Chapitre 72
Christale
Dès que j'arrive dans ma chambre, je prends le réflexe de verrouiller ma porte à clé. Mon souffle est court, mon cœur cogne contre ma poitrine comme s'il voulait s'en échapper.
J'ai besoin de réponses. Tout de suite.
D'un geste précipité, je me dirige vers mon lit et soulève le matelas. Mes doigts tremblants se referment sur les lettres que j'y ai cachées un peu plus tôt. Je les étale sur mon drap, mon regard les scrutant avec l'avidité d'une naufragée trouvant enfin une carte au trésor.
Peut-être qu'elles me diront tout ce qu'elle a voulu me cacher.
Je les passe en revue rapidement, cherchant un détail, un indice. Un nom apparaît plusieurs fois en signature. Mon cœur rate un battement. Qui est-ce ? Que lui veut-il ?
Sans perdre une seconde, j'attrape une enveloppe au hasard et l'ouvre d'un geste fébrile.
Les mots qui dansent sous mes yeux me glacent le sang. Des menaces de mort. Des demandes d'argent. Des insultes.
Mon estomac se serre tandis que je parcours les lignes écrites à la hâte, presque rageusement griffonnées sur le papier jauni.
"Sympa la pipe, mais il est où mon argent ?!"
Un frisson me traverse des pieds à la tête.
Putain.
Je n'ai pas le temps d'analyser plus longtemps. La porte d'entrée claque violemment, me faisant sursauter. Elle est de retour.
Mon cœur s'emballe.
Sans réfléchir, je range précipitamment les lettres sous le matelas, mes mains maladroites manquant de tout faire tomber. Mon corps agit avant mon cerveau : je me précipite sous la couverture et ferme les yeux, feignant un sommeil profond.
J'écoute.
Ses pas résonnent dans le couloir. Je retiens mon souffle. Mais elle ne s'arrête pas devant ma porte. Elle passe simplement devant, puis s'éloigne. Elle doit être retournée à son foutu tri. Elle ne sait pas. Pas encore. Et moi, je dois partir avant qu'elle ne s'en rende compte.
Sans plus attendre, je m'empare de mon sac à dos, le tire violemment vers moi et l'ouvre d'une main tremblante. Mon cœur bat trop vite, trop fort, martelant ma cage thoracique avec la violence d'un tambour de guerre. Il faut que je parte. Maintenant.
J'enfourne à la hâte tout ce que je peux. Des vêtements au hasard, sans réfléchir à ce que je prends. Un jean, un pull, une paire de chaussettes, un t-shirt froissé, puis un autre. Ça suffira. Je glisse mes clés au fond du sac, récupère l'argent que j'ai soigneusement dissimulé dans ma table de nuit et referme tout d'un geste brusque.
Mais alors que ma main se pose sur la poignée de la porte, la réalité me rattrape en plein vol.
OK, vouloir fuir. Mais où ?
Et pour faire quoi ?
Mon souffle se bloque. Une boule d'angoisse se forme dans ma gorge. J'ai seize ans. Seize misérables années d'existence, et à part ma mère, je n'ai personne.
Aller voir la police ? Ils s'en ficheraient. Ils me traiteraient comme une adolescente ingrate, une gamine rebelle qui ne supporte pas la moindre règle. Ils ne m'écouteraient pas.
Je ferme les yeux, inspirant lentement.
Peut-être suis-je condamnée à subir le même sort qu'April.
Mourir seule, effacée, engloutie dans l'oubli.
Non. Non, je refuse ça.
Une idée me traverse l'esprit. Mélane.
Elle est peut-être encore devant le lycée. Si je me dépêche, je pourrai la trouver avant qu'elle ne rentre chez elle. Elle, au moins, m'écoutera. Elle m'aidera. Elle ne me laissera pas tomber.
Je me redresse, le regard fixé sur la porte, et déverrouille la serrure dans un claquement sec. Mais à peine ai-je fait un pas en avant que je me retrouve nez à nez avec ma génitrice.
Un frisson glacial me traverse l'échine.
— Où vas-tu comme ça, jeune fille ?
Sa voix est douce, presque mielleuse, mais son regard... Son regard me lacère.
Self-control, self-control, Christale. Reste calme.
