureux et tant lui même, en ressentant à nouveau tout le bien que ça m'a fait de le voir ainsi. « Ça m'a fait tellement de bien que ça m'a donné la force qui me manquait pour décider... de faire un coming-out à ma famille. » Amusé, je tourne un sourire dans sa direction.

« Attends. » Il se tourne vers moi, surpris, et tend sa paume vers moi. « Tu as fais un coming-out à tes parents ? »

« Oui ! »

« Mais ! » Il me regarde avec des yeux tout rond. « Mais t'es dingue ! »

« Je sais ! »

On se regarde comme deux idiots puis on éclate de rire tout les deux, conscient de combien c'était la chose la plus audacieuse et folle que je pouvais faire. Ça fait du bien de rire de ça, à dire vrai. Rire d'un traumatisme est peut-être une bonne façon de diminuer son pouvoir sur moi, ça fait toujours peur, et mal, d'y penser, mais si je peux en rire un peu, avec une personne qui comprend qui plus est, alors ces sentiments semblent moins pesant sur mes épaules, moins envahissant.

« En vrai... » Il se tourne de nouveau. « C'est bien. Je savais qu'un jour tu aurais le courage de le faire... Quand on été ensemble je n'ai jamais voulu t'y forcer, mais j'espérais secrètement qu'un jour que tu le fasses, alors je suis content que ça ait fini par arriver, et content d'avoir put aider à t'y décider. » Je rigole une seconde, alors qu'il soupire avec un air nostalgique.

Je suis content que l'on parle de cela ensemble. Ça n'a pas dû être facile, pour lui qui a toujours ouvertement été pansexuel, de devoir se cacher. De venir à des soirées avec moi et d'avoir du accepter qu'il ne serait toujours présenté que comme 'mon ami', de ne jamais avoir fait de coming-out, bien alors qu'il l'aurait voulu, juste parce que je refusais que qui que ce soit puisse penser quoi que ce soit. Ça a dû être difficile pour lui d'accepter les propos de bons nombres de mes amis et de devoir les côtoyer, si bien qu'il est ami avec certain des moins pire à ce jour. Tout ça sans jamais dire le moindre mot ou même se plaindre. Ça doit être dur d'accepter, aussi, qu'à un an près je faisais un coming-out à mes parents et que je devenais enfin plus ouvert, grâce à lui, mais que je ne l'aurai, finalement, jamais fais pour lui.

« Ça a pas dû être facile. » Remarque-t-il à la place, concentrant l'attention sur ce que c'est pour moi, sur l'impact que ça a eu sur ma vie de me cacher.

Je force un sourire. Toujours, pour lui, il n'a été question que de moi. Je pense qu'il comprenait simplement le sentiment de peur que j'avais, qu'il s'est rendu compte tout seul de combien j'avais des problèmes avec ma sexualité et que c'est pour ça qu'il n'a jamais rien dit. Ça me va droit au cœur. Je ne suis pas sûr que tout le monde aurait eu le courage de faire tout ça pour quelqu'un, mais il l'a fait lui. Cependant, c'est triste, mais je crois que ce n'est pas ce dont j'avais besoin. C'était ce que je voulais, oui, bien sûr, mais j'aurais sûrement eut besoin de quelqu'un qui arrivait à trouver un équilibre entre respecter mon besoin de temps et m'encourager à sortir de ma coquille.

Je tique. C'est le genre de petit-ami que je ne suis même pas capable d'être.

« C'est pour ça que t'as quitté le pays deux mois ? » Je lève les yeux vers Zayn de nouveau, surpris. Sa question me prend un peu de court, mais en même temps ça ne devrait pas. Lui aussi est ami avec Calvin, et si il lui a parlé de mes problèmes superficiellement il l'a sûrement mis au courant d'où j'étais tout ce temps, également.

« Ouais. » Je dis simplement en haussant mes épaules. « Ça m'est un peu tombé dessus comme ça.. Un type que je connaissais pas du tout m'a dit que je pouvais venir chez lui, puisque j'avais besoin de trouver un nouveau départ. » Zayn hausse un sourcil face à la révélation, visiblement un peu perturbé.

« Quoi t'as suivit un étranger comme ça, sans hésiter. » Présenté comme ça, évidemment, c'est bizarre et dangereux, et je ne peux pas vraiment me tenir là et dire que je ne risquais rien. Harry est une bonne personne, mais ça ne change en rien le fait que je ne le connaissais que depuis deux jours.

