Chapitre 30 : Le sang sur les feuilles de vignes
Je ne savais pas vraiment qu'une bombe pouvait être si lourde au bout d'un moment, qu'elle pouvait à ce point contenir la chaleur sur la tête. Mais finalement c'est un simple casque alors ça semble logique et c'est peut-être bien plus stupide d'avoir pensé que je n'aurai pas chaud en en portant une. Puisque j'en suis à me plaindre, il faut aussi souligner qu'une selle c'est bien moins confortable qu'il n'y paraît. En contre partie, je ne me suis jamais tenu autant droit en étant assis qu'à cet instant.
« J'en peux plus, y a jamais d'ombre dans ton pays ou quoi ? » Je râle, évidemment, quoi d'autre ?
Harry pousse un rire et me lance un regard par dessus son épaule. Même à cheval il faut qu'il marche devant moi, c'est fou quand même. Il semble amusé que même quand je ne fais pas d'effort physique je trouve tout de même quelque chose à redire.
« Dis donc, t'avais tord tu sais bien parlé deux langues finalement. L'Anglais... » Il lâche un rène pour sortir son pouce puis tend ensuite son index. « Et le râlage. Bien joué, c'est une langue que peu de monde maîtrise. » Il pousse un rire et se tourne de nouveau vers l'avant.
« Ha ha ha, regardez moi je suis Harry et je suis un vrai comique. » Je fais une grimace moqueuse, retroussant mes lèvres et agitant ma tête de droite à gauche en roulant des yeux. Il ne me regarde pas mais la réflexion le fait tout de même rire.
« Dis donc, tu te calmes un peu ? » Il secoue sa tête et je peste.
« Mais pourquoi on y va à cheval même ? Elle est cassé ta jeep ? »
Il pousse un soupir faussement agacé alors que je regarde la route plus loin, avec envie. On pourrait être là bas, le vent dans les cheveux, bien au frais, plutôt qu'en train de mourir sur un fichu chemin tout tordu au milieu des hectares de vignes sur lequel il n'y a aucune ombre. Sait-il combien de degrés il fait là ? Moi je le sais. Il fait trente-quatre degrés Celsius, trente-quatre. Ce n'est même pas une température réel, ce n'est même pas possible, c'est juste quatre degrés plus froid que le corps humain et je refuse de croire qu'on se balade sous une telle chaleur, comme si je n'allais pas me transformer en flaque d'eau d'ici un petit paquet de minutes.
« Si je meurs de chaud, je veux que tu saches que c'est ta faute. »
« Sois pas si dramatique. » Je hausse mes sourcils, outré.
« Dramatique ? Harry à cette température même le diable il a pas le courage de sortir. » Il pousse un rire soudain et clair et se tourne vers moi pour me lancer un regard moqueur.
« T'en as pas marre de râler ? » Rit-il.
« Jamais. »
« On est bientôt arrivé de toute façon, comme ça tu vas pouvoir te taire. »
« Si y a pas d'ombre ça sert à rien de croire que je vais me taire, monsieur. » Il soupire un nouvelle fois et je tire la gueule, à ce stade je ne sais même plus si je le fais juste pour la forme ou si je suis sincèrement en colère.
Harry fait un petit bruit avec sa bouche et soudain les chevaux passe au trot. Je suis le mouvement plus que je n'y participe, j'ai été placé sur le dos de cet animal contre mon propre grès et comme je ne suis jamais monté avant je me contente, depuis que nous avons quitté l'écurie, de le laisser me diriger avec une corde relié à ma monture. Je crois que c'est celui de Elizabeth, ce cheval, il s'appelle Edwin et si c'est un prénom déjà bien atypique pour un homme alors n'en parlons même pas si il s'agit d'un cheval à la robe tacheté.
Difficile de savoir pourquoi cette brave Liz a un cheval ici, sachant qu'elle a passé dix huit ans de sa vie en Angleterre, puis une bonne dizaine d'autres années à Calais pour ne revenir ici qu'une fois par an. Je suppose que ça fait partie des nombreuses choses que Harold se plie en quatre pour faire pour ses filles, elles qui sont le centre de son univers, de toute évidence. Je me demande si Harry aurait eu droit au même traitement si il était sortit de la vie de son père.
« H. » Il se tourne vers moi avec un air un peu surpris, sûrement de m'entendre utiliser ce surnom que seul ses amis semble user. « Pourquoi... tu acceptes ce traitement. » Mon regard est plus que sérieux, et je crois qu'il le réalise si j'en juge son raclement de gorge.
