Chapitre 11 : Territoire démasqué
Je n'avais jamais vu la mer avant il me semble. Je ne sais plus exactement. Peut-être, oui, une fois, il y a très longtemps, tellement que je n'ai même pas l'impression que ce soit un souvenir datant de cette vie. Je ne sais plus. Je me souviens du vent de la cote, il faisait froid ce jour là, ce n'était pas l'été. Un goéland volait au dessus des galets gris et de la mer bleue foncée et agitée. Le ciel était froid lui aussi ce jour là. Par dessus le vent, ma mère m'avait appelé pour que je revienne près d'elle et lui tienne la main. J'étais très jeune. Et je crois que c'est la première et dernière fois que j'ai vu la mer d'aussi près.
Aujourd'hui, je ne suis plus simplement proche de la mer, il n'y a qu'elle a perte de vue. Ou presque, parce que non loin d'ici je peux commencer à voir la cote française, et que plus elle s'approche plus la lourdeur de ma vie s'éloigne. Le ciel est bien plus clair que la première fois que j'ai vu la Manche, mais l'eau, elle, est toujours aussi belle et bleu, s'éclatant contre la coque du ferry et jouant dans les rayons du soleil matinal. J'ai raté le levé du soleil de peu en dormant, mais j'ai pu voir le ciel injecté de jaune et bleu clair repousser le bleu foncé nocturne loin de l'autre côté de l'horizon, jusqu'à ce soir.
Un enfant est assis juste derrière moi, je crois qu'il est aussi captivé que moi par l'immensité de cette eau, bien que je sois probablement le seul de nous deux à réaliser avec le vertige combien je ne suis rien de plus qu'un grain de poussière dans le néant. Quand on parlait d'infiniment grand en physique-chimie je n'avais pas saisis que c'était réellement infiniment grand.
À perte de vue, épousant le ciel, les vagues s'étendent, et j'ai l'impression de tomber. Longtemps et profondément. Je n'avais jamais quitté mon pays, je n'avais jamais été aussi loin de chez moi, et me voilà dans les eaux du nord de la France. Les perspectives se perdent, s'élargissent, grandissent et mon souffle se coupe sur la vitre, laissant mon dernier soupir sous forme de petit nuage blanc s'effacer de la surface transparente et froide.
Je n'arrive plus à sentir la fatigue qui enlise et alourdit pourtant chacun de mes membres, chacun de mes mouvements. Les signaux ne parviennent plus à mon cerveau, il est bien trop focalisé sur le monde que je découvre, le regard gourmand, avare, envieux de plus.
La cote française se rapproche, ou plutôt nous nous rapprochons de la cote. Le port se dessine au loin et invite un sourire sur mon visage qui ne se fait pas prier un seul instant.
« Attend de voir Paris. »
Je tourne ma curiosité vers mon compagnon de voyage. Il sourit en m'observant, probablement amusé de me voir ainsi. Je dois être marrant à voir, je suppose, assis devant cette vitre avec mes cernes plus longues que mes joues et les yeux rouges, le visage collé à la vitre, tel un fou.
« Beaucoup de gens disent qu'elle n'est pas si belle, que c'est surtout une grand ville pleine de cons et de pollution. » Il pousse un petit rire.
« Ne dis pas ça trop fort, tu pourrais vexer quelqu'un, les français sont des gens plutôt fier contre les critiques venant d'étranger. » Il secoue la tête. « Et puis Paris est certes une grande ville comme une autre.. mais elle est belle et voir ses plus beaux endroits la première fois fait toujours un drôle d'effet. Elle n'est peut-être pas aussi magique que nous le vend son image battu pas les films et les médias... mais elle reste spécial pour quelqu'un qui n'y vit pas. » Explique-t-il en redescendant son regard sur un petit livre qu'il a dans les mains, quelque chose de français que je n'arrive pas à lire, par conséquent.
