Chapitre 35 : Les gravats d'une autre vie

Je ne pensais pas que je verrai un moment pareil arriver entre moi et Harry. Nous avons une telle relation que je ne pensais pas que je le verrai un jour se fermer à moi. Fuir en changeant de sujet, oui, ça arrive, bien plus, mais jamais en me repoussant totalement, pour se terrer dans le silence. Pourtant je dois le réaliser, et l'accepter. Je ne sais pas si ce n'est qu'une étape avant autre chose, qu'un moment difficile à passer au milieu de notre conversation, si je dois essayer de l'inviter à me parler un peu plus ou si je dois, encore une fois, juste lui accorder du temps et laisser couler jusqu'à la prochaine fois. Je comprends que beaucoup de chose lui passe par la tête, surtout aujourd'hui, alors que sa présentation pour son projet est daté à demain et que je découvre finalement le grand secret qu'il garde depuis bien longtemps et qui lui fait si mal, et je suppose que c'est pour tout cela qu'il a fini par s'asseoir à l'autre bout du canapé pour se serrer sur lui même. Je lui ai promis de ne pas le lâcher, mais c'est lui qui est parti et maintenant il est à milles lieux de moi depuis l'autre bout du canapé, perdu dans sa peine et ses pensées, si bien qu'il me paraît inatteignable, ne laissant en moi qu'un sentiment de solitude confuse.

Maintenant quoi, alors ? La question s'étend alors que j'observe son profil et ses yeux fixés sur mon bol de céréales vide. Maintenant quoi ? Je ne veux pas me lever et le laisser ainsi, vivre ma journée comme si je n'avais pas réveillé tous ces sentiments, je ne veux pas déjà que l'on parle d'autre chose et que, comme à chaque fois, on fuit le nœud des problèmes pour faire autre chose. Il y a un temps pour tout, non ? Je pense que ce temps, ce moment, cet instant, est fait pour cette conversation qu'il a, de toute évidence, autant besoin d'avoir que moi. Il se tient là et je peux très bien voir que si les questions tournent dans ma tête alors chaque réponses tournent dans la sienne et hurlent leur envie de sortir.

C'est important que je comprenne que cette journée soit émotionnellement difficile dès le réveil. C'est important que je sache qu'il n'est pas heureux de la tournure de cette mâtiné. Or, j'espère que lui aussi comprend que maintenant que nous sommes là tous les deux je vais avoir beaucoup de mal à laisser couler comme toutes les autres fois. Toutes ces fois où l'un de nous a détourné le regard pour espérer à une prochaine fois, un prochain jour où l'on en parlera, pour alléger notre présent et nos moments. On est beaucoup trop doués pour fuir, et je veux que ça s'arrête. Si c'est un coup de pouce qu'il cherche de ma part pour l'inviter à m'en dire plus, alors je n'ai pas peur de lui faire cette faveur. Si c'est une bonne raison de partager avec moi ce qui le heurte le plus sur terre, bien alors que je lui ai déjà parlé de ma plus grande douleur, alors je ferai de mon mieux pour la lui donner, pour lui montrer que ce n'est pas juste des confidences de sa part mais bien un échange, lui montrer que j'ai confiance en lui, que notre relation est basée sur de la confiance l'un envers l'autre, et qu'il n'a pas à avoir peur de moi.

« Tu sais. » Il sursaute, comme si il ne s'était pas attendu à ce que je parle ou avait oublié que j'étais juste là, à côté de lui. « Puisque tu me dis ce secret de famille que peu de monde connaît, si ce n'est personne... » Je racle ma gorge et il se tourne vers moi en haussant un sourcil, m'observant avec confusion depuis sa position contre l'accoudoir. « Je t'ai menti le jour où j'ai dis que j'étais fils unique.. enfin.. c'était plus une moitié de mensonge. » Je fronce mon nez et me tourne vers la baie vitré.

Je n'ai jamais dis ça à personne. Même Calvin et Liam ne sont pas au courant, bien alors que l'un est mon meilleur ami et l'autre mon plus vieil ami, alors j'espère qu'il apprécie mon pas vers lui, ma démonstration de combien j'ai confiance en lui.