C'est peut-être la première fois que je lui pose une question si direct sur ce sujet, la première fois que je me permet de demander quelque chose, et encore plus sans contexte. Peut-être que ma question est mal vu, après tout moi aussi j'ai été mal traité de stupides parents. Mais je pense que je n'ai jamais vraiment accepté pour autant, je voyais beaucoup moins mes parents, je n'avais plus vraiment beaucoup d'intérêt pour ce qu'ils me reprochaient, ce qui ne leur plaisaient pas et avaient à redire. Harry est encore sous cette emprise, et plus surprenant encore qu'il n'y soit en s'en rendant compte, il a vu sa propre sœur couper les ponts, s'en aller et ne plus voir personne, et jamais cela ne lui a donné l'inspiration d'en faire de même. De peut-être rester en Angleterre. Non. Au contraire. Il a choisi de rester, de subir la pression, d'en faire sa propre pression, il a choisi de travailler avec son père, d'écouter ses mots. Même ma présence dans sa vie, même la preuve de ma fuite et du bien qu'elle m'a offert, ne l'a pas inspiré à partir. Alors quoi ? Pourquoi ?
« Je suis désolé si c'est soudain, ou déplacé... mais j'ai besoin de comprendre. Que ton père te traite comme ça parce que tu es son seul fils d'accord... mais pourquoi tu acceptes, pourquoi quand tu l'as réalisé tu n'as pas décidé de tout arrêter. Tu aurais put partir avec ta sœur, rester avec elle là haut, tu aurais pu ne pas rester sous son emprise. » Mes yeux s'égarent alors que je parle, l'aurai-je rencontré si les chose avaient été ainsi ? C'est une drôle de question qui résonne et rime avec une autre dans mon esprit : le destin existe-t-il donc vraiment ? Parce que c'est comme si tout avait été mis en place pour que Harry et moi se rencontrons un jour.
« Sûrement pour les mêmes raisons qui t'ont poussé, toi, à vouloir être l'enfant que tes parents voulaient que tu sois. » Je fronce mes sourcils à sa réponse aussi simple que ça. Il n'a pas tord, nos situations sont similaires et même si je suis parti j'ai aussi été à sa place, et même si j'aime croire que ce n'était pas pareil à la fin le fait que j'ai mit tant de temps à faire mon coming-out montre bien que jusqu'au bout j'ai fais mon maximum pour leur convenir, combler leurs attentes et les voir être fier de moi, les voir apprécier mes efforts et admirer ma personne.
« Ok... mais- »
« Il n'y a pas vraiment de mais. » Me coupe-t-il. « J'aime travailler pour le domaine, j'aime ce métier et ce vignoble... et je veux juste qu'un jour mon père voit combien j'aime son domaine, combien je l'admire. Je veux juste qu'il m'aime et qu'il m'accepte. » Il laisse un long et triste souffle lui échapper, un soupir défait, et il a l'air si petit soudain, minuscule sous le poids de ces douleurs. « On pourrait penser que je le hais... mais c'est tout le contraire. J'aime mon père... je l'aime tellement fort, je serai prêt à tout pour lui. Et je veux juste... Je veux juste sa reconnaissance. Je veux juste qu'une fois dans ma vie il me sourisse, me tienne par les épaules, et qu'il me dise qu'il m'aime et qu'il est fier de moi. Alors voilà, je me bats depuis que je suis un gosse, pour gagner son respect, son amour, pour gagner sa fierté. » Je fais un moue.
« Tu te rends compte... que tu ne devrais pas avoir à te battre pour ce genre de chose hein ? »
Je donne un petit coup sur mes rènes, ou alors j'essaie, juste pour essayer de presser le pas de ma monture pour me mettre à son niveau. Je veux mieux le voir, je n'aime pas parler à son dos. Je veux voir son visage, je veux voir comment il va et vit cette conversation.
« Tu devrais pas avoir à te battre pour gagner quelque chose que, un, est normal de la part d'un père, et qu'en plus, petit deux, il donne gratuitement à ses deux filles. »
Je crois que je peux le voir tiquer à la fin de la phrase, mais il ne dit rien et se contente de serrer sa mâchoire en fixant droit devant lui, fuyant je ne sais trop quoi mais principalement mes yeux quand, enfin, j'arrive à me trouver à côté de lui.
« Je... je veux pas parler de ça, s'il te plaît. » Il se tourne vers moi et il y a tellement de douleur dans ses yeux, tellement de peine qui danse tout au fond, dans ce regard qu'il fait toujours quand il est question de son paternel, que je ne peux pas insister. Ce serai de la cruauté. À la place je m'excuse rapidement et détourne mon regard vers l'avant à mon tour.
