Chapitre 76
Christale
— Mademoiselle Collins ! Mademoiselle Collins ! Réveillez-vous !
Les voix s'élèvent dans un bruit assourdissant. Elles résonnent dans ma tête comme des éclats de verre brisés, chaque syllabe me transperçant comme un poignard. Les échos me frappent de toutes parts. Je suis perdue, noyée sous le poids de ma culpabilité, et ces voix... Elles sont insupportables. Mes mains, tremblantes et pleines de douleur, s'écrasent violemment contre mes oreilles dans une tentative désespérée d'étouffer leurs cris. Mais même cela ne suffit pas. Je hurle, toujours plus fort, encore plus fort. C'est tout ce qui m'est possible.
J'ai tué ma maman... Je lui ai arraché la vie... Je suis une meurtrière... Tout ce que je mérite, c'est de disparaître, de m'éteindre. Je me noierais dans le Styx, et je serais condamnée à errer dans le Tartare, éternellement, sans fin, à la merci de mes pêchés. Personne ne mérite un destin pire que le mien. Je suis déjà perdue.
Les sanglots étranglent ma gorge, chaque respiration est un supplice, une torture. Je me sens prête à me dissoudre dans l'air, à disparaître, à ce que tout ceci cesse enfin. Mais les voix ne s'arrêtent pas. Elles m'enveloppent.
— Tout ira mieux maintenant, Christie...
Une chaleur envahit soudainement mon corps, des bras m'enlacent. Je me débat instinctivement, paniquée, chaque mouvement amplifiant la douleur de mes blessures, de mes hématomes qui me brûlent. Chaque pression me fait hurler, mais la prise est ferme, protectrice.
— C'est Mélane... Jessi est là aussi... Tout ira bien...
Mél ? Jess ? Mes nouveaux amis... Mes pensées sont noyées dans un brouillard épais. Je suis confuse, mais leur voix, leurs mots, ont une douceur qui semble me ramener d'un abîme trop profond. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais la lumière m'aveugle, une lumière cruelle qui perce à travers la porte d'entrée de l'appartement, comme un soleil trop fort pour mon âme brisée.
Les larmes coulent, incontrôlables. Des sanglots irrésistibles m'envahissent, me submergent. Tout est trop... Tout est trop pour moi. Le poids de mes actes, le vide de ma solitude, tout ça, tout me tue, lentement, chaque seconde me broie.
— Qu'est-ce que vous faites ici ? Ma voix est brisée, faible, comme un souffle qu'on arrache à la vie.
Des silhouettes apparaissent devant moi, des policiers, des pompiers. Leurs uniformes me frappent comme un coup de massue. Je frémis, une peur glacée s'empare de moi. Ils sont là. Ils savent. Ils ont vu.
— C'était un accident, murmuré-je, les mots m'échappent, incompréhensibles dans le tumulte de ma pensée.
Je suis confuse, perdue dans le labyrinthe de mes émotions. C'est tout ce que je peux dire, tout ce que je peux leur offrir, une excuse vide.
— Tout ira bien, on le sait, me répond une voix féminine, calme, apaisante.
Une main douce se pose sur mon épaule, m'aidant à me redresser. Je la laisse faire, mes forces m'abandonnant un peu plus à chaque instant.
Je me sens comme une marionnette, les fils de mon existence tirés dans tous les sens par des mains invisibles. Je voudrais tout casser, tout briser, m'enfuir loin de ce regard accusateur, mais je ne peux pas. Je suis coincée, coincée dans ce monde qui ne me reconnaît plus.
— Comment êtes-vous entrés ?
Ma voix, tremblante, est une question qui flotte dans l'air, mais je suis trop épuisée pour en saisir la véritable signification.
— Un voisin a entendu hurler et nous a appelés. Mais quand nous sommes arrivés, ton état psychologique était tellement atteint qu'on a dû se renseigner sur qui contacter. C'est comme ça que ton lycée nous a donné les coordonnées de tes amis. Il paraît que tu n'es plus sortie depuis des semaines... Tu voudrais bien nous expliquer ce qu'il s'est passé ici ?
La policière parle lentement, doucement, cherchant à ne pas brusquer ma fragile tranquillité. Mais les mots me frappent comme des pierres, chaque phrase une nouvelle bourrasque dans le tourbillon de mon esprit. Tout est trop difficile. Tout est trop lourd. Comment expliquer ce qui s'est passé ? Comment expliquer cette rage intérieure, cette douleur qui me dévore, ce vide qui m'aspire ?
— J'ai tué maman.
C'est tout ce qui m'est resté. Ces mots, qui tombent comme une sentence, me brisent à nouveau. Mes larmes redoublent de violence, incontrôlables. La culpabilité m'écrase. Je suis noyée sous la mer de ma propre souffrance.