« Quand j'avais sept ans ma mère est tombée enceinte d'un deuxième garçon. De ce que je sais ça faisait très longtemps que mes parents essayaient d'avoir un second enfant. » Je couche mes mains sur mes cuisses, souriant au vide en racontant des choses que je ne suis pas sûr de bien voir dans mes souvenirs tant tout semble loin et irréel.

« Louis tu n'as pas à me dire quelque chose qu- »

« Et il est mort-né. » Je lui coupe la parole, parce que je sais déjà ce qu'il va dire, et que je ne veux pas l'entendre. Je ne lui dit pas ça pour simplement prouver quelque chose, je le dis parce qu'il est temps que j'en parle à quelqu'un, et parce que je veux que ce quelqu'un soit lui, et si ça peut lui montrer ce que je désire lui montrer alors c'est un plus. « Il y a eu de graves complications au moment de la naissance, je ne sais pas exactement quoi parce qu'on ne m'a jamais dis ou expliqué. Ma mère est revenue de l'hôpital sans mon frère et mon père m'a dit de ne jamais en parler à personne et sûrement pas à ma mère qui était bien assez malheureuse. » Je pousse un profond soupir au souvenir de mon père penché vers moi et agitant son doigt dans l'air en me disant que maman était très triste et que je ne devais pas empirer les choses et donc bien me tenir. Je me détourne mon regard un peu plus, comme si j'avais peur, de la vision du passé ou de la vision de Harry sur moi. « Elle a fait une dépression et n'a plus jamais était capable de faire d'enfant pour x raisons. Elle n'a plus jamais reparlé de mon frère après ça, si bien que j'ai longtemps cru que ce n'était qu'un rêve avant de retomber sur des échographies chez ma grand-mère. » Je marque une pause bien malgré moi, comme si je conservais le dramatisme de la scène en faisant ainsi. Je suppose que c'est pour moi, cependant, pour encaisser le fait que j'ai gardé cette souffrance pour moi et qu'enfin la laisser sortir fait plus de bien que je ne le croyais. « Tu sais... mes parents m'ont plus ou moins toujours négligés, je suis toujours passé après le reste et j'ai toujours dû faire de mon mieux pour leur plaire, mais après ça... c'est comme si le peu que j'avais avait disparu avec mon frère. Quand il est mort il a emporté avec lui le peu d'instinct maternelle que ma mère avait et c'est comme si j'avais perdu en même temps ma chance d'avoir une maman. Parfois je me sens coupable de penser ainsi et de ne voir la perte de mon frère que comme la chose qui m'a retiré mes parents... même si c'est bel et bien ce qui est arrivé. » Je pouffe, amusé par mes propres émotions, en haussant mes épaules, puis je me tourne vers lui, silencieux.

Il m'observe sans rien dire. Ses yeux détaillent mon visage et ses cheveux maintenant un peu plus secs tombent autour de sa peau bronzé dans un mélange chaud qui doucement me fait sourire de plaisir et d'admiration amoureuse. Je ne sais pas trop ce qu'il pense. Je ne sais pas vraiment ce qu'il devrait en penser même. Je n'ai, en effet, jamais raconté ça avant et n'ai pas eu l'occasion de vraiment grandir en vivant ma part du deuil puisque jamais personne ne m'a parlé, expliqué, et permis de comprendre, alors je ne sais pas comment quelqu'un peut ou doit réagir à ce genre de chose, quelle est la réaction à avoir ni même celle que l'on a en général. Alors je le regarde, presque autant perdu que lui, autant abasourdi, comme si je venais de l'apprendre en même temps que lui, que je ne l'avais pas vraiment vécu mais juste vu de loin, arriver à quelqu'un d'autre.

« Je suis désolé. » Balbutie-t-il. « Pour cette perte, et pour.. ce qu'elle a engendré. » Il se détend lentement, rallongeant ses jambes qui étaient, jusqu'à maintenant, serrées contre lui.

« Je te remercie, je suppose. » Je hausse mes épaules. Je crois que je le remercie surtout de lentement m'accepter à nouveau dans son espace mental et de me le démontrer avec son langage corporelle, ça me rassure de me sentir à nouveau le bienvenu et non intrusif.

« Personne ne devrait vivre ce genre de chose. » Ajoute-t-il, pour me rappeler de quoi il est question.