Je ravale la panique qui menace de me submerger, déglutissant avec peine. Je dois trouver une excuse. N'importe quoi.
— C'est ton anniversaire aujourd'hui, tu n'aurais pas oublié ? dis-je en m'efforçant de garder une voix neutre. Je voulais juste... te chercher un cadeau.
Ses yeux s'attardent sur mon visage, fouillant chacun de mes traits comme si elle pouvait y lire la vérité. Elle se méfie. Son sourcil s'arque légèrement, et pendant un instant, je crois qu'elle va m'attraper, me jeter contre le mur, m'empêcher de sortir.
Mais au lieu de ça, elle se décale lentement, me laissant passer.
J'avance.
Un pas. Puis un autre.
Mon cœur joue au trampoline dans ma poitrine. Mon souffle est court, précipité, mes poumons peinent à suivre le rythme affolé de ma peur.
— Avec un sac rempli ?
Merde.
Je tourne légèrement la tête et la vois qui me fixe avec intensité. Et puis... son regard change. Son visage se transforme en une seconde, ses traits s'aiguisent, se tordent dans une expression glaciale et inhumaine.
Elle sait.
Je me recule, lentement. Mon dos rencontre le mur du couloir.
Putain, putain, putain...
Elle attrape un objet posé non loin d'elle. Un vase ? Une lampe ? Je ne sais pas, mais je sais que je suis en danger.
— Christie... Tu sais des choses, pas vrai ?
Elle s'approche d'un pas. Puis d'un autre.
Mon sang se glace.
— Dommage, je t'aimais bien... murmure-t-elle. Mais il va falloir me débarrasser des témoins...
Elle bondit sur moi.
Un hurlement me brûle la gorge alors qu'elle tente de m'assommer. Par réflexe, je lève le bras et pare le coup de justesse. Une douleur fulgurante explose dans mon avant-bras, mais je n'ai pas le temps d'y penser. Mon pied part tout seul, frappant son ventre dans un geste désespéré.
Elle vacille, recule d'un pas, mais ne tombe pas.
Je profite de cette fraction de seconde pour me précipiter vers la sortie, mais elle me rattrape. Ses doigts se referment violemment autour de ma cheville, et je m'écrase au sol.
Boum.
Le choc m'arrache un cri.
Avant que je puisse réagir, elle grimpe sur moi, ses poings pleins de rage s'abattant sur mon visage.
— Maman ! Arrête ! hurlé-je en essayant de la repousser.
Mais elle ne m'entend pas. Elle est ailleurs, emportée par une folie dévastatrice.
— Il va t'arriver la même chose qu'à cette faiblarde d'April ! hurle-t-elle. Tu seras vendue à une mafia, violée puis assassinée sauvagement ! C'est tout ce que vous méritez, toutes les deux !
Son poing percute ma joue.
BAM.
— Des grosses merdes !
BIM.
Les coups pleuvent sans relâche. Mon crâne résonne sous l'impact, mes pensées se fragmentent. Je vais mourir.
Comme April.
Les larmes coulent sur mes joues, mais je ne les sens même pas. Mon corps s'engourdit sous la douleur, ma vision se trouble.
Puis, dans un éclair, je l'aperçois.
L'objet. Celui qu'elle a tenté d'utiliser contre moi.
Mon unique chance. D'un effort surhumain, je tends le bras, mes doigts effleurant la surface froide. Je rassemble toutes mes forces restantes et je frappe. De toutes mes forces. Un bruit sourd retentit.
Son corps s'affaisse brutalement sur moi. Inerte. Silence. Je reste allongée, le souffle court, mon cœur battant à tout rompre.
Qu'ai-je fait ?
Je la repousse avec difficulté et roule sur le côté, retirant mon sac à dos d'un geste maladroit. Mon regard se pose sur son visage immobile.
Je pose un doigt sur son poignet. Aucun battement. Un autre sur sa tempe. Rien. Je retiens mon souffle.
Non. Non, non, non...
Je recule, la panique montant en moi comme un poison.
Elle est morte.
Le sol tangue sous moi. Mon esprit s'effondre en mille morceaux. Et puis... je hurle. Un cri brut, déchirant, empli de peur, de douleur, de désespoir.
Je viens de tuer ma mère.
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