Chapitre 7 : Prise de fortin
À quelques lieux de là, le groupe d'Escott s'était mis en marche depuis deux jours à peine. Et tandis que la petite troupe de bambins s'affairait à monter le camp sous l'œil attentif de Serra, que les piquets de tentes se plantaient, que les feux s'allumaient et que le repas du soir se préparait ; Toba était concentré sur sa tâche.
Assis sur une souche d'arbre, il portait son regard sur trois de ses élèves visiblement inconscients, allongés sur le sol le teint frais et d'une apparente tranquillité. Escott arrivant du campement improvisé venait le voir en prenant soin de faire le moins de bruit possible.
Il s'adressait alors à son subordonné en chuchotant : "Alors du nouveau ?"
Sur le même ton, il répondait : "J'attends toujours. Au fait, on est les deux plus âgés, je suis capable de me charger de ça tout seul, pourquoi vous m'avez rejoint au lieu de rester avec le gros du groupe ?"
"J'avais besoin de prendre une pause par rapport à Serra, le voyage la rend irritable."
"Tu veux dire plus irritable que d'habitude ?" ajoutait Toba en esquissant un petit sourire, le détournant un instant de sa tâche.
"On peut dire ça." répartit Escott légèrement déconcerté par la remarque de son subalterne.
Ils restaient ainsi plusieurs minutes sans parler, appréciant chacun ce silence temporaire. Ils voyaient des éclats de lumière venant du ciel s'approcher d'eux à grande vitesse. Ces lumières se révélaient peu à peu comme des formes humaines, c'est ce que les deux hommes attendaient. Face à eux se tenaient à présent trois formes astrales aux allures enfantines qui venaient se loger dans les corps des enfants, toujours inconscients.
Il fallut presque une minute pour que les enfants reprennent complètement conscience, non sans quelques frissons de froid dû au fait d'avoir laissé leur esprit quitter leurs corps trop longtemps.
Après leur avoir laissé le temps de se remettre, Escott les questionnaient : "Alors, vous avez réussi à trouver le campement de brigands qu'on cherchait sur la carte ?" du ton le plus avenant possible.
Les enfants étant légèrement intimidé face à la présence des deux hommes qu'ils n'avaient pas l'habitude de voir en même temps et hésitaient malgré eux à répondre.
Toba reprenait la question d'Escott d'un ton calme, mais ferme : "L'avez-vous vu ?"
L'un d'eux prenait la parole : "Euh, oui, il était pas à l'endroit montré sur la carte, donc on l'a cherché un peu plus longtemps."
"Donc où se trouve-t-il maintenant ?" lançait Escott ayant du mal à masquer son impatience.
Le premier interrogé avait du mal à se souvenir du plan de départ, ce faisant, un autre prenait le relai : "Il se trouve un peu caché vers la route qu'on veut emprunter vers le sud-ouest."
"Ils doivent attendre en embuscade les voyageurs et convois qui passeraient par là." commentait Toba.
"Très bien, c'est une information intéressante, par ailleurs, vous êtes sûrs que vous ne vous êtes pas fait repérer ?" reprenait le chef.
"Oui, on a bien fait attention de se mettre face au soleil pour que nos corps fantômes soient invisibles, comme vous l'avez demandé Toba." dit le troisième affichant un sourire fier sur son visage.
"Et à quoi ressemble le campement ?" poursuivait Toba.
"C'est un rassemblement de cabane en bois encadré par des murs de troncs d'arbre, il est caché derrière les arbres et ils ont mis pleins de plantes à l'extérieur de l'enceinte du fortin, comme du houx, des orties et des ronces. On sait pas pourquoi." répondait l'un d'entre eux.
"C'est surement pour éloigner les animaux et tenir les gens suffisamment fous pour les attaquer à distance." expliquait Toba.
"Des gens comme nous." s'excitait le chef.
"Alors, on va les attaquer, chouette, ça va être la bagarre." s'écriait le plus turbulent d'entre eux.
"Oui, mais avant ça, une dernière question, avez-vous vu des personnes puissantes là-bas."