« Personne ne devrait vivre plein de choses, et pourtant elles se passent, et les gens les vivent. » Je hausse encore mes épaules en faisant une petite moue. Ça peut avoir l'air insensible mais j'ai l'impression que ces peines ne sont pas vraiment miennes, je les ai tant vécu en spectateur qu'aujourd'hui elles ne semblent pas me définir. « La vie est faite ainsi, tout le monde a sont lot de choses douloureuses et malheureusement il y a encore pire sur terre que de perdre un frère avant même de l'avoir connu. »

« T'as raison. » Souffle-t-il en se tournant vers le sol, laissant le silence de la pièce s'envelopper autour de nous. Les cigales dehors grattent fort leurs ailes mais le son semble pourtant trop lointain et effacé pour que vraiment je ne l'entende, je suis bien trop concentré sur lui et sur son regard heurté. Je veux juste en savoir plus sur sa peine, qu'il me laisse venir plus proche de son cœur et connaître ce qui le blesse tant, ce qui lui fait mal plus précisément. « C'est stupide, alors, que je pleurs pour si peu que d'être un enfant bâtard, hein ? » Un rire jaune passe, en un petit souffle, par son nez et je me déplace sur le canapé pour le rejoindre, et combler la distance qu'il nous a imposé et qui me tue lentement.

« Non. Les peines, même du côté privilégier de la planète, existent, et les refouler n'est pas sain. » Je pose ma main sur son genou. « Au contraire, parles-en. »

Je lui souris avec le plus de bienveillance possible quand il se tourne vers moi et il répond avec le sien, tout aussi tendre et calme, comme pour me dire qu'il entend, qu'il comprend, qu'il n'a pas peur de me parler, pour dire que c'est un dialogue qui s'installe et pas une simple main tendu dans le vide de ma part qui jamais ne sera cueilli. Son sourire me réchauffe, j'en suis, et en tombe chaque jour un peu plus, amoureux, j'aime le voir, surtout pour de telles raisons.

« Et puis ce n'est pas d'être un enfant bâtard qui te fait mal. Je me trompe ? » Il secoue sa tête en tombant en avant, coinçant ses coudes sur ses genoux en souriant tristement.

« Ce n'est même pas d'être un fils illégitime qui fait mal, c'est de ne même pas être un fils du tout. C'est que j'aime Harold comme un père, parce que c'est ce qu'il est pour moi... mais que je suis devenu la personne qui incarne sa haine. » Il serre ses poings et je plie mes lèvres en un rictus de peine. Je ne pourrais jamais comprendre les sentiments qui le déchirent et pourtant c'est comme si je les ressentais aussi, à travers lui, comme si son émotion rayonnait jusque dans mon propre cœur. La douleur ne devient pas mienne mais elle est pourtant là, et je peux la sentir détruire mes cotes et mon cœur.

« Quand est-ce que tu l'as appris ? » Je lui demande finalement, le tirant contre moi de nouveau.

« Je crois que j'ai toujours sut, même inconsciemment. » Murmure-t-il, la peine dans la voix, en couchant sa tête sur mon épaule à la recherche de réconfort, il faudrait mal me connaître pour penser que je ne serai pas prêt à le lui donner. « Mais je l'ai appris pour de vrai quand j'avais environ quatorze ans. J'étais au grenier à la maison et j'ai sorti des papiers d'un carton et dedans il y avait une lettre de mon père biologique, daté de l'année de ma naissance. » Sa voix se serre mais il ne semble pas pour autant vouloir se taire. Les mots, les souvenirs, tout ça doit mourir d'envie de sortir, depuis le temps qu'il les garde pour lui de la sorte, et il n'a, de toute évidence, plus la force ou la volonté de les retenir. « Il y avait une photo de lui dans l'enveloppe. » Je tique.

« Est-ce l'homme que j'ai vu en bas, sur le mur ? »

Je me tourne vers lui en revoyant la photo de l'homme dans ma tête, mais je pense déjà connaître la réponse. Il me paraissait familier et je crois finalement savoir pourquoi. Comme pour confirmer ma pensée, Harry hoche la tête, et je le serre un peu plus.

