Chapitre 8

Malcolm

Le brouhaha dans la salle s'intensifie à chaque seconde. Les éclats de rire, les conversations à voix haute, et les bruits de stylos tapotant les tables forment une cacophonie insupportable. Je soupire, vaincu, et pose ma tête contre mes bras croisés sur le bureau, tentant de me couper de tout ce chaos.

Ils sont tous intenables, surtout les Novices, tous âgés entre 8 et 12 ans. Vraiment, c'est d'une pénibilité sans nom. Une part de moi brûle d'envie de me lever et de leur hurler de la fermer, de leur faire comprendre à quel point ce bruit me rend fou. Mais je n'ose pas. La dernière chose que je veux, c'est attirer l'attention.

S'ils commencent à me remarquer, alors ils voudront en savoir plus sur moi. Et s'ils fouillent trop, ils finiront par découvrir exactement ce que je tente désespérément de cacher. Ce secret qui pourrait tout changer. Alors non, je préfère rester invisible, même si cela signifie supporter ce vacarme.

Je serre les poings et prends sur moi. Il faut tenir. De toute façon, le professeur ne devrait plus tarder.

Enfin, la porte s'ouvre dans un grincement léger, coupant court à quelques éclats de voix. Monsieur Dumas fait son entrée, ajustant sa cravate d'un geste fluide, presque nonchalant.

— Silence !

Sa voix, bien que désinvolte, résonne avec une autorité naturelle. En une fraction de seconde, la salle se plonge dans un calme parfait. Tous les élèves se redressent, fixant leur attention sur lui avec un mélange d'intérêt et d'appréhension. Monsieur Dumas a ce don étrange d'attirer l'attention sans effort, comme si sa simple présence imposait le respect.

Nous savons tous pourquoi. Aujourd'hui, c'est le grand jour. L'annonce tant attendue du programme du premier examen de l'année scolaire.

Je sens l'excitation palpable autour de moi. Certains élèves échangent des regards complices, impatients d'en savoir plus. D'autres pianotent nerveusement sur leurs bureaux, incapables de cacher leur anxiété. Pour ma part, je reste immobile, les yeux baissés, espérant que personne ne remarquera mon manque d'enthousiasme.

Le professeur s'avance jusqu'à son bureau, déposant une pile de documents soigneusement agrafés. Il s'appuie légèrement sur le rebord, balayant la classe du regard avant de commencer.

— Bonsoir à tous, chers étudiants ! Je m'adresse aux Prétoriens. Comme vous le savez, dans un peu moins de deux semaines se déroulera la phase 1 de vos examens annuels...

La voix de Monsieur Dumas résonne dans la salle, pleine de gravité, mais avec une pointe d'excitation soigneusement dosée. Il nous regarde un à un, comme pour jauger nos réactions. Tout le monde acquiesce en silence, certains avec un air nerveux, d'autres avec une curiosité grandissante.

— Vous avez déjà eu à affronter diverses épreuves durant votre scolarité, donc vous savez à quel point nous ne plaisantons pas.

Il marque une pause, observant l'effet de ses mots.

— Mais cette année, c'est différent. Comme c'est votre dernière année ici, le programme est d'autant plus... concret.

Un silence chargé s'installe dans la salle. Ces mots flottent dans l'air, pesant sur nos épaules comme une promesse et une menace à la fois.

— Dans le cadre de la première épreuve collective, vous devrez pourchasser différents individus...

Des murmures s'élèvent immédiatement dans la classe. Des chuchotements rapides, des regards échangés.

— Est-ce que c'est comme une chasse à l'homme ? demande un élève assis au deuxième rang, une lueur d'excitation dans les yeux.

Le professer esquisse un sourire, presque carnassier.

— Exactement ! C'est très bien résumé.

Les murmures redoublent d'intensité. Une chasse ? Sérieusement ? Qu'est-ce que cela implique ?

— Et comment ça va se passer ? intervient un autre élève, plus méfiant, au fond de la classe.

Monsieur Dumas lève une main pour rétablir le calme.

— L'équipe qui aura réalisé la meilleure prestation remportera un Jokdaris par membre.

Un frisson parcourt la salle.

Meilleure prestation ? Jokdaris ?

