Chapitre 44
April
Ok April... ça va aller...
J'essaie encore une fois, désespérément, de me convaincre que tout ceci n'est qu'un mauvais rêve. Mais non. Cette certitude m'écrase comme un poids insoutenable. La panique tambourine dans ma poitrine, mes pensées s'emballent, s'entrechoquent.
Je suis allongée sur une plaque froide, métallique, qui me glace la peau à travers mes vêtements. Au-dessus de moi, un néon vacille, projetant une lumière blafarde, presque agressive, qui accentue l'atmosphère glauque de cette pièce. Ce n'est pas une salle d'opération comme on les voit dans les films, où tout semble aseptisé et ordonné. Ici, tout est sale, dégradé, comme si cet endroit avait été abandonné depuis des décennies.
J'essaie de bouger, mais mes gestes sont entravés. Mes bras sont plaqués le long de mon corps, maintenus par des sangles serrées qui me mordent la peau. L'impression d'être un insecte pris au piège me saisit, et une vague de frissons parcourt mon corps.
— S'il vous plaît ! Aidez-moi ! criai-je, la voix tremblante.
Mais le silence me répond. Pas un bruit. Rien, si ce n'est le bourdonnement oppressant du néon qui grésille au-dessus de moi.
— Je vous en prie ! Laissez-moi partir ! Je ne veux pas être ici !
Je lutte, je me débats de toutes mes forces, mais mes jambes sont elles aussi immobilisées. Les liens qui les enserrent sont si serrés qu'ils coupent presque la circulation. Je sens la chair me brûler sous la pression.
Je parviens, malgré tout, à soulever légèrement ma tête pour observer mon environnement. Mon cœur s'arrête presque lorsque mes yeux se posent sur les murs carrelés qui m'entourent. Ils sont jaunis, fissurés par endroits, et suintant d'une humidité qui dégage une odeur âcre. L'ensemble ressemble à une salle de bain délabrée, mais l'ambiance sinistre qui s'en dégage me donne envie de vomir.
Mon regard se porte ensuite sur le mur en face de moi. Là, des tuyaux, épais et rouillés, serpentent en tous sens, comme des veines métalliques grotesques. Ils semblent relier d'étranges machines que je ne parviens pas à identifier. À côté, un plateau roulant attire mon attention.
Dessus, des outils. Des pinces, des scalpels, et d'autres instruments dont je ne saisis pas la fonction. Leur éclat métallique sous la lumière crue me donne la chair de poule. Mon esprit s'emballe, imaginant des scénarios horribles.
Ces outils, si froids, si précis, sont-ils destinés à moi ?
Tout en moi hurle que je dois fuir, mais je suis incapable de bouger. L'air autour de moi devient plus lourd, oppressant, comme si la pièce elle-même voulait m'engloutir.
Soudain, un grincement sinistre rompt le silence oppressant. Une porte s'ouvre lentement, et des pas lourds résonnent sur le sol. Mon cœur se met à battre plus vite, ma respiration s'accélère. Puis, un claquement sec retentit, faisant vibrer l'air autour de moi.
Une ombre se glisse dans mon champ de vision, et une tête masquée se penche au-dessus de la mienne. Je tressaille violemment. Les yeux sombres derrière le masque, perçants et dénués de la moindre humanité, me paralysent. Tout dans la posture de cet homme m'inspire la terreur : son costume impeccablement ajusté, d'un bordeaux profond, contraste cruellement avec l'horreur froide de cet endroit.
— Cette fille est plus âgée que celles d'habitude... grogne-t-il, ignorant mes murmures de supplication.
Mes lèvres tremblent, mais aucun son ne sort. Je veux lui crier de me libérer, de m'expliquer ce qu'il me veut, mais ma gorge est nouée.
D'autres silhouettes apparaissent dans la pénombre. Mon regard paniqué glisse sur elles, cherchant un allié, quelqu'un qui pourrait mettre fin à ce cauchemar. Puis, mes yeux s'arrêtent sur un visage. Je le reconnais immédiatement.
Je suis presque certaine de l'avoir croisé en salle polyvalente, un soir avant le début des cours. Nous nous rassemblions pour l'appel, comme toujours, dans une atmosphère de routine banale. Mon cœur se serre à cette pensée. Que fait-il ici ?
Et à côté de lui, pire encore.
— Ricardo ?!
Le choc me frappe comme un coup de poignard. Mon souffle se coupe, et pendant un instant, le temps semble suspendu.
— Je suis désolé, April... murmure-t-il, évitant mon regard.
— S'il te plaît, Ricardo... fais-nous sortir d'ici. Tu sais... j'étais morte d'inquiétude pour toi... Il t'ont fait du mal ?
Mais il secoue la tête, et mes derniers espoirs s'effondrent.
— Répondez ! Pourquoi est-ce que je n'ai pas une petite ?! s'emporte l'homme masqué, sa voix glaciale trahissant son impatience.
Il se tourne brusquement vers Ricardo, les yeux brillants d'une colère contenue.
— Le maître a eu des problèmes de réception. La dernière cargaison a fini sous la mer durant le transport... explique Ricardo d'un ton neutre, comme s'il récitait une excuse apprise par cœur.
Ces mots me paraissent étranges, presque irréels. "Cargaison" ? "Sous la mer" ? De quoi parlent-ils ?
— Bon..., il va falloir faire avec, apparemment... soupire l'homme au costard, son ton à la fois agacé et résigné.
Je tente une fois de plus, malgré la peur qui me ronge.
— Je veux partir de cet endroit... je murmure, ma voix brisée par le désespoir.
Mais ma supplique est brutalement interrompue.
— Ferme ta gueule, petite pute !
