Chapitre 5 : Le marin perdu en mer

C'est moche, mais je n'ai pas trop le choix. Mon bras est engourdie et il me fait mal, mais ça aussi je n'ai pas trop le choix. Je soupire. Treize points de sutures, c'est beaucoup, ça va rester là pour toujours, sur mon tatouage préféré en plus de ça. Je serre les dents en observant le reflet dans le miroir, la seule façon que j'ai de bien voir cette horrible blessure encore presque rouge vif. Je n'arrive pas à penser à autre chose que l'horrible marque que ça laissera, je n'ai maintenant plus d'autre choix que de me souvenir jusqu'à mon dernier souffle de la haine de mon père et ma mère envers moi. Je me sens vraiment comme un criminel quand j'y pense, parce que c'est comme ça qu'ils me traitent : comme si j'avais commis un crime.

Je ne sais toujours pas quoi faire. Je sais que je n'ai plus que l'embarras du choix mais je n'y suis pas habitué, on m'a toujours dis où je devais aller, on m'a toujours montré la direction à prendre, les choses à faire et je me retrouve soudain lâché dans la nature et je ne sais pas ce que je veux faire. Je crois que je ne me suis jamais posé cette question à moi même, parce que de toute façon la réponse n'avait pas la moindre importance jusqu'à maintenant, et ça fait du bien de savoir qu'elle en a maintenant, ça me fait sourire.

Que veux-tu faire Louis ?

Mon reflet me rend mon regard, aussi agars et perdu que moi. Sa stupide mèche aux couleurs des châtaignes tombe par dessus son œil droit comme si il se cachait, c'est aussi le sentiment que donne son gros pull sur ses petites épaules rondes et tombante. Que veux-tu faire ? Je hausse une épaule, de façon minime, pour me répondre à moi même. Pour l'instant je veux finir ce café. Mes yeux tombent de mon visage pour contempler ma tasse encore presque pleine, il y a un sucre dedans alors j'ai du mal à le boire, il n'est pas très bon.

Je ne bois pas de café normalement, mais j'ai l'impression d'être trop fatigué en ce moment, et puis-je dois sortir un peu de chez moi aussi. Depuis que j'ai été viré je me repose un peu trop sur mes lauriers et ce n'est pas très bon, je dois me motiver à faire des choses si je ne veux pas finir par me démoraliser. C'est pour ça, donc, que je suis dans un petit café pas trop loin de chez moi. Je ne sais pas pourquoi je me suis assis à côté du miroir par contre. Pour regarder mon bras, sûrement, puisque je n'arrive toujours pas à m'y faire.

Peut-être que je devrais arrêter de fixer cette stupide plaie, elle ne va pas s'en aller juste parce que je la fixe à n'en plus pouvoir. Je ne vais rien obtenir de tout cela si ce n'est un torticolis à force de me tordre dans tout les sens pour la regarder. Je dois arrêter d'y penser. Je dois me concentrer sur autre chose, je devrais aller marcher et abandonner ce café là. De toute façon je ne le boirai pas.

Je tire ma manche en place et enfonce ma main dans la poche de mon sweat à capuche pour y chercher mon porte feuille. Ma carte de crédit a récemment été opposé par mon père, alors je vis sur ce qu'il me reste de liquide depuis trois jours, jusqu'à ce que ma nouvelle carte, faites en urgence, ne me soit délivré d'ici quelques jours. C'est bête n'est ce pas, à mon âge, que mon père ait toujours une main mise sur ce genre de chose ? J'ai eu de la chance dans mon malheur je crois, parce que je me suis rendu assez vite compte de son petit stratagème pour me pourrir la vie et j'ai pu ouvrir un autre compte en banque sur lequel il n'a aucune main de mise pour protéger mon argent et l'empêcher de le prendre, et avoir une carte qu'il ne peut pas, à nouveau, annuler. Ça m'aurait étonné qu'il vide mes comptes, parce que je pense qu'il est tout de même conscient que ce serait du vol, puisque c'est mon argent que j'ai durement gagné, mais d'un autre côté il pourrait se sentir en droit de récupérer tous les reversements qu'il m'a fait par le passé.

