Chapitre 65
Malcolm
Une fois que j'ai recouvré une respiration un peu plus normale, je me redresse, non sans m'aider du mur, puis me dirige vers ma salle de bain privée tout en me dévêtant. Mes vêtements glissent sur ma peau moite, collante, marquée par la sueur et la fatigue. J'allume l'eau, attend quelques secondes, laissant la vapeur envahir la pièce, puis glisse sous le jet brûlant en prenant une grande aspiration. La chaleur m'enveloppe, apaise mes muscles tendus, délasse mes nerfs à vif.
J'observe les filets d'eau parcourir mes cicatrices, traçant leurs reliefs inégaux comme un cartographe dessinerait des terres inconnues. Elles sont là, témoins muets d'un passé qui refuse de s'effacer, gravées à même ma chair comme autant de vestiges d'une guerre intime. Parfois, j'ai l'impression de les sentir se réveiller sous mes doigts, qu'elles me brûlent, qu'elles s'ouvrent à nouveau, rougissant d'une douleur ancienne, encore vive. Alors, je passe ma main dessus, vérifiant, cherchant une plaie qui n'existe plus. Mais il n'y a rien. Rien d'autre que la mémoire d'un corps meurtri, condamné à porter l'empreinte des jours révolus.
L'eau ruisselle sur ma peau, charrie avec elle la fatigue, les tensions, le poids des heures passées. Je savonne mon corps lentement, mes doigts glissant sur chaque cicatrice, chaque marque laissée par le temps et les événements. La mousse blanchâtre s'accroche un instant à ma peau avant d'être emportée par le torrent brûlant. J'incline la tête en arrière, laissant l'eau frapper mon visage, effaçant les dernières traces de faiblesse.
Lorsque la température commence à tiédir, je ferme le robinet et passe une main sur mon visage, chassant les gouttelettes qui perlent encore sur mes cils. J'attrape une serviette sur le porte-serviettes, la déploie d'un geste rapide et l'enroule autour de ma taille avant de sortir de la cabine. L'air plus frais me fait frissonner, mais je n'y prête pas attention.
J'ouvre la porte de la salle de bain et fais un pas dans la chambre, mais je me fige aussitôt.
April est là.
Elle se tient juste devant moi, son regard accroché au mien, figé dans une surprise qui reflète sûrement la mienne. Pendant une fraction de seconde, aucun de nous ne bouge. L'atmosphère semble suspendue, aussi tendue qu'un fil prêt à rompre.
Je serre un peu plus la serviette autour de ma taille, sentant l'humidité du tissu se plaquer contre ma peau.
— April...
Ma voix est rauque, à peine un murmure dans le silence qui nous enveloppe. Son regard est figé sur moi, oscillant entre surprise et défiance. L'eau dégouline encore de mes cheveux, traçant des sillons glacés le long de mon dos et de mon torse. Puis, soudain, la situation me percute de plein fouet et mes sourcils se froncent instantanément.
— Qu'est-ce que tu fous là, petite conne ?!
Elle sursaute légèrement, prise au dépourvu.
— C'est... on m'a... enfin...
Elle peine à aligner trois mots cohérents. Ah oui. C'est vrai que j'ai demandé à Sélène de l'emmener ici. Je soupire et pointe du doigt un tapis au pied de mon lit, sans prendre la peine de masquer mon agacement.
— Va te coucher !
La blonde reste immobile, serrant les poings. Ses lèvres tremblent légèrement, comme si elle hésitait entre l'obéissance et la rébellion. Puis elle se mordille la lèvre, un tic nerveux qui ne m'échappe pas.
Je m'approche, ignorant son expression de plus en plus tendue.
Bientôt, nos corps se retrouvent à quelques centimètres l'un de l'autre. L'air semble se charger d'une tension électrique, palpable, presque suffocante.
— Je ne suis pas un chien ! râle-t-elle, la voix vibrante d'indignation.
Un rictus tordu étire mes lèvres.
— En effet, puisque tu es une fille. Alors tu es une chienne. Et même plus : ma chienne.
Ses yeux s'écarquillent d'une rage pure. Elle tremble, mais ce n'est ni de peur ni de faiblesse. C'est la colère qui la consume, une colère presque belle à voir.
— Arrête de dire une chose pareille ! Hurle-t-elle.
Je ricane.
— Et tu vas faire quoi, sinon ? Rien du tout. En plus, il n'y a que la vérité qui blesse ! Accepte d'être une petite salope comme ta chère droguée-bipolaire de mère !