Je ne l'avais pas vraiment réalisé jusqu'à maintenant, parce que Harry parle la même langue que moi, mais je vais dans un pays où je serai incapable de communiquer avec qui que ce soit. Je suppose que Harry est bilingue mais moi je ne suis même pas capable de formuler une seule phrase du français, pas même un mot.
« Tes amis.. parlent uniquement le français ? » Il lance un regard vers moi rapidement, juste une demi seconde, le temps d'observer la valeur de ma question sur les traits de mon visage fatigué.
« Non, ils parlent notre langue un peu. Certains mieux que d'autre.. mais si jamais t'as le moindre problème je suis là. » Il hoche la tête, ses yeux suivant les lignes avec habitude et ne me laissant que le loisir de me demander comment son cerveau arrive si facilement à jongler entre deux langues comme cela.
Je tord mes lèvres, tournant la tête vers la mer et remarquant que l'ont arrive finalement. Comme un écho à cette pensé une voix résonne et annonce, dans les deux langues l'une à la suite de l'autre, que l'arrivée est imminente. Mon cœur remonte dans ma gorge et je serre mes mains sur mes cuisses en regardant la rive être bel et bien là et plus une simple délire de mon imagination. Je crois que des gens attendent après l'espace réservé au débarquement, des familles ou amis des autres passager, et, sûrement, personne pour nous. Nous n'avons pas non plus de voiture à récupérer, puisque celle de Harry était une location, alors on ne doit que récupérer nos sacs, sortir, et rejoindre la gare où on prendra le train pour Paris. La journée est encore longue, et j'ai l'impression que je ne pourrais pas m'allonger dans un vrai lit avant un long moment. Ça m'épuise un peu plus que je ne lui suis déjà.
Harry a un peu dormit durant le voyage en ferry, mais s'est vite réveillé et je me demande comment il fait, il a dû dormir la journée entière la veille pour être aussi frais et pimpant à huit heure du matin tout juste après quatre heure de trajet. Quatre heure qui sont en fait cinq heure si on compte celle perdu dans le décalage horaire. Je m'en suis rendu compte au moment où je sortais mon smartphone pour envoyer un message à Liam. Non content d'avoir reçus un message m'informant que je suis sortit du territoire et que mon forfait couvre la France, j'ai maintenant deux heures différentes sur mon écran. Celle de l'Angleterre à droite, et celle de la France à gauche. Et il n'est donc pas huit heure, mais bien neuf heure localement.
« Est-ce que tu veux que je m'occupe de tes affaires ? » Je sursaute et lève le regard vers Harry qui range maintenant son livre, se tenant prêt pour le moment où l'on devra partir. « Au moins ton plus gros sac ? »
Je fronce mes sourcils.
« Non t'inquiète pas, mais c'est gentil. »
« C'est parce que t'as pas beaucoup dormis, je voudrais pas que tu t'épuise encore plus. » Rit-il gentiment en se redressant dans son fauteuil.
« Oh... non t'inquiète ça ira. » Je hausse mes épaules et me tourne vers la vitre.
C'est marrant combien on ne réalise pas vraiment aller vite dans l'eau tant que l'ont a pas un vrai repère visuel. Parce que nous voilà maintenant vraiment proche et que de l'agitation commence à se faire ressentir dans l'air qui m'entoure. Je resserre ma main sur la hanse de mon sac posé à mes pieds et mordille ma lèvre malgré moi.
« On commence à bouger, tu viens ? » Je me tourne vers Harry et hoche la tête.
Je lance mon sac sur mon dos et attrape mon second sac pour le placer sur la plus forte de mes épaules, sous le regard attentif de mon compagnon de voyage. Il voyage plus léger que moi, puisqu'il n'était au pays que pour quelques jours, il n'a avec lui qu'une petite valise à roulette et un sac en bandoulière pour ranger des essentiels.
Il me sourit quand enfin je me saisit de la hanse rétractable de ma propre valise et que l'ont s'en va vers la sortit pour les gens sans véhicule, qui, eux, passent en cale.