« Ça a dût être si dur d'apprendre ça de la sorte... Je suis désolé. » Je ferme les yeux, imaginant un jeune Harry avec ses cheveux tout noir de sa couleur en train de lire une lettre alors que son monde s'effondre et s'effrite autour de lui, s'abattant sur ses épaules d'enfant et redéfinissant ce qu'il avait toujours connu. Les gravats d'une vie sont lourds à porter, mais, contrairement aux miens, les siens datent d'il y a bien des années maintenant et le temps ne fait qu'ajouter à leur poids sur ses bras. Depuis combien de temps vit-il dans ces ruines couvertes de poussières en appelant ça sa vie ? Trop longtemps, et, même en portant mes propres ruines à bout de bras depuis deux mois à peine, je ne peux qu'imaginer combien ça doit faire mal quotidiennement.

« Ça l'était. » Souffle-t-il en s'enfonçant un peu plus contre moi, dans mon épaule, dans ma clavicule, dans mon cou, pour souhaiter disparaître. « Dans cette lettre... il disait qu'il voulait que ma mère quitte mon père pour de bon, pour lui, pour m'élever avec elle. Que si elle refusait, et choisissait Harold alors il partirait. » Mon cœur se serre, une tromperie alors, une aventure, un amant, un amoureux, et une grossesse par mégarde, c'est comme ça que c'est arrivé. « Je suis allé confronter ma mère ce jour là et elle m'a tout expliqué, elle s'est effondré, s'est excusé, a juré qu'elle avait toujours voulu le mieux pour moi. » Il ne pleure plus, étrangement, sa peine est toujours là mais maintenant qu'il parle, que les mots coulent hors de sa bouche, la douleur semble lentement s'en aller, libérée au fur et à mesure du flot. « Mon père biologique a quitté la région quand ma mère lui a dit qu'elle était trop fidèlement amoureuse de mon père... et il a laissé la photo pour moi, pour qu'un jour je le retrouve. Derrière il a écrit qu'il est désolé et qu'il m'aime, mais que sa haine et son amour pour maman sont trop douloureux pour lui. » Aussi fort puis-je penser que cet homme est une victime de la situation je ne peux pas m'empêcher de penser, également, que ce n'est pas une excuse, qu'il a fuit, et que lui comme Harold n'ont fait que repousser Harry. Mon cœur brûle de douleur, de peine, de colère, de sentiment par milliers et je le serre encore plus fort contre moi, embrassant le haut de sa tête. Je ne veux pas qu'il souffre tant, que son histoire soit si dur, il mérite tellement mieux, il mérite d'être aimé, tellement fort. J'aimerai dire que je suis désolé, mais a-t-il besoin d'entendre ça ?

« Tu as été si courageux et fort. » Je lui dis à la place, passant ma main dans ses cheveux pour doucement les effiler et le rassurer. Il me serre en retour, ses mains s'accrochant ça et là sur mon corps alors qu'il retient son souffle. Il a encore beaucoup à dire, je le sens, alors je cherche mes questions, je cherche ce que je veux dire maintenant, ce qui pourrait lui faire dire tout ce qu'il a à dire, faire sortir tout ce qui ne demande qu'à être exprimé depuis huit ans. « Tu as essayé de le contacter ? »

« Non. » Il secoue la tête. « Jamais, je crois que j'ai peur ? Je ne sais pas vraiment. Que ferai-je si lui non plus ne veut pas du fils que je suis ? » C'est là que je saisis pourquoi il a cette relation avec son père. Outre le fait que Harold a toujours était dur avec lui pour ça et que Harry a toujours eu envie d'être aimé, Harry a été abandonné une fois par un père et ne veut pas que ça se reproduise, consciemment ou non. C'est pour ça, qu'il a cette relation avec lui, qu'il l'aime si désespéramment, Harry veut un père, un père qu'il n'a jamais eu. Je me brise à l'intérieur. « Je sais que mon père sait que je sais... mais on en a jamais parlé, il ne m'a jamais dit qu'il me haïssait, que j'étais le symbole même de la trahison de ma mère. Et pourtant je le sais et j'aimerai n'en avoir rien à faire, j'aimerai pouvoir rencontrer mon père biologique et que tout soit simple mais je suis tétanisé, par tout. Je suis juste... tellement en colère. Contre ma mère, contre mon père biologique, contre mon père... »