Finalement, je me rend compte que notre chemin de terre arrive à une bordure de grands arbres, les branches sont si longue qu'elles forment comme une grande arche au dessus du chemin sous laquelle on passe pour s'arrêter finalement. Je regarde l'immense espace qui s'ouvre sous nos yeux, au loin il y a une maison qui semble petite. Une bâtisse maintenant déserte depuis un petit bout de temps depuis la disparition de son propriétaire, plaçant la maison au main de la commune. À en voir le terrain ce devait être une vieille personne vivant seule depuis bien longtemps et qui a dû hériter de l'endroit comme ses ancêtres avant elle. Quelque part c'est triste qu'une maison, qui a sûrement vu des centaines de vies passer et l'apparition de ces vignes, finisse ainsi. Vendu à un riche homme passant par là. Mais n'est ce pas ainsi aussi que les choses vont, dans cette univers sans foie ni lois ?
« C'est un terrain qui était là depuis longtemps,. De ce que je sais les terres que l'on possède aujourd'hui avec le domaine venaient des propriétaire de cette maison, leurs ancêtres étaient apparemment de grand paysans, puis finalement les terres agricoles ont été vendues et revendues, et seule la maison est restée. » M'explique Harry en regardant. Je pense que lui aussi trouve tout ça un peu triste, mais en même temps c'est une belle opportunité pour lui et je sais qu'il est très excité à propos de ce probable achat.
« Il est grand comment ce terrain ? » Je demande en observant autour de nous l'herbe haute et le semblant de chemin qui continu à monter jusqu'à la demeure.
« Très grand, et surtout assez grand pour le projet. » Je hoche la tête et l'invite à développer son propos alors que l'on se remet en marche pour un peu plus découvrir l'espace à disposition. « On ne vise pas un hôtel grand standing avec un nombre incalculable de chambres, ce doit être luxueux et spacieux, mais à la fois petit et cosy, comme si c'était un gîte mais en beaucoup plus... 'classe'. Il n'y aurait qu'une vingtaine de chambres, un grand restaurant avec une terrasse, juste là. » Il pointe son doigt pour pointer une partit du terrain exposer juste de la bonne façon pour avoir tout le soleil de la soirée dessus et ainsi conservé le frais à l'intérieur durant les chaudes journées d'été. « Je voudrais aussi un petit patio avec un petit jardin dedans et un olivier et peut-être quelque plans de vignes qui grimperait le long d'une tonnelle autour du patio tu me suis ? » Je souris et hoche la tête, il a pensé à chaque petit détail c'est vraiment beau à voir. « Mais surtout, je voudrai un sous sol avec de belles arches de pierre pour accueillir certaines de nos bouteilles, et puis un salon de dégustation. Il y aura une dégustation gratuite pour les clients de l'hôtel, compris dans leur location de la chambre. » Il passe sa main devant lui pour dessiner quelque chose. « Et puis l'allée pour y aller serait bordée de platanes, il y aura sûrement une piscine quelque part aussi, mais pas très très grande parce que le plus important c'est le vin. »
Il me lance un regard et un grand sourire, et je lui répond. Ce n'est pas grave si son père n'est pas fier de lui, parce que j'ai assez de fierté dans mon cœur pour nous deux. Je le regarde, là, tout sourire, alors qu'il me parle avec toute la passion de l'univers de cette idée mûrement réfléchie et je suis fier de lui. Comment ne pas l'être ? Il a pensé à tout.
J'ai lancé un regard à la description du terrain, juste pour être sûr qu'il n'était pas inutile de venir le voir de nos propres yeux, mais il n'y avait rien à redire. Le terrain est constructible, on peut parfaitement se permettre une cave comme il la voit, il n'y a pas le moindre problème vis à vis du niveau, pas besoin de terraformer d'une quelconque façon. Vraiment, c'est un super choix, c'est comme si c'était le destin.
« Bon... maintenant... est-ce que c'est un problème, à ton avis, qu'il ne soit pas proche du château ? » Me demande-t-il avec un mine préoccupé.
« Je ne pense pas non, c'est même peut-être mieux qu'il soit si isolé dans les vignes, on cherche un vrai dépaysement, non ? Ce n'est pas comme si c'était la ville d'à côté, et en soit, si besoin est, les personnes travaillant ici n'auront qu'à vous appeler, non ? » Il mordille sa lèvre inférieur et tourne son regard vers l'environnement qui nous entoure. « La boutique est au château, c'est vrai, mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas proposer du vin à la vente à l'hôtel aussi. Déjà... il y en aura au restaurant, non ? Alors autant proposer des bouteilles à la vente à la cave. » Assuré-je en lui souriant le plus sincèrement possible, même alors qu'il ne se tourne pas vraiment vers moi pour le voir.
