Chapitre 23 : Séjour en jalousie

« Pourquoi est-ce que c'est différent si on prend pas ces marshmallows en particulier ? »

Je lève mes yeux vers Harry en tenant le paquet qu'il m'a indiqué sur l'étagère. Il me regarde avec une mine surprise, comme si ma question était la chose la plus étrange du monde, que la réponse était évidente et que j'étais le seul à ne pas le savoir. Je ne suis pas vraiment sûr de ça, cependant, la réponse n'est pas évidente parce que la question est légitime. Pourquoi prendre ce paquet là et pas celui que je tenais juste avant ?

« Je me trompe ou c'est une manie chez toi de soûler les gens dans les supermarchés. » Je reprends, plissant mes yeux en le regardant. Il étouffe un rire qui sonne outré, comme si il était une vieille femme de cinquante ans de la haute société qui regarderait quelqu'un qui ne serai pas habillé comme elle le voudrai.

« C'est toi, surtout, qui a cette drôle de manie d'avoir des mauvais goûts dans les supermarchés. » Siffle-t-il, remuant la main avec suffisance alors qu'il attrape le paquet.

« Je vais te taper. » Je joins geste à la parole et frappe son épaule du plat de la main, riant de le voir ensuite prétendre souffrir grandement en se la tenant.

Je roule mes yeux de façon volontairement excessive alors qu'il s'amuse de cette situation.

« Non, mais c'est juste que cette marque est meilleure, ceux-ci sont trop sucrés. » M'explique-t-il en plaçant son paquet dans le cadi et pointant l'autre ensuite, dans une extension du mouvement.

« C'est des bonbons, c'est forcément sucrés. » Il pouffe lentement en s'en allant et j'emboîte son pas.

« Tu sais... t'es sacrément têtu comme mec. » Il me lance un regard par dessus son épaule et je grimace.

« Nianiania. »

On rejoint l'allée central du grand magasin et je suis le mouvement comme si j'étais puni. Harry est la personne la plus insupportable de l'univers quand il fait ses courses, et je l'apprends à mes dépends. Il sait ce qu'il veut et il sait dans quel ordre il le veut. Il va vite, se dépêche et se presse, et moi.. ça me stress. Alors, finalement, j'ai vraiment l'impression de vivre ce moment comme étant puni. Il voulait que je vienne l'aider mais je remarque que je serre simplement de pousseur de cadi et qu'il n'avait pas besoin que je l'aide à choisir ce qu'on allait acheter pour le camping avec ses amis.

C'est amusant, je trouve, et un peu ironique aussi, que je me retrouve à faire des courses avec lui quand on s'est rencontré dans un endroit assez similaire. Le jour où je l'ai vu la première fois je l'ai pris pour un petit con prétentieux et arrogant, et maintenant je suis là, un petit peu amoureux de lui. Mon moi du passé serait drôlement en colère que je me sois laissé amadouer par ses beaux yeux de la sorte, je pense même qu'il voudrait que je rentre en Angleterre maintenant. Mais ce que mon moi du passé ne sait pas, c'est que Harry est bien plus que ce qu'il n'y paraît. Et pour cette raison.. mon moi du passé est un idiot.

Je regarde mon compagnon qui marche devant moi, son pas décidé et rapide, les yeux tombant sur sa liste de temps à autre. Ce n'est pas surprenant, de la part de quelqu'un qui a un emploie du temps dans la tête, que même ses courses soit millimétrées de la sorte. Et comme je pense que ça ne lui ferai pas plaisir que je remette ce plan en cause, je prends mon mal en patience et tiens bon, poussant le cadi derrière lui et souriant de simplement passer quelques instants avec lui.

Ou presque avec lui.

« J'ai tout de mon côté, je vais passer en caisse. »

C'est plus fort que moi, quand je me tourne vers Madeleine j'ai du mal à garder le sourire et me contente de la regarder comme si je ne la voyais pas vraiment. En acceptant que je sois en train de m'éprendre de Harry j'ai dû, par la même occasion, accepter que ma jalousie envers Madeleine est devenue assez forte, et je n'ai pas spécialement peur de souligner que ça semble assez réciproque. Elle ne me déteste pas, pas plus que moi je ne la déteste d'ailleurs, mais je pense qu'elle a réalisé ce qu'il se passait et depuis elle semble plus méfiante. Elle me lance des petits regards rapides et sourit de façon forcé. Je sais qu'on s'apprécie cependant, je peux, après tout, rire avec elle assez aisément, et pourtant quand Harry est aux alentours c'est comme si on se disputait silencieusement.