« Je sais. » Je lui assure. « Et c'est normal que tu le sois, ta mère t'as caché ta nature, ton vrai père s'est enfui, ton père accepte sa femme dans sa vie après ça mais pas toi... tu as de quoi être en colère H. »

« Ne dit pas qu'il est mon vrai père s'il te plaît. » Il secoue la tête et je hausse mes sourcils, surpris. Je n'avais pas réalisé l'avoir dit ainsi. « C'est Harold mon vrai père, c'est l'homme qui m'a élevé et je sais qu'une part de lui, même infime, m'aime, et... c'est lui mon vrai père. » Je souris et le berce doucement, sur le rythme d'une chanson qui n'existe que dans ma tête mais dont la douceur, je l'espère, transparaît dans la balancement et atteint alors son cœur.

« Je comprends. Je m'excuse. » J'embrasse à nouveau sa tête en riant tendrement. « Tu sais... tu as beaucoup de courage de pourtant toujours être ici et de tant aimer ton père... beaucoup aurait décidé de partir à la recherche de qui ils sont vraiment, de leurs racines, et toi tu es toujours là. » Remarqué-je en tournant mes yeux vers l'extérieur, les arbres, le ciel, le monde qui tourne autour de nous... de lui.

« Tu as très sûrement raison. » Je le sens se tourner aussi, et je sais que l'on observe le même paysage depuis notre bulle, notre petit moment, depuis l'espace-temps que l'on a créé ensemble pour à tout jamais marquer et changer sa vie. « Parce que ça, ici, c'est ce que je suis, je le sais. Je l'aurai peut-être dû, mais je ne me suis jamais sentit comme un étranger, pas même auprès de mes sœurs. Je suis leurs frère, même si on ne partage qu'une mère. »

« D'ailleurs... » Je relève. « Tes sœurs ? » Je ne précise pas ma question, parce qu'il y en a sûrement beaucoup trop, alors je le laisse choisir quelles questions il veut entendre par là et à laquelle il désire répondre.

« Wilhelmina ne sait pas. » Il tourne dans mes bras et tombe lentement sur le canapé pour s'allonger sur le coin qu'il nous reste, passant ses jambes par dessus l'accoudoir et m'exposant son visage, finalement, quand il pose sa tête sur mes cuisses, tendant sa main vers ma joue pour la caresser, juste au même moment où je glisse mes doigts dans ses cheveux. « On ne lui a jamais dit. » Il plie ses lèvres dans un air désolé. « Quelques mois après ma naissance mes parents se sont séparés. À ce moment là on était toujours à moité en Angleterre, et nos parents nous laissaient nous voir Liz et moi, mais je restais avec ma mère et elle avec mon père. On nous a présenté ça comme une simple séparation qui aboutirait en un simple divorce, mais que ma garde revenait exclusivement à ma mère. Ça a duré cinq ans avant qu'il ne se remettent ensemble. Presque aussi vite après ma mère est tombé enceinte et mes parents ont définitivement quitté Londres pour venir vivre ici, laissant notre maison en Angleterre vide avant de la vendre des années après. » Ses yeux sont perdus quelque part dans le lointain souvenir flou de son enfance spéciale. Je le regarde. Il est beau et j'aime le voir devenir de plus en plus à l'aise dans son discours, bien qu'il lui fasse mal et que les souvenirs semblent venir avec leur lot de ronces aiguisées. « Quand Willow est née ils ont décidé de ne jamais lui dire ce qui s'était passé, pour la préserver, et Liz et moi avons dû pour toujours lui cacher que nos parents avaient étés séparé à un instant. Je ne savais pas pourquoi exactement elle ne devait pas savoir, mais je n'ai quand même rien dit. Quand j'ai appris que j'étais la raison de cette séparation... j'ai bien vite compris pourquoi elle ne devait pas savoir. »

« C'est curieux. » Je relève en haussant un sourcil. Ne pas lui dire, cacher à Willow la nature de son frère, ça semble illogique. Harold qui haï si fort l'idée que sa femme l'ai trompé et qu'un enfant soit née de cette tromperie ne veut pourtant pas que sa dernière fille le sache, n'aurai-ce pas été plus simple pour lui de lui dire ? Peut-être que je ne comprend pas aussi bien que je le croyais cette histoire ou Harold. « Et Elizabeth ? » J'enroule une bouclette à mon doigt et regarde combien la couleur contraste avec ma peau. J'aimerai pouvoir voir sa couleur naturel un jour, juste pour voir comment elle est, et à quoi il ressemble avec.