Quand je trouve mon bien dans ma poche je le tire sous mes yeux et l'ouvre. À ma surprise, une petite carte en tombe à pique dès cet instant. Je fronce mes sourcils et observe le petit rectangle de papier glacé sur la table. Il y a un dessin dessus. Il me faut une petite seconde pour me souvenir de ce que c'est, et seulement alors j'attrape la carte de visite pour la regarder. J'avais oublié qu'elle existait et pour être honnête je ne me souviens même pas l'avoir rangé là.

Je scrute le papier, les adresses dessus. Que m'a-t-il dit ? Que c'était si je voulais améliorer mes goûts en vin ? Il ne m'a même pas donné son numéro personnel, il veut juste que j'achète son vin. Ce serai bête qu'une bouteille de si bonne qualité finisse chez quelqu'un comme moi, qui ne serai pas capable de dire la différence entre le vin blanc et le vin rouge si ce n'est pour l'évidence qu'ils n'ont pas la même couleur. C'est sûr que je ne vais pas rendre visite à sa stupide cave à vin juste pour goûter un tas de bouteille d'un alcool que je n'aime même pas. Et je ne vais pas me forcer pour lui, surtout parce que c'est un fils à papa qui ne connaît rien du vrai monde.

« Hé bien, vous étiez en train de penser à m'appeler ? » Une présence s'impose à côté de moi, ou alors je ne réalise que maintenant qu'elle se trouve là. Je ne sursaute pas et pourtant la voix que je reconnais tout de suite fait courir des frissons d'angoisse sur mon dos et de l'embarras dans mes veines. Je ne voudrai pas qu'il pense que je l'apprécie d'une quelconque façon.

Je lève les yeux vers lui.

« Ne vous méprenez pas, j'allais partir quand votre carte est tombé de mon porte-feuille, j'essayais juste de me souvenir de quelle odieuse personne venait ce morceau papier. » Je hausse une épaule et repose la carte dans l'étui pour ouvrir une fermeture éclair et chercher mon dû dans son fond.

Mon cher camarade s'amuse de ma réponse. Pense-t-il que je ne suis pas sérieux ? De toute évidence oui, parce qu'il décide de s'asseoir en face de moi, avec toujours ce même sourire sur son visage, ce stupide sourire presque narquois et moqueur. On dirait que c'est juste ce à quoi son sourire ressemble, peut-être alors qu'il ne s'agit que du fait qu'ils soit prétentieux et narcissique qui ressort dans ses faits et gestes.

« Bien sûr asseyez vous pas de soucis. » Je raille en roulant de mes yeux. C'est dur d'y croire mais je dois bien me rendre à l'évidence que c'est possible pour une seule personne de penser à ce point que tout lui est dû et autorisé.

« Ah désolé, j'aurais dû demander avant ! » Se reprend-il soudain, sans que je m'y attende. Monsieur aurait donc une conscience sous toutes ces apparences ? « J'ai cru être le bienvenu. »

« Oh vous l'êtes. Mais pas à cette table. » Je sors les pièces de mon porte monnaie et elle roule lentement sur la table. Il en manque un peu pour compléter le total, alors aussi vite mes doigts replongent dans le porte-monnaie à la recherche des dernières pièces. Une sueur froide cours sur ma nuque quand je suis la ligne de la couture. Je n'ai pas assez d'argent. J'ai beaucoup dépensé pour faire quelque course la veille, je pensais qu'il me restait juste assez pour ce café mais de toute évidence non. C'est presque comique, je n'ai pas assez d'argent pour un café qui était en soit déjà de l'argent gaspillé. Le karma a vraiment une dent contre moi.

« Oh dommage... j'aurais volontiers payé ce café... étant donné que vous ne pouvez pas. » Mon regard est vif quand il se dirige vers le sien en travers de la table. Je sens mes joues brûler dans ma colère et il sourit un peu plus, comme si ça l'amusait de m'énerver. C'est tout ce qu'il semble savoir faire, m'énerver.

« Je peux le payer. » Je plisse mes yeux et le regarde rigoler. Son regard est sceptique et moqueur, avec son sourcil gauche bien haussé sur son front, du côté opposé à sa fossette, le rendant un peu plus asymétrique. Il sait aussi bien que moi que je ne peux pas et malgré ça je m'enfonce tout seul dans ma bêtise et soutien l'inverse.

« Oh oui ? » Demande-t-il en attrapant avec nonchalance le menu sur le bord de la table pour regarder les boissons et autres préparations de la maison.