« Tu penses ? »
« Bien sûr. Je pense que cet endroit est parfait, il est même encore mieux que l'autre terrain qui était beaucoup trop proche de la ville. Et... en plus... les vignes n'étaient pas aussi proche. » Je pointe mon doigt derrière lui. « Là on en est entouré ! » Je pousse un petit rire pour animer mon propos et lui assurer qu'il a fait le bon choix et quand il se tourne vers moi avec un grand sourire aux lèvres je sais que j'ai réussi.
« T'as raison, cet endroit est vraiment bien. » Dit-il avec un petit rire. « Il faudra espérer que le fantôme de la maison ne sera pas méchant avec mes clients. » Il pouffe gentiment dans sa barbe et je lève un sourcils vers lui. « Quoi ? Quelqu'un est mort dans cette maison, qui peut affirmer que son âme n'est pas encore là. » Je roule de mes yeux gentiment.
« Je rêve, tu crois aux fantômes ? » Il hoche la tête, comme si c'était évident.
« Bien sûr, et tu devrais aussi. »
« Bah voyons. » Je secoue la tête, dépassé par cette remarque. Les fantômes, et puis quoi encore ?
« Merci d'être venu avec moi aujourd'hui. » Souffle-t-il, presque trop doucement pour que je l'entende alors que je regarde le perron de la maison toute proche, et le rocking chair que je vois pas la fenêtre. « Je crois... que j'ai jamais sincèrement cru à ce projet... J'ai jamais sincèrement pensé qu'il en valait la peine, que ça vaudrait que je fasses une proposition pour ce bien. » Son regard est rêveur alors qu'il se tourne vers la maison maintenant toute proche, et que l'on contourne lentement. « Alors en fait... merci pour tout. » Il se tourne de nouveau vers moi et je plonge dans une nouvelle éternité, l'éternité dans laquelle je suis attiré par ses yeux. « Je ne pense pas que je l'aurai vraiment fait... sans toi. » Il n'a pas le droit de me regarder comme ça, de me dire ça, parce que je suis si faible, j'ai envie de pleurnicher lamentablement, de tomber dans ses bras et le couvrir de baisers.
« C'est normal, ce projet en vaut la peine. » Il en vaut la peine. Si seulement je pouvais lui dire, comme il en vaut la peine, comme il vaut toute la peine, combien c'est normal que je fasse ça pour lui, plus que normal. Il ne devrait pas avoir à supplier pour qu'on soutienne une idée pour qui les plus grands investisseurs devraient se battre. « Tu... t'as parlé avec l'agent immobilier ? Y a combien de personne sur le coup ? » Je racle ma gorge sur les mots, détournant mes yeux pour ne pas me perdre de trop dans les siens ou dans ce moment.
« Une autre... ils n'ont pas encore fait d'offres mais ça ne serait tarder. » Explique-t-il avec un mine dur. Je mordille ma lèvre.
« Je vois. Est-ce que tu te sens de faire une offre maintenant ? » Je hausse mes sourcils sur le ton de ma question.
« Je pense que je le devrais... mais j'ai peur qu'on ne doive se retirer à un moment si mon père devait ne pas accepter. »
« Ouais... mais en même temps si il accepte on aura aucun terrain à lui proposer, même si tu as des propositions dans ton dossier, vaut mieux avoir un choix fermé et décisif sur un terrain. » Il serre ses lèvres et semble prendre en compte le point de vue, hochant lentement la tête en se tournant vers moi.
« Je suppose que t'as raison. »
« On peut pas vraiment prendre le risque qu'on nous passe devant, sinon, dans le meilleure des cas, on a plus du tout de terrain et... celui-ci est parfait. » Je fais un large mouvement de main pour désigner l'immense jardin de la maison. Je peux presque le voir, moi aussi, son petit hôtel, reclus sur lui même au centre des ses vignes. Je peux presque voir les clients se balader dans les vignes, je peux presque entendre les conversations sur la terrasse la soirée, les bruits de verres et un petit peu de musique.
« T'as raison. » Je me tourne de nouveau vers lui et le vois mordiller sa lèvre basse. Je peux voir sur son visage que lui aussi il peut le voir, tout ça, il peut déjà parfaitement le voir cet hôtel. « Je vais faire une offre alors. Mon dossier est de toute façon bientôt fini, je pourrais très bientôt le présenter à mon père. » Je sens, à en juger par la façon dont il serre ses doigts sur ses rennes, que la nervosité et l'angoisse monte.
Il est facile de deviner que Harry n'a jamais vraiment tenu tête à son père avant, qu'il a toujours encaissé en silence, ne s'est jamais vraiment battu pour ce qu'il croyait juste. Il a toujours accepté ses visions pour le domaine. Et, cette fois si, non seulement il va devoir proposer sa propre idée, mais il va aussi devoir se battre pour elle, pour la défendre. Je suppose que, forcément, l'idée est effrayante, elle fait peur. Même moi j'ai peur pour lui, peur de le laisser devant ce loup sans sentiment, de le laisser à la merci de sa méchanceté, de ses critiques et de sa mauvaise foie. Si je le pouvais je le ferais à sa place, mieux encore, si je le pouvais je lui referai le portrait à ce sale homme qui prend toute opportunité qui se présente à lui pour dégrader son fils. Son propre fils. J'en ai la gerbe. Comment peut-il ?