Une gifle cinglante s'abat sur ma joue. La douleur est fulgurante, me laissant abasourdie. Je gémis faiblement, des larmes brûlantes montant à mes yeux.
— Ricardo... explique-moi ce qui se passe..., je supplie, ma voix tremblant de panique.
Mais avant qu'il ne puisse répondre, l'homme masqué lève une main, l'interrompant. Ses yeux luisent d'une lueur perverse et malveillante.
— Ce qui se passe, si j'ai bien saisi, c'est que ton "ami" ici présent est censé veiller au bon fonctionnement de mon programme. Mais étrangement, son visage ne me dit rien...
Il se tourne vers le brun, un sourcil levé, son ton chargé de suspicion.
— Je travaille ici depuis peu de temps, répond ce dernier, d'une voix plate.
L'homme masqué semble soudain intrigué.
— Et cette fille... est vraiment ton amie ? Fort intéressant... Je ne pensais pas qu'il y avait des étudiantes à Hollowspire.
Ricardo hésite une fraction de seconde avant de murmurer :
— C'était la seule. Mais nous n'étions pas amis.
Ces mots résonnent dans mon esprit comme une cloche funèbre. Je reste figée, incapable de parler. Une douleur sourde s'installe dans ma poitrine, me coupant le souffle. Je sens un point immense dans mon estomac, un vide dévorant. Ricardo... cet homme que je croyais normal, presque gentil, m'a trahie.
Je croyais avoir trouvé, dans cet endroit sinistre, des personnes avec un cœur. Des personnes capables d'humanité. Mais non. Lui, il... Non, ce n'est pas possible.
La voix de Malcolm résonne dans mon esprit, froide et implacable. Il me l'avait dit. Pourtant je n'ai pas écouté. J'aurais dû.
— Tu fais un bien piètre menteur, soupire l'homme en s'appuyant lourdement sur sa canne, son ton chargé de mépris.
— Je ne mens pas, réplique le brun aux yeux sombres, la mâchoire crispée. Mais quoi qu'il en soit, je dois juste m'assurer que vous ne dépassez pas les limites de ce pourquoi vous avez payé. Alors qu'il en soit ainsi. Je vous prierai simplement de surveiller l'heure. Votre temps est compté.
— Je sais..., grogne l'homme au costume bordeaux, visiblement irrité.
Il se racle la gorge avec agacement avant d'ajouter :
— Je ne vais pas perdre plus de temps. Une heure, ça passe vite.
Une heure... Pour faire quoi ? Ces mots résonnent dans ma tête, amplifiant l'angoisse qui m'étreint. Mon cœur bat à tout rompre, tambourinant douloureusement dans ma poitrine. Chaque seconde qui passe me terrifie un peu plus. Je veux fuir, mais je suis terriblement impuissante. Mes poignets sont douloureux à force de tirer sur mes liens, et mes jambes tremblent sous l'effet du désespoir.
— Ricardo..., soufflé-je, presque inaudible. Je t'en prie, dis-moi que tout ça n'est qu'une mauvaise blague. Je t'en supplie...
Mon appel est violemment interrompu par une nouvelle gifle brutale. La douleur explose sur ma joue, me laissant étourdie. Cette fois, le coup est plus fort, plus cruel.
— Boucle-la, si ce n'est pas pour crier, salope ! éructe l'homme, sa voix rauque et tranchante comme une lame.
Mes yeux s'emplissent de larmes, mais je refuse de baisser la tête.
— Qu'est-ce que vous allez me faire ? gémis-je, ma voix tremblant d'effroi.
Il esquisse un sourire tordu en s'approchant lentement du plateau roulant.
— Je vais m'amuser un peu avec toi...
— Quoi ? Pourquoi ?!
— Parce que c'est drôlement cool, tout simplement, ricane-t-il, ses yeux brillants d'une lueur malsaine.
Je détourne instinctivement le regard, cherchant Ricardo, mon dernier espoir. Mais il recule de quelques pas, s'éloignant pour se réfugier dans un coin de la pièce. Son regard est rivé au sol, évitant soigneusement de croiser le mien.
Il compte vraiment laisser ce psychopathe me faire du mal ? Comment peut-il être aussi lâche, aussi cruel ?
Mon esprit vacille, cherchant un point d'ancrage, une échappatoire.
Malcolm...
Si seulement il était là... Je peux presque entendre sa voix me murmurer que tout ira bien, sentir sa main sur mon épaule pour me rassurer.
Mais pourquoi est-ce à lui que je pense dans un moment pareil ? Habituellement, quand tout va mal, je m'imagine blottie dans les bras de ma jumelle. Elle a toujours été mon refuge, mon repère. Mais depuis les révélations sur ma mère, c'est comme si Malcolm avait pris sa place dans mon esprit. Pourquoi ?
Je suis une abrutie. Il ne viendra jamais. Il m'a lui aussi brisée, et il n'a aucune raison de vouloir me garder en vie. Personne ne viendra.
Un bruit soudain me ramène brutalement à la réalité. Un jet d'eau glacée s'abat sur moi avec une violence inouïe. La température est si froide que ma peau me brûle atrocement, comme si elle était lacérée par mille lames invisibles. Je hurle de douleur, incapable de contenir mes cris.
L'homme au costume bordeaux éclate de rire, son amusement cruel résonnant dans la pièce.
— Ah, c'est ça que je veux entendre. Continue de crier, petite. C'est tellement... satisfaisant.
Je tremble, mes dents claquent, et mes vêtements trempés collent à ma peau. Mon corps est secoué de frissons incontrôlables, mais je refuse de céder à la panique. Je dois trouver une issue. Je dois survivre, peu importe ce qu'il me faudra endurer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top