Mes doigts s'agitent encore dans mon porte-monnaie mais c'est simplement pour la forme, je sais qu'il n'y a rien d'autre au fond, même dans le troue du double fond. J'ai l'impression que ma vie passe à toute allure devant mes yeux, comme si chaque chose, chaque décision, me menaient précisément à ce moment, à cette honte, à cet embarra en face de la dernière personne devant qui je veux perdre la face, monsieur Harry parfait Styles, gosse de riche et petit pisseux qui se croit maître du monde. Je rage dans ma barbe.

« Monsieur, je peux prendre votre commande ? » Je tourne un regard prit de court vers la serveuse, elle est jolie et souriante, elle à l'air de trouver Styles à son goût. Je n'ai cependant pas le temps de me rendre compte de quoi que ce soit d'autre, parce que je vais devoir lui dire que je n'ai pas de quoi payer mon café et que j'ai incroyablement honte.

« J'aimerai un thé vert s'il vous plaît, avec des scones. Tu aimes les scones ? » Les yeux vert migrent de la jeune fille à moi, s'enfonce dans les miens, et je sens mon souffle se couper, surpris par la question. Je serre mes lèvres et détourne mon regard en hochant la tête, silencieux, heurté au fond de ma poitrine, piqué à vif dans mon égo, pour une raison ou une autre. Je me sens ridicule « Très bien, des scones, par ailleurs je crois que son café ne lui convient pas mais qu'il est trop timide pour le dire. » Mes joue brûlent un peu plus et mon visage s'enfonce de lui même dans le col de mon sweat noir, comme pour me cacher. Je n'ai jamais dans ma vie haï quelqu'un aussi fort.

« Je l'avais demandé sans sucre. » Je marmonne à voix basse. Harry pousse un petit rire.

« Oh ! Je suis désolé ! » S'exclame la serveuse en attrapant la petite tasse. « Je vous en fait un autre tout de suite ! » Elle s'excuse encore une fois en repartant et ma main immobile dans mon porte monnaie devient molle alors que mes yeux fixe toujours le bord de la table laquée et le sol sur lequel se tenait la jeune fille juste plus tôt.

« Range ton argent, je t'invite. » Manquait plus que ça. Mes joues brûlent encore plus, de colère, de ridicule, de honte, de tout. Je me sens bête. Très bête. Je n'ai même pas envie de lever les yeux et de le regarder, je me sens déjà assez mal pour ne pas que son stupide sourire aggrave les choses. Je souhaiterai si fort que fixer le sol de la sorte me permette de m'évaporer de l'existence.

Ma main glisse sur la table lentement pour récupérer mes pièces et les remettre à leur place, serrant mes lèvres dans une petit moue cachée dans mon col.

« Ce n'est pas grave tu sais ? Tu as surtout eu de la chance que je sois là, comment tu aurais fais sinon. » Rit-il en croisant ses bras devant lui sur le bois. Je rassemble mes forces et mon courage pour réussir à lever les yeux vers lui et, à ma surprise, ses yeux semblent bienveillants, et gentils. Je décèle bien une lueur de moquerie dansant tout au fond de ses prunelles, mais il ne laisse pas ça être le centre de cette interaction.

Je baisse les yeux de nouveau.

« Merci. » Marmonné-je en tortillant le bout des manches de mon sweat, trop longues pour mes bras.

« Au plaisir. » Rit-il. « D'ailleurs.. je crois qu'on a pas été présenté. » Ajoute-t-il presque aussi vite.

J'essaie de trouver la blague dans son regard quand j'y confronte le mien. Pense-t-il sincèrement que je ne sais pas qui il est ? Il n'a pas tord de le penser parce si Liam n'avait pas été là je n'aurai jamais sût qui il était. Je doute même que beaucoup de monde sache vraiment qui il est. Il est connu, certes, mais je ne pense pas que ce soit à un stade où les gens le reconnaisse simplement dans la rue. D'une certaine façon ça me montre peut-être qu'il n'a pas tant la grosse tête que cela, s'il ne présume pas que je le connaisse.

« Je suis Harry. » Sourit-il.

« Louis. »

La serveuse revient aussi vite, déposant un nouveau café devant moi, le thé de Harry ainsi que deux scones sur une assiette. Elle nous souhaite une bonne appétit et s'en va presque aussi rapidement.