Je n'ai pas le temps de voir venir son geste. Une claque fulgurante s'écrase sur ma joue dans un claquement sec.
La brûlure se répand immédiatement sur ma peau, un mélange de douleur et de surprise. Pendant une seconde, seul le silence règne, puis je tourne lentement la tête vers elle, la rage me vrillant les entrailles.
— Ne refais plus jamais ça, crache-t-elle, les yeux flamboyants.
Un rire sombre m'échappe.
D'un geste brusque, je la pousse si fort qu'elle s'effondre sur les fesses avec un hoquet de surprise. Sans lui laisser le temps de réagir, je me jette sur elle et m'accroupis, mes mains venant s'enrouler autour de sa gorge frêle.
Elle se débat immédiatement, griffant mes poignets, tentant de repousser mon emprise, mais c'est inutile. Sa respiration devient erratique, ses jambes se tordent sous elle alors qu'elle lutte désespérément. Je la fixe, observant la panique naître dans ses pupilles.
Jusqu'à ce qu'une douleur fulgurante explose entre mes jambes.
Un grognement guttural s'échappe de ma gorge tandis qu'une vague de souffrance irradie mon bas-ventre.
Oh la pute !
Je me recule instinctivement, me tenant les couilles, à moitié plié en deux. La douleur est atroce, dévorante, un feu brûlant qui pulse dans chaque nerf de mon corps.
Profitant de l'instant, April rampe sur le sol, s'éloignant aussi vite qu'elle le peut. Mais c'est peine perdue. Un sourire tordu étire mes lèvres alors que je me redresse, les traits tirés par la haine.
Dommage pour elle.
Sans ses béquilles, qu'évidemment je ne lui ai pas rendues, elle ne peut pas aller très loin.
Je la regarde s'éloigner, trébuchant presque à chaque pas, sa démarche lourde et bancale, ralentie par les attelles qui maintiennent ses rotules en place. Elle essaie de marcher, mais chaque mouvement semble la faire souffrir. Ça me fait sourire.
Je prends mon temps. Il n'y a aucune urgence. De toute façon, elle ne va pas bien loin.
Chaque pas qu'elle fait vers la porte me rappelle que je peux la suivre à mon rythme, jouer avec elle, la savourer.
Elle s'arrête, haletante, essoufflée. Je peux presque entendre son cœur battre dans la pièce, sa frustration palpable.
— T'es vraiment qu'une pauvre... petite chose, tu sais ça ? je lance, la voix calme, comme si on discutait tranquillement.
Elle serre les dents, mais je vois dans ses yeux qu'elle hésite, qu'elle sait que je la tiens. Je suis celui qui contrôle le jeu.
Elle fait un autre pas, se repliant sous la douleur, et je la vois faiblir. Puis, je m'avance enfin, sans précipitation, mes pas lourds résonnant contre le sol.
— T'es déjà fatiguée ? T'en as encore pour longtemps, petite salope.
Elle tourne la tête vers moi, l'air défiante malgré tout. Mais je suis plus rapide. Je l'attrape par le bras avec une brutalité calculée et la tire violemment en arrière.
Elle chute de nouveau, cette fois sur le sol dur.
— Allez, lève-toi. C'est pas fini.
Elle est là, toujours aussi fragile, comme une poupée brisée. La douleur dans ses yeux, je la ressens presque physiquement. Elle a encore le marquage de mon couteau sur le dos, à peine cicatrisé. Il y a quelques heures à peine, j'ai pris le temps de graver son prénom dans sa chair, une façon de marquer son appartenance. Un petit souvenir, une marque indélébile.
Elle essaie de se tenir droite, mais chaque mouvement semble lui faire mal. Elle ne se plaint pas, ne dit rien. Elle garde la tête haute, comme si elle pouvait encore se cacher derrière ce masque de fierté.
— Tu sais ce que tu es, April ? Une coquille vide. Une âme soumise, une petite poupée de porcelaine fragile qui se brise dès qu'on lui impose quelque chose.
Elle me regarde alors, cette lueur de défi dans les yeux. Une lueur bien faible, mais présente. Elle serre les poings, et pour un instant, je vois cette rage que j'ai provoquée éclater.
— J'en ai marre, Malcolm, j'en ai marre de tout ça ! Tu penses qu'en me brisant, tu me contrôles ? Tu penses que je vais me soumettre éternellement ?