« Je pense qu'elle a toujours sut. On en a jamais proprement parlé elle et moi. » Il hausse ses épaules. « Je sais juste qu'elle a toujours sut, je ne pense pas qu'on lui ait dit. Au début elle me haïssait beaucoup, et je pense qu'elle m'a vu comme la raison de la séparation de nos parents, parce que c'est ce que j'étais et qu'à huit ans elle devait être assez grande pour réaliser le propos des disputes à la maison. Finalement, peu après la naissance de Will elle a finit par déplacer sa haine, et sa relation avec nos parents, surtout avec ma mère, est devenu très conflictuelle... Alors elle est partie. » Il pince ses lèvres. « Je pense qu'elle voit Wilhelmina avec un œil jugeur, non pas qu'elle la hait, mais je pense qu'elle est jalouse qu'elle ne soit au courant de rien, qu'elle n'ai jamais vu ce que ma mère a fait et combien ça a impacté notre famille et ma vie. Elle envie son ignorance, elle jalouse qu'on la préserve mais que jamais personne n'ai pensé à moi... ou à elle. » Il tourne sa tête sur le côté et je pousse un triste soupir.

Il a été seul. Du début à la fin, il a été tout seul. Personne ne lui a parlé, personne ne l'a rassuré, personne n'a prit la peine de se tourner vers lui pour lui parler de ce sentiment au fond de lui de ne pas avoir de père et pourquoi il le ressentait, sa mère n'a jamais répondu à ses questions et pire encore c'est devenu un honteux secret. Sa vie, qui il est, c'est devenu un secret honteux lourd à porter que l'on veut épargner à sa petite sœur. Il est la paria. La bête noir. Et il est là, il sourit, il aime son père, il aime sa mère, il est en colère mais il est là, il a mal mais il est là. Il n'y a pas de mot assez fort pour vraiment parler de combien ce doit être dur à vivre, combien ça doit faire mal de vivre avec ça, avec ce genre de douleur. Une douleur que jamais je ne comprendrai, que je ne peux qu'imaginer, dont jamais je ne saisirais l'entièreté de la force ou de la profondeur. Pour tout cela... je ne peux que l'admirer.

« Tu vois... ce qui fait le plus mal... c'est de me demander ce qui se serait passé si je n'avais jamais fouillé le grenier ce jour là ? Que ce serait-il passé ? Aurai-je été au courant ? Ma mère me l'aurai-t-elle dit ? Ou Liz ? Ou serai-je resté pour toujours ainsi ? Sans connaître la vérité sur mes origines ? » Ses yeux rêves à un futur, qui est peut-être vrai quelque part dans une dimension parallèle. Que serai devenu ce lui ? Si il n'avait jamais appris qu'il avait un autre père ? Ça fait peur de se le demander, il ne serait peut-être pas du tout la même personne aujourd'hui.

« Ça semble logique... on t'a caché ça si longtemps, qui sait combien de temps cela aurai encore pu durer... » Je hoche ma tête en le regardant et lui sourit quand lui même m'offre son sourire. « C'est pour ça que tu as commencé à te colorer les cheveux je suppose ? » Il souffle gentiment et tire une mèche sous ses yeux pour la regarder et en étudier la couleur.

« En fait... j'ai commencé à les colorer quand j'avais onze ans. Mon père disait souvent que mes cheveux étaient bien trop clairs et autres remarques, et comme ils éclaircissaient avec l'âge... j'ai décidé de les colorer, et ma mère m'a laissé faire. » Il hausse ses épaules comme si ce n'était rien, mais je suis presque sûr qu'il sait que ce n'est pas rien. Aucun enfant de onze ans n'a envie de se colorer les cheveux, ou peut-être d'une couleur flashy, mais pas plus foncé juste pour satisfaire les plaintes de leur père. Mais Harry si, preuve de combien son père ne lui a jamais fait de cadeau et lui a toujours reproché d'être un bâtard même si ce n'est pas de sa faute, et combien Harry a toujours obtempéré et oublié sa personne pour lui.