"On en a vu deux qui avaient une aura impressionnante, un peu comme la vôtre." disait l'un d'entre eux.
"Intéressant, vous me les décrirez sur le chemin du retour, allez en route, on a assez perdu de temps ici." lançait le chef comme signal de départ pour le retour au camp.
Tandis que les enfants couraient et se bousculaient en direction du campement, Toba prenait le chef à parti : "Deux personnes à notre niveau, tu veux vraiment tenter le coup ?"
"Aurais-tu peur ?" le titillait-il.
"Moi non, mais si ces deux personnes sont aussi fortes qu'ils le prétendent, on risque de subir des pertes, surtout qu'à part nous et Serra, tous les autres sont très inexpérimentés. On devrait préserver nos forces pour Install."
"J'aime ton raisonnement, mais pour moi tu réfléchis à l'envers. Au contraire, prendre ce campement est l'entrainement idéal avant de s'attaquer à Install. Ça fait un moment que je n'ai pas eu de combat intense, ce n'est pas en évitant de se mouiller qu'on va se faire un nom. De plus, rien ne nous dit qu'ils ont pas exagéré la puissance de nos adversaires, doués comme ils sont."
"Et concernant les pertes humaines potentielles ?"
"Ce sont des risques qu'il faut prendre." répondait-il d'un ton résolu arrivant en vue du campement.
Une fois arrivé, les deux adolescents se dirigeaient vers Serra, ce qui n'était pas difficile, dû aux instructions qu'elle criait aux enfants.
En les voyants revenir de la forêt, elle interpellait Escott : "Tu m'as laissé me charger des marmots toute seule, espèce de lâche, ça, tu vas me le payer."
Ce dernier l'interpellait d'un ton sévère : "Je t'ai déjà dit de ne pas me parler sur ce ton, surtout en présence des enfants !", avant d'éviter son regard.
Serra se rapprochait en silence d'eux, la mine exaspérée. Une fois arrivée à leur niveau, elle fixait Escott d'un regard glacial, le mettant clairement mal à l'aise. "Bon, ça a donné quelque chose ce repérage ?"
"Oui, Est-ce que tout est prêt pour ce soir ?" intervenait Toba, pour sortir son chef de l'embarra.
Serra détournait alors son regard, regagnant par la même occasion un peu de calme, laissant le temp à Escott de souffler. "Oui, c'est bon, on mange dans une demi-heure, mais ces gosses me soulent, quand ils sont pas en train de se battre ou de se plaindre, ils guettent la première occasion pour dormir ou jouer à des jeux stupides derrière mon dos." expliquait-elle, se déchargeant peu à peu de sa mauvaise humeur.
Escott proposait : "Allons dans ma tente pour planifier nos actions de demain, une fois que ce sera fait, on prendra le relai Toba et moi.", dans l'objectif de préserver leur santé mentale à tous.
La nuit tombait doucement sur le camp, tandis que les trois complices préparaient leur coup. Et la soirée se passait sans encombre pour eux. Le lendemain matin, le trio de tête, en vue du fort improvisé des brigands, dissimulé derrière un relief du paysage s'apprêtait à donner l'assaut. Sans compter un petit contre-temps.
"Qu'est-ce qu'elle fait encore, c'est pas possible, tout est prêt et elle arrive pas à se presser un petit peu !" grommelait Escott à l'encontre de sa coéquipière s'étant abritée derrière des buissons depuis une dizaine de minutes.
"Elle est chiante." reprenait son bras droit, impassible, lassé lui aussi de l'attente.
Quelques instants plus tard elle sortait des fourrés. Le chef, essayant de ne pas élever la voix, la questionnait à son arrivée : "Qu'est ce qui nécessitait autant de temps ?"
"C'est sérieux de nous faire lever avant l'aurore, à cause de ça je n'ai pas eu le temps de me préparer avant de partir." répondait-elle.
"Comme si c'était toi qui avais le plus besoin de te préparer au combat pour un assaut comme celui-là." disait Toba, d'un ton indifférent.