Sa voix tremble sous l'effet de la douleur, mais je vois bien qu'elle essaie de lutter. C'est drôle, en réalité. Elle a beau vouloir se rebeller, elle reste coincée dans son propre corps. Ses jambes faibles la trahissent, ses souffles courts la dénoncent. Elle est à bout, mais elle essaie quand même.
Je m'approche d'elle, un sourire moqueur aux lèvres.
— Tu vas continuer à parler, encore et encore. Mais tu sais quoi ? Ce n'est pas avec des paroles que tu vas me battre, petite conne. Ce n'est pas en tentant de me défier que tu vas changer quoi que ce soit.
Elle ne répond pas, mais son regard continue de m'empoigner. Elle a du courage, mais c'est un courage mal placé, un courage qu'elle ne sait pas utiliser.
Je la fixe, une lueur amusée dans les yeux, en la voyant essayer de se redresser. Chaque mouvement, chaque souffle trahit sa faiblesse.
— Tu crois vraiment que tu peux me vaincre ? T'es rien, April. Juste une merde qui ne s'asssume pas !
Elle serre les poings, essayant d'afficher sa résistance. Mais à chaque geste, je sens son corps lutter contre la douleur que je lui ai infligée, la même douleur qui la subjugue à chaque mouvement. Elle tremble, elle sait qu'elle est à ma merci.
— T'es pathétique. Tu veux jouer les courageuses, mais t'es qu'une petite chose fragile. Je t'ai marquée, April, à vie. Et tu vas apprendre ce que c'est que de vivre sous ma domination.
Elle ouvre la bouche, sans doute prête à répliquer, mais je la coupe d'une voix glaciale.
— Tu veux vraiment utiliser ta bouche ? Pour te défendre ? Tu te crois capable de me blesser avec des mots ? Non. Elle est là pour une seule chose.
Je la regarde, et un sourire cruel étire mes lèvres. Je peux voir la peur dans ses yeux, mais je sais que je dois rester ferme. Je prends une profonde inspiration et je commence à parler d'une voix calme, mais ferme.
— Tu vas apprendre à l'utiliser pour ce qu'elle est censée faire, dis-je en lui montrant ses lèvres. Et crois-moi, ça va être bien plus utile que toutes les répliques que tu peux essayer de me balancer.
Elle tente de parler, mais je peux voir la résignation dans ses yeux. Elle sait qu'elle est vaincue, et qu'elle doit accepter son sort.
Des larmes dévalent le long de ses joues, et je peux sentir une pointe de culpabilité dans mon cœur. Mais je sais que je dois rester fort, pour elle comme pour moi.
Je l'attrape par les cheveux et je la traîne jusque dans la salle de bain. Je l'y pousse doucement, mais fermement, et je lui dis :
— Maintenant, tu vas te laver et dès que tu auras terminé, je ne veux pas entendre le son de ta voix. Me suis-je bien fait comprendre ?
Elle me regarde avec des yeux pleins de larmes et de colère, et elle hurle :
— Je te hais du plus profond de mon âme !
Elle me jette un ciseau posé sur le rebord du lavabo, et je le vois venir juste à temps pour esquiver. Mais il se plante dans mon torse, et je peux sentir une douleur aiguë.
Je regarde son visage, et je vois la culpabilité et la peur qui y sont inscrites.
— Pardon... Je... je ne voulais pas... Je suis désolée..., dit-elle en pleurant.
Je prends une profonde inspiration et je lui dis :
— Qu'est-ce que je disais, même pas capable d'assumer. Mais nous sommes quitte pour ce coup-là.
Je marque une pause, et je regarde son visage. Je peux voir les larmes qui dévalent ses joues, et je sais que je dois rester ferme.
— C'est interdit de pleurer sans autorisation dans cette demeure, dis-je d'une voix calme. Sous peine de punition. Je ne te le dirais pas deux fois.
La blondinette hoche la tête et s'essuie les yeux du revers de sa manche. Elle commence à se déshabiller, et je peux voir les marques de mon prénom sur sa peau. Je sais que je devrais être fier de moi, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir un peu honteux. Je regarde son chemisier déchiré dans le dos, et je vois les cicatrices qui y sont inscrites. Je sais que je devrais la laisser cicatriser avant de songer à rajouter mon nom de famille, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir un peu impatient.
— Je vais te ramener pour te prêter des vêtements de Kiara, dis-je enfin, avant de sortir de la pièce.
Je suis un peu plus calme maintenant, mais je sais que je devrai rester vigilant pour éviter que les choses ne dégénèrent à nouveau.
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