Chapitre 31

Malcolm

Je ressens comme un vide étrange depuis qu'April ne dort plus dans ma chambre. Un vide qui n'a rien à voir avec l'absence d'un simple corps ou d'une présence ordinaire. Non, c'est plus insidieux, comme si elle avait laissé derrière elle une empreinte invisible, un poids que je ne parviens pas à ignorer. Comment se peut-il qu'en seulement trois nuits, j'aie pu m'habituer à ressentir sa chaleur tout près de mon corps ? C'est insensé. Moi, Malcolm Voss, habitué à l'isolement, je me retrouve perturbé par cette fille. Ce n'est pas logique, ce n'est pas... moi.

C'est bizarre. Je n'ai jamais ressenti ce genre de vide avec qui que ce soit. Jamais. Pourtant, son visage s'est gravé dans mon esprit, comme une image impossible à effacer, comme une mélodie entêtante qu'on ne peut pas chasser. Tous les jours. Toutes les heures. J'essaie d'imaginer son sourire. C'est idiot, je sais, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je ne l'ai jamais vu, ce sourire, et pourtant, j'ai cette certitude étrange : il doit être magnifique. Vu sa beauté, comment pourrait-il en être autrement ?

Mais putain de merde, Malcolm, reprends-toi ! Tu n'as qu'un seul objectif dans la vie. Un seul ! Penser à cette petite conne ne va faire que t'en détourner, et tu le sais très bien.

Ma voix intérieure, acérée comme une lame, a diablement raison. Je n'ai pas le droit de m'attendrir. Pas pour elle. Pas pour qui que ce soit. Pas tant que mon objectif ne sera pas atteint. Tout cela n'est qu'un jeu. Un moyen pour arriver à mes fins. Elle n'est qu'un pion sur l'échiquier. Je dois me servir d'elle. Je dois la manipuler, la plier à ma volonté, la briser. Non... que dis-je ? L'anéantir ! Oui. Seulement alors, le Patriarche me reconnaîtra enfin pour ce que je suis : digne, puissant, indispensable.

Mais comment ? Comment m'y prendre ?

Depuis le tout début, j'ai été trop doux, trop gentil avec elle. Un échec, une erreur que je vais devoir corriger. Pourtant, malgré ma faiblesse initiale, j'ai réussi à lui faire peur. Elle m'évite, c'est clair. Je le vois dans ses yeux, dans la façon dont elle détourne son regard chaque fois que nos chemins se croisent. Elle tremble encore à l'idée que je pourrais mettre mes menaces à exécution. Cette peur, c'est une arme, mais une arme encore inefficace. Je le sais. Elle n'est pas brisée, pas encore.

Certains idiots pourraient croire que je l'ai déjà réduite en miettes, mais ce serait une illusion. La briser, vraiment, ce serait l'amener à un point où elle ne serait plus que l'ombre d'elle-même. Un point où elle me regarderait comme une déesse regarde son prophète : avec dