Chapitre 9 : Floraison mortelle

Le lendemain, les trois jeunes se retrouvaient devant la cabane de Bernard alors que les premiers rayons du soleil pointaient à l'horizon. Ils avaient tous les muscles endoloris et une fatigue non dissimulée sur leurs visages, séquelles du dérouillage de la veille.

À cause de cela, ils décidaient de ne pas toquer à la porte de leur professeur pour le réveiller, mais attendaient patiemment qu'il vienne les chercher. Ce qu'il ne manquait pas de faire.

"Bien, les enfants, aujourd'hui, je vais vous faire bouger du village. Après vous avoir instruit sur le psy, puis fortifier vos muscles, je vais vous donner des conseils de survie, en pleine nature. Après tout, il va bien vous falloir ça, si vous voulez quitter le village." leur annonçait calmement l'ancien, après être sorti de l'encadrure de la porte d'entrée.

Victor prenait alors la parole, un peu concerné et curieux : "Au fait, vous avez une idée de quand je pourrais partir, ou, nous pourrions partir ?" retournant sa tête vers ses amis, à la recherche d'une lueur d'approbation dans le regard, qu'il ne parvenait pas à discerner pour le moment.

"Je pense qu'un ou deux jours pourraient suffire pour te donner les informations essentielles, mais il est important que tu fasses tes propres découvertes sur le chemin que tu vas choisir. Tu apprendras bien plus de choses au fil de tes rencontres et de tes aventures que je ne pourrais t'en enseigner. Quant à savoir si tes amis t'accompagneront, il serait temps de leur demander, tu ne crois pas. Vous en discuterez sur le chemin, maintenant, partons."

Ils se mettaient donc en chemin. Et suivant les conseils de son professeur, il questionnait ses amis sur leur envie de l'accompagner dans son périple hors du village : "Je ne veux vraiment pas vous forcer si vous n'en avez pas envie. Après tout, partir du village, ça signifie, quitter vos familles, vos maisons, vos habitudes, toutes les personnes et les choses auxquels vous êtes attachés. Mais, rien ne me ferait plus plaisirs que de vous avoir à mes côtés."

"Quitter la maison sera un peu déroutant, mais sache que je serai toujours là pour toi." signait Tille.

"Tu as vraiment crût que tu serais le seul à apporter la gloire à Install, si tu veux vivre des aventures folles, j'en suis aussi." ajoutait Pilou un large sourire au coin des lèvres.

"Alors c'est décidé, on partira tous ensemble." s'écriait Victor enthousiaste, étreignant ses camarades dans une accolade amicale.

Après être arrivé dans une clairière Bernard s'arrêtait pour commencer ses explications : "Les villages peuvent être très éloignés les uns des autres. C'est pourquoi vous aller sans doute devoir souvent dormir dehors. Je vais vous donner des conseils pour bien vous installer."

"Ça doit pas être sorcier quand même." s'étonnait Pilou.

"Détrompe-toi, choisir un bon endroit pour dormir est essentiel, car si vous dormez mal, ça aura un impact sur votre santé. Tout d'abord, dans les périodes chaudes comme celle qui approche, il ne faut pas que vous campiez trop près d'un étang, c'est le rendez-vous des moustiques. À moins que vous préfériez finir avec des boutons qui vous démangent sur tout le corps et une insomnie."

Tille signait à l'attention de son professeur : "Je ferai aussi attention qu'ils ne dressent pas le camp dans un champ d'orties."

Une remarque qui lui valait un regard noir de la part des deux garçons.

"Surtout qu'ils en seraient bien capables. Dans le même ordre d'idée, essayer de ne pas de ne pas vous approcher des poix mascates, c'est une espèce de plante dont la cosse des graines est très urticantes."

"Quoi ?"

"Feur." répondait Pilou à l'interrogation de Victor.

"Très drôle Pilou." commentait son ami.

"Alors pour faire plus simple, ce qui recouvre la graine, ça fait gratter. Maintenant reconcentrez-vous. Je vous conseille de vous enfoncer un peu dans la forêt, mais relativement proche du chemin pour pouvoir le retrouver à coup sûr le lendemain matin. Cela vous permettra aussi d'être moins repérable par des brigands de passage."