Je cligne des yeux, essayant de digérer cette information. Une chasse ? Un Jokdaris ? Mon esprit s'emballe. Ce mot, si rare et si précieux, résonne comme une promesse de pouvoir et d'opportunité. Un Jokdaris ! C'est totalement exceptionnel... Tellement incroyable que cela semble presque irréel.

Je jette un coup d'œil discret autour de moi. Certains de mes camarades semblent excités, impatients de se lancer dans ce défi mystérieux. D'autres, plus prudents, froncent les sourcils, probablement en train d'évaluer les risques. Quant à moi, je reste immobile, mon esprit tiraillé entre fascination et appréhension.

Monsieur Dumas reprend, brisant le flot de mes pensées.

— Les détails spécifiques vous seront donnés en temps voulu. Mais sachez une chose : cette épreuve est conçue pour tester non seulement vos compétences, mais aussi votre capacité à travailler en équipe.

Travailler en équipe ? C'est bien ma veine. Je préfère opérer seul, loin des regards, loin des questions. Mais cette fois, il semblerait que je n'aurai pas le choix.

Il parcourt la classe du regard, comme pour imprimer ce moment dans nos esprits.

— Préparez-vous. Ce ne sera pas une simple formalité.

Il se retourne alors pour écrire quelque chose au tableau, nous laissant seuls avec nos pensées. La tension dans la pièce est presque palpable.

Je me renfonce légèrement dans mon siège, essayant de masquer mes émotions.

Une chasse... Une épreuve collective... Et ce Jokdaris ? Que cela signifie-t-il réellement pour nous tous ?

À quoi vous jouez, père ?

— Bon, s'esclame Dumas en tapant dans ses mains pour capter l'attention, nous allons procéder à l'appel.

Il se râcle la gorge bruyamment, prenant une posture imposante, avant de débuter l'appellation de la première classe de Novices. Il énonce les noms d'une voix grave, chaque syllabe résonnant dans la salle silencieuse. Une fois la première classe nommée, il poursuit méthodiquement avec les suivantes, enchaînant avec les classes supérieures, chacune marquant une étape dans la hiérarchie rigide de l'Académie Hollowspire.

L'Académie Hollowspire est un endroit aussi redouté que mystérieux, connu des gouvernements du monde entier. Pourtant, son existence demeure un secret bien gardé, dissimulé aux populations des autres nations. Ce lieu, à mi-chemin entre une légende urbaine et une réalité terrifiante, ne figure sur aucune carte officielle. Nul n'ose s'aventurer au Dovland, le pays isolé qui abrite cette institution. Situé entre la Syrie et l'Irak, au carrefour des conflits géopolitiques, ce territoire, bien que rattaché au continent africain par certaines frontières contestées, est un no man's land réputé pour sa dangerosité extrême. Aucun étranger, quel que soit son courage, ne risque de s'y aventurer sans payer le prix ultime.

Ici, l'admission des élèves est soumise à des critères d'une rigueur implacable, presque inhumains. Tout d'abord, seuls les garçons issus de lignées purement dovlanaises depuis au moins trois générations peuvent prétendre intégrer l'Académie. Ensuite, ces enfants doivent remplir des conditions physiques et mentales spécifiques. Ils doivent être de groupe sanguin O+, mesurer au moins un mètre trente à l'âge de huit ans, et présenter un quotient intellectuel supérieur à 116. Ces critères drastiques réduisent considérablement les possibilités d'intégration, ne laissant qu'une élite triée sur le volet.

Pour les Dovlanais, voir leur fils être accepté à Hollowspire est une source de fierté incommensurable, une marque de distinction dans un pays dirigé d'une main de fer par un régime dictatorial. Ce statut confère aux familles une reconnaissance sociale et politique inégalée, un espoir d'échapper à la vie ordinaire et austère imposée par le régime. Les parents sont prêts à tous les sacrifices pour offrir cette opportunité à leur enfant, même si cela signifie les envoyer dans un lieu où la survie n'est jamais garantie.

