Chapitre 4 : Le repaire des voleurs


Tandis que Victor se jetait à l'eau, bien plus loin, à la bordure des grandes plaines, des individus aux plans bien différents commençaient à agir.

Revenant d'un village bien plus modeste qu'Install, une petite troupe, dont chaque membre portait des masques aux rictus ésotériques semblaient se rendre machinalement vers une cavité rocheuse, à flanc de falaise, à très bonne distance de l'endroit même qu'ils venaient de quitter.

S'estimant suffisamment loin, ils commençaient les uns après les autres à retirer leurs masques grotesques. La première à le faire était celle qui menait la marche, une jeune fille à l'allure gracieuse, bien qu'empreinte d'excentricité et d'une pointe de sauvagerie. La demoiselle avait les cheveux d'un noir léger, des yeux verts, qui s'accordaient aux couleurs de sa robe. Elle disposait également d'un bon nombre de bijoux pour mettre en valeur ses attraits physiques.

Elle se démarquait du reste du groupe par plusieurs aspects, elle était de loin la plus âgée et de toute évidence la seule sachant les tenants et aboutissants de leurs actions au village. Mais, la particularité qui sautait aux yeux en la regardant, mise en valeur par l'effet de groupe, c'était que là où les jeunes garçons et filles portaient des chaussures, presque neuves pour la majeure partie d'entre eux ; elle, ne portait pas de souliers, en revanche, des écailles d'un vert luisant faisaient étinceler ses pieds au milieu du sol poussiéreux du chemin comme des éclats d'émeraude.

C'est un des petits garçons à l'arrière qui brisa le premier le silence : "C'est vraiment pas drôle d'aller au village, aller-retour, on perd beaucoup de temps pour jouer.", s'exprimant sur un ton exaspéré.

La fille en tête de file lui répondait d'une exaspération plus sincère : "Si tu te plains, fais-le plus silencieusement, il n'y a pas que toi que sa ennui de devoir aller là-bas. Et aucun d'entre vous n'a besoin d'y aller tout le temps, bande de chanceux."

"Si ça t'énerve tant que ça, pourquoi tu viens tout le temps alors, Serra ? Avoue que tu adores voir tous ces petits villageois à ta merci." répondit un autre d'un ton railleur.

La concernée se retournait subrepticement pour faire face à la petite troupe et leur lançait un regard remplit de frustration, d'amertume et d'un peu de dédain. Ce regard a très vite fait comprendre aux petits qu'ils avaient été un peu trop loin : "Moi, je suis obligée de venir, parce qu'il n'y a personne d'autre dans cette foutue bande qui soit fichu d'avoir le même pouvoir que moi pour me remplacer. Vous au moins, vous vous la coulez douce une bonne partie du temps à la planque, et sans moi, vous vous retrouveriez comme des débiles à gigoter avec des masques deux fois trop grands pour vous, à amuser la galerie, au lieu de les effrayer." Elle rajoutait avec un peu plus de satisfaction : "Mais c'est vrai que l'emprise que j'ai sur ce tas de crétins, m'aide un peu à supporter cette corvée. Allez, on reprend la marche les mioches."

Elle ajoutait enfin pour elle-même : "Moi aussi j'ai qu'une envie, me pieuter dans la planque et ne rien faire de mes journées." un petit sourire de soulagement se dessinait sur ses lèvres à la prononciation de ces derniers mots.

Il leur fallait encore quelques minutes avant qu'ils ne soient arrivé à destination. La marche terminée, ils se retrouvaient devant une falaise escarpée s'étendant sur plusieurs centaines de mètres, à leur niveau, cette barrière naturelle comportait un immense trou dans la roche, là où ils avaient installé leur repère. Ils y pénétraient sans plus de cérémonie.

Ils retrouvèrent alors tous les biens provenant du village, divers accessoires de valeur, armes, outils en tous genres, des stocks de nourritures abusifs et même des jouets pour les plus jeunes.

D'ailleurs, abandonnant bien vite le sérieux de leur mission, tous les jeunes membres du petit groupe se ruaient sur les jeux, bien trop content d'en avoir fini avec cette tâche et de passer le reste de la journée à faire les zouaves dans la caverne.

Serra quant à elle, bien qu'ayant, elle aussi, une belle envie de se défouler, le voyage l'avait bien plus fatiguée. Elle se dirigeait vers une portion de la caverne qu'elle avait entièrement aménagée. A l'instant où elle y entrait, elle se vautrait dans le fauteuil remplit de coussins moelleux où elle adorait se prélasser. Elle portait le peu d'attention qui lui restait vers le bureau orné de dorures et surmonté d'un miroir qui lui faisait face.