"C'est vrai que ce serai dommage qu'ils nous surprennent en train de dormir." se reprenait Victor.

"Et une fois installez, surtout dégagez tout ce que vous trouvez par terre qui pourrait vous gêner, des pierres, branches, pommes de pins ; vous pouvez même vous en servir pour aménager votre campement pour la nuit et allumer votre feu."

"Et vous aller nous expliquer comment faire du feu aussi ?" se demandait Pilou.

"Euh, s'il te plaît Pilou, je peux littéralement faire sortir des éclairs de mes doigts maintenant, je pense pas que le feu soit un problème."

"Justement à ce propos, je voudrais que tu fasses attention avec ton Totem, que tu ne brûles pas la moitié des forêts de la région, déjà qu'on en a pas beaucoup. Ce qui peut être utile pour vous serait de mouiller légèrement la terre autour du feu et de l'entourer de pierres, qui freineront sa progression."

"Merci de les réfréner un peu leurs ardeurs professeur, je suis sûre que ce sera à moi de le faire quand on sera tous les trois." signait Tille.

"C'est fort possible. Toujours est-il que, dormir dans les bois possède d'autres avantages. En particulier l'abri des arbres, que ce soit du vent, de la pluie, du soleil et même de la rosé du matin. D'ailleurs, à ce propos, ne croyez pas que je vous aie fait lever aux aurores justes pour pouvoir admirer le lever du soleil. Regardez ce qu'il y a autour de vous."

"Le champ ?" se questionnait Victor.

"Plutôt ce dont il est recouvert. Lors de votre voyage, il va vous falloir trouver de la nourriture et de l'eau. Bien sûr, vous en trouverez dans les villages, mais au cas où vous n'en trouviez pas avant longtemps au cours du trajet, il faut que vous soyez en mesure d'en trouver en pleine nature. Et voici une première source ; l'eau de la rosée." prononçait Bernard, tout en commençant à aspirer la rosée présente sur quelques plantes à proximité de lui.

"D'accord, mais je pense pas que ça fasse beaucoup non ?"

"C'est vrai, mais c'est suffisant pour éviter de vous déshydrater. D'ailleurs, les feuilles peuvent vous apportez encore plus de choses.", à ces mots, le professeur cueillait des feuilles de Hêtre, et se mettait à les avaler goulûment.

Il reprenait alors son discours, devant les yeux ahuris de ses élèves : " De nombreuses plantes peuvent servir à soigner, soulager la soif ou sont juste bonne à manger. Mais il faut surtout se méfier de celles qui sont toxiques, voir mortelles."

"Vous voulez dire, que vous avez l'habitude de manger des feuilles ?" s'étonnait Victor.

"Oui, ça et d'autres choses qui viennent de la nature, on ne peut pas faire plus frais comme produit."

Le vieux professeur et ses élèves passaient le reste de la journée dans le bois, apprenant diverses techniques qui leur serviraient dans leur voyage. Tout d'abord, ils apprenaient comment filtrer l'eau d'une source ou d'une rivière pour pouvoir la boire sans danger.

Bernard leur indiquait ensuite les différentes essences d'arbres et de feuilles qu'ils pouvaient identifier facilement. Tout en leur donnant leurs différentes caractéristiques et utilité.

Après le repas de midi, ils avaient passé le plus clair de leur temps à affiner leurs techniques de pêche. Celle-ci avait été fructueuse d'ailleurs, Tille attrapait une carpe ; Pilou, deux perches et un sandre ; Bernard, deux ombres, une tanche et un magnifique brochet. Et Victor quant à lui remportait deux brèmes et trois anguilles. À croire que c'était un signe du destin.

Le vieux maître profitait alors de la fin d'après-midi, pour donner des conseils sur la traque des animaux sauvages et la mise en place de pièges pour les attraper ; une activité qui plaisait bien aux deux garçons, mais très peu à Tille.

Ils se mettaient donc en route vers le chemin du retour, embarquant avec eux leurs différentes prises du jour. Lorsque d'un seul coup, Bernard se figeait, la mine préoccupée.

"Les enfants, nous allons prendre un autre chemin." les prévenait-il.

"Pourquoi cela ?" questionnait Tille par signe.