"Ça n'a rien à voir avec sa imbécile, avec le démontage du campement, le chemin jusqu'ici et la mise en place des gamins, j'ai pas eu le temps de me faire belle, alors j'ai pris quelques minutes pour me maquiller, me recoiffer et porter une robe digne de ce nom, voilà tout."
"Quoi, tu nous as fait perdre notre temps pour quelque chose d'aussi superficiel et stupide !" s'écriait Toba, perdant son calme et manquant de peu de se faire repérer.
"Silence, on n'a pas encore donné l'assaut."
"La faute à qui ?"
Ayant pris son temps pour la regarder, Escott ajoutait : "Au moins ça a le mérite d'être réussi."
"Merci, il y en a au moins un qui apprécie mes efforts. C'est important d'être coquette dans ce genre de moments. Il faut que ces bouseux n'oublient pas qu'ils se sont fait battre par une dame et pas par la première guenon qu'ils trouvent sur leur chemin."
"J'apprécie bien cette réflexion, venant de toi. Maintenant que tout le monde est prêt, est-ce qu'on peut, enfin, y aller ?" reprenait le chef pour faire avancer le débat.
"Oui, tout est bon pour moi."
"Oui, chef." lâchait Toba, tâchant de dominer sa colère. À ces mots, il se mettait en position, tandis que ces compagnons s'éloignaient de quelques mètres, il dirigeait la paume de sa main droite vers le ciel et provoquait de celle-ci une puissante explosion, se faisant entendre à des lieux à la ronde. La prise de fortin pouvait commencer.
Alors que les brigands s'éveillaient à l'intérieur de leur camp, ils furent surpris de cette détonation. Les plus aguerris d'entre eux était déjà sur le pied de guerre, prêt à combattre, prenant ce qui leur passait sous la main tout ce qui pouvait leur servir d'arme ou de protection. Quant aux autres, pris dans la cohue, la plupart restaient seulement passif, déconcerté par la tournure des évènements, certains cédants même à la panique.
Cet état de stupéfaction s'accentuait, lorsque les guetteurs sur les murs extérieurs signalaient la présence de toute une troupe d'enfant se lançant à l'assaut de leur fortin. Grâce aux informations recueillies la veille, ils n'avaient aucun mal à éviter les pièges grossiers qui se dressaient sur leur chemin. Certains enfants ayants appris à manipuler leur aura pour le combat utilisaient leurs capacités pour se défaire du rempart des murs d'enceinte. Il y en avait qui enflammaient les plantes piquantes sur les murs avec leur aura, d'autres, dissimulaient leur présence en diffusant de la fumée. Pendant ce temps, les plus petits et novices du groupe les soutenaient avec des jets de fronde et tirs de javelots. Du côté des assaillis, seuls deux hommes avaient réussi à rester parfaitement lucide au milieu du tumulte ambiant.
Les trois commandants de l'opération, après avoir donné le signal sortaient de leur cachette, faisant face à l'entrée principale du camp, se dirigeant à un rythme de marche soutenue vers la bataille. Tous s'étaient minutieusement paré pour le combat. Escott revêtait une armure légère et un ensemble de six épées courtes, deux à la taille, deux au niveau des côtes et les deux dernières dans le dos. Toba, lui, portait une épée longue à la taille, mais ne l'utilisait que rarement, comptant surtout sur sa maitrise du psy et sa force physique pour s'en sortir lors des combats. Par ailleurs, il ne portait pas d'armure, une simple chemise en toile de jute dont les muscles semblaient vouloir s'évader tant elle le serrait. Quant à Serra, les deux dagues qu'elle portait à la ceinture faisaient l'effet d'une anomalie par rapport à sa robe rose en dentelle et son visage que tout rapprochait d'une princesse douce et délicate.
"Rappelez-vous, on a besoin de grossir nos rangs, alors, neutraliser les sans les tuer, surtout s'ils ont des éléments intéressants. On essaye de localiser leur chef, et par contre lui on le tue." s'adressait le chef à ses deux subordonnés.
Ils répondaient tous deux à son ordre d'un signe de tête approbatif avant d'arriver à l'entrée du camp garder par une immense porte en bois.