Je sais qu'elle me prend au sérieux seulement à moitié. Au bout du compte, elle est la seule de nous deux à attraper Harry par le bras, à le prendre dans d'étroite étreinte quand elle le désire, la seule de nous deux de qui Harry est proche à ce point physiquement. Alors elle se sent sûrement en sécurité, comme si elle avait un train d'avance. Néanmoins je sais qu'elle n'ignore pas totalement la petite menace que je représente, parce que je vis avec Harry en ce moment, que je suis vingt-quatre heure sur vingt-quatre avec lui, collé à lui, et que, pas plus tard qu'hier soir on regardait un film ensemble dans le salon. Et je sais que c'est ça qui l'agace, comme moi je suis agacé de la voir approcher, là, devant moi, et gentiment poser sa main dans le dos de Harry quand elle lui parle.

Celui-ci passe son propre bras autour de sa taille et hoche la tête en lui souriant. Elle me lance un rapide regard comme pour s'assurer que j'ai entendu aussi, mais surtout pour s'assurer que j'ai bien vu ce qu'elle vient de faire. C'est un peu sa façon de clamer Harry, je suppose. Elle est là depuis longtemps, c'est normal qu'elle ne veuille pas que je lui passe devant alors que je viens de débarquer.

Elle s'en va finalement vers la caisse. Elle nous attendra une fois qu'elle aura payé. Elle est venu ce matin à la villa parce que, apparemment, on va faire du covoiturage avec elle pour aller au spot pour le camping. C'est peut-être logique, et j'aurai dû m'y attendre, et pourtant quand elle est arrivée ce matin et que je l'ai vu, première chose dès le réveil, j'étais surpris et déçus. J'aurai voulu que Harry m'en parle, parce que je nous voyais déjà passer la mâtinée ensemble avant qu'on ne s'en aille.

Comme quoi, ces courses étaient peut-être vraiment une punition, finalement.

Il n'y a aucun doute possible, cependant, au milieu de toute cette situation, Harry est la personne la plus aveugle vis à vis de ce genre de chose, il ne se rend compte de rien. Madeleine et moi se battons en silence pour un garçon qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. C'est vraiment ridicule. Il est là, avec nous, Madeleine et moi se lançons des regards méfiants et bizarres juste sous son nez, mais il ne voit rien. Ou alors il décide de ne rien voir, ce qui revient au même. Au bout final, on a l'air d'une belle bande d'idiots.

J'en soupire d'ennuis.

« Louis si ça t'ennuies tu peux aller avec Madeleine, je peux finir tout seul. »

Je lève les yeux vers lui, arrêté devant un étalage en train de me regarder, l'air préoccupé.

« Je ne vais pas te retenir si ça t'embêtes. » Reprend-il.

« Non c'est pas ça.. » Je secoue la tête.

T'es juste bête. Et puis plutôt rester ici à pousser ce cadi que d'aller m'asseoir avec Madeleine pour attendre que monsieur daigne nous rejoindre.

Je tire ma bouche en moue et détourne mon regard dans l'allée. J'observe les gens. Je pousse le cadi. Ces petites courses sont les dernières minutes qu'il me reste avec lui seul à seul. Pour les cinq prochains jours on sera tous ensemble sans pause, non seulement avec Madeleine, mais aussi avec Lucas.

Si il y a bien une chose que j'ai confortablement décidé d'ignorer depuis le soir de la grande roue, c'est bien Lucas. Non pas qu'il ait cherché à me contacter, j'ai simplement décidé de ne pas penser à ce qu'on a partagé, ou failli partager, parce que ça me prend la tête. Je vais devoir le revoir pour ce camping et je ne sais pas du tout ce à quoi m'attendre, je ne sais pas comment il va agir, et ce que moi je vais choisir de faire. Une part de moi veut rester là, tranquille, dans mon affection pour Harry qui ressemble à un lit de coton, mais une autre a aussi envie de s'amuser avec Lucas. Après tout, je ne dois rien à Harry, le bougre ne sait même pas ce que je ressens pour lui, alors je pourrais parfaitement m'amuser avec Lucas, puisque lui veut bien de moi.

Cependant une petite voix chuchote à mon oreille que la deuxième option ne serai pas très saine. Lucas et moi n'avons jamais parlé de ce qu'il y a entre nous, je ne sais pas ce qu'il veut de moi et lui ne sait pas ce que je veux non plus. Si on ne met pas ça au clair je ne peux, par conséquent, pas vraiment prendre de décision. Je ne voudrais pas qu'il s'imagine des choses, surtout si je dois m'éprendre encore plus de Harry dans les prochains jours. Les deux sont tout de même meilleurs amis et ce n'est pas quelque chose à négliger.