Je ne comprend pas cette situation. Il a prit pitié de mon manque d'argent et s'est sentit obligé de m'offrir mon café, c'est une situation très simple, et pourtant je ne comprend pas. On ne se connaît pas et il n'a aucune raison de faire une chose pareil, nous ne somme pas ami, et en plus je lui ai mal parlé. Est-il vraiment gentil ou est-ce une apparence qu'il se donne parce qu'il est vraiment un fils de riche vaniteux ? Je ne suis pas capable de répondre.

J'observe ses manières, l'élégance avec laquelle il attrape la cuillère dans sa tasse de verre pour lentement la tourner dans son thé. Il a des cils épais et noir, mais je ne crois pas me tromper si je dis qu'ils ont cette allure parce qu'ils sont un peu maquillé. Après tout il avait du démaquillant dans son panier l'autre jour, il est probable que ce soit à lui. Ses lèvres aussi, par ailleurs, ont l'air un peu maquillé. Son teint l'est probablement aussi, bien qu'il semble déjà avoir une peau lisse et belle.

« Ton café est meilleur ? » Ses yeux délaissent sa tasse pour venir vers les miens et je recule légèrement dans ma surprise avant de baisser mon regard vers ma boisson pour l'attraper et la porter à mes lèvres, offrant à Harry une simple onomatopée d'approbation pour réponse. « Et le vin alors ? La bouteille que je t'ai conseillé ? »

Je repose ma tasse en douceur sur sa petite assiette en porcelaine blanche et serre ma main sur ma cuisse en faisant une petite grimace, parce que je savais bizarrement que le sujet aller y venir, à ce vin.

« En fait.. » Je lève mes yeux vers lui et fronce mon nez. « Je ne bois pas de vin, j'achetais une bouteille pour l'offrir, apparemment c'était un bon vin donc... bon, je suppose que tu avais raison. »

Il fronce ses sourcils en attrapant un des gâteaux pour en prendre un morceau.

« Tu ne bois pas de vin ? Ça explique le choix immonde que tu étais en train de faire alors. » Il pousse un petit rire et attrape sa tasse, d'une façon bien curieuse, en l'attrapant par le haut, là où le thé ne peut pas brûler la paroi et ses doigts par cause à effet, comme si il avait s'agit d'un verre. C'est vraiment un curieux personnage.

« Probablement... je suis plus un buveur de bière.. je trouve ça meilleur. » Il s'étouffe à moitié sur sa gorgé et repose avec urgence sa tasse pour couvrir sa bouche et ne pas recracher le liquide et le gâteau. « Ça va ? » Je me fiche ouvertement de le voir tousser pour reprendre de l'air et il me lance un regard de travers en tenant sa poitrine de l'autre main.

« La bière meilleur que le vin ? » Répète-t-il en frappant sur son sternum, la voix enrouée dans sa toux et derrière sa paume.

« Eh beh.. oui ? » Ses mains retombent sur la table et il prend une lourde inspiration pour mettre un terme à la toux.

« Je rêve. » Il lève ses yeux vers le plafond comme si il parlait à quelqu'un au dessus, et je rigole une nouvelle fois. On dirait que moi aussi je l'énerve, ça me rassure un peu. « Il y a toute une éducation à refaire. » Soupire-t-il. « Comment préférer la bière enfin.. ? C'est un alcool amère et peu goûtu. » Je pouffe.

« C'est sûrement aussi 'goûtu' que le vin ! Et puis il y a une très grande variété de bière ! Certaines ne sont pas si amère, tu fais preuve de mauvaise foie. » Je fais les guillemet avec mes doigts autour de goûtu et hausse une épaule en m'enfonçant dans la banquette et tirant ma tasse vers moi.

« Et toi que reproche tu au vin ? C'est un très bon alcool, et il y a aussi de très grande variété ils n'ont pas tous le même goût ! » Je fronce mon nez.

« Honnêtement je demande à voir, c'est un alcool qui a la possibilité de devenir du vinaigre et je trouve que ça veut dire beaucoup. » Je hausse mes sourcils en buvant une nouvelle gorgé de mon café. Il fait tourner son doigts sur le bord de sa tasse et secoue la tête.