Mais cette défense s'écrasait face à la puissance d'une autre explosion de grande envergure produite par Toba, créant ainsi une immense brèche dans le fortin, dans laquelle les trois commandants s'engouffraient.
Dans l'allée centrale du fortin, c'était le chaos, les enfants commençaient à pénétrer par les murs et à engager le combat avec les brigands. Toba remarquait l'un d'entre eux en train d'allonger ses ongles pour les prolonger en griffes et s'en servir d'armes, ce qui lui décrochait un sourire de satisfaction en voyant les efforts de son enseignement payer. Malgré tout la plupart des enfants combattaient avec des armes rudimentaires, des gourdins et dagues. Et face à la force supérieure de leurs adversaires, ils étaient souvent obligés de s'y mettre à plusieurs pour venir à bout d'un seul d'entre eux. Ce serait aux trois jeunes adultes de faire la différence pour remporter cette bataille.
Ils se répartissaient donc sur l'ensemble du camp pour couvrir le plus de terrain possible. Toba partait sur le côté gauche, Serra à droite et Escott dans l'allée centrale, avec en ligne de mire, un homme donnant des ordres en haut d'un bâtiment, supposément le chef.
Toba ne rencontrait pas de grandes difficultés de son côté, ne remarquant aucun adversaire de valeur, il se contentait de créer des explosions superficielles pour étourdir ses adversaires et épauler les plus jeunes.
De son côté Serra pour prendre le dessus sur ses ennemis sans même avoir à se battre commençait à générer un de ses sorts préférés : l'horrification. Un puissant sort d'illusion qui modifie la perception des personnes faible d'esprit, leur créant ainsi une peur irrationnelle de l'émetteur du sort. Aux yeux des brigands, elle paraissait alors comme une sorcière aux yeux glacials, la chevelure remplacée par des serpents, entourée d'une aura malsaine. Face à ce spectacle d'épouvante, la plupart des opposants s'enfuyaient sans demander leur reste, les plus courageux d'entre eux tentaient une attaque que Serra bloquait sans grande difficulté. Ce tour marchait si bien qu'elle ne se sentait pas plus en danger que dans un champ de fleur.
Cependant, elle rencontrait sur sa route un individu atypique. Un jeune homme au teint pâle et aux cheveux blonds tirant sur le doré, portant une tunique et un ensemble de vêtement bleu de la tête au pied. Arborant à son coup un collier en os et manipulant dans sa main droite un pendule. Il semblait distingué, un des nombreux points qui le différenciait du reste de la troupe des brigands.
Malgré l'agitation ambiante il maintenait un air impassible sur son visage, voire même blasé. Il ne portait pas d'armes à première vue, cependant, une quantité respectable d'eau lévitait autour de lui. Et cette eau suivait docilement le balancier du pendule, formant de puissantes vagues qui venaient s'abattre sur ses jeunes opposants. Avec un tel niveau de maitrise, il n'avait pas de mal à les neutraliser et les tenir en respect.
Lorsqu'il prenait conscience de la présence de Serra, il perdait de sa contenance face à son sort d'horrification, mais en se concentrant il arrivait peu à peu à le dissiper et à la voir telle qu'elle était. Il balayait alors les deux derniers enfants lui faisant face d'une autre vague provoquée par son pendule, les faisant tomber, inconscient, près d'un bâtiment avant d'engager le dialogue avec la jeune fille : "Je ne m'attendais pas à ce qu'une demoiselle fasse partie de cette bande de sauvageons."
"Contente que tu l'ai remarqué." lui disait-elle en annulant son sort horrifique pour garder toute son attention sur son adversaire. Cela lui avait permis de remarquer la gourde à la taille de son adversaire, ainsi que le fait qu'elle était ouverte et qu'aucune goutte d'eau ne s'en échappait. "Tu es un sourcier n'est-ce pas ?"
"Perspicace, tu as l'air de t'y connaitre en psy également." rétorquait-il.
"Malheureusement, mes sorts ne sont pas vraiment faits pour le combat direct, ce qui veut dire que je vais avoir besoin d'utiliser ça." prononçait-elle en dégainant ses deux dagues.