C'est pour cela, donc, que j'ai jusqu'à maintenant décidé d'ignorer le problème et de rester dans cette affection innocente envers Harry. Au moins jusqu'à ce que je ne puisse plus faire marche arrière et que je me retrouve à assumer mes actes. Ce qui arrivera bien assez vite.

Si vite que j'ai le sentiment que je ne peux même pas dire ouf avant qu'on ne se retrouve dans la voiture en chemin vers le coin de rivière où l'on va passer notre séjour. J'angoisse un petit peu, assis à l'arrière de la voiture. Puisque, oui, évidement, Madeleine a prit la place côté passager à l'avant pour être avec Harry, et m'a ainsi laissé l'arrière, avec les bagages, et le chien, sans le moindre remords.

Je fais mon possible pour ne pas montrer que je suis agacé. Pour Harry. Je ne veux pas le mettre mal à l'aise ou gâcher ce moment. Il tient à Madeleine et l'aime beaucoup alors je ne veux pas ternir l'image qu'il a d'elle avec ma jalousie ou le forcer à remarquer notre petite guerre froide. J'ai trop peur de ce que ça signifierai.

Alors je me tais. Je les laisse discuter. Je ne sais pas trop de quoi ils parlent, je ne fais pas spécialement attention, pas plus que je n'en ai l'envie d'ailleurs. C'est leur petit moment à eux.

À les entendre et les voir, j'ai presque envie de penser que Madeleine a plus de chance que moi de décrocher le cœur de Harry. Ce serai logique, Harry aime les filles, elle est jolie, ils s'entendent bien, ils sont proches, c'est presque à se demander ce qu'il attend pour se lancer. J'ai l'air bien ridicule moi, à côté, à simplement pouvoir espérer que je suis simplement le genre d'être humain qu'il pourrait aimer.

Je détourne les yeux. Je ne veux pas continuer à les regarder, ça me donne le cafard, et je n'ai pas besoin de ça maintenant. Le ciel est déjà bien assez menaçant avec ces gros nuages gris dans le lointain, et je veux pouvoir profiter de la route déserte au milieu d'une garrigue fournie sans avoir à me sentir encore plus menacé.

*

La route ne m'aura jamais parue aussi longue, et pourtant j'ai traversé la France avec Harry, en train, sur deux journées différentes. Mais le chemin en voiture, à l'arrière, en train de tenir la chandelle de monsieur et madame parfait, ce n'est pas une expérience que je retenterai de bonne volonté. Non merci.

Je suis tellement heureux d'être enfin arrivé que je suis le premier sorti de la voiture, et que je me ne perds pas une seule seconde pour dégourdir mes jambes en m'étirant et faisant quelques pas. Je suis même plus rapide que Brat qui sort et part aussi vite le long du chemin de terre bordant un grand champs désert.

Non loin de là où Harry a garé sa jeep, je reconnais la voiture de Lucas, ce qui signifie donc, sûrement, que les autres sont déjà, ou en partie. Je ne sais plus exactement qui on attend pour ce camping.

« Louis. » Harry m'interpelle et m'envoie un sac. Je le réceptionne du mieux que je peux à cause de la surprise du mouvement.

« Je peux savoir où est passé le mec qui s'est battu avec moi pour porter mon sac quand je suis descendu du bateau ? » Je râle, rapidement, en me débattant avec le sac pour trouver la hanse et la passer à mon épaule.

« Toujours là, mais ce sac n'est pas aussi lourd et je suis sûr que ma petite nature adorée peut le porter sans problème. »

Je ne pense pas que ça devrait me faire cet effet là, mais c'est bien le cas. Mon regard se fige sur Harry, mes joues chauffent et la fanfare démarre sous mes cotes alors qu'il sourit. Il jette sur son dos un autre sac, en attrapant encore deux autres à bout de bras ne laissant à Madeleine et moi que nos sacs d'affaires et les couvertures et oreillers. Je suis un petit peu sur le cul alors que je le regarde passer devant. Je marche en le fixant, incapable de me concentrer sur autre chose. Ma petite nature adorée. Ça ne devrait vraiment pas, mais ça me fait plaisir, ça me touche, ça fait que mes poumons se compressent, que mon cœur n'a plus de place pour battre et qu'il se débat. Je ne suis même pas vexé d'être appelé une petite nature, je n'en ai même rien à faire, je ne retiens que le reste, et ça me rend bien trop heureux.

