Chapitre 34

April

Je viens tout juste de sortir de la douche. L'eau chaude s'évapore encore doucement de ma peau alors que j'enfile rapidement ma serviette autour de ma poitrine. À peine ai-je eu le temps de poser une main sur ma brosse à cheveux que Malcolm entre dans la salle de bain, un sourire radieux accroché à ses lèvres, comme s'il avait gagné au loto.

— Bonne nouvelle, Princesse, lance-t-il d'une voix enjouée.

Je relève un sourcil, intriguée par son enthousiasme.

— Quoi ?

Il s'appuie nonchalamment contre le mur, les bras croisés, savourant visiblement l'effet de suspense qu'il essaie de créer.

— Ton poignet est totalement réparé !

Un sourire léger se dessine sur mes lèvres, mais il s'efface presque aussitôt.

— Super...

Je hausse les épaules, feignant l'indifférence. Pourquoi n'a-t-il pas attendu que je sorte pour m'annoncer ça ? Ce n'est pas une nouvelle capitale, et certainement pas le genre d'information qui mérite une intrusion dans sa salle de bain pendant que j'y suis. Je soupire intérieurement, espérant qu'il ait une vraie raison de me déranger.

— Autre chose ? demandé-je en tournant la tête vers lui.

Il hésite, puis secoue la tête.

— Non... Enfin...

Sa voix s'étouffe et il détourne le regard, comme pris en flagrant délit.

— Pour être honnête, j'espérais te voir en tenue un peu moins... Enfin, laisse tomber, dit-il, tentant maladroitement de masquer cette lueur perverse qui flotte parfois dans ses yeux.

Mon visage s'empourpre aussitôt, mes joues prenant une teinte rouge pivoine.

— Dorénavant, je t'interdis de fréquenter ma salle de bain sans verrouiller la porte, grogne-t-il, croisant les bras. Sinon, je risque de finir par faire une connerie irréparable...

Je hoche la tête pour moi-même. Cette règle semble être dans mon intérêt.

Alors que je m'apprête à lui tourner le dos pour le mettre dehors, une violente douleur me traverse soudain le ventre, comme un coup de poignard électrique. Je titube et m'affaisse malgré moi contre lui, cherchant un point d'appui.

— Hé ! murmure-t-il en attrapant mes épaules pour me stabiliser.

Je tente de reculer, mais il resserre son étreinte, m'enveloppant de ses bras puissants.

— Reste là, comme ça, souffle-t-il tout contre mon cou, sa voix rauque et douce à la fois.

Sa taille, largement supérieure à la mienne, le force à se pencher légèrement, son souffle effleurant ma peau. Je grimace, toujours envahie par la douleur, et il resserre son étreinte, presque comme s'il essayait de me protéger du mal invisible qui me tord les entrailles.

— Si tu espères que ça m'apaise le ventre, je suis désolée de te dire que ça ne fonctionnera pas, marmonné-je avec un brin d'ironie malgré la situation.

Il ne répond pas, mais ses doigts glissent lentement dans mes cheveux mouillés. Je me tends légèrement à ce contact inattendu.

— Tu as de si beaux cheveux... murmure-t-il, presque pour lui-même.

Je rougis encore plus, incapable de comprendre pourquoi il me complimente ainsi.

— M-merci...

Sa main continue de jouer avec une mèche, testant la texture et la longueur.

— Ils ne te gênent pas ? demande-t-il après un moment, son ton curieux, presque concerné.

Je réfléchis une seconde avant d'admettre la vérité.

— Si.

Un sourire fugace éclaire son visage.

— Tu veux que je te les coupe ?

Sa proposition me prend au dépourvu. Je me retourne légèrement pour le regarder dans les yeux.

— Tu saurais faire ça ?

— Je suis très doué dans l'art de la maîtrise du couteau ! Fais-moi confiance.

Son assurance me surprend. Peut-être est-ce la douleur persistante ou la fatigue, mais je finis par céder.