« Je suis sûr que tu serais très beau blond. » Je plaisante gentiment, imaginant dans ma tête sans vraiment réussir à mettre mon doigt sur ce à quoi ça ressemblerait vraiment.

« Peut-être. Mais je ne le saurai sûrement jamais. » Il fait un sourire pâle et je perds le mien. Jamais. Il ne compte jamais sortir de cette situation, jamais aller mieux, jamais cesser de se plier en quatre pour son père, jamais se considérer comme un être à part entière dont les sentiments comptent.

« Harry... »

Il se redresse et se lève, frottant ses cheveux en partant en direction de la chambre, comme pour me dire que la conversation est close avant même qu'il n'écoute ce que j'ai à dire. Il sait probablement déjà ce qui vient, cependant, et c'est sûrement pour ça qu'il ne veut pas l'entendre. Je le lui avait déjà dit, après tout, et à ce moment aussi il n'a rien dit et n'en a jamais reparlé. Non seulement il a fuit mais il a aussi fait comme si je n'avais jamais rien dit. Or, je ne peux pas laisser ça se faire, je ne peux pas laisser ça arriver encore une fois et si je dois le répéter pour avoir une réaction alors je le répéterai. Qu'il le veuille ou non.

« Tu dois sortir d'ici. » Il s'arrête une seconde dans la cuisine, les mains immobiles. Il entend, les informations fondent en lui, il comprend, il encaisse, mais il ne dit rien et poursuit son pas jusqu'à sa chambre, me fuyant moi et ce fait qu'il refuse d'admettre ou de regarder en face. « Harry ! »

Pas encore une fois, il doit l'entendre et il l'entendra, qu'importe si ce n'est pas ce qu'il veut entendre. Il en a besoin et il le sait tout aussi bien que moi, c'est pour ça qu'il s'y refuse. Il ne veut pas admettre qu'il a tout essayé, qu'il en a assez, qu'il veut arrêter et passer à autre chose, il a peur de perdre la seule chose qu'il veut si désespérément. Ça ne peut, cependant, plus durer, je ne peux plus rester là les bras ballant à le regarder s'enfoncer dans cette misère de laquelle il refuse de sortir ou même de se débattre pour sa vie. Je me lève à sa suite, alors, et presse mon pas jusqu'à la chambre puis la salle de bain où il s'enfonce déjà quand j'arrive. Dans la pièce, je le trouve en train de suspendre sa serviette au porte serviette et d'ignorer royalement ma présence. Je refuse qu'il me fasse ça, il ne peut pas faire comme si je n'étais pas là, pas après ce qu'il vient de me partager, pas après cette conversation, pas alors que je sais maintenant tout ça et suis donc le premier témoins de combien il est détruit par cette situation.

« Harry ! » Je l'appelle encore, juste pour que le silence me réponde de nouveau tandis qu'il s'apprête à repartir dans l'autre sens pour quitter la pièce. « Harry regarde moi ! » Je frappe du poing sur le marbre du meuble à vasque, et le son, bien qu'étouffé par le manque de résonance, le fait réagir finalement.

« Quoi ! » Cri-t-il en se tournant brusquement vers moi, de toute évidence dérangé et énervé.

« Tu peux pas rester comme ça. »

« Et tu vas faire quoi si je veux rester comme ça ? » Il hausse un sourcil et se cale contre le meuble, appuyant sa main sur sa hanche avec un air de défi dans le regard.

« Arrête, tu sais aussi bien que moi que tu ne le veux pas. Tu vois très bien que cette situation ne t'apporte rien. » J'aplatis mes mains dans le vide devant moi pour présenter les faits sur un plateau imaginaire qu'il voit pourtant très bien, même si il refuse de l'admettre. « Tu t'efforces à vouloir plaire à ton père et c'est honorable mais il faut savoir un jour s'arrêter, tu ne peux pas juste continuer comme ça. Ça fait vingt-deux ans Harry, vingts deux ans que tu fais tout ce que tu peux pour qu'il te traite comme le fils que tu es et qu'il s'y refuse. Pourquoi tu t'obstines ? Ça ne te fait que du mal et je- »

« Tu quoi Louis ? Hein !? C'est ma vie à ce que je saches et je t'ai rien demandé hein. T'as rien à voir là dedans. » Il se tourne vers la vasque en secouant la tête, comme si je disais des sottises, que j'étais stupide de penser ainsi, de vouloir le sortir de cette relation toxique qui bouffe son être depuis son enfance.

