Chapitre 35
Malcolm
Mais qu'est-ce que je fous, bordel ?!
Je frappe violemment mes poings contre les parois carrelées de la douche, le bruit sourd résonnant dans la petite pièce exiguë. L'eau froide s'écrase sur moi, ruisselant sur mes mèches brunes trempées, fouettant ma peau à vif et glissant sur les centaines de cicatrices qui ornent mon corps comme autant de souvenirs douloureux. Chaque impact de l'eau semble vouloir me réveiller, me rappeler à l'ordre, mais rien n'y fait.
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je perds toute clarté d'esprit à chaque fois que je me retrouve face à elle ?! Pourquoi elle ?!
Mais cette fois... Cette fois, ça a été pire. Mille fois pire. Elle était là, devant moi, non seulement si proche que j'ai pu sentir son souffle. Et cette serviette... une putain de serviette qui ne couvrait presque rien. Mon esprit est envahi par le souvenir de la vision de sa peau nue, lisse, presque irréelle. Cette fois, mon corps a réagi avant même que je ne réalise ce qui se passait.
Je serre les dents à m'en faire mal, frappant de nouveau le mur, plus fort cette fois. Je suis un abruti. Un putain d'abruti.
Si proche... trop proches. Je ne serais pas surpris qu'elle m'avoue un jour qu'elle avait senti mon membre durci contre le bas de son dos. Cette pensée me brûle de honte, mais surtout, elle attise une rage que je ne parviens pas à contenir. Comment ai-je pu me laisser aller à ce point ?
Et maintenant ? Maintenant, je suis là, enfermé sous cette douche glacée, tentant désespérément d'éteindre l'incendie qui consume mon corps. Tout ce que je veux, c'est calmer cette érection si puissante qu'elle m'en fait presque mal. Chaque pulsation est une torture, un rappel cruel de mon incapacité à me contrôler face à elle. Mais non, je refuse. Je refuse de céder.
Je ne veux pas me toucher en pensant à elle. Je ne veux pas franchir cette ligne. Parce que ce serait signer un acte de non-retour. Ce serait lui accorder un pouvoir sur moi qu'elle ne mérite pas. Elle n'a pas le droit d'occuper mon esprit comme ça.
Tout ce que je veux... tout ce que je désire, c'est la briser.
Je laisse échapper un grognement, un mélange de frustration et de colère, ma respiration se saccadant sous l'effet de la tension qui m'étreint. L'eau glacée continue de couler, frappant mes épaules tendues, mes muscles bandés, mais rien n'y fait.
Je ferme les yeux, serrant les poings à m'en blanchir les jointures. Je dois me reprendre. Je dois redevenir maître de moi-même. Ce n'est qu'une fille, putain. Juste une fille ! Mais alors pourquoi est-ce qu'elle me fait cet effet ? Pourquoi est-ce que chaque regard, chaque sourire, chaque mouvement qu'elle fait me retourne autant ?
Je crache ma rage sous cette eau, espérant qu'elle emporte avec elle cette tension insupportable. Espérant qu'elle lave cette faiblesse. Parce que je n'ai pas le droit d'être faible. Jamais. Et surtout pas pour elle.
Il faut vraiment que le temps passe. Chaque seconde qui s'écoule ici me rend un peu plus fou. Il faut que je rentre chez moi, au Manoir, et que le Patriarche me ramène à la raison. Parce que là, ça ne va plus. Plus du tout.
Je ferme les yeux, la mâchoire crispée, laissant l'eau froide s'écraser sur moi dans une tentative désespérée de calmer l'ébullition de mes pensées. Mais l'image ne disparaît pas. Elle est là, gravée dans mon esprit, aussi vivace qu'un feu qu'on ne peut éteindre.
Cette fois, j'étais vraiment à deux doigts de perdre tout contrôle. J'étais sur le point de lui arracher ce bout de tissu ridicule qui cachait son corps, de la plaquer contre le lavabo, et de la prendre là, sans retenue, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus capable de tenir sur ses jambes. Rien que d'y penser, mes poings se serrent, et je sens la chaleur remonter malgré l'eau glaciale qui coule toujours sur ma peau.
« Arrête. Calme-toi. Reprends-toi. » Je répète ces mots comme un mantra, mais ils sonnent creux.
D'un geste brusque, j'intensifie la fraîcheur de l'eau, la rendant presque insupportable, espérant qu'elle apaise mes nerfs à vif. Après un moment, quand mes muscles cessent enfin de trembler sous la tension, je coupe l'eau et sors de la douche. L'air froid de la pièce me fait frissonner, mais c'est un mal nécessaire.
Je m'enroule une serviette autour des hanches et me dirige vers le miroir embué, essuyant la surface d'un revers de main. Mon reflet me fixe, impassible, mais je sens la tempête sous la surface. C'est ici, dans ce même miroir, que mes yeux ont croisé ceux d'April à peine quelques minutes plus tôt. Son regard hanté par l'innocence et l'audace.
Je secoue la tête pour chasser cette image et ouvre le tiroir pour en sortir mon rasoir. Je passe la lame avec précision sur mon torse, éliminant les poils qui commencent à repousser. Chaque mouvement est méticuleux, presque mécanique. Torse, bras, aisselles, jambes, et enfin le bas de mon ventre. Je ne supporte pas les poils. Certains trouvent ça efféminé, mais je m'en fous. Ce n'est pas une question de virilité, c'est une question de confort.