"J'aimerais ne pas avoir à en arriver là avec vous." proclamait le sourcier, en dirigeant son pendule vers elle.
"Pourtant tu vas devoir le faire." s'exclamait-elle en s'élançant vers lui la pointe de ses deux dagues vers l'avant.
Au même moment Escott après s'être frayé un chemin dans l'allée centrale en se débarrassant de plusieurs de ses adversaires avec une des épées qu'il avait sortie de son fourreau. Il constatait que ses troupes étaient en train de prendre le dessus, ne restait plus qu'à vaincre leur chef pour assurer la victoire.
En le voyant, un homme bourru, musclé et sale, sautait du balcon de la hutte dominant le campement et le pointait d'une des deux haches qu'il tenait dans les mains. "Alors, comme ça une bande de gamins crasseux, pense être de taille face au puissant Thorsh et sa troupe. J'imagine que c'est toi qui vas me faire la peau. Tu dois à peine tenir debout avec tout ce que tu te trimballes sur le dos." lui criait-il pour attirer l'attention sur lui et remonter le moral de ses troupes.
"Tous les jeunes sous mes ordres sont plus propres que toi, gros porc dégueulasse, j'imagine que tu es le chef ici. Mais laissons parler le fer pour savoir si demain ce sera toujours le cas." répondait-il sur un air de défi.
Laissant libre cours à sa rage, le dénommé Thorsh commençait à grossir. Une courte trompe noire lui poussait à l'emplacement du nez, ses yeux se transformaient en gros globes rouges aux multiples facettes, des nombreux poils hirsutes dépassaient de ses habits et quatre pattes insectoïdes lui poussaient sur les côtes.
"On va voir combien de temps tu vas continuer à te la jouer, je suis un totémisé et ma puissance est sans limites, j'ai déjà pillé des dizaines de caravanes et des centaines de voyageurs. Tu crois vraiment que des gosses vont suffire pour m'arrêter." gloussait-il au travers de sa trompe, en prenant des armes supplémentaires dans chacun de ses nouveaux bras.
Pour toute réponse, Escott levait ses bras vers le ciel et les épées placées dans son dos commençaient à léviter dans les airs et il faisait de même avec celles présentes sur les côtés. En pointant l'épée qu'il tenait en main, toutes les autres suivaient son mouvement, menaçant l'hideuse créature en face de lui.
"Battons-nous et finissons-en rapidement ta vue me dégoute."
À ces mots, la colère du chef de bande augmentait d'un cran et une paire d'ailes articulées poussaient dans son dos. Battant des ailes à un rythme frénétique produisant un bruit assourdissant, ce grotesque assaillant s'élevait dans les airs, prêt à fondre sur sa cible.
Escott engageait alors le combat en propulsant ses quatre épées dans les airs dans les angles d'attaques les plus problématiques pour son adversaire. Malgré cela le chef adverse avait de la ressource, ses ailes lui donnaient une mobilité de mouvement spectaculaire et ses yeux globuleux lui octroyaient un champ de vision très large, lui permettant de scruter les mouvements de chacune des épées très précisément.
De ce fait, chaque attaque d'Escott manquait sa cible et sa concentration commençait à faiblir. C'est ce moment-là que l'homme-mouche choisissait pour plonger sur lui toutes lames en avant, la trompe de son visage dégoulinant de bave. Au moment où deux haches allaient s'abattre sur lui, grâce à un effort de pensée, il dégainait sa dernière épée, lui faisant exécuter un coup latéral tranchant le monstre hideux au niveau du thorax. Pas mortellement cependant.
Lâchant deux armes de ses mains pour panser sa blessure, le brigand poussait des râles et formulaient des insultes inaudibles à l'encontre de l'épéiste tandis que du sang sortait lentement de sa plaie. Escott profitait de ce moment pour faire s'abattre sur lui deux autres de ses épées, cette fois-ci pour trancher ses ailes, ce qui arrachait un cri de douleur à la créature.