« Je serai là pour toi. Je te soutiendrai. » Parce que finalement je ne peux rien faire d'autre que cela, être là pour lui et espérer pour lui que tout ira bien, que rien de mal ne se passera, que son père saura entendre raison et enfin réaliser quel superbe fils il a.
« Merci... encore. » Il pousse un petit rire et je souris.
Je comprend que notre petite visite est fini. Ensemble, on retourne vers l'entrée du terrain pour rebrousser chemin jusqu'à l'écurie sous le soleil de plomb. C'est quand même une sacrée trotte depuis là bas. Je ne sais pas exactement combien de temps on a mis pour venir, j'ai passé trop de temps à râler et me plaindre pour vraiment avoir put compter les minutes. Comme quoi, râler a peut-être une utilité en fin de compte, elle fait passé le temps bien plus vite. On ne pourra pas dire que je ne sais rien faire, parce que de toute évidence je sais faire marcher le temps plus vite. Ça me fait sourire.
« Tu sais... je me disais. » Je me tourne vers Harry, rappelé dans le monde réel alors qu'il regarde devant lui et qu'on retourne sur le chemin de terre. « On restera de toute façon toujours en contact même quand tu seras rentrée chez toi, non ? » Il porte son regard sur moi, un regard qui porte une question en son fond, un point d'interrogation confus et sincère, et, j'ose me permettre de le croire, décoré d'un sentiment d'espoir. L'espoir que je dise oui.
« Hum.. oui, oui je suppose, ce serai trop bizarre sinon. » Je fronce mes sourcils. Je n'aime pas penser à la fin, à quand je vais rentrer revivre ma vie, loin de lui, loin du sud de la France. J'aime être avec lui, j'aime cet endroit, et tout ça a tellement l'air d'un rêve que je ne saurai me résoudre à ce que ça ne devienne qu'un passé révolue avec lequel je n'ai plus aucun lien. « Pourquoi ? »
« Je sais pas trop. Je me disais juste... on fera sûrement une soirée d'inauguration pour l'hôtel si il devait ouvrir et... » Il pince ses lèvres, il hésite, et mon cœur bat plus fort que jamais. « Je vais sûrement vouloir t'inviter à venir et y résider, je vais sûrement avoir envie de te réserver une danse. » Je n'aurai jamais cru ça possible, je crois bien. J'ai bizarrement toujours cru que je serai celui de nous deux à parler de revenir un jour, et voilà que c'est lui le premier à le mentionner, voilà que la fin de ce séjour fait moins peur, puisque je sais qu'il veut autant que moi qu'il y en ai un autre.
Je crois que je suis tant focalisé sur cette partie là de sa demande que je ne réalise que après ce que la deuxième partie de sa proposition disait. Quand les mots résonnent soudain en moi et sonne le gong j'ai l'impression que je vais tomber de mon cheval tant je perds l'équilibre, pris par surprise. Une danse. Il veut me réserver une danse ? À moi ? Quel genre de danse ? Parle-t-il d'une danse, d'un slow, d'un duo, d'un moment où je serai proche de lui, que je tiendrais sa main et sa taille, qu'il me fera tourner comme si j'étais son axe de rotation, le centre de son monde et son système solaire ?
« Oh... je... » Je ne sais pas. Je cris ? Je pleurs ? Je suis touché ? Je suis chamboulé ? Je suis un mélange parfait de tout cela à la fois ? « Une danse ? »
« Eh bien... oui. » Il fait un sourire et j'ai envie de fondre, et de hurler, de l'engueuler et de lui faire un câlin, de l'étouffer avec mes lèvres et de l'étouffer avec mes mains. Comment ose-t-il être si beau et mignon ? Ce devrait être illégal. « Tu sais... » Il racle sa gorge et plisse ses yeux sous la lumière agressive quand il se tourne de nouveaux vers l'avant. « Quand... quand je t'ai rencontré j'ai réalisé que tu pourrais être l'ami que j'ai toujours cherché... celui qui me comprend à la perfection, qui sait ce que je ressens avec la vie que je mène. Mes potes... je les adore mais ils viennent d'endroits et de familles différentes, plus fonctionnels, ils peuvent pas trop comprendre ce que je ressens vis à vis de mon père. » Il semble rapetisser, courber l'échine, comme si la simple mention de son père était une chose trop dur à porter pour lui, malgré toute la force qu'il a. « Et si j'avais parfaitement raison, que je me confis de plus en plus à ce sujet à toi, bien plus que je ne me suis jamais confié à qui que ce soit... je réalise que t'es aussi bien plus que ça. »
« Plus ? » Mon cœur bat la chamade. Cette conversation prend une toute autre tournure et je ne suis pas sûr d'être prêt, ou de savoir à quoi m'attendre. J'ai peur d'être déçu si je m'aventure sur le chemin de l'attente alors je préfère laisser une angoisse sifflante me gagner alors qu'il regarde ses mains, à la recherches de ses mots comme si il les avait écrit dans ses paumes.