« Je n'avais rien à perdre, je pense. » Je hausse une épaule. « Ce qui compte... c'est qu'il n'est pas resté un étranger longtemps. » Je souffle lentement, souriant pour moi même.

« Ah ? » Roucoule-t-il, déclenchant de ma part un rire gêné. « Oh, je suis content que tu aies retrouvé quelqu'un. » Ajoute-t-il ensuite, tuant mon amusement, puisque ça ne fait que me rappeler que je l'ai trouvé, et qu'il n'a été mon petit ami que douze jours. Je ris jaune. C'est : ridicule. « Oh. » Réalise Zayn.

« Ouais... » Je soupire en passant une main fatiguée sur mon visage.

« Et... et pour le nouveau départ alors ? Est-ce que ça t'as aidé, d'aller si loin ? » Demande-t-il, pour essayer de changer de sujet.

« Je suppose oui. » Mais à quel prix ? « Je ne sais pas trop si c'était de tomber amoureux... ou d'être dans un endroit où personne ne me connaissait, mais... j'ai découvert un peu qui était le vrai moi là bas. Je me suis sentit bien, dans mon corps et dans ma tête, pour peut-être la première fois de ma vie. » Je baisse les yeux vers le trottoir sous mes pieds, puis le fait courir vers le restaurant au bout de la rue, sa cuisine est fermée à cette heure si, mais sa partie bar, elle, est encore ouverte pour une durée inconnue. Des éclats de voix rieuses volent jusque ici, l'ambiance est jovial. « J'ai vraiment eu envie d'y vivre pour toujours. » Une sensation de froid glisse sur ma joue, mécaniquement je passe mes doigts dessus, essayant d'effacer une larme pour ne réaliser qu'après qu'il n'y a rien à cet endroit. Rien d'autre que le fantôme de mes sanglots et de mes larmes versé, à l'idée de quitter Harry et la France.

« Pourquoi ne pas aller y vivre alors ? » Je me tourne brusquement vers Zayn, et lui me regarde avec sérieux, se posant de toute évidence la question de façon très sincère. « Quoi ? » Demande-t-il, tournant une main dans le vide avec confusion alors que je le fixe comme si un troisième bras lui poussait au milieu du front.

« Bah... je ne suis plus avec... ce gars. Pourquoi je devrais vivre en France du coup ? » Il fronce ses sourcils en me rendant un regard tout aussi confus que le miens, si ce n'est plus.

« Tu viens pas de dire... que t'avais voulu y vivre pour toujours ? » Il croise ses bras, et sonne vraiment perdu, et moi je me retrouve tout con en face de lui, incapable de comprendre, exactement, ce qui est en train de se passer et pourquoi ça compresse à ce point mon cœur de bonheur, lui qui était supposément mort depuis longtemps. « Attends... histoire que je comprenne bien. C'est quoi qui te plaisais le plus en France ? Le nouveau départ et le pays ? Ou le type ? »

« Le... »

Je cligne des yeux, stupide et confus, suivant ses mouvements de mains dans le vide quand il désigne les deux choses, complètement perdu dans l'étrange question qu'il pose, comme si je ne me l'étais jamais posé, ce qui est le cas. Je ne me suis jamais demandé ça. J'y ai déjà pensé, j'ai déjà dis que je ne pourrais plus jamais retirer le sud de la France de mon être, que c'était le lieux de ma seconde naissance, que j'en suis tombé amoureux, de ça aussi, que pour toujours ça aura de l'importance pour moi, mais savoir ce que je préférai ?

« Les deux ? Je crois ? » Je fronce mes sourcils. Les deux, logiquement, puisque je me sens chez moi que quand je suis là bas et avec Harry. Donc, les deux, n'est ce pas ?

« Louis... Pourquoi tu ne veux pas y vivre ? Même si tu n'es plus avec ce mec... si t'as envie d'aller vivre là bas... pourquoi tu pourrais pas ? »

Mon souffle se coupe et j'ai l'impression qu'une bombe vient de faire éclater mes cotes. Il semble si sincèrement perdu, comme si tout ça était évident pour lui. Alors quoi ? Ça veut dire quoi ? Que j'étais le seul à n'avoir jamais considéré que je pouvais très bien aller vivre en France, avec ou sans Harry, le seul à avoir renié la vie que je veux juste parce que je ne peux pas avoir Harry avec ? Comme si je m'étais, une fois de plus, donné un quitte ou double que je ne pouvais, cette fois, que quitter ? J'étais le seul ? Et la réponse était donc à ce point évidente ?