« J'ai mal de te voir comme ça ! » Il se fige imperceptiblement en face de moi. Ses doigts se stoppent sur le bord de la vasque et ses yeux se fixent sur le fond de celle-ci, l'air perdu. Surprise ? « Tu comprends pas ou quoi ? » Je tapote le bord de ma tête en la secouant lentement, observant son manque de réaction. « Je suis de ton côté moi ! Je suis avec toi ! Et je te dis ça non seulement parce que ma relation avec mes parents était aussi toxique et ne veut pas te voir vivre comme moi, mais aussi parce que je vois très bien que tu es malheureux comme ça. Je l'ai vu le premier jour, le jour où ton père t'as appelé, le jour où je t'ai vu comme ça, avec cet air que tu as chaque fois qu'il est question de lui, je le vois et je l'ai toujours vu ! Tu peux pas rester ici, tu peux pas oublier ton propre bien être pour un homme qui n'en vaut clairement pas la peine. » Je secoue piteusement la tête, n'arrivant pas à croire qu'il refuse à ce point de l'admette, et je m'empresse de combler à nouveau la distance pour le rejoindre et attraper ses mains. « Tu peux pas continuer comme ça... tu imagines vivre de la sorte encore dans trente ans ? Harry.. enfin.. » Il se tourne finalement vers moi et je le vois retenir son souffle alors que la lueur de peine dans ses yeux est de retour, qu'elle danse de nouveau tout au fond de ses prunelles pour lui voler son bien être et son bonheur. Je sais que personne ne lui a jamais dit ça, alors je suis content d'être celui qui le fait, celui qui lui dit, qui lui parle de sa valeur et de combien il mérite mieux. Parce que c'est le cas, il mérite mieux... tellement mieux que ça.

« Mais mon projet ? » Susurre-t-il, s'accrochant à ça comme à son dernier argument, et je ne peux pas dire qu'il a tord. Alors je souris, parce que je sais exactement quoi dire.

« Il est très bien ton projet... » Je rigole gentiment en serrant ses mains dans les miennes, fort, le plus fort possible. « Et si demain Harold le refuse je serai là pour toi, et tu me promets que tu réfléchiras à tout arrêter avec lui... d'accord ? » Je m'approche doucement de lui et monte sur la pointe de mes pieds, prenant le temps nécessaire pour qu'il me voit venir, et embrasse tout doucement ses lèvres, juste une brève seconde, un bref instant, pour lui dire que je suis là, que je pense chaque mots de ce que je dis et que je suis sérieux.

« O... ok. » Souffle-t-il en simple réponse, le mot caressant mon visage telle un charmant courant d'air qui sent bon le frais quand il colle son front au miens.

Je soupire de bien être, de bonheur, contre lui, alors qu'il m'embrasse à nouveau. Je sais que les gravats d'une vie sont lourd à porter, et je ne dis pas que je suis prêt à porter les siens à sa place, je dis simplement que je sais qu'il est possible d'user de ces gravats pour construire à nouveau. Je le vois chaque jour que je passe ici, à construire avec ce qui a été brisé. Alors si je peux être là et l'aider à le faire réaliser qu'il est au milieu d'un champs de ruines et qu'il peut construire une cité de ces ruines... alors je veux le faire. Je veux le faire parce que c'est ce qu'il a fait pour moi. Je veux dépoussiérer ses ruines et le rassurer, lui dire que tout ira bien, et qu'en effet : je ne le lâche pas.




_______

Ce chapitre est assez court mais comparé aux deux derniers je pense que c'est nécessaire, et puis cette conversation est assez lourde pour ne pas que je rallonge le chapitre avec autre chose et tire les projecteurs sur d'autre choses moins importantes !

J'espère que personne n'avait oublié que j'avais référencé deux fois, dans d'anciens chapitres, le fait que Louis avait eu un frère ! Parce que je serai déçu !!! Ahaha non je rigole x)

J'espère que les explications de Harry vous aide à voir plus clair sur ce qu'il se passe et qui vous avez envie de haïr !! Je n'ai pas grand chose d'autre à dire alors !!!!!! Plein d'amour ! Et de bisous !
-Jojo

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top