« Ouais... » J'ai l'impression qu'il va ajouter quelque chose, mais il hésite, il fouille dans ses pensées et j'ai l'impression de voir ses méninges fumer de tant penser. « Tu... t'es devenu vraiment important pour moi en juste quelques semaines, c'est devenu presque flippant. » Il fronce ses sourcils, peu sûr de lui et des mots qu'il emploie, et mon cœur ne se calme pas. En plus de ne pas parvenir à se calmer, je crois qu'il va même exploser d'ici quelques minutes, sans exagération. « Je ne saurai pas vraiment comment l'expliquer avec des mots, je pense. »
« Essaie ? » Je parle un peu sans trop le vouloir, sans trop le réaliser. J'ai peur, sûrement, que le moment m'échappe et que je passe à côté d'une information importante sur lui et sur comment il appréhende cette situation et je ne veux pas. Je veux qu'il me parle, qu'il me dise ce qui lui arrive, ce qu'il se passe dans sa tête. Alors ma voix a parlé toute seule. Heureusement pour moi il ne semble pas mal le prendre et pousse même un petit rire.
« Je ne sais pas, c'est si spécial... tu... me fais découvrir toutes ces choses, c'est un peu... le même sentiment que si je m'étais trompé à un exercice en cours et que quelqu'un s'était assis à côté de moi pour m'expliquer. » Il fronce ses sourcils en perdant ses yeux dans le vide, captivé par l'image dans sa tête. « Je suis encore un peu confus mais je me demande pourquoi on ne m'a pas aidé plus tôt, et comment j'ai fais pour me tromper. »
« Qu'est... ce que tu veux dire ? » Mon cœur, ce grand fou toujours en train de danser son ballet préféré, est maintenant bien à l'aise dans ma gorge, comme si il s'agissait de sa deuxième maison.
« Je ne sais pas trop, c'est un tout je pense... tu... tu m'aides à voir ma valeur... c'est facile d'être vulnérable avec toi, ça ne fait pas peur...j'ai l'impression d'avoir perdu mon temps jusqu'à maintenant. » Il se tourne vers moi, ses yeux enfonçant et imposant leur intimidation musclé dans les miens et me poussant à ne pas tenir le contact visuel, pour me cacher. « Avec toi... j'ai l'impression que.. plus rien n'est impossible. C'est comme si je n'avais plus peur. » Je vais pleurer. Ou alors je vais tomber. Ou alors je vais crier. Ou alors je vais faire les trois en même temps.
« Je.. c'est pareil pour moi. » Je sens mes joues brûler, bien plus que je ne le voudrais, et, pour ne rien arranger, je peux aussi très bien sentir son regard sur moi, sur mon visage baissé et honteux. « Quand je t'ai rencontré je me suis dis... qui c'est ce petit con ? » Il pousse un rire et je le rejoins facilement. « Mais je retrouve beaucoup de toi en moi et je crois que ça m'a beaucoup aidé à réaliser que je pouvais pas dire non à ton invitation. Pour me sauver moi même et essayer de t'offrir la main tendu qu'on ne m'a jamais offert. Et maintenant... » Je détourne les yeux, loin, essaye de disparaître sous sa vue.
Maintenant... Maintenant je t'aime. Maintenant je pourrais pleurer juste de savoir que je te porte tout ce bien. Maintenant tu es le centre de mon tout et je n'arrive plus à respirer comme il le faudrait. Je ne suis plus le même depuis que tu m'as embrassé, tu as pris une part de moi et pour toujours je serai marqué par ton passage dans ma vie. Maintenant je dois ma renaissance à ta proposition. Maintenant je ne veux plus juste te sortir de cette situation, je veux que tu rayonnes, que tu tiennes ma main alors que je t'accompagne dans tous tes projets, je veux te regarder et te dire que je suis fier de toi et que je le serai toujours, je veux me tenir à tes côtés et te regarder construire plus de chose qui te passionne et te rende si beau. Maintenant je t'aime.