"Ne te croit pas supérieur, vous les totémisés, je vous déteste, toujours à croire que tout vous est dû, parce que vous avez reçu un don. Tu crois que ce don t'a aidé aujourd'hui ? Tu es pitoyable tout simplement". Prononçait Escott en guise de jugement pour son adversaire.
"Tu crois avoir gagné, hein ? J'ai pas dit mon dernier mot et tu vas souffrir avant de mourir, ça je te le garantis." braillait l'homme mouche fonçant sur l'épéiste tête baissée.
Suivant les mouvements de mains d'Escott, deux épées tranchaient ses bras de bas en haut, deux autres lui laissaient de nouvelles entaillent sur le torse, stoppant ainsi la course du brigand.
Il égouttait ses épées du sang pourpre de l'ancien chef de bande de quelques coups secs avant de les ranger dans son fourreau par télékinésie. Et par sa dernière épée encore en main, il décapitait l'homme agonisant, à genoux devant lui, ayant repris des traits humains suite à ses blessures.
"Je deviendrai l'homme le plus puissant de ce monde, et sans posséder un de vos totems de merde." déclamait-il en essuyant sa lame sur la tunique du vaincu.
Du côté de Serra le combat n'était pas aussi simple. Le pendule du sourcier manipulait l'eau très aisément, ce qui lui procurait une bonne défense. Et les attaques rapides de Serra ne parvenaient pas à le toucher, même si elle se rapprochait de plus en plus. Quant à son adversaire, il saisissait la moindre opportunité de lui lancer une vague pour tenter de la mettre à terre, le rythme du combat étant trop rapide pour qu'il puisse tenter autre chose. Et cela ne l'avantageait pas, car ces attaques n'infligeaient pas de réels dommages. Les deux combattants tombaient dans une impasse, où aucun n'arrivait à prendre le dessus sur l'autre.
"Tu te débrouilles bien mieux que je l'imaginais, jeune demoiselle." déclarais le sourcier pour marquer une pause dans le duel.
"Et je ne m'attendais pas à transpirer autant lors de cet assaut, en temps normal ça m'embêterait, mais je sais apprécier la valeur d'un adversaire. Tu as mérité de connaitre mon nom, Serra." répondant à son compliment.
"Je dois aussi reconnaître tes talents et c'est pour cela que je ne peux pas me permettre de perdre plus de temps." à ces mots le sourcier rangeait le pendule dans une poche de sa tunique et sortait d'une autre un bâton en "Y", percer de trous aux deux petites extrémités, à la manière d'une flute.
Il commençait à souffler dedans et bien qu'aucun son ne sortait de "l'instrument" quelque chose d'étrange se produisait. L'eau de l'herbe et des autres plantes alentour semblait être aspirée par une mélodie inaudible, les faisant faner instantanément, même les quelques bâtiments en bois les plus proches se vidaient du peu d'eau qu'il leur restait. Toute cette eau se condensait autour du sourcier avec harmonie.
Serra commençant à comprendre ce qui se passait, décidait de passer à l'action avant que le sourcier ne puisse accumuler plus d'eau. Mais ce dernier en avait amassé plus qu'il ne le fallait, il décrivait un cercle d'eau autour de lui pour le protéger, il déviait ainsi sans difficulté l'attaque frontale de Serra. Il cristallisait par la suite une partie de son eau en glace pour former une sorte de bouclier devant lui, il se servait alors de l'eau qui lui restait pour contre-attaquer. Pris au dépourvu, Serra était à présent désarmé et en mauvaise posture face à son adversaire.
"Je pense que je n'ai plus le choix, je vais devoir faire appel au pouvoir de mon totem pour me sortir de là. J'ai bien manqué de chance pour le choix de mon adversaire." commentait-elle tout bas pour elle-même.
Au même instant une large masse de muscle émergeait d'une des ruelles voisinent et par une explosion provenant de ses mains faisait voler en éclat le bouclier de glace du sourcier. Il s'agissait de Toba.
"Presque tous les ennemis ont été neutralisés, j'ai entendu du grabuge ici, alors je suis venu en renfort." intercédait-il d'un ton professionnel.