Je n'arrive même plus à respirer, mes poumons sont pleins de larmes, de peur, de regrets. Et puis, mes jambes cèdent. Je vacille, perdue dans cette merde d'émotions trop fortes. Mes amis sont là, autour de moi, me soutenant, me retenant avant que je ne m'effondre. Mais cela ne suffit pas. Rien ne suffit.
Les bras de Mélane et Jessi sont là, solides, protecteurs, mais c'est comme si le sol se dérobait sous mes pieds. Tout est brisé. Tout.
Je veux mourir. Je veux crever, disparaître dans l'obscurité, payer pour ce que j'ai fait. Je mérite ça, je mérite de m'effacer, de ne plus exister. Le poids est si lourd qu'il m'écrase, m'empêche de respirer. Chaque pensée, chaque image de ma mère, de son visage déformé, de sa douleur... tout ça me brûle l'âme. Tout ce que je vois, tout ce que je touche, me rappelle l'horreur de mon acte. Tout est un tourment sans fin.
Mes mains tremblent. Je sens le vide en moi, un gouffre immense qui m'attire, m'engloutit à chaque seconde. Le monde autour de moi est devenu flou, comme si la réalité n'avait plus de sens. Je veux juste que tout s'arrête, que le silence vienne m'emprisonner, que cette douleur s'éteigne.
Je repousse mes deux amis avec toute la force dont je suis encore capable, sans même réaliser la violence de mon geste. Ils reculent, surpris, mais leurs yeux sont pleins de tristesse et de peur. Et moi, je m'éloigne, mes jambes fragiles me portant à peine. Je me dirige, sans réfléchir, sous les regards scrutateurs des policiers qui ne me quittent pas, vers la cuisine. Mes pensées sont noyées dans un tourbillon incontrôlable. Tout ce que je sais, c'est que je dois mettre fin à tout ça.
Je sais ce que je dois faire. Je saisis le premier couteau que je trouve sur le plan de travail, mon cœur battant à tout rompre. L'acier de la lame brille d'une lueur sinistre sous l'éclairage de la cuisine. Je lève le couteau, mes mains sont tremblantes, mais je le tiens fermement. C'est la seule chose qui me permet de me sentir encore en contrôle, d'avoir l'illusion d'une échappatoire.
— Ne fais pas ça, Christale !
Les cris désespérés de Mélane et Jessi me parviennent, mais ils me semblent lointains, étouffés par le rugissement de ma propre colère et de ma souffrance. Je vais exploser, je vais tout détruire.
— Je dois payer pour ce que j'ai fait ! hurle-je, ma voix brisée par la douleur.
Je me sens hors de moi, comme une étrangère dans mon propre corps, tout est trop. Trop de haine, trop de culpabilité, trop de solitude. Mon souffle est erratique, mes yeux brûlent, je suis perdue dans un tourbillon infernal.
— Non, pas du tout ! s'écrie un homme en tenue de pompier, sa voix ferme mais pleine de désespoir. Tu n'as rien fait d'autre que te protéger.
Mais ces mots, ils n'ont aucune prise sur moi. Ils résonnent dans ma tête comme des paroles vides, sans écho. Je suis une meurtrière. Je l'ai tuée. C'est moi, c'est moi qui l'ai détruite.
Un autre homme, un policier cette fois, s'avance d'un pas prudent, ses mains tendues vers moi, comme s'il voulait m'attraper, m'empêcher de sombrer dans l'abîme.
— Il a raison. Regarde ce que ta mère t'a fait. Regarde ton visage.
Le monde autour de moi se fige, ces mots s'enfoncent dans mon esprit comme des aiguilles, me perçant de l'intérieur. Je m'arrête un instant. La douleur dans mes mains, la froideur du couteau dans ma paume, tout semble se ralentir. Les souvenirs m'envahissent, et je vois à travers le voile de mes larmes le visage de ma mère, défiguré par sa rage, par sa folie. Et mon visage... ce visage marqué, défiguré par ses actes. Elle m'a brisée bien avant que je ne brise quoi que ce soit. Elle m'a brisée dans chaque mot qu'elle prononçait, dans chaque coup qu'elle portait, dans chaque silence qu'elle laissait s'installer entre nous.
Je baisse lentement le couteau, mon corps tremblant sous le poids de la révélation. Je ne sais plus où je suis, tout semble se mélanger, se brouiller autour de moi. Un vertige m'envahit, un vertige de plus, comme si je me noyais dans un océan de souffrance sans fin.
Je vacille. Mes jambes ne me tiennent plus. Tout autour de moi devient flou, un tourbillon de voix et de lumières. Je sens une pression sur mes épaules, mais je n'ai plus la force de lutter. Mes yeux se ferment, mes muscles se relâchent. Un souffle lourd s'échappe de mes lèvres alors que mon corps cède à l'épuisement. Une vague de chaleur, de calme, m'envahit. La douleur s'estompe, le tumulte de mon esprit se calme.
Un dernier souffle. Puis... tout devient noir.
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