— D'accord.

Il semble lui-même surpris de ma réponse, ses yeux s'écarquillant légèrement. Après un instant d'hésitation, il se reprend et ouvre un tiroir sous le lavabo, en sortant une paire de ciseaux qu'il fait tourner entre ses doigts.

— Tourne-toi, dit-il doucement.

Je m'exécute, me plaçant face au miroir, lui derrière moi. Je sens ses mains descendre lentement vers le bas de mon dos, effleurant mes cheveux qui tombent jusqu'à mes hanches.

— Ils arrivent à ce niveau, indique-t-il en touchant légèrement mes fesses. Tu veux que je coupe où ?

Je contemple mon reflet dans le miroir, réfléchissant à la question.

— En dessous des épaules, finis-je par répondre.

— Ça marche !

Un sourire étire ses lèvres alors qu'il attrape délicatement mes mèches, les soulevant pour préparer sa coupe improvisée. Mon cœur bat plus vite, partagé entre l'appréhension et la curiosité de ce qu'il va faire.

— Euh...

— Qu'y a-t-il ? me demande-t-il en s'interrompant, un sourcil légèrement arqué, son regard gris perçant et curieux.

Je détourne les yeux une seconde, cherchant mes mots, avant de lui répondre :

— Tu peux continuer... En fait, je voudrais juste te demander quelque chose.

À travers le miroir, ses iris restent fixés aux miens, scrutateurs, presque inquisiteurs. Son expression demeure stoïque, mais je perçois une pointe d'intérêt dans son attitude.

— Je t'écoute...

Je prends une profonde inspiration, cherchant à rendre ma voix aussi naturelle que possible, même si le mensonge me brûle les lèvres :

— Est-ce que demain je pourrais aller réviser à la bibliothèque ?

Un silence s'installe. Puis un sourire fin étire ses lèvres, presque imperceptible, mais je sais qu'il a deviné quelque chose.

— Réviser ? répète-t-il doucement, comme s'il savourait l'ironie de mes mots.

Il secoue légèrement la tête, amusé.

— N'essaie pas de me mentir, Princesse. Tu t'es fait des amis, n'est-ce pas ? Et tu ne veux pas me l'avouer parce que tu as peur de ma réaction.

Son ton est léger, presque moqueur, mais je sens le poids de son regard, cette intensité calculatrice qui me met mal à l'aise. À contrecœur, j'acquiesce, baissant les yeux sur le lavabo.
Il reprend sa tâche en silence, coupant quelques mèches de mes cheveux avec une précision étonnante. L'ambiance devient oppressante, et je finis par briser le silence, incapable de garder mes pensées pour moi.

— Est-ce que cela te dérange ? Pourquoi est-ce que tu ne voulais pas que je m'en fasse ?

Il s'arrête net, son couteau en suspens. Pendant une fraction de seconde, j'ai l'impression que le temps lui-même s'est figé. Il inspire profondément, comme pour se donner du courage, puis reprend lentement sa coupe.

— Tu m'appartiens, dit-il enfin, sa voix grave et posée. Et ici, tu ne peux faire confiance à personne. Dès que tu seras bien intégrée, si tu baisses ta garde ne serait-ce qu'une seconde, il va t'arriver des ennuis.

Je fronce les sourcils, sceptique.

— Pourquoi en es-tu si certain ? Ils sont gentils avec moi...

Un rictus traverse son visage, presque cruel.

— Moi aussi je suis gentil, Princesse. Mais j'ai aussi mes parts d'ombre, plus importantes. Des parts que je n'hésiterai pas à faire resurgir si tu m'y obliges.

Un frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale. Les souvenirs de ses mains autour de ma gorge me reviennent en flash, me coupant presque le souffle. Il semble sentir mon malaise, car il s'interrompt à nouveau, posant délicatement le couteau sur le rebord du lavabo avant de passer ses bras autour de ma poitrine.