Ça fait donc deux quitte ou double qui n'en sont pas vraiment. Deux dilemmes avec des entre deux que je n'ai jamais voulu voir ou que j'ai inconsciemment fait semblant de ne pas trouver. Parce que, quand Zayn dis ça, c'est comme si quelque chose venait de se libérer à l'intérieur de moi et que je comprenais enfin ce que je devais faire, ce qui était juste sous mon nez et que j'avais bêtement caché pour ne pas avoir à m'y confronter. Je suis défaitiste, n'est ce pas, et dans cette optique il semble logique que je me condamne moi même à des finalités qui ne me conviennent pas, parce qu'elles semblent simples, et parce que je suis terrifié par les sacrifices qu'apportent le juste milieu. Tant terrifié, d'ailleurs, que j'en viens à ne même pas les considérer une seule seconde. Il y a des solutions, pourtant, à ses pièges à ours que je pose par moi même dans ma vie, pour me mettre des bâtons dans les roues, et je dois apprendre à les voir, à ne pas en avoir peur. Il y a des issus donc, à ces questions sans fin que je me pose.

La France sans Harry, les amis sans les pires. Deux compromis qui brisent le cœur mais qui, aussi, promettent forcément de meilleurs choses. Si j'aime tant la France que ça, si elle est à ce point gravée en moi et que je veux à ce point y vivre, alors j'y vais, avec ou sans Harry. Nul part il n'est stipulé que je n'ai pas le droit d'avoir une vie là bas sans lui, ça fait certes mal mais en même temps non, c'est le compromis. Et puis mes amis, si les trois quart d'entre eux sont des cons qui ne m'apportent rien d'autre que des angoisses et le besoin de me cacher et de jouer à celui que je ne suis pas, alors autant les planter là, et garder ceux qui seront capable de m'aimer comme je suis. Ça fait mal, parce que j'ai vécu des choses folles avec eux, mais en même temps est-ce que ce n'est pas la meilleur solution pour me permettre de pouvoir m'épanouir sur tout les plans ? C'est le compromis.

« Zayn... t'es un putain de génie. » Je marmonne, soufflé par une force supérieur alors que l'univers entier vient soudain de se remettre en marche, entraîné par la manivelle que mon cœur a trouvé quelques part en lui, qui porte l'étiquette de l'ambition et de l'envie de vivre.

« Ah bon ? » Demande-t-il, un peu perdu, lui qui n'est pas dans ma tête et ne sait pas trop ce qu'il s'y passe.

« Ouais ! Je pourrais t'embrasser ! Mais ce serai un peu bizarre je pense. » Je pousse un petit rire et me penche pour attraper ma bouteille de bière vide par terre. « Je vais devoir rentrer chez moi, j'ai plein de chose à faire demain. » Je préviens rapidement en retournant à l'intérieur, dans le but de récupérer mon sac à l'appartement.

« Ah oui ? Quoi ? »

« Préparer la vie de mes rêves. » Je marmonne, un peu plus pour moi même que pour lui répondre.




_____

Ce chapitre est LONG (12 000 mots!!!!!). Je n'avais pas prévu qu'il le soit tant, je pense, mais nous voilà huh. J'espère qu'il vous aura plut, et que l'intervention du personnage de Zayn vous aura fait plaisir ! On a entendu parlé de lui que de loin alors c'est sympa de le faire parler ! 

Qu'avez vous pensé de Zayn, d'ailleurs? Les sœurs de Liam ? Les quelques amis de Louis?

J'essaierai d'inclure un peu plus Liam dans le prochain chapitre, après tout c'est ce pour quoi Louis est revenu en Angleterre, il mérite d'être vu plus que mentionné, mais pour l'instant il fallait surtout que Louis trouve quelque chose à quoi se raccrocher alors nous voilà!

J'ai mis beaucoup de temps à écrire ce chapitre, mais je pense être plutôt fière du résultat! Si ça vous intéresse je parle pas mal de l'avancées de mes chapitres sur twitter (@ _softlouis_), donc ça permet, dans des cas comme celui-ci, de pouvoir savoir où en est le chapitre et pourquoi il est si dur à écrire haha ! 

Voilà !!! Plein de gros bisous ! Je suis désolé ces notes de fins sont de plus en plus longues!!!!
Je vous aime fort fort fort fort fort fort fort fort fort fort fort fort fort!
Jojo xxxxx

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