Sur le pont je sens le vent fouetter mon visage dès l'instant où je mets le pieds dehors, accompagné par une intense odeur d'iode qui emplie mes poumons de délice. Je n'ai pas froid, l'air est un peu plus chaud qu'à Londres, à la même heure le vent de chez moi est un peu plus froid, même avec l'été approchant à grand pas.
Mes cheveux se couche en arrière dans la bourrasque et je vois que l'on arrive pour de vrai, on est tout proche. Mon cœur bat la chamade et je tourne un sourire vers Harry. Lui aussi sourit, un peu plus grandement que je ne l'ai déjà vu sourire, ou alors différemment de d'habitude. Il observe le large et quelque chose dans la grande bouffée d'air qu'il inspire me dit que c'est un sourire qui dit 'je suis à la maison'. Bien que l'on ne soit que passé de l'autre côté de la frontière et bien loin de là où il vit, bien qu'il dise que l'Angleterre lui manque, j'arrive à voir qu'il se sent ici, dans ce pays, chez lui. C'est apaisant de voir une telle chose, je pense, et je me demande si moi aussi j'ai déjà eu ce genre de sourire, si je me suis déjà sentit à ma place quelque part.
Quand on descend finalement, un peu plus tard, mon épaule me fait déjà mal. Ma fierté, cependant, m'empêche de l'admettre, et l'on s'en va simplement. Je crois que le personnel de la douane connait Harry, parce qu'il se dise bonjour d'un bref mouvement et ne décide pas de nous arrêter ou nous fouiller. Je ne sais pas si c'est par le simple fait qu'il lui font confiance ou sont intimidé par son statut d'homme riche. Je n'ai rien à me reprocher alors ça ne me dérange en rien, mais il est vrai que c'est un peu bizarre.
« La gare est loin ? » Je demande alors qu'il tapote sur son téléphone à la recherche d'un uber.
« Pas trop, mais je voulais d'abord qu'on se pose quelque part prendre un petit déjeuné. » Dit-il.
Comme une coïncidence parfaite, trop pour paraître réel, mon ventre fait savoir sa faim en un gargouillis pas assez discret à mon goût. Un bruit qui aurait put être minime et tranquille mais qui avait plutôt décidé de choisir ce moment pour me taper une honte fracassante devant la seule personne devant qui je refuse de vivre ce genre de choses. Alors de le voir sourire d'un air malin et vainqueur comme ça, verrouillant son téléphone d'une main nonchalante et désintéressé, me fait me demander si j'ai vraiment bien fais de traverser la manche avec cet individu.
« Je crois que tu en as besoin. » Rit-il.
Je roule des yeux à son commentaire et remonte mon sac sur mon épaule. Ou alors j'essaie. Comme si son coup avait été longuement calculé pour ne pas pouvoir rater, Harry attrape ma hanse durant le cours laps de temps où elle ne touche plus mon épaule et il tire le sac vers lui pour le hisser sur la sienne, le tout sous mon regard effaré. La surprise me cloue sur place alors qu'il continue sa route sans un regard en arrière et sans le moindre mot. J'ai l'impression de voir rouge qu'il me considère de la sorte, comme si je n'avais pas assez de force pour un malheureux sac.
« Hey, c'est à moi ! » Je siffle en partant derrière lui.
« Tu avais mal. » Rétorque-t-il comme si c'était la chose la plus simple sur terre, et ça l'est peut-être si je considère que je n'arrive même pas à trouver quoi que ce soit à redire devant ça. « Je préfère le porter pour ne pas que tu te casse le dos. Mais si ça t'ennuie je peux te le rendre. » Je peux comprendre à son ton et dans sa façon de regarder devant lui sans se tourner vers moi qu'il n'y a pas d'arrière pensée dans son comportement. Alors je détourne mon propre regard, laissant le son de ma valise sur le sol griffonner mes oreilles pendant une seconde avant de me rendre à l'évidence que j'avais mal à l'épaule, en effet, et que c'est gentil de sa part de me défaire de ce poids.
« Merci. » Je bougonne quand on s'arrête finalement un peu plus loin sur un trottoir.