Dans un tiroir, où se trouvait tous ces bijoux, qui à la base n'étaient pas les siens, elle déposait ses boucles d'oreilles, bracelet et son collier de perles qu'elle avait porté toute la journée. Et ce, pour les remplacer par d'autres bijoux de composition différente : "Ça fait tellement de bien de se sentir belle.", pensait-t-elle. Le petit sourire qu'elle esquissait du bout des lèvres était terni par la vue de cernes sous ses paupières : "Fait chier, je dors de moins en moins, il faut qu'Escott me donne beaucoup plus de temps de sommeil, si jamais toutes ces corvées déteignent sur ma beauté ça va barder."

Après s'être mit un peu de maquillage pour cacher ses cernes, Serra se dirigeait vers un duo d'armoires qui renfermaient une garde-robe bien fournie, avec des habits de toutes les couleurs et de toutes parures. Bien qu'elle ne disposait d'aucune occasion propice pour le port de ses diverses robes luxueuses, elle aimait les avoir à porter de main pour le simple plaisir d'en changer quand cela lui faisait plaisir.

Mais avant qu'elle ait le temps d'en choisir une nouvelle, une voix grave venant de l'extrémité de la pièce l'interpellait : "Serra, tu es là ? Le chef veut te parler."

Prenant tout son temps pour fermer l'armoire, se recoiffer et se remettre de la légère interruption que causait cette demande, Serra affichait un sourire factice en se dirigeant vers le drap rose bonbon qui délimitait sa chambre du reste de la caverne. L'individu qui venait la chercher se trouvait derrière ce même drap, sans doute pour respecter le peu d'intimité que la demoiselle s'octroyait par rapport au tumulte qui faisait loi dans le reste de la planque.

"Oui, je suis là Toba, le chef est vraiment un angelot pour venir me chercher juste après m'être tapée deux bonnes heures de marche entourée des petits diablotins."

Marquant une courte pause avant de tirer le drap, la dévoilant à la vue de son interlocuteur : "Ça ne peut vraiment pas attendre ?" s'enquit-elle d'un ton s'apparentant à la pitié.

Devant elle se dressait un jeune garçon, approximativement du même âge qu'elle, à la différence qu'il la dépassait d'une tête et semblait être composé d'une montagne de muscles. Il lui parlait d'un air placide, mais qui ne laissait pas de place à la négociation : "Tu sais comment il est, capricieux, je t'aurais bien laissée tranquille plus longtemps, mais mieux vaut ne pas le faire attendre."

"Tu as raison, allons voir ce qu'il veut, plus vite je saurais, plus vite je pourrais me reposer."

Avant de se mettre en route, les écailles vertes qui recouvraient les pieds de Serra s'étaient dissipées, laissant apparaître des pieds blancs habitués à une certaine délicatesse. Serra enfilait prestement des petits chaussons d'un rose un peu plus terne que celui du drap donnant accès à sa chambre.

Ils commençaient donc tous deux à se diriger vers la partie de la grotte habitée la plus éloignée du point d'entrer ; c'est là où résidait le chef la plupart du temps.

Devant eux, même les enfants les plus indisciplinés cessaient leurs jeux et les laissaient passer ; ils savaient leur importance dans le groupe. Les plus petits apprenaient bien vite à les laisser tranquille et ne pas se mêler de leurs affaires.

Les compères arrivaient alors devant l'antre du chef, dissimulé par drap gris et entouré de deux boucliers adossés à la paroi de la caverne. Toba entra le premier, prenant soin de maintenir le drap pour laisser passer Serra, dans l'objectif de ne pas aggraver sa mauvaise humeur, ce qui s'avérait payant.

Au pied d'un fauteuil, qui de par l'allure de l'endroit ressemblait vaguement à un trône, se trouvaient empilés diverses armes et armures de bien meilleure qualité que dans le reste du repère. Le trône était disposé sur une portion de la grotte, qui, dû à l'érosion prit une forme d'escalier. Devant eux se dressait un jeune homme d'un physique sec, mais musclé, en armure de cuir légère aux yeux gris et aux cheveux courts, d'un noir profond. Il s'agissait d'Escott, leur chef les attendait assis sur ce trône improvisé, un air de supériorité impériale sur le visage tandis que trois épées longues lévitaient au-dessus de sa tête, formant un petit arc de cercle.