"Ne discutez pas les enfants, il y a un danger dont je veux vous avertir, marchez dans mes pas, je vais vous montrer."

Après avoir fait un détour, ils étaient arrivés dans une clairière d'où ils pouvaient déjà voir Install. Bernard, toujours en tête les stoppaient.

S'offraient à leurs yeux un spectacle beau, mais inhabituel, des roses en fleurs. À la différence que ces fleurs au lieu de leurs tiges caractéristiques poussaient comme des vignes autour des arbres de la lisière de la forêt.

"Voilà le danger qui nous guettait." leur annonçait leur professeur.

"Quoi des roses, qu'est-ce qu'elles ont de bizarre, ça a pas l'air bien méchant." ironisait Victor.

"Je ne sais pas, je trouve cet endroit un peu malsain." signait Tille.

"Ton intuition est bonne Tille, ces roses ne sont en aucun cas comme les autres. Il s'agit des roses sanguines, l'une des espèces de plantes les plus dangereuses du monde, vous ne devez les toucher sous aucun prétexte." les avertissait Bernard.

"Parce que sinon, c'est quoi les conséquences ?" demandait Pilou de moins en moins serein.

"La plupart des fleurs créent du pollen qui grâce aux insectes ou au vent fertilise une autre fleur, cette méthode leur permet de se reproduire. Mais pour s'épandre, cette fleur utilise un autre moyen bien plus agressif. Les épines de ces roses renferment de minuscules graines qui viennent se loger dans le corps de leur hôte. Il y a une bonne raison pour laquelle on l'appelle rose sanguine. La graine pour germer s'alimente du sang de sa victime pour grandir et prend racine dans les vaisseaux sanguins, les muscles allant même jusqu'aux os." expliquait le professeur sur un ton dramatique.

"Mais comment vous avez pu identifier l'espèce de fleur aussi facilement." questionnait Pilou, très peu rassuré.

"Tout simplement parce que je viens de voir le défunt témoin d'une floraison." disait-il en écartant prudemment une tige de rose sanguine avec sa canne. Il dévoilait ainsi le squelette d'un faon traversé de part en part de ronces, une fleur d'un rouge éclatant sortant de l'orbite d'un de ses yeux.

Tille et Pilou étant trop choqué pour parler, Victor s'exprimait : "Et, il y a un moyen de s'en débarrasser ?"

"L'arracher ne suffit pas pour résoudre le problème, il faut la détruire, de la fleur aux racines. Heureusement ou malheureusement, la croissance de ses fleurs est très lente, ce qui fait qu'elles mettent beaucoup de temps à se répandre, mais aussi que la victime souffre de la douleur de sa croissance pendant une très longue durée. Les moyens d'en survivre ne sont connus que de très peu de gens, même moi je n'en ai aucune idée. Et les personnes qui en ont réchappées se comptent sur les doigts d'une main."

"Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant ?"

"Je vais détruire toute cette zone, et vous, vous allez me promettre de ne jamais toucher à cette plante si vous la voyez."

"Ça, ça ne risque pas." prononçait Pilou à mi-voix, reprenant des couleurs.

Les enfants reculaient pour laisser faire le maître. Celui-ci déployait alors ses deux énormes pinces d'homme crevette et dans un vacarme assourdissant lançait une rafale de tirs d'air compressé provenant de ses pinces. Et en un instant, le plan de fleurs et toute la forêt qui l'entourai se voyait remplacée par des trous béants et un énorme nuage de poussière.

Bernard restait plusieurs minutes, silencieux, concentré pour ne laisser aucune partie de la plante en réchapper. Une fois satisfait du ménage, il se retournait vers les enfants et engageait pour de bons le voyage de retour.

Victor et Pilou commençaient à blaguer de tout et de rien pour faire passer cette funeste découverte. Tille quant à elle restait secouée, ne pouvant s'empêcher de penser à la lente et douloureuse agonie qu'a dû subir le faon qui a servi d'engrais à cette belle et mortelle fleur.

Sur le pavillon de sa maison, Arnor et Venna guettaient l'arrivée du petit groupe. Le père de famille en les apercevant à l'horizon, ne pouvait réprimer de la mélancolie et de la fierté dans son regard.  

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