« Pas de soucis. »
Le silence retombe sur la mâtiné qui nous entoure. La vie autour de nous me distrait alors que l'ont attend sûrement notre chauffeur. Mes yeux s'égarent sur les panneaux routiers aux mots si difficiles à comprendre et prononcé, même et surtout dans ma tête. Harry semble parfaitement savoir où il est, il ressemble à quelqu'un qui a l'habitude, il ne regarde rien de particulier et sort son téléphone pour aller sur ce que je pense être Twitter. Mes yeux, eux, ne semble pas avoir assez de temps pour vraiment réaliser la quantité de chose qu'ils vont voir bientôt. Je ne sais pas trop si je m'attend à quelque chose en particulier. Je suppose que tout est différent, mais en même temps je n'ai pas l'impression que ce puisse être à ce point là.
« En voiture. » Harry brise le silence quand une voiture ralentit devant nous. La personne au volant lui demande quelque chose et il répond avec le sourire, et je me sens déjà aliéné. Je me contente de sourire au conducteur quand il me regarde, alors que Harry range tranquillement nos affaires dans le coffre. « Entre vas-y. » Me dit-il alors qu'il attrape ma valise.
Je m'exécute sans histoire et entre à l'arrière du véhicule bien entretenue. L'homme m'observe dans le rétroviseur intérieur et le malaise dans ma gorge grandie encore et encore. J'aimerai qu'il arrête. Il dit quelque chose à nouveau, et c'est, cette fois, directement dirigé vers moi. Une sueur froide glisse dans ma nuque et je force un sourire en lui rendant son regard, perdu et apeuré jusqu'à l'os.
Mon père disait toujours que c'était mangé ou être mangé dans la vie, et là j'ai l'impression que je sais ce que c'est que d'être mangé. Son regard me scrute comme si j'étais une phénomène de foire. Je sais que je devrais dire quelque chose mais mon cerveau fonctionne si vite que je frôle la surchauffe, et c'est uniquement afin de m'offrir des hypothèses rocambolesques sur les possibles choses dans la tête de cet inconnu. Peut-être va-t-il mal le prendre que je suppose qu'il parle ma langue. Peut-être me prend-il déjà pour un idiot et il va penser qu'en plus d'être idiot je suis hautain et prétentieux et que je m'attend à ce qu'on me parle la bonne langue. Et si il ne comprend pas l'anglais peut-être va-t-il me trouver insensible de venir dans un pays dont je ne parle pas la langue.
« Louis ? » Je sursaute et me tourne vers mon sauveur incarné en serrant mes mains sur mes genoux. « Ça va pas ? T'es tout rouge d'un coup ? » Il se rapproche de moi et la portière se ferme derrière lui alors qu'il presse sa main sur mon front. « T'as de la fièvre ? »
J'attrape son poignet pour le repousser et secoue la tête. « Non, non c'est juste... s't'eu plaît me laisse plus jamais avec quelqu'un que je comprend pas ça fait super flipper. »
Il recule de moi avec surprise et un sourire grimpe sur ses joues, il sonne moqueur et je réalise que je viens, encore, de me ridiculiser devant lui. Est-ce qu'un jour j'aurai la chance de la lui mettre à l'envers, je ne sais pas, mais j'espère que ça arrivera. Il doit avoir une faille quelque part, lui aussi. Je suis maladroit alors c'est facile pour lui, et surtout injuste dans cette étrange compétition.
« Mais quoi, t'es mon interprète je te rappelle ! » Je frappe son biceps du dos de ma main et il pousse un rire abrupte en secouant sa tête, puis s'attache.
« Adorable, vraiment. » Et ce n'est plus rouge d'embarras que je suis, à cet instant.
« Comment ça adorable ! Je suis un bonhomme ok ! »
« Oui oui. » Rit-il.