Madeleine et moi marchons en retrait derrière lui, si pressé et rapide comme toujours. Elle me lance un regard de côté, et je me demande si elle va dire quelque chose. Elle a l'air de le vouloir, mais elle hésite. Prenant une inspiration qu'elle retient puis laisse tomber quand elle décide que ce n'est pas ce qu'elle veut finalement. Je n'ai pas spécialement envie qu'elle me parle non plus, parce que je ne sais pas ce qu'elle pourrai dire et ne compte pas le savoir, ça rendrait nos différents trop réel.

Si ce n'était pas assez clair maintenant, je suis une personne un peu lâche qui préfère milles fois reculer face aux problèmes. Je les ignores, je fais mine de ne pas comprendre et de ne pas voir, tout pour ne pas me rendre la tâche de vivre trop compliquée. C'est sûrement pour ça que j'ai longtemps fait semblant d'être hétéro quand j'étais plus jeune, même alors que je pense avoir toujours sut au fond de moi.

« C'était stipulé nul part qu'il faudrait marcher. » Je lance à voix haute vers Harry, bien loin devant.

Celui-ci s'esclaffe et lance un sourire par dessus son épaule.

« Je sais que t'es pas athlétique mais on est vraiment pas loin hein. » Raille-t-il en secouant sa tête.

Une chance qu'il fasse frais aujourd'hui, ou du moins plus frais que d'habitude. La température est toujours un peu élevé mais la brise est fraîche et il ne fait donc pas trop chaud alors que l'on longe le champs sous le bruit des cigales.

Brat court dans les herbes, tentant d'attraper des insectes que je ne vois pas d'ici, il a l'air de s'amuser comme un fou. Je ne suis pas sûr de savoir quel âge il a mais c'est sûr qu'il a encore la forme d'un jeune chien.

On arrive sur un chemin un peu plus fournis finalement, et les herbes frottent contre mes cuisses alors que je regarde devant et vois Harry s'arrêter à l'orée des grand arbres devant nous. Il siffle, fort, sans même avoir besoin de mettre ses doigts dans sa bouche, et Brat débarque en courant et s'engouffre entre les arbres sous les rires de son maître.

Je presse mon pas pour combler la distance entre nous.

« Fais attention de ne pas tomber d'accord ? » Me dit-il gentiment, passant sa main dans mon dos et tirant une branche d'arbrisseau sur le côté de l'autre.

Je hoche la tête en passant alors, soufflant quand je sens que l'ombre et l'humidité des arbres me rafraîchit un tant soit peu. Le chemin est étroit, il zigzag entre les arbres sur une toute petite distance avant que je ne comprenne l'avertissement de mon hôte. Le chemin descend d'un seul coup juste là, en une pente assez raide qui me fais même un peu peur, pour tomber droit sur une étendu de gros galet.

« Attends, je vais passer devant pour te montrer comment faire. »

Madeleine tapote gentiment mon épaule en joignant geste à parole quand elle prend les devants, posant son pieds sur une racine qui dépasse, formant un semblant de marche naturel. Elle attrape une branche pour descendre de la racine sans perdre l'équilibre, puis finalement dévale le reste de la petite pente rapidement. Une fois en bas elle se tourne et me sourit.

« N'aies pas peur, envoie moi ton sac si tu veux. »

« Euh.. non merci c'est bon ça devrait aller. »

« Comme tu veux. » Sourit-elle en reculant.

Je refais ses gestes dans ma tête et prends mon courage à deux mains pour descendre mon pied sur la racine, serrant ma main à la branche le plus fort possible, pour ne pas tomber. Ce serai stupide de mourir comme ça non ? Bien sûr que oui, mais ça semble être le plan que l'univers me réserve puisque le manque de prise sous l'unique petite marche me vaut un dérapage de mon pied. Je ne suis pas certain que la vie défile devant mes yeux, parce que mon instinct de survie me pousse à me tenir à la branche pour rester vivant et que Harry arrive aussi vite qu'il m'entend crier.

« Attention ! » Cri-t-il en attrapant mon bras pour me tirer vers lui. « Bon dieu tu m'as fait peur ! » S'exclame-t-il.

« Moi aussi j'ai eu peur ! » Je lui assure, la respiration enraillé par la peur alors que je fixe le sol où j'ai failli m'écraser.