« J'aimerai bien savoir ce que la bière, un alcool qui non seulement pu, mais qui en plus n'a aucun honneur, a de plus que le vin, grand alcool noble de dégustation qui se marie avec toute sorte d'aliment. » Il s'enfonce dans sa propre banquette.

« Noble. » Je me moque de son ton. « La bière c'est convivial et ça rapproche, et si tu trouve que la bière ça pu c'est que tu n'as jamais vraiment sentit du vin avant. » Il plisse ses yeux vers moi tout en souriant comme un idiot, amusé de toute évidence, de ce que je dis ou juste de ce stupide débat je ne sais pas, mais je le trouve drôlement amusant d'un seul coup.

« Ok, voilà ce que je te propose. » Il pointe son doigts sur mon visage. « Tu me fais goûter ce que tu considère comme une bonne bière, puis je t'emmène à l'adresse sur ma carte de visite et je me mets au défi de te faire aimer le vin. »

Je hausse mes sourcils. Voilà quelque chose auquel je ne m'attendais pas. Lui faire goûter une bière ? Je suis plutôt tenté, pendant une seconde, de lui faire essayer de la Guiness juste pour le voir détester, mais si il me met au défi de lui trouver quelque chose qui lui plaira je dois me tourner vers une artisanal, pas trop ambré, et pas trop brune non plus. Est-ce que je le veux vraiment cependant ? Si en contrepartie je dois boire du vin ça me paraît beaucoup moins tentant, surtout si c'est le sien et que je me suis juré il y a juste une demi heure de ne pas me forcer pour lui.

Je claque mes mains sur la table et le pointe à mon tour.

« Deal. » De toute évidence j'ai pourtant déjà fais mon choix. « Tu ne vas pas t'en remettre je vais te faire goûter les meilleurs bières que tu n'a jamais vu. » Il rigole.

« J'attends de voir ça, mais toi tiens toi bien, mon vin est le meilleur au monde. » Je souris.

« Ça ne veut pas dire qu'il va me plaire. » Je contredis en enserrant à nouveau la hanse de ma tasse. « Oh d'ailleurs. » Je me redresse et il hausse ses sourcils pour me demander par ce regard ce à quoi je viens de penser. « Pourquoi t'es là ? Sur internet ils disent que tu vis entre le sud de la France et L.A. » Il souffle un rire par son nez.

« Ah donc tu as fais des recherches sur mon nom ? »

« Honnêtement non, c'est mon meilleur ami qui l'a fait parce que le nom du domaine lui disait quelque chose, puis il m'a incendié parce que je ne connaissais pas. » Il ricane et pointe le vide.

« C'est un fin connaisseur ce gars. » Souffle-t-il. « Je suis là pour le boulot, on a un gros client qui va bientôt passer donc j'y vais en personne pour l'accueillir. » Confit-il en souriant. « Après je rentre. » Il hausse une épaule.

« Du coup tu loges à l'hôtel ? »

« Faut bien, notre maison londonienne a été vendu le jour où j'ai quitté le pays pour rejoindre mon père au domaine. » Il sourit. J'ai l'impression de voir une version de mon futur, si j'étais resté bien caché dans mon placard, une version où j'aurai dû suivre la voie de mon père moi aussi. Cependant il ne semble pas avoir une relation similaire avec son travail, n'est ce pas ?

« Et.. je veux dire... ça te plaît ? Genre t'aurais pas voulu... faire autre chose ? » Il hausse un sourcil et attrape un autre morceau de gâteau.

« Non pas du tout. C'est ce que j'ai toujours voulu faire. » Il souffle un rire.

Moi aussi j'aurai aimé que les choses soit simples, que je veuille la même chose que mon père, que je ne sois pas si différent, que les choses se passent si facilement dans ma vie, que moi aussi je n'ai aucun mal à rentrer dans le business familial, que ça me plaise de gérer une société.

« Je sais qu'on a souvent tendance à penser que les enfants de grand pdg n'ont pas le choix, mais je l'avais. » Dit-il en souriant un peu plus fort encore . « Mon père a monté ce business de rien, et j'étais là depuis le premier jour, pour moi c'était totalement normal de vouloir en faire partie, alors mon père a partagé les parts avec moi. » Il hausse ses épaules et je m'enfonce dans la paume de ma main.