— Je ne veux pas que tu aies peur de moi, murmure-t-il, son menton se posant sur le sommet de ma tête.

Je ne réponds pas, le cœur battant à tout rompre. Mon reflet dans le miroir me montre une image étrange : celle d'une captive enveloppée dans une étreinte à la fois protectrice et menaçante.

— En tout cas, reprend-il doucement, méfie-toi de ceux qui t'entourent. Ils pourraient vite te trahir.

— Pas eux, répliqué-je, la voix plus sèche que je ne l'aurais voulu.

Il fronce légèrement les sourcils, ses yeux gris se posant de nouveau sur moi, perçant et accusateurs.

— Tu es trop naïve... Cela va te perdre. Tu tomberas de haut, très haut.

— Alors si je me méfie de tous, ce que je fais déjà, je le fais aussi pour toi, murmuré-je, un mélange de défi et de vulnérabilité dans la voix.

Un sourire amer traverse ses lèvres.

— Tu dis ça comme si tu n'avais pas de recul à mon égard alors que tu me détestes.

Je secoue la tête, bien malgré moi. Je voudrais lui mentir, lui dire ce qu'il veut entendre, mais les mots qui sortent de ma bouche sont plus sincères que je ne l'aurais voulu.

— Je n'ai jamais détesté personne, Malcolm. Même si on m'a blessée... J'ai cru que je te haïssais, mais haïr quelqu'un ne change rien. Tout le monde a du bon en soi, et toi aussi.

Il penche légèrement la tête, interrogateur, avant de suivre mon regard figé sur nous dans le miroir. Son étreinte, sa façon de me tenir... Il grimace légèrement, comme s'il revenait brutalement à la réalité, avant de relâcher sa prise et de reprendre son activité.

Pour briser le malaise, je change de sujet, presque précipitamment :

— Je peux les rejoindre, du coup, demain ? Ou ça te dérange ?

Il reste silencieux un instant, puis finit par répondre :

— Ça me dérange.

Je sens la colère monter en moi, mais je la ravale, préférant profiter de cet instant de paix fragile entre nous.

— Mais, reprend-il, je veux te prouver qu'il vaut mieux que tu ne fréquentes personne d'autre que moi. Alors je te donne ma permission.

Un élan de bonheur me submerge, et avant de réfléchir, je me retourne pour le serrer dans mes bras, ma tête appuyée contre son torse. Il éclate d'un petit rire amusé.

— Heureusement que j'ai eu le réflexe de lever les bras ! s'exclame-t-il. Tu aurais fini avec une méchante entaille sur le visage ! Ce serait tellement dommage d'en marquer un si joli...

Je m'éloigne légèrement, gênée.

— Désolée...

Il esquisse un sourire, puis me retourne doucement, me plaquant contre le lavabo, son corps contre le mien.

— Je peux terminer maintenant ? demande-t-il, son souffle chaud effleurant ma nuque.

— Oui...

Mais une étrange sensation s'empare de moi, une chaleur qui se propage dans mon ventre, presque douloureuse. Je grimace, troublée.

Pourquoi ? Pourquoi est-il comme ça ?

Je crois que je préfère ne pas savoir. Ignorer la raison et me satisfaire de ces moments paisibles me semble plus supportable. Ces instants, bien qu'empreints d'un étrange paradoxe entre douceur et tension, me sont plus agréables que tout ce que j'ai connu auparavant. Ils surpassent les jours où je devais faire semblant, où je feignais d'être heureuse auprès de ma sœur, ou pire encore, les jours où je regardais ma mère sombrer dans ses crises d'alcoolémie ou dans ses délires de droguée.

— Voilà, j'ai terminé !

Sa voix me sort de mes pensées. Il se recule, attrape une serviette, et commence à essuyer mes cheveux avec des mouvements rapides, presque mécaniques. Pourtant, il n'y a rien de brusque.