« Je vais descendre d'abord, bouge pas. » Dit-il en serrant mes épaules dans ses mains quand il me tire un peu plus vers lui.

Je fais une grimace un peu gêné, et aussi un peu vexé. Je me sens ridicule de ne pas savoir descendre une aussi bête pente, et peut-être encore plus si Harry se sent obligé de m'aider d'une quelconque façon.

Il passe devant sans faire attention à mon air embarrassé, et descend agilement sans perdre la moindre once de son équilibre. Une fois en bas il pose ses sacs et fait signe à Madeleine de partir devant, ce qu'elle fait sans chipoter mais tout de même en me lançant un dernier regard par dessus son épaule.

« Bon, vas-y, si tu tombes je te réceptionne. Promis. »

J'accepte son offre, c'est déjà moins embarrassant que de me faire tenir la main dans la descente, comme si j'étais un petit garçon, et pose à nouveau mon pied sur la racine. Mon regard s'assure que Harry est toujours là avant que mon cerveau ne prenne de risque en ordonnant à mes pieds de faire un nouveau pas, non sans ressentir une peur lancinante dans l'arrière de la nuque, sous forme de pulsations. J'ai plus d'équilibre cette fois, et dévale la petit pente jusqu'à Harry qui m'attrape gentiment pour ne pas que mon élan me fasse chuter.

La fanfare reprend dès l'instant où je rentre en collision avec lui. Je ne veux même plus faire semblant d'être surpris, c'est devenu habituel d'avoir ce genre de réaction.

Je lève mes yeux vers lui et sens ses bras autour de moi, ses mains dans mon dos, grande et chaude, alors qu'il me sourit gentiment, un air un peu gêné au fond de ses orbes vertes. Je déglutis de façon a essayer de faire disparaître la pierre coincée entre les parois de ma gorge. Je suis proche de lui, de son visage, je sens sa respiration sur ma peau, son odeur, je peux sentir sa poitrine se soulever sous mes mains, et une joie immense s'enroule sur elle même dans l'intérieur de mes veines de savoir que presque tous mes sens sont enivrés par son monde. Je suis heureux d'être le centre de son monde pendant un court moment, que ce ne soit que moi et uniquement moi. Même si ça ne dure que le temps d'un soupir et que, très vite, il s'éloigne pour récupérer les affaires et s'en aller. Je suis heureux de savoir que pour une seconde j'étais tout au centre. C'est équitable pendant ce petit laps de temps, parce que lui est presque toujours au centre de mon univers.

Je prends une petite minute pour calmer mon cœur et ma respiration après cette intense seconde, et le regarde grimper une petite monté de pierre, beaucoup moins raide, le pas pressé. Je me met finalement en marche pour le suivre de loin, jusqu'à ce qu'il disparaisse en haut et que je ne le vois plus. Il est allé si vite, j'ai presque l'impression qu'il s'est enfui, mais il n'a pas le droit de s'enfuir, si l'un de nous deux doit fuir c'est moi, parce que c'est moi qui suis dans tous mes états quand, simplement, il respire trop proche de moi.

J'ai envie de bouder. Est-ce qu'il fuit parce qu'il est gêné ? De moi ? A-t-il remarqué finalement ? C'est le dernière chose que je veux. Que notre belle amitié, notre superbe relation, soit ternie par mes sentiments. Que ça le bloque. Je veux garder cette petite place privilégiée, la place de celui qui a le droit d'être là pour lui à cause de sa relation avec son père, celle où je suis proche de lui et de son cœur. Je ne veux pas déjà tout gâcher. Finalement il y de bien nombreuses raisons autre que de l'homophobie qui le ferai s'éloigner de moi et je ne peux pas les prendre à la légère.

Ça me fait peur, j'ai peur de perdre Harry. Peur qu'il s'éloigne pour ne pas que je me fasse des idées, qu'il ne veuille pas me blesser parce qu'il ne m'aime pas. Je suis terrifié de savoir ce qui arriverai si il devait apprendre quoi que ce soit, je veux tant que tout reste ainsi. Ça ne me dérangerai même pas, de rester avec lui comme ça, ce serait toujours moins douloureux que de ne plus être proche de lui du tout. Je ne veux juste pas perdre cette précieuse relation, cette précieuse personne, qui a tant d'importance à mes yeux.