Une fois mon corps lisse, je passe à mon visage. J'applique une fine couche de mousse à raser sur ma barbe naissante, puis la rase soigneusement. Chaque geste me détend un peu, comme si cette routine me ramenait un semblant de normalité.
Quand j'ai terminé, je jette un coup d'œil autour de moi. Le tapis de bain est recouvert de petits poils durs. Je le secoue au-dessus des toilettes, prenant soin de ne pas en mettre partout, puis tire la chasse. Tout est en ordre.
Je repasse devant le miroir et m'arrête un instant. Mon reflet semble plus apaisé, mais ce n'est qu'une façade. Je songe un instant à rafraîchir ma coupe. Mes cheveux commencent à être trop longs à mon goût, mais un regard à l'horloge me rappelle que le temps presse. Mon estomac, lui aussi, me fait comprendre qu'il est temps de m'occuper de mes besoins primaires.
J'enfile un caleçon, mon pantalon, et un t-shirt propre avant de quitter la pièce. La fraîcheur du couloir me fait frissonner légèrement, mais cela ne me dérange pas. Je traverse rapidement les couloirs pour rejoindre le côté VIP de la cafétéria, comme à mon habitude. Ici, personne ne viendra me déranger.
Alors que je franchis les portes, une odeur appétissante de ragoût me parvient, accompagnée du tintement familier des couverts dans les assiettes. Pourtant, ce n'est pas ce qui occupe mon esprit. Une image revient encore, malgré moi : April. Son regard, son corps, sa voix. Elle s'infiltre dans mes pensées comme un poison lent. Je soupire profondément, tentant de chasser cette obsession.
Cette fille... elle est en train de devenir ma faiblesse, et je ne peux pas me permettre d'avoir une faiblesse. Parce que si elle le devient, il n'y aura qu'une solution : m'en débarrasser. Définitivement. Comme de ma peur de l'eau, que j'ai enterrée il y a des années, sauf que cette fois, ce serait beaucoup plus brutal.
Je serre les dents à cette pensée. Si je dois la tuer, il faudra que je trouve un autre moyen de me rendre digne du Patriarche, digne de son regard. Ce qui est loin d'être gagné. Il a des attentes... particulières. Rien ne le satisfait si cela ne touche pas à ce qu'il aime le plus au monde : détruire. Réduire à néant ce qui reste d'humanité chez une personne monstrueuse, annihiler toute émotion chez quelqu'un de joyeux et expressif. Il ne fait jamais dans la demi-mesure.
Un long soupir m'échappe tandis que je m'affaisse sur ma chaise, mes pensées toujours parasitées par cette foutue image de blonde aux yeux bleu-gris.
- Je peux m'asseoir ?
Je sursaute légèrement. La voix me tire brusquement de mes pensées. Je relève les yeux et reconnais Jonas. J'hoche la tête, non sans un soupçon d'agacement.
- Comment va ta petite protégée ? me demande-t-il, s'installant face à moi avec un sourire qui me tape déjà sur les nerfs.
Je hausse les épaules en reprenant une bouchée.
- Elle a l'air. À part quelques douleurs au ventre.
Il se penche légèrement, comme s'il s'apprêtait à me livrer un grand secret.
- Elle va sûrement avoir ses règles, murmure-t-il. Tu lui as trouvé ce qu'il fallait ? Parce qu'on est dans une école pour hommes, donc j'imagine que c'est pas si facile.
Je hausse à nouveau les épaules, visiblement peu concerné.
- Elle ne les a jamais eues. Je l'aurais su sinon.
- Alors ça ne saurait tarder, ajoute-t-il d'un ton sûr. Ma sœur m'a tout expliqué quand ça lui est arrivé. Tu sais, les crampes, les sautes d'humeur, tout ça...
Il continue de parler, mais je décroche presque instantanément. Je mâche lentement, faisant mine de l'écouter tout en me demandant pourquoi je l'ai laissé s'asseoir ici. Son babillage m'ennuie profondément, mais je me retiens de l'envoyer balader.
- J'ai quelque chose à te demander, finit-il par lâcher après une pause calculée.
Je lève un sourcil, vaguement intrigué.
- Quoi ?
Il semble hésiter, comme s'il cherchait à bien formuler sa demande. Puis il prend une profonde inspiration et répond :
- Laisse-moi te servir.
Je fronce les sourcils.
- Hein ?
- Je veux devenir ton compagnon. Enfin, ton ami. Celui qui t'accompagne, tu vois ?
Un rire ironique m'échappe.
- Tu veux juste me sucer parce que je suis le fils du proviseur, rétorqué-je sèchement. Mais si tu veux tout savoir, je n'ai aucun avantage de plus que vous tous. En fait, j'ai même plus de difficultés. Mais comme je l'ai déjà dit à Rahoul et Félix : vous et moi, on ne vit pas dans le même monde.
- Ce n'est pas pour ça, je t'assure ! proteste-t-il, les yeux écarquillés.
- Alors quoi ? Tu veux devenir mon larbin, c'est ça ?
Il acquiesce sans détour.
- J'accepte, dis-je finalement après un moment de réflexion. Mais il y a une condition : interdiction de me poser des questions personnelles.
- Merci, mec ! s'exclame-t-il avec un sourire éclatant.
Je le fusille du regard.
- Malcolm. Je m'appelle Malcolm Voss. Pas "mec". Je ne suis pas ton pote.
- OK, OK, détends-toi ! Fais-moi signe si tu as besoin.
Il se lève, visiblement satisfait, mais je l'arrête d'un geste avant qu'il ne parte.
- En fait, j'ai peut-être une tâche pour toi tout de suite...
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