"Nous avons fait au plus vite, de quoi voulais-tu nous parler ?" prononça Toba d'un ton solennel.

"Et arrête un peu avec ton truc des épées, ça impressionne peut-être les gamins, mais pas moi." dit Serra, laissant transparaître toute son impatience dans sa voix.

Escott fermait maintenant les yeux et les trois épées descendaient doucement jusqu'à toucher terre. Il prit finalement la parole : "Serra, je sais que tu es fatiguée de ta marche, mais n'oublie pas à qui tu parles, je suis ton chef, alors tu devrais me parler avec un peu plus de respect." prononça-t-il, mi- sarcastique, mi- sincèrement vexé.

"Si tu le dis." rétorquait à mi-mot l'intéressée.

"Qu'est-ce que tu as dit ?" répondait Escott d'un ton un peu plus sévère.

"Oh, rien, continue."

Escott, laissait tomber cette discussion qui n'allait nulle part et commençait donc à questionner ses subordonnés : "Bon commençons par toi Serra. Les habitants du village réagissent toujours aussi bien à ton hypnose ?"

"Oui, c'est presque trop facile, j'ai l'impression que même sans moi, ils pourraient s'hypnotiser eux-mêmes."

"Et ont-ils toujours des choses intéressantes pour nous ?" s'enquit le chef.

"Plus tellement, puisque ça fait plusieurs semaines qu'on est là, ils ont plus que quelques babioles." répondit Serra, laissant plus parler sa fatigue que son sarcasme habituel.

"Bien, et toi Toba, tu as bien fait attention à ce que la position de notre repaire ne soit pas découvert ?"

"Oui, j'ai tenu quelques groupes de bandits à distance et j'ai formé quelques jeunes pour effacer les empreintes de pas."

"Très bien, dans ce cas, voici mon plan, nous allons rester ici encore quelque temps, histoire de se servir des dernières ressources dont dispose ce charmant village. Toba, apporte la carte."

L'homme de main s'exécute. "Voyons voir ça, nous sommes passés par tous les petits villages de la partie Nord-Est de la bordure des grandes plaines, tu penses aller plus au Sud maintenant" s'exprimait Toba en analysant leur position et leur trajet inscrit sur la carte.

"Oui et non, on s'en est bien sorti avec le menu fretin jusqu'à maintenant." le chef passait méticuleusement son doigt sur la carte aux endroits où ils étaient passés tout en prononçant ses paroles. "Il est grand temps que l'on s'attaque à quelque chose qui en vaille vraiment la peine. Et pour ça, on va se rendre à Install, c'est l'endroit le plus peuplé dans ce trou perdu, ils doivent avoir pas mal de trucs très intéressants."

Serra se mettait à son tour à inspecter la carte : "Par contre, c'est au centre de la région, il va peut-être nous falloir plusieurs semaines avant d'arriver là-bas, j'entends déjà les marmots piailler "Alors quand est-ce qu'on arrive", "J'ai mal aux pieds", "C'est trop long.""

"C'est peut-être le prix à payer si on veut vivre comme des rois." tentait le chef, pour dissiper le manque d'enthousiasme de sa subordonnée.

"Ou comme une reine." s'enquit la demoiselle.

Cachant difficilement le rouge qui lui montait soudainement aux joues, le chef se reprenait et donnait les différentes instructions pour la suite des évènements : "Très bien, nous partirons dès que nous n'aurons plus rien à faire ici, mais on commence à organiser nos affaires pour le départ, maintenant. Toba, tu continues à entraîner les plus âgés à l'apprentissage du psy. Et toi Serra, tu continues à maintenir les villageois sous notre emprise. J'ai terminé, vous pouvez y aller."

Serra avant de revenir dans le gros de la caverne prenait un ton un peu plus aguicheur pour s'adresser à Escott, tout en passant une main dans ses cheveux : "Au fait, est-ce-que tu pourrais me laisser un peu plus de temps pour dormir, toutes ces allées et venues au village... c'est fatiguant."

Masquant maintenant à peine son intérêt pour la demoiselle, le chef répondait : "Eh oui, eh je vais...voir ce que je peux faire pour ça."

"Merci beaucoup, c'est très gentil à toi."

Une fois dehors sans personne pour l'entendre elle ajoutait pour elle-même : "C'est quand même un peu mignon, la manière dont il pense que je m'intéresse à lui." 

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