J'arrive en haut de la monté finalement, et balaye l'espace de mon regard. Les galets s'étendent assez loin, jusqu'au lit de l'épaisse rivière qui traverse le paysage et tourne en de gros rapides plus loin, elle nous sépre de la berge d'en face, couverte de grands arbres bien verts. Il y a quelques arbres de notre côté de la rivière, mais ils sont éparpillé sur l'immense plage de pierre. Il y a quelques personnes non loin de là aussi, auxquelles je ne fais pas attention.

Sous les arbres je vois Harry poser les sacs près de son groupe d'amis, et je presse mon pas pour les rejoindre. Instinctivement je cherche Lucas des yeux et angoisse à l'idée de le trouver. Le sang presque glacé au fait de ne pas savoir ce que je vas lui dire, ce que lui va dire. Quand je suis plus proche je le vois enfin, dans l'eau. Il chahute avec Annie et Brat. Il est trempé, mais pas comme si il sortait de l'eau, il est trempé comme quelqu'un qui a été éclaboussé. Ses cheveux sont à moitié mouillés et collés à son front, sa peau bien bronzé est couverte d'eau et je déglutis.

Je ne comprend pas.

Lucas est mon type de garçon, il est même en plein dedans. Pas trop grand, pas trop musclé, possédant une beauté simple. Il a du charme, des traits atypiques et parfois androgynes et délicats, un regard fondant comme le chocolat et des longs cils. Il est cent pourcent mon type de garçon, alors pourquoi, diable, est-ce que je tombe aussi durement pour Harry ? L'opposé même de mon ex, de Lucas, et de tous les garçons avec qui je suis déjà sortit. Je sais qu'il est beau, il est même magnifique, c'est objectif, il est très beau, je ne suis pas aveugle. Mais quand bien même c'est un homme que l'on prend plaisir à regarder, ce n'est pas le genre d'homme avec qui j'ai l'habitude de faire quoi que ce soit, que ce soit draguer, flirter, coucher, ou même avoir un béguin.

Qu'a-t-il de si particulier ? Qu'a-t-il de plus que les autres ?

« Louis ! Dis donc comment tu vas ! » Je reviens finalement à moi pour baisser mes yeux vers Thomas et Arthur, tous les deux assis par terre sur des serviettes.

Ils ont tous les deux un sourire taquin aux lèvres. Je suppose que ma réaction en voyant Lucas n'est pas passé inaperçu, et que tout le monde s'attend à nous voir conclure pendant le camping. Je ne serai même pas surpris que certain d'entre eux soit déjà au courant qu'on a failli coucher ensemble.

Je me sens stupide à cet pensée. Harry est peut-être au courant lui aussi. Finalement il a vu la voiture de Lucas au retour de la fête du domaine, et celui-ci lui en a probablement parlé à un moment. Non ? Ce n'est pas stupide de le croire. Ils sont amis, c'est normal que ce genre de chose circulent entre eux et se sachent. Plus que stupide, je me sens maintenant ridicule. De quoi ai-je l'air à presque coucher avec un garçon et à être amoureux de son meilleur ami ?

« Lucas ! Regarde qui est là ! » Je sursaute et Lucas lève les yeux vers nous.

« Hé Louis ! » Dit-il en souriant, remuant sa main dans un grand salut, avant que Annie ne saute sur lui et qu'ils ne tombent dans l'eau.

« Il avait hâte que tu arrives. » Ricane Thomas.

Je connais ce ton, et je ne crois pas me tromper si je dis que la petite bande s'est lancée le défie, comme ils l'ont déjà fait avec Madeleine et Harry, de nous mettre ensemble Lucas et moi. Je ne peux alors que me demander dans quelle histoire j'ai réussi à me fourrer. Même à des kilomètres de chez moi j'arrive encore à me retrouver dans des histoires abracadabrantes. À ce niveau ça ne relève plus que de talent et de rien d'autre, je suis talentueusement pas doué.

Je pince mes lèvres dans le constat de cette stupide situation, et tourne mon regard vers les deux garçons parterre. Émilie est avec eux, un peu ailleurs, gribouillant des choses sur un petit carnet sans parler, elle porte un grand chapeau sur sa tête et ne porte pas forte attention au monde autour d'elle, malgré les rires. J'ai pensé au début qu'elle ne parlait pas bien anglais, et, si il y a peut-être de cela, je remarque aussi qu'elle est une personne naturellement effacée.

« L'eau est bonne ? » Demande Madeleine alors qu'elle retire déjà son t-shirt pour dévoiler un maillot de bain de couleur mauve.