Je m'enfonce dans mon fauteuil et tire mon sac contre moi. Dedans je sais qu'il y a mon thermos vide et mes Dragibus dans leur paquet à moitié entamé. Dans ma tête le voyage en voiture et en ferry se rejoue, le voyage n'a techniquement que commencé et je suis forcé de réalisé que je m'amuse vraiment beaucoup même alors que tout ce que j'ai fais jusqu'à maintenant était d'être assis et attendre. On a mangé des bombons et bu du thé, on a rit et discuté et finalement c'est comme si le temps c'était déroulé plus vite que ce que j'aurai cru, et maintenant, à presque la moitié de notre périple, j'ai hâte de la suite des événements.
*
On ne met que peu de temps à rejoindre le centre ville, nous n'étions pas très loin, je suppose, peut-être quelques minutes de voiture, à peine, pour parcourir une distance en moins de temps qu'à pieds avec une montagne de bagage sur le dos. Harry sort le premier de la voiture et je balbutie un remerciement en sortant derrière lui. Mes yeux s'attardent sur les décors autour de moi, et oui, oui, c'est différent, ce n'est pas du tout comme Londres, ça n'a rien à voir. Ce n'est pas une ville au moins aussi grande, il est vrai, mais même la banlieue de Londres n'est pas ainsi. Il y a un petit café de quartier juste là, ou peut-être pas si petit. Les horaires laissent penser à un bar restaurant ouvert assez tard, donc probablement un lieu populaire.
Harry entre une fois nos affaires déchargées et l'homme en voiture partit. Il m'indique une table de terrasse pour me dire de rester ici, probablement pour ne pas encombrer l'intérieur avec nos affaires. Je reste debout cependant, pour le regarder saluer un gars derrière le comptoir, qui sourit en le voyant et lève un index avant de disparaître en arrière boutique. Je fronce mes sourcils et observe mon compagnon de voyage se tenir sur sa position, déplaçant son poids sur une jambe et regardant la pièce d'un œil habitué. Et je saisi alors, il est déjà venu ici, probablement plus d'une fois.
Comme une confirmation à ma pensée, une femme arrive de l'arrière boutique et son visage s'illumine.
« Harry ! T'es là ! » S'exclame-t-elle. À ma surprise, elle parle notre langue.
Elle pose le verre dans sa main sur le comptoir et fait rapidement le tour pour venir se jeter dans ses bras, enroulant les siens à sa nuque. Il la réceptionne souplement, tournant un peu sur lui même en serrant sa taille. Serait-il possible que les photographes français ait loupé une petite amie ? Serait-ce possible alors qu'il vit à l'autre bout de la France ? C'est peut-être une remarque stupide, je suis proche de mes amies moi aussi, et je ne suis avec aucune d'elles, je ne devrais pas présumer qu'ils sont ensemble, je suis plus intelligent que ça.
« Je suis là que rapidement, j'ai un train pour Paris bientôt. » Dit-il en la reposant par terre, tendant une main vers moi et se tournant de côté dans le même mouvement. « Je suis accompagné. » M'introduit-il. « Louis je te présente Elizabeth, ma sœur. »
« Oh. » J'étais vraiment plus qu'à côté de la plaque. « Bonjour. » Je tend ma main vers celle qui me rejoint, pour la serrer, et fais un sourire courtois.
« Lizzie, voici Louis, c'est.. un ami. » Elle lève un sourcil et se tourne vers son frère avec un air sceptique, amusé dans le fond de ses yeux.
« Un ami dont je n'ai jamais entendu parlé. » S'amuse-t-elle. « C'est ce garçon avec qui tu as bu de la bière. » Elle se tourne vers moi et me fais un grand sourire. « Tu viens à peine de rencontrer mon frère et te voilà à traverser la manche et la France avec lui ? Tu as plus de courage que sa dernière ex. »
Un rire m'échappe, c'est plus fort que moi. J'essaie de le tenir derrière mes lèvres mais c'est difficile. Harry semble aussi sous le choque que moi et pour une fois je vois une nouvelle émotion sur son visage toujours perdu dans une grimace réflective et presque princière, il est pris de court, ses yeux sont fixés sur sa sœur qui glousse en face de moi, et sa bouche entre ouverte lui donne un air idiot. Je plaque ma main sur ma bouche pour ne pas un peu plus me moquer de lui.