« Ça doit être bien d'être passionné. » Il pouffe en fronçant son nez et tire sa tasse à ses lèvres pour en boire un nouvelle gorgé.

« Rien ne te passionne ? » Il s'avance à son tour et fait tomber son menton sur le dos de sa main. « Dis moi, tu fais quoi toi ? »

« Pas grand-chose, j'ai été viré de mon dernier job. » Je hausse mes épaules. « Et puis... je suis à une période transitoire de ma vie, je cherche ma prochaine destination. » Il plisse ses yeux avec un air de mystère.

« Hum, comme un marin perdu en mer. » Murmure-t-il sur un ton dramatique qui dégage un rire de mes cotes.

« Mais sans la mer.. juste un mec de presque vingt cinq ans qui ne sait pas ce qu'il veut. » Je fais un sourire en coin, il est un peu triste bien malgré moi, parce que je trouve bien que tout cela est triste, surtout si je recouvre mon bras gauche et tâte les points de suture à travers.

« T'as vingt-cinq ans ? » Il semble surpris. Je hoche la tête, sans comprendre. « Wow. » Un rire abrupte se jette hors de sa gorge. « Je t'aurais donné à peine vingt ans. »

« Ah ? »

« Ouais ! C'est dingue comme tu les fais pas ? » Je ris de la remarque inattendu. Je crois que l'ont m'a déjà dit cela avant, mais je ne pensais pas que c'était aussi fort que me donner cinq années de moins.

« C'est parce que j'ai une tête de bébé, et quand je suis rasé de près c'est encore pire. » Je rigole et il hausse ses sourcils.

« En tout cas.. » Il aplatit sa main sur la table en marquant une pause dans sa phrase. « Il n'y a pas d'âge pour être à une période transitoire de sa vie. » Il a un visage si sérieux soudain. Il n'y a plus de sourire malin, ni de fossette. Ses sourcils sont, cette fois, pliés dans un froncement sévère comme si il voulait être bien sûr que j'entende et comprenne.

Il ne me connaît pas, et encore une fois je ne peux que me demander d'où vient cette attention ? Se montre-t-il si bienveillant avec tout le monde ? Même moi qui n'ai pas montré un tiers de cet égard envers lui dès notre rencontrer ? Pourquoi me dire ces mots, par ailleurs ? Est-ce si évident que je sonne perdu et peu fier de moi ?

« Je.. je sais. » Je hoche la tête, mais le mouvement est mécanique alors que je tourne mes yeux vers le miroir à côté dans la gène qui s'empare de moi à cause de l'intensité de son regard dans le mien. Je ne pensais pas ça possible pour un regard d'être si fort et de clouer sur place presque au sens littéral du terme, mais on dirait bien que ce genre d'individu est réel et que Harry en est un. Son regard a beaucoup de force quand il veut, et il y a de quoi déstabiliser n'importe qui.

Mon attention semble se porter sur d'autres choses, et pourtant, dans le miroir, c'est bien son profile que j'observe. Finalement je crois que je réalise un peu comme c'est bizarre tout ça, comme je ne connais pas cet homme mais qu'il se trouve en face de moi et que l'on se parle comme deux vieux amis qui se sont toujours connus. Pourquoi je fais ça ? Pourquoi on fait ça ? J'ai l'impression de ne pas avoir rencontré de nouvelle personne depuis des millénaires, et par là j'ai aussi dû oublier comment c'est de se faire de nouveaux amis.

« Devrions-nous y aller ? »

Je me tourne sans cacher mon incompréhension, elle est bien visible sur mon visage, et lui s'en amuse de toute évidence.

« Tu dois me faire essayer de la bière ? »

Un sourire grimpe sur le bord de mes lèvres. En une poignée de seconde, c'est comme si j'avais oublié mes questions et préoccupations. Après tout c'est vrai qu'elles n'ont pas d'importance. Finalement, si ça me plaie, de faire ça, il n'y a pas beaucoup de question à poser. Harry est bizarre, mais pas dans un sens qui fait peur, il est bizarre parce qu'il est naturel, et qu'il parle ouvertement. Et puis, je suis à la recherche de nouvelles choses pour découvrir un peu plus qui je suis et ce que je veux, où je veux aller, et ce que je veux faire.. un nouvel ami peut être une très bonne chose pour moi par les temps qui court.

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