« Ouais ! » Répond Annie en pressant ses cheveux courts vers l'arrière. « Venez ! »

« Ouais ! Harry viens ! » Madeleine se tourne vers celui-ci en retirant son short et mon regard suit le siens. L'intéressé se tient là, les bras croisés et les sourcils froncés, en regardant les deux dans l'eau. Quand enfin il baisse ses yeux vers Madeleine il sourit et hoche la tête.

« Part devant. » Lui dit-il.

Ce devait être la seule chose qu'elle attendait pour partir dans l'eau, parce qu'une fois son short par terre elle s'en va. La rivière a l'air profonde, quand Madeleine entre il ne lui faut pas beaucoup pour être dedans jusqu'à la taille. Elle a l'air un peu froide, mais ça ne l'empêche sûrement pas de plonger dedans tête la première.

« Louis ! Viens ! » Me lance Lucas à son tour.

Harry m'envoie un regard et je le rencontre du mien. Je force un sourire vers lui, un sourire qui ne reçoit pas de réponse. Il se détourne rapidement avant de s'asseoir sur le sol avec Thomas et Arthur. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe, d'où vient ce comportement soudain distrait et lointain qui me fait mal au cœur. J'aimerai comprendre, j'aimerai être dans sa tête, savoir toute les choses qu'il se passe dedans et qui font de lui ce garçon refermé sur lui même et pourtant tant ouvert aux autres en même temps.

Je soupire d'impuissance et retire mon t-shirt avec défaitisme pour ensuite le poser sur les sacs puis m'approcher du bord, faisant de mon mieux dans les galets chauds et pointus. Quand j'ai les pieds dedans je suis surpris par la fraîcheur, mais je n'ai pas plus de temps pour vraiment la sentir parce que soudain Lucas m'attrape, un bras sous les jambes et l'autre autour du buste.

« Lucas ! Non ! Tu fais quoi ! » Je m'accroche à lui alors qu'il rit en avançant dans l'eau, juste pour m'embêter. Je me débats dans ses bras, non sans rire de cette situation, mais le laisse me tirer dans l'eau complètement. Quand on retourne à la surface je râle. « Tu veux te battre ou quoi ! » Je m'exclame en tournant dans ses bras pour m'appuyer sur lui, et sur sa tête, et le couler à mon tour.

Quand il remonte il frotte ses yeux et secoue la tête avant de revenir à la charge, m'attrapant dans une étreinte pour me pousser à mon tour. Et nous voilà bientôt à nous battre comme deux enfants. Un coup il me balance dans l'eau et le suivant c'est mon tour.

J'ai déjà joué comme ça avec Harry, mais avec Lucas c'est différent, parce qu'on a à peu près la même force et que je peux autant l'attaquer que lui. C'est plus équitable. Et pourtant, c'est moins amusant. Je sais que je ris énormément à cet instant, chaque fois que je saute sur ses épaules ou qu'il me renverse dans l'eau, mais c'était comme plus amusant avec Harry, même alors que je n'ai même pas réussi à ne serait ce que le faire tomber une seule fois.

« Ok trêve ! » Demande mon camarade avec un signe de main. Il pointe derrière moi et je me tourne alors pour regarder Madeleine rire en nous regardant.

Cette dernière semble comprendre en même temps que moi ce que Lucas insinue et bien vite tourne les talons pour repartir vers le bord et ainsi fuir le monstre marin qu'est devenu son ami, qui se jette derrière elle, moi derrière lui.

« Tu veux rire femme ! On va voir qui va rire ! » Raille-t-il quand il arrive à l'attraper finalement, les bras autour de la taille, et se jette en arrière pour la balancer par dessus lui.

Elle cri avant de tomber dans l'eau et j'explose de rire bien malgré moi en les voyant remonter tous les deux, Madeleine grimaçant à cause de l'eau dans son nez.

« C'est pas très juste ça ! » Rigole-t-elle.

« Ouais ! Harry viens la défendre ! »

Évidemment, l'amusement n'est que de courte durée, parce qu'il faut que Annie demande ça et il faut que Harry saute sur l'occasion et qu'il se lève et retire sa chemise pour venir s'en mêler à son tour.

Je sais que j'ai déjà vu Harry en maillot de bain à un instant, et pourtant j'ai l'impression que c'est la première fois. La première fois que je le vois passer son t-shirt par dessus ses épaules et dénuder sa poitrine robuste. J'aurai voulu qu'on soit seuls, comme à la place, parce que me voilà maintenant obligé de faire mine que je ne suis pas troublé par son image, que je n'ai pas envie de m'asseoir dans l'eau et de le regarder.