« Maintenant tout est juste si différent de la première fois où je t'ai vu. » Je secoue la tête, réalisant moi même l'ampleur de mes sentiments, de ce changement qui a frappé ma vie de plein fouet et sans même que je ne le réalise ou le vois venir. J'ai envie de pleurer, de quoi je ne sais pas mais je veux pleurer. « Tu contribue à l'épanouissement de mon vrai moi... je ne pourrais jamais retirer cet endroit, et toi, ce que vous avez fait pour moi, de mon être. Ce sera pour toujours une part de moi. » Je force un sourire, pour ne pas pleurer, parce que ce n'est pas triste, au contraire.
« J'en suis heureux alors. » Je me tourne à nouveau vers lui et il me sourit tendrement.
Il tend sa main vers moi pour pouvoir doucement saisir ma main dans la sienne. Il la tient comme si j'étais un petit oiseau délicat qu'il ne voudrait pas briser, il caresse mes phalanges de son pouce. Sous mes yeux surprit il la tire affectueusement vers lui, se penchant en avant pour un peu mieux l'atteindre, et il laisse un petit baiser sur mes premières phalanges. C'est un baiser calme et doux qui ne s'étend pas de trop et quand il se recule ses yeux remontent vers les miens comme pour me concerter, ou me poser une question silencieuse que je ne suis pas sûr de comprendre. Ce dont je suis sûr, par contre, c'est que je vais tomber dans les pommes. Comment peut-il faire ce genre de galanterie et attendre de moi que j'arrive à respirer comme il faut ? Foutaises !
« Je suis heureux que l'on s'apporte autant de chose l'un à l'autre. » Il ne lâche pas ma main et je veux me jeter sur lui. Mais ma décence humain me retient et m'empêche de m'imposer à lui, aussi fort puisse battre mon stupide cœur, aussi fort puis-je avoir la nausée ou avoir envie de pleurer à cause de tous ces insupportables sentiments. Que dois-je faire pour lui voler son cœur à mon tour ?
« Eh bien ! » Je sursaute et manque de tomber de mon cheval. Décidément, ce doit être un truc de famille de surprendre les gens à ce point.
« Maman. » Salut Harry en lâchant calmement ma main. Je me tourne vers Regina, venant d'une autre direction, pour la voir sourire vers moi avec un petit air malicieux. Je le reconnais, cet air, parce qu'il ressemble beaucoup à celui de son fils.
« Je vois que finalement vous la faites, cette balade à cheval. » Remarque-t-elle en venant caler son cheval sur la cadence des nôtres.
« Oh, oui... on avait un endroit à voir. » Explique Harry tranquillement, sans entrer dans les détails.
« Ah ? Très bien très bien, je suis contente que Edwin soit un peu monté. » Remarque-t-elle en pointant mon fidèle destrier. « Il n'est sortit que par quelques garçons d'écurie, puisque Lizzie ne vient plus beaucoup. » Je tilt et me tourne vers elle.
« Oh oui, je discutais avec Wilhelmina l'autre jour et elle m'a dit qu'elle ne venait plus que pour Noël... » Elle fait un petit sourire qui donne naissance à un rire un peu triste. Harry, lui, reste silencieux
« Si on est chanceux. » Précise-t-elle. « Elizabeth est bien plus proche de sa belle-famille. » Je pince mes lèvres en la voyant ainsi, elle a l'air sincèrement peiné et je ne peux que partager sa peine sans trop la connaître. Je ne peux qu'imagine ce qu'un parent ressent à l'idée qu'un de ses enfants ne désire plus la voir, elle et le reste de sa famille. « C'est n'est pas très grave, si elle se sent mieux ainsi nous ne pouvons pas la forcer, j'ai surtout de la peine pour sa sœur. » Me confit-elle en se tournant vers moi.
« Maman. » On porte notre attention sur Harry, il a le regard dur alors qu'il observe droit devant lui, les mains et la mâchoire serrées. « Willow pourrait comprendre si tu n'étais pas si égoïste. » Je crois que quelque chose en moi se brise, explose. Je peux l'entendre, mais pas aussi fort que je peux entendre le cœur de Regina se briser.
J'ai l'impression que chaque jour quelque chose de nouveau sort de l'ombre à propos de cette famille. Quand je pense que tout est fini et que je sais tout ce qu'il y a à savoir, quelque chose d'autre se présente à moi. Je pensais que Harry s'entendait bien avec sa mère, qu'il s'entendait avec elle mieux qu'avec son père. Je pensais que des deux, Regina était celle qui était la plus douce et gentille, celle qui incarnait le plus un rôle de parent aimant avec lui, et pourtant voilà que le mythe s'effondre. C'est comme si il avait plus de respect et d'admiration pour l'homme qui le traite comme une merde, et que sa mère, qui semble l'aimer et vouloir le mieux pour lui, n'avait pas d'importance. Ça me blesse pour Regina. Je ne sais sûrement pas toute l'histoire mais je suis tout de même heurté, elle qui ne m'a paru qu'aimer son fils, elle qui m'a dit qu'elle rêverai que Harold cesse de le traiter ainsi, ou que Harry s'en aille juste pour aller mieux. Que ce passe-t-il bon sang ?