« Liz. » Lui dit-il. « Ce n'est stipulé nul part que tu dois me ridiculiser devant mes nouveaux amis. »
« Oui, oui. Aller, asseyez vous je vais vous préparer votre déjeuné. » Dit-elle en tapotant sur le biceps de son frère et virant en une volte face pour repartir d'où elle vient.
Je sais pourquoi je n'ai pas pris en compte le fait qu'ils pourraient être frère et sœur. Elizabeth n'a rien à voir avec lui. Physiquement, puisqu'elle est plutôt petite, presque rousse, axu yeux à la couleur du caramel, mais surtout, comme le nez au milieu de la figure, elle pétille, elle est solaire, elle rit et montre des sentiments qui ont l'air bien humains, eux. Si j'avais sût qu'il avait une sœur, je l'aurais imaginé habillé d'une belle robe moulante, coiffée aussi strictement que lui, avec un sourire habitué à la courtoisie sur un visage bien porté et neutre. Et je trouve ce qui doit être une gérante de restaurant, au long cheveux lâché et ondulé, qui porte un jean droit et des baskets. Comme si ils n'avaient pas grandit dans le même univers.
« Ta sœur vit bien loin de chez toi. » Je remarque simplement en m'asseyant enfin, tirant vers moi mes sacs et ma valise, pour ne pas qu'il dérange le moindre passage.
Harry sourit en coinçant son visage sur le dos de sa main. C'est un sourire qui sonne plutôt amusé.
« Ouais, elle vit ici en France depuis plus longtemps que moi, d'ailleurs. » Explique-t-il. « Ma sœur et moi on a été à l'école dans un pensionnat Anglais, et quand elle a finit l'école elle est partit en France rejoindre notre famille. Elle a rencontré un mec dans le sud qui vivait ici, et depuis ils se sont pas quittés. » Je hausse mes sourcils dans le tilt qui me frappe soudain, de toute sa force. Si elle est partit à la fin de ses études secondaire, je suppose que lui aussi.
« Attend tu veux dire... que t'as eu une part du domaine Styles y a quatre et que tu vis depuis quatre ans ici et... que tu as attendu la fin de ta scolarité ? » La question monte dans ma tête et Harry fronce ses sourcils comme si il ne comprenait pas ce que j'étais en train de réaliser et qui était, visiblement, en train de me choquer assez profondément. « Tu as juste vingt-deux ans ?! »
Elizabeth pose sur la table deux assiettes remplie d'œufs au plat et de lard grillé, comme dans un dinner américain, et son visage semble surpris alors qu'elle vient probablement de ne capter que ce bout de conversation entre nous, possiblement même cette unique phrase.
Harry me regarde abasourdie, ses yeux semblent emplie d'incompréhension alors que ses lèvres se tordent dans un sourire en coin, confus et nerveux. Son sourcil gauche se arque et son regard s'enfuie vers un point plus loin.
« Oui. Depuis trois mois, presque quatre. » Dit-il sur un ton bizarre, comme si c'était évident, sauf que non, ça ne l'est pas. Vingt-deux ? Il a vingt-deux ans ? Lui, un mètre quatre vingt et des poussière, le visage si adulte et les yeux si sérieux, le moral si strict et l'air si snobe, n'a que vingt-deux ans ?
« Je- » Je quoi ? Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi penser. Je le savais jeune, mais je ne le savais pas si jeune. « Je-.. je te croyais plus vieux que moi de un an ou deux, je crois ? » Je propose, confus comme jamais auparavant alors que je regarde son visage si virile, si beau, si mature, et que j'assimile avec difficulté que c'est le beau visage d'un garçon presque trois ans plus jeune que moi.