L'Académie est organisée avec une structure hiérarchique précise, comptant exactement onze classes réparties en trois niveaux distincts. Les Novices, regroupant les garçons âgés de 8 à 12 ans, sont divisés en quatre classes de 100 élèves chacune. Viennent ensuite les Adeptes, composés de jeunes âgés de 12 à 15 ans, répartis en quatre classes plus petites, de 30 élèves chacune. Enfin, au sommet de cette hiérarchie, se trouvent les Prétoriens, la véritable élite de l'Académie, avec seulement trois classes de 15 élèves chacune.

Cependant, ce système impitoyable est marqué par une réalité brutale : d'une période à l'autre, certains élèves disparaissent. Les épreuves, à la fois physiques et mentales, sont si exigeantes que nombreux sont ceux qui n'y survivent pas. Étudier à Hollowspire n'a rien d'une chance pour les enfants eux-mêmes, mais dans un pays où les choix sont restreints et les opportunités rares, les parents n'ont souvent pas d'autre option que de s'y conformer.

C'est ainsi que fonctionne Hollowspire : un mécanisme implacable qui broie ses élèves, mais qui reste, pour beaucoup, un symbole de grandeur et de prestige. Ici, rien n'est laissé au hasard. Tout est calculé, et personne ne peut échapper aux règles de fer imposées par cette institution.

C'est comme ça, et pas autrement.

— Bien, maintenant les Prétoriens !

La voix stridente me ramène brutalement à la réalité, me tirant de mes pensées comme un coup de fouet. Je sursaute légèrement, ma concentration s'échappant d'un coup, et lève la main machinalement lorsque j'entends mon prénom retentir. Je murmure une réponse rapide, mais l'appel se poursuit sans que je prête réellement attention aux autres noms. Mes yeux se perdent sur les murs austères de la salle polyvalente, froids et impersonnels, comme tout le reste ici.

Quelques instants plus tard, la sonnerie retentit, un son métallique qui résonne comme une cloche d'alarme dans mon esprit. Une bouffée de nervosité mêlée d'excitation monte en moi. Il est déjà presque dix-neuf heures, ce qui signifie que les cours vont commencer sous peu.

Je m'étire paresseusement, mes muscles engourdis par l'immobilité. Autour de moi, les autres élèves se lèvent, certains avec une énergie contenue, d'autres traînant les pieds comme s'ils portaient un fardeau invisible. Je prends une grande inspiration et me redresse lentement, mon esprit essayant de se focaliser sur ce qui m'attend.

Avant de quitter la salle, je jette un coup d'œil rapide à mon emploi du temps froissé, coincé dans un recoin de mon carnet. Oui, encore le même programme que l'année précédente. C'est la troisième année consécutive que j'ai ce même enchaînement de cours, avec peut-être quelques ajustements dans les salles. Pourtant, malgré cette répétition monotone, je suis toujours incapable de le mémoriser correctement.

Ce soir, j'ai Assassinat Furtif avec Monsieur Ashbourne, l'un des professeurs les plus redoutés de l'académie si j'en crois les rumeurs.

Le cours se déroule au gymnase 5, situé à l'extrémité du complexe. Ce n'est pas la première fois que j'y vais, mais chaque passage dans ces longs couloirs sombres, éclairés uniquement par des néons vacillants, me donne l'impression de marcher dans un labyrinthe sans fin.

Heureusement, j'ai pensé à glisser mon uniforme de sport dans mon sac avant de quitter ma chambre tout à l'heure. Une habitude bien ancrée, résultat de multiples rappels sévères pour cause d'oubli par le passé. Mon uniforme est parfaitement plié, mais je ne peux m'empêcher de noter les traces d'usure sur le tissu. Tout ici respire l'efficience et la discipline, mais les signes de l'érosion du temps sont inévitables.

Je resserre les bretelles de mon sac, vérifie une dernière fois que rien ne manque, puis je me mets en route. L'air est glacial, chargé de cette tension familière qui précède chaque début de session. Peu importe combien de fois on recommence, cette sensation ne disparaît jamais complètement.

En marchant, je ne peux m'empêcher de me demander ce que Monsieur Ashbourne a préparé pour nous ce soir. Les rumeurs courent toujours sur ses méthodes peu orthodoxes, et il est rare qu'un cours avec lui se passe sans quelques égratignures, au sens propre comme au figuré.

Une chose est sûre : la nuit va être longue.


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