« Harry... » Je me permets de remarquer son ton même alors que je voudrai me retenir, mais il ne semble pas m'en tenir rigueur.
« Harry s'il te plaît ce n'est pas le moment pour ce genre de conversation. » Remarque Regina.
« Pourtant t'en parles bien tranquillement là ? Non ? » Elle fait les gros yeux et je reste au milieu, sans trop comprendre ce qu'il se passe, quelle étrange conversation ils tiennent. « Admets que t'as honte une bonne fois pour toute maman, avoue que ta honte et que tu sais très bien que Liz et moi aussi on a honte et que tu veux pas perdre Willow. » Il parle toujours sans la regarder et j'ai l'impression que tout tourne autour de moi, je ne sais pas si c'est la chaleur ou le ton qui monte, la façon dont il lui parle ou la façon dont elle semble souffrir de cette remarque, mais tout tourne autour de moi, à une vitesse que je ne peux pas calculer.
« Ce n'est vraiment pas gentil de me dire ça et tu le sais très bien. » Siffle-t-elle. « J'en ai déjà assez bavé je crois bien, j'ai pas besoin de tes remontrances. »
« Ah oui ! » Il se tourne vers elle et je sursaute. « Parce que tu veux en parler ? De celui qui en bave le plus ? Parce que tu crois que le pire dans l'histoire c'est toi ? Et papa ? La belle affaire ! Qui penses à moi dans cette histoire, hein ?! Qui ?! » Je crois qu'il crie un peu trop fort et que ceci, additionné au fait que Edwin ne sort pas beaucoup, le fait hennir et violemment cabrer dans la peur.
Évidemment, je tombe à la renverse. Mon cœur remonte dans ma poitrine dans la surprise et je crie avant de tomber par terre. Le choc est violant, tellement qu'il m'en coupe le souffle alors que la douleur remonte comme un courant électrique soudain le long de ma colonne vertébrale. Je n'arrive pas vraiment à réaliser ce qu'il se passe, je sais juste que soudain Harry cris mon nom et que je me débat avec moi même pour essayer de reprendre mon souffle, allongé par terre, sur le dos, les yeux grand ouverts. Oh non. Ce serait trop con de mourir comme ça. Juste parce que je n'arrive pas à reprendre mon souffle. Ce serait trop bête.
« Oh mon dieu Louis. » Harry se penche vers moi et attrape mon biceps pour me tirer en position assise et soudain l'air passe à nouveau dans mes cotes et des larmes silencieuses dévalent mes joues. « Où est-ce que tu as mal ? » Il attrape mes épaules à deux mains et ma tête bascule en avant alors que ma respiration sifflante donne tant d'oxygène à mon cerveau soudain que je n'arrive plus à sentir autre chose que de la douleur. « Louis, parles moi. » Je prend une inspiration qui irrite ma gorge quand elle passe, elle sonne pleine de peine et sèche et je tousse brusquement quand elle ressort.
« Je... je sais pas. » Je lève mes yeux vers lui et il a l'air inquiet, il a même des larmes dans les yeux.
« Il saigne. » Je me tourne vers Regina qui semble être apparut à mes côtés d'un seul coup.
« Oh merde... » Souffle Harry en sortant son téléphone de sa poche arrière pour le tendre sa mère. « Appelle le SAMU. » Dit-il avant de reculer pour retirer son t-shirt. Je n'ai honnêtement pas la force de regarder quoi que ce soit, même si je le voudrai je ne le pourrais pas.
Je tend ma main vers ma tête, à la recherche de quelque chose dessus. Enfin, je trouve un liquide chaud dans ma nuque et je suis le chemin pour trouver, à l'arrière de ma tête, un plaie dont je n'arrive pas à réaliser la taille, je sais juste qu'il y a du sang, de partout, qu'il coule à flot. Je vais mourir ? Oh non ce serai encore plus stupide comme mort, tombé de cheval sur un caillou trop pointu, la honte. Harry revient vers moi et presse le t-shirt sur la plaie, nouant les manches devant sans pourtant lâcher ma tête. Je crois que le sang coule fort dans mon dos, mais je ne serai pas capable de l'affirmer.
« Je suis tellement désolé putain... » Me souffle Harry en me regardant, la mâchoire serré. « Ça va aller d'accord ? »
« O.. ok. »
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