« Oh.. je crois que j'avais eu la même réflexion à propos de toi, je pensais que j'étais plus vieux de un an ou deux.. » Dit-il, le rire dans la gorge. « Mais je pensais que... tu savais mon âge. » Il pointe son index vers moi et Elizabeth pousse un rire en s'éloignant finalement, jugeant probablement silencieusement combien je dois être bizarre de partir en vacances avec un garçon dont je ne connais même pas l'âge. Je ne suis qu'un fou, un dingue.
« De toute évidence non, et c'est vraiment bizarre, c'est généralement parmi les premières choses qu'on demande à quelqu'un. » Je ris de moi même en essayant de me rappeler du moment où je lui ai parlé de mon âge, et de pourquoi, diable, je n'ai pas put lui demander le sien dans la foulé. « Je me sens vraiment stupide, je suis désolé, je sais pas du tout pour quoi je passe. » Je secoue la tête et couvre ma bouche du bout de mes doigts dans un signe d'impuissance et d'incompréhension. Peut-être devrais-je apprendre à plus m'ouvrir au monde, ce n'est pas possible de manquer une information aussi importante et basique à propos de quelqu'un, si ?
« T'excuse pas, c'est rien. » Il rit jaune, ses sourcils se plissant dans un air amusé et presque désolé lui même. « Tu passes juste pour quelqu'un qui n'a pas pensé à demander son âge à quelqu'un d'autre, c'est vraiment rien, je te rassure. J'aurais probablement jamais pensé à te demander le tiens si tu ne l'avais pas glissé dans une conversation. » Il hausse une épaule en attrapant sa fourchette et je baisse la tête vers mon assiette.
Elle est bien présenté. C'est joli, joli comme un bon restaurant de quartier et de qualité. Je ne pense pas avoir déjà mangé dans ce genre d'endroit, et sûrement pas à une telle heure. Moi je ne sors jamais seul, et quand je sortais avec ma très chère famille ce n'était que pour se rendre dans des endroits où les assiettes sont plus belles que pleines. C'est très bon, c'est très beau, je pense que c'est le genre d'endroit où il faut lentement savourer le contenu de son assiette pour la faire durer. Ce sont aussi de bon endroits où manger, mais je pense que l'ambiance comme celle-ci, de fait-maison, de restaurant familial avec peut-être des habitués, c'est différent.
Je mange avec plaisir le contenu de mon assiette, je savoure le goût du fait maison. J'avais l'impression de mourir de faim, presque, et je suis plus qu'heureux d'enfin manger quelque chose, aussi bon qui plus est. Harry observe son téléphone, je ne sais pas ce qu'il y fait. Je l'observe sans rien dire, déviant plus tard vers la rue animée. On est dans un endroit un peu reculé du centre très mouvementé, et même si il y a toujours du passage la minuscule terrasse du restaurant reste agréable. Il y a quelques passants qui me sourissent ou font parfois un hochement de tête quand nos regards se croisent. Les voitures, qui roulent à droite, passe régulièrement, mais sûrement pas autant qu'en heure de pointe. C'est une joli mâtiné.
Mon téléphone vibre dans ma poche et je le tire sous mes yeux aussi vite. C'est un message, je ne suis pas surpris, de Liam, et, là aussi, ça ne me surprend pas.
De 'Li' : Content de te savoir en vie et bel et bien de l'autre côté de la manche !
Je souris à mon écran et lâche ma fourchette pour composer une réponse rapide.
À 'Li' : On est même pas encore arrivé à Paris que je trouve tout déjà complètement superbe, prépare toi pour la montagne de photo que tu vas recevoir !
Je me sens aussi surexcité que j'en ai l'air alors que je pose mon téléphone à côté de moi pour observer mon écran et attendre la réponse.
De 'Li' : Ça va être un échange de bon procédé alors parce que je t'explique pas les super lieux que je vais voir pendant cette tournée
À 'Li' : On est vraiment chanceux
« Content de voir que tu apprécies d'ores et déjà le voyage. »
Je lève les yeux vers mon camarade en rangeant mon téléphone et il sourit. C'est évident que mes émotions ne sont que de plus en plus transparentes depuis qu'on a quitté mon appartement. Ça ne me dérange pas cette remarque, au contraire je suis content de voir que lui apprécie de me voir ainsi et de pouvoir réaliser ma joie d'être ici. Je ne suis pas là contre mon grès après tout, et c'est mieux si il le sait.