Il arrive dans l'eau bien vite, et, bien sûr, avec une telle force, il ne lui faut qu'un paquet de seconde pour jeter Lucas sur son épaule et le balancer dans l'eau. Je me déteste pour cela, mais je trouve ce débordement de force presque attirant et j'ai soudain bien envie de ne plus participer à la bagarre mais de juste les regarder, de regarder Harry, de le regarder maîtriser Lucas sans mal. Celui-ci se défend plutôt bien et sait comment faire pour lui rendre la monnaie de sa pièce, mais Harry reste plus impressionnant, sans surprise.

Ça me fait rire.

« Oh dis donc ! C'est que ça devient personnel ! Ça t'apprendra à noyer Madeleine ! » Rigole Annie en venant à côté de moi et Madeleine qui s'amusons de leur chamaillerie.

Pour un temps seulement. Ça devient personnel. Harry fait-il sincèrement ça pour défendre Madeleine ? Et se venger pour elle de cette blague ? Je fais de mon mieux mais je crois que ça fait tout de même mal au fond de mon cœur.

Harry décide finalement qu'il en a fini et rit de voir Lucas faire le mort à la surface de l'eau. Il se tourne vers nous trois et son regard joueur se pose sur moi alors qu'il me pointe de son doigt. Je comprend assez vite ce qu'il se passe et m'empresse de faire demi-tour pour sortir.

« C'est pas moi j'ai rien fais ! C'est Lucas ! »

« Ouais ouais ! » Rit-il en partant derrière moi.

Je n'ai pas le temps d'aller bien loin, courir sur des galets est une tâche assez difficile, alors c'est, encore une fois, sans surprise que Harry m'attrape à mon tour, par la taille, pour me ramener dans l'eau et me balancer au large de toute ses forces. À la surface Lucas rigole, Madeleine et Annie aussi, et je pouffe en lançant un regard vers Harry. Ce dernier pointe un index accusateur sur moi, sourire malicieux aux lèvres, puis retourne s'asseoir avec les autres.

« C'était court mais intense dis donc. » Souffle Annie.

« C'est ce qu'elles disent toutes. »

On se tourne vers Lucas est il fait un clin d'œil charmeur et moqueur, envers sa propre blague. Je souffle et roule mes yeux en le poussant d'une main sur l'épaule pour le faire tomber dans l'eau.

« Hé, les gars, faudrait penser à monter la tente avant qu'il pleuve ! » Envoie Arthur depuis la berge.

« Oh ouais ! J'arrive ! » Annie sors de l'eau la première, vite suivit par Madeleine.

Lucas et moi allions sûrement les suivre mais il décide, d'abord, de s'arrêter à mon niveau, me poussant alors à faire une pause dans mon élan pour l'écouter.

« Tu vas bien sinon ? » Me demande-t-il quand je me tourne vers lui.

« Oh, oui, oui ça va ? Et toi, après la tasse que Harry t'as fais boire ? » Il rit une seconde.

« Ça va.. » Souffle-t-il. « Je voulais savoir... si ça te dirai que ce soir, on prenne un petit moment seul à seul, tu vois genre... pour marcher un peu et.. enfin voilà. » Mon cœur se serre alors que ses yeux teintés d'hésitation, légèrement plissés dans sa grimace d'incertitude, jouent entre mes prunelles. Je ne sais pas si je veux dire oui, je ne sais pas non plus si je veux dire non.

Je me tourne un instant vers la berge. Juste à ce moment je capte les dernières instant du regard de Harry dans notre direction, avant qu'il ne se tourne vers nos camarades qui sortent la grosse tente verte de son sac. Je serre mes lèvres. Je l'observe se pencher en avant, attraper un bout, rire avec Madeleine, et faire mine de la pousser quand elle essore ses cheveux sur lui.

J'ai mal à la poitrine. Je sais que je n'ai aucune chance avec lui, ça ne serre à rien d'essayer quoi que ce soit, ni même d'espérer. C'est stupide. C'est voué à l'échec. Je soupire.

« Oui, pourquoi pas. » Je tourne mon sourire vers Lucas et vois sa mine s'illuminer.

« C'est vrai !? Oh super. » Il se penche vers moi rapidement pour embrasser ma joue, puis, sans rien ajouter, il sort de l'eau pour rejoindre tout le monde.

Mois qui attendait ce petit séjour en camping avec impatience, je me retrouve à me demander si c'était finalement vraiment ce que je voulais. Parce que me retrouver là, avec Harry, Madeleine et Lucas... ça me donne la nausée plus qu'autre chose.

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