En profitant de cette intervention pour reprendre ces armes au sol, Serra le remerciait :"Je t'en dois une, je pensais que j'allais devoir dévoiler tous mes atouts. Fais attention, il est fort."
"C'est ce qui me semblait."
Le sourcier essayait d'en finir le plus vite possible, mais face à ces deux puissants adversaires, qui l'assaillaient de coup de dagues et d'explosions, il ne pouvait que se défendre, son stock d'eau baissant à vue d'œil.
Ayant réalisé le statut critique de sa situation, il se servait du peu d'eau qui lui restait pour se propulser en haut d'un des bâtiments du camp. "Je vois qu'il n'y a pas de moyens pour moi de remporter ce duel face à vous deux. Mais, on peut trouver un accord si vous le souhaitez."
Les deux compères échangeaient un regard complice, en faisant signe au sourcier qu'ils acceptaient sa proposition.
Ils se rendaient alors dans l'allée centrale du camp, à l'endroit où Escott venait de vaincre Thorsh. L'endroit dégageait une agitation différente de quelques instants plus tôt. Escott n'avait pas tardé à prendre le commandement, les vaincus ayant survécu à l'assaut étaient ligotés et réuni au même endroit par les enfants, pour pouvoir mieux les surveiller.
Le sourcier regardait en premier lieu le cadavre de son ancien chef, toujours en évidence et l'homme qui l'avait occis. Ce dernier prenait la parole : "Pourquoi celui-là n'est pas attaché avec les autres ?"
"En échange de sa vie et de sa liberté, il accepte de nous rejoindre." lui répondait Toba.
"De toute façon, que tu le veuilles ou non, on t'aurait imposé ce choix, si tu n'avais pas eu la bonne idée de t'en rendre compte par toi-même." le chef s'adressant maintenant au concerné.
Ce fut au tour de Serra de prendre la parole : "C'est un sourcier, qui a une bonne maitrise du psy, son contrôle sur l'eau pourra nous être très utile."
"S'il nous reste loyal, il pourrait devenir un très bon élément, mais en attendant de gagner notre confiance, vous me le surveiller de très près vous deux, je ne veux pas de mauvaise surprise, compris." s'adressant cette fois aux deux commandants.
Après s'être occupé de cette affaire, Escott continuait de prendre en main la passation de pouvoir au sein du camp.
Serra en profitait pour prendre à parti l'ancien mage ennemi : "Viens avec moi, je veux te parler."
Une fois installés dans une des tentes du campement ; le sourcier la questionnait : "Que veux tu savoir ?"
"Qu'est-ce que quelqu'un comme toi fait dans un endroit pareil. Tu ne vas pas vraiment avec le paysage."
"J'ai été pris en embuscade par cette bande depuis un mois, et comme je ne pouvais pas me charger d'eux à moi tout seul, malgré mes "talents", j'ai décidé de leur proposer mes services, cela vaut mieux que la mort."
"Tout comme tu viens de le refaire maintenant."
"Pas tout à fait, malgré les circonstances houleuses de notre rencontre, votre attroupement m'inspire déjà plus confiance que le précédent. D'ailleurs, qu'allez-vous faire des autres prisonniers ?"
"Nous allons aussi les recruter, ils ne sont peut-être pas très expérimentés, mais nous avions besoin de plus d'effectifs, peu importe la qualité, c'était le but même de notre attaque. On a de la suite dans les idées."
"C'est-à-dire ?"
"Je ne peux pas t'en dire plus pour l'instant, mais si tu joues bien ton rôle, tu le sauras tôt ou tard."
"J'aurais dû m'y attendre. C'était tout ce que tu voulais savoir où il y a autre chose ?"
"J'ai encore plein de questions, mais ce sera pour une autre fois, j'ai des tâches qui m'attendent, et plus tôt j'en aurai fini, plus tôt je pourrai me reposer."
"Mais le jour vient à peine de se lever."
"Je sais. Au fait, j'oubliais, je ne t'ai toujours pas demandé ton nom."
"Je m'appelle Ybis."
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