« Bon Louis. » Un chaise grince sur le sol et Elizabeth s'assoit avec nous sur le bord de la table, ses bras croisé sur le dossier de sa chaise et le sourire sincère. « Comment t'es tombé sur la tête ? » Je hausse un sourcils. « Parce que t'as dû te faire sacrément mal pour venir avec un mec que tu connais à peine à l'autre bout d'un pays étranger. » Touché. Touché si fort que mon visage chauffe et que mon corps recule comme pour se protéger. « Parce que lui je sais qu'on la bercé trop près du mur et que c'est pour ça qu'il propose des choses aussi étrange à quelqu'un qu'il connaît depuis quelques jours mais que la personne accepte ? »
« Liz. » La jeune femme se tourne vers son frère et il lui lance un regard que je qualifierais de regard de la mort. C'est plutôt comique sur le visage de Harry par ailleurs, lui qui semble n'avoir que deux émotions disponible pour son visage, le voir tenter de la fusiller du regard ne finit que par donner l'impression qu'il ne la vois pas vraiment et plisse les yeux pour rendre son visage plus net.
« T'as vu ça ? » Elle se tourne vers moi en le pointant de son pouce. « Et ça fait vingt-deux longues années que je me le coltine. » Elle roule des yeux et je pouffe à sa gentille moquerie.
« On aurait pas dû s'arrêter ici et partir prendre un truc à la gare. » Elle tourne un air outré vers lui et claque son bras du dos de la main.
J'apprécie de les observer. J'ai toujours été plus enclin à observer les gens, c'est plus facile de les regarder, de contempler leur relation. Et la leur, en l'occurrence, je la trouve touchante. Je peux parfaitement voir que ce n'est que de l'amusement entre eux, que ce n'est pas sérieux. En fait c'est comme si je pouvais voir combien il s'aimait sous toutes ces injures et ses moqueries, c'est comme si c'était simplement leur façon d'être ensemble, leur façon de se dire qu'ils s'aimaient. C'est très sûrement la meilleure relation à avoir avec un frère ou une sœur.
J'aime observer ça aussi parce que ça me permet d'entrer un peu plus dans l'univers de Harry. De le découvrir lui, le vrai lui, celui caché derrière ce masque de sérieux et de maturité, ce masque de prétentieux. Je pense que ce masque n'est qu'une part de lui qu'il sélectionne, il est bien plus que ce gamin prétentieux et arrogant. En découvrir un peu plus sur ce qui se cache dessous est palpitant.
Quand est-ce que j'ai décidé que je me devais de découvrir qui il était ? Je ne sais pas, je ne suis même pas sûr que je l'ai décidé, je pense que c'est de l'instinct. Quand je l'ai vu au téléphone avec son père c'est comme si un morceau de moi avait été aspiré dans une faille, attiré par la sensation de déjà-vu, et que maintenant j'avais envie de savoir, qui il est, et ce qui lui a fait mal ce jour là, ce qui doit lui faire mal tout le temps.
Peut-être qu'une part de moi n'a pas seulement envie de venir à la rencontre du nouveau moi, peut-être que j'ai aussi envie de partir à sa rencontre à lui, et de le connaître lui et toute les facettes que j'ai méchamment pensé qu'il ne possédait pas. Parce que là, malgré son habituel air arrogant et sérieux, j'ai déjà vu deux nouvelles choses de lui. Je le vois là, en face de moi, avec une lueur au fond de son regard qui respire l'amour et l'amusement, bien caché, mais je l'ai aussi vu, là bas, sourire grand et se sentir chez lui.
Alors oui, j'ai hâte de tout ça, moi même, la France, l'univers de Harry si particulier..
Et puis lui. Simplement
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