Les billets de train

Le sifflement de la locomotive se fait entendre, de la fumée blanche commence à envahir le quai de gare. Quatres enfants s'engouffrent de justesse par la porte arrière du train. Ils commencent à chercher leurs places malgré la foule marchant à contre-sens qui leur fait barrage, puis finalement s'affallent sur les deux banquettes rouges de velours se faisant face. Entre eux, deux modestes valises contenaient ce qu'ils avaient pu récupérer de leurs affaires. Soit un pyjama de flanelle bleu, une robe jaune à manches longues et une épaisse  couverture de laine en ce qui concernait Suzanne et son frère Jacques. Rien de bien plus important ne remplissait la deuxième valise, qui appartenait à Louis et Hélène Lèrger, les enfants du cordonnier. Louis était du même âge que Suzanne et sa sœur devait avoir quelques années de moins que Jacques : ce qui leur donnait respectivement 14 et 7 ans. Quand elle était plus jeune, Suzanne adorait entrer dans la petite cordonnerie de village avec son père. Il y flottait toujours une odeur entétante de cuir neuf et de cirage, lui rappelant chaque fois sa première visite. 

*Neuf ans plus tôt comme chaque année, le 10 ème jour d'octobre, Suzanne se rendait dans la boutique de son choix avec ses parents à l'occasion de son anniversaire pour choisir son cadeau. Chacun d'eux était ensuite rangé précieusement dans un grand coffre en bois d'acacia sculpté, où résidait déjà une poupée de cire au teint ocre habillée d'une robe en dentelle bleu glace du magasin de jouet "La fabrique de jeux", un imagier sur les différentes races de chevaux du cabinet de photographie de la rue Paul-Jacques, un tourne-disque, un vinyle d'Edith Piaf et un jeu d'échec d'occasion. Ainsi en ce jour d'automne, Nicolas et Suzanne Belfird se dirigeaient vers la porte de la cordonnerie Lèrger dans le but de trouver chaussure à son pied. Charline Belfird était une belle jeune femme à la taille marquée d'une grande simplicité. De longues boucles brunes s'échappant régulièrement de sa tresse semblaient réhausser ses pommettes colorées. Elle avait transmis ses yeux bleus éffilés à sa fille. À la naissance de celle-ci, Nicolas et Charline furent si comblés qu'ils décidèrent de quitter leur ville natale de Brest pour rejoindre le charme de la campagne et du petit port du Conquet afin que Suzanne soit élevée dans un environnement sain et agréable. Nicolas Belfird était un homme bon et intelligent. Cachés sous ses cheveux blonds se trouvaient des oreilles exceptionnelles et un regard sombre mais vif, ainsi qu'un cerveaux hors-pair qui lui servait chaque jour à exercer son métier de médecin. C'est sous le conseil de ce cerveaux, ou plutôt de Mr. Belfird que Charline ne vînt pas ouvrir la porte de la cordonnerie à sa fille ce mardi 10 octobre 1935 pour choisir son cadeau, et sur le conseil de Jacques qui n'allait pas tarder à naître. Situation oblige, Mr. Belfird ouvrit donc la porte de l'atelier et laissa Suzanne parcourir les étalages de chaussures : des chaussures confortables et résistantes. Il s'installa dans le petit fauteuil coincé entre deux étagères puis observa la pièce : elle était petite, mais le papier peint au motif toile de Jouy bleu proférait un atmosphère chaleureux. On avait réussi à y faire rentrer deux étagères et le fauteuil sur lequel sur lequel il était assis en plus du comptoir, ce qui était déjà énorme pour la taille de la salle. Sur le comptoir était posée une clochette. Suzanne revint vers lui avec une paire de ballerines pourpres en satin à la main. Elle allait secouer la clochette lorsqu'un homme portant un tablier à moitié retoussé par dessus ses vêtements s'engouffra dans la pièce en même temps qu'une odeur de chaussures neuves :

"Que puis-je pour vous? demanda-t-il joyeusement"

Il encaissa les ballerines puis repris la parole : 

"Viens jeune fille, j'ai quelque chose à te donner, dit Mr. Lèrger à Suzanne, qui s'approcha. Je t'offre ce cordon de cuir, j'ai cru comprendre que c'est ton anniversaire aujourd'hui ; et bien accepte le comme un second cadeau. Tu pourras t'en nouer les cheveux ou alors t'en faire un bracelet.

-Merci monsieur, répondit Suzanne."

Le cordonnier sourit puis disparu de nouveau dans son atelier. Cinq jours plus tard naissait Jacques Belfird.*


"Vos billets mademoiselle." 

Suzanne pris soudain conscience qu'on lui parlait.

"J'ai besoin de vos billets de train mademoiselle. Il faut que je les composte! lui disait un jeune employé du train."

Elle glissa la main dans sa poche pour lui donner les billets quand sa main rentra en contact avec quelque chose de râpeux, en voyant le regard impacienté du contrôleur elle tendit les 4 morceaux de papier. Une fois le contrôleur repartit, elle remis sa main dans sa poche. Une larme perlait au coin de son œil gauche. 

Un fin cordon de cuir se trouvait en ce moment même entre ses doigts.

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