Lorsqu'il s'arrête, mes cheveux sont presque secs. Je fixe mon reflet dans le miroir, observant la transformation. Mes cheveux mi-longs me donnent un air plus mature. C'est étrange de voir une version légèrement différente de moi-même.

— Magnifique ! m'exclamé-je en souriant malgré moi. Futur coiffeur en herbe ?

Un rictus étire ses lèvres.

— Oh non, tu es bien loin de la réalité, ma Princesse.

Le pronom possessif résonne en moi, mais je choisis de l'ignorer. Je me retourne vers lui, toujours curieuse.

— Tu veux faire quoi plus tard ?

Il me dévisage un instant, comme si ma question était incongrue.

— Plus tard, c'est si proche, réplique-t-il.

— Tu as quel âge, au juste ?

— Bientôt dix-neuf, admet-il.

— Oh... donc tu es déjà adulte ?

Il acquiesce d'un léger mouvement de tête.

— En France, oui. Mais ici, je le serai à mes vingt ans.

— Ah ! Je ne savais pas... Et du coup ? Tu sais ce que tu veux faire de ta vie ?

Un sourire énigmatique se dessine sur son visage.

— Le verbe "vouloir" est subjectif. Mais oui, mon futur est déjà tout tracé.

— Tu restes vague... lui fais-je remarquer. Qu'est-ce que tu vas faire exactement ?

— Je vais prendre les commandes d'une sorte d'organisation américaine, aux États-Unis, à la place de mon grand-père. Il va bientôt prendre sa retraite.

— Oh... d'accord.

Je le suis hors de la salle de bain, un peu déconcertée. Tandis qu'il range ses affaires, je m'installe sur le lit, cherchant quelque chose à dire pour briser ce silence étrange.

— Tu comptes t'habiller ? demande-t-il brusquement.

Je cligne des yeux, soudain consciente de ma tenue : une simple serviette autour de moi. Mon visage s'empourpre instantanément.

— Oh ! J'avais carrément oublié !

Sans réfléchir, je me précipite dans la salle de bain et referme la porte derrière moi, mon cœur battant à tout rompre. Comment ai-je pu être aussi distraite ? Je remets rapidement ma jupe et mon débardeur blanc, évitant de croiser mon propre regard dans le miroir.

Lorsque je sors enfin, il m'attend, adossé à la porte.

— Après... je dois t'avouer que la vue ne me dérangeait pas tant que ça, murmure-t-il en se mordant légèrement la lèvre inférieure.

— Tu es bizarre, rétorqué-je en fronçant les sourcils.

Il secoue la tête, amusé.

— Non, pas du tout. C'est naturel d'avoir des pensées obscènes. Tu es trop innocente pour le moment, c'est tout.

Je hausse les épaules, feignant l'indifférence, et retourne m'asseoir sur le lit.

— Je vais me laver. Tu peux partir dîner, il est déjà sept heures du matin.

— D'accord. Mais toi ? Tu auras le temps ?

— Bien sûr. Va récupérer ton uniforme et termine de t'habiller.

Je m'exécute sans discuter. Une fois mon chemisier, mes chaussettes et ma veste enfilés, je m'apprête à sortir, mais il m'arrête d'un geste.

— À propos de demain... Il va de soi que je ne te laisse pas y aller sans recevoir un remerciement.

— Bah, je t'ai déjà remercié, répliqué-je, un peu perplexe.

Un sourire malicieux étire ses lèvres.

— Je ne parle pas de ce genre de remerciement. Mais tu me dois un joker.

Je le regarde, confuse, mais finis par hocher la tête.

— Tu en sauras plus, plus tard. Je ne sais pas encore ce que je vais te faire faire.

Sans un mot de plus, il disparaît dans sa salle de bain, me laissant seule avec mes pensées.

Alors que je quitte la pièce, un étrange mélange de nervosité et d'excitation m'envahit. Demain promet d'être... particulier.


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