Chapitre 64
Malcolm
Enfin rentré à la maison !
Je claque la portière avec un fracas assourdissant, brisant le silence pesant de la nuit. L'écho du bruit se répercute contre les imposantes façades du domaine, tandis que mes bottes martèlent la chaussée détrempée, soulevant quelques éclaboussures sur mon pantalon sombre.
D'un pas décidé, je grimpe les larges marches de pierre menant à l'entrée du Manoir familial. Les torches murales projettent des ombres mouvantes sur les colonnes sculptées, donnant à l'ensemble un air de forteresse hantée. L'odeur familière de bois ciré et de feu de cheminée m'accueille avant même que je ne pousse la gigantesque porte.
À peine entré, je repousse sans ménagement les divers esclaves et domestiques qui tentent de me saluer. Leurs regards baissés trahissent leur crainte. J'ignore leurs salutations murmurées et fonce droit vers le bureau du Patriarche, mes pas résonnant violemment dans le couloir dallé.
Devant la porte massive en chêne noir, Sélène, la fidèle servante, s'incline respectueusement. Son visage, impassible comme toujours, ne laisse transparaître aucune émotion.
— Bienvenue à la maison, jeune maître, murmure-t-elle avec une voix douce mais parfaitement maîtrisée.
Je ne lui accorde qu'un bref regard avant de lâcher froidement :
— Va chercher ma chienne dans la voiture et emmène-la dans ma chambre.
Elle acquiesce sans poser de questions et disparaît aussitôt, descendant les escaliers d'un pas mesuré.
Je l'observe un instant, puis lève le poing pour frapper contre la porte en bois. Trois coups secs.
— Malcolm. Tu peux entrer.
La voix grave et rocailleuse de mon oncle traverse le panneau massif. Sans perdre une seconde, j'appuie sur la poignée et pénètre dans la pièce.
L'odeur de cigare froid et de vieux papier flotte dans l'air. Le bureau, vaste et chargé de reliures anciennes, est baigné d'une lumière tamisée provenant d'un unique chandelier posé près de la fenêtre. Comme à son habitude, la hyène est assise dans son fauteuil de cuir, de dos, contemplant l'obscurité au-delà de la vitre.
Je referme la porte derrière moi et m'installe face à lui, prêt à encaisser ses répliques acerbes. J'ai cinq minutes, pas une de plus, avant d'être envoyé balader sauvagement.
— Tu arrives bien tôt, me fait-il remarquer d'une voix traînante, en pivotant lentement sur sa chaise.
Le grincement du cuir brise le silence, sinistre, presque calculé. Je me tiens droit, les mains derrière le dos, crispées au point que mes jointures blanchissent. Je hoche la tête, évitant soigneusement de croiser son regard perçant.
— Je me doutais que tu ferais en sorte de rentrer au plus vite. Son ton est affable, presque amusé. C'est pour ça que tu as aidé ton frère, n'est-ce pas ?
Je relève légèrement le menton, comme pour revendiquer mon acte.
— Oui.
Il marque une pause, laissant le poids du silence s'installer. Un silence oppressant, calculé, dont il a le secret. Puis il soupire, un soupir qui sonne comme une moquerie.
— Je sais très bien, mon cher Malcolm, que tu as toujours tout fait pour te démarquer... Son sourire s'élargit, révélant l'éclat de ses dents blanches sous la faible lumière du bureau. Et pourtant, tu n'as jamais cessé de me décevoir... Il secoue lentement la tête. Quelle tristesse !
D'un geste fluide, il se lève. L'ombre qui le recouvrait s'efface alors qu'il contourne son bureau, avançant vers moi avec une lenteur calculée. Son sourire carnassier étire ses lèvres minces, à peine barrées par une longue cicatrice qui court sur sa joue gauche. Son ombre s'étend jusqu'à moi, me noyant sous son autorité écrasante.
— Je vous demande pardon, mon oncle, soufflé-je d'une voix basse, mes yeux se rivant de nouveau vers mes bottes, comme un chien fautif.
Un mouvement brusque. Le bas de sa canne, la même qui, jadis, s'abattait sur moi avec violence, se glisse sous mon menton et force mon regard à remonter vers lui. Son regard glacial me transperce, fouillant dans mon âme sans le moindre effort.
— Tu as fauté, n'est-ce pas ?
J'acquiesce, incapable de mentir.
— Tu veux une thérapie ?
— Oui, mon oncle, murmuré-je, ma voix à peine plus forte qu'un souffle.
Il abaisse lentement son morceau de bois et commence à marcher dans la pièce. Ses mains croisées derrière son dos accentuent l'aura menaçante qui l'entoure. Ses pas sont mesurés, comme un prédateur analysant son terrain de chasse.
— Je te dirais que tu la commenceras. Il marque une pause, s'arrêtant net. Mais pour le moment, tu es un invité. Ta copine aussi.
— Elle n'est p-
— SILENCE ! hurle-t-il soudain en pivotant sur ses talons.
L'air vibre sous la force de son cri. En un éclair, il s'avance et sa main s'abat sur mon visage dans une gifle brutale. La violence du choc me fait chanceler. Une douleur cuisante se répand sur ma joue, pulsant au rythme de mon cœur.
Article 14 : Exprimer un désaccord ou un doute en sa présence est une condamnation à mort instantanée.
— Tu peux disposer.
Sa voix est redevenue calme, impitoyable.
Je me redresse immédiatement, le souffle court, et sors précipitamment du bureau. Mon cœur bat si fort que je l'entends résonner jusque dans mes tempes.
Dès que je franchis le seuil de ma chambre, je verrouille la porte derrière moi et glisse lentement contre le mur jusqu'à m'accroupir sur le sol froid. Mes mains tremblantes se posent sur mes tempes alors que j'essaie de calmer mon souffle erratique.
L'odeur du bureau, son ombre menaçante, le son de la gifle... tout tourne en boucle dans mon esprit.
Et pourtant, ce n'est qu'un début. Mais je le mérite. Rien ne change à Blackthorn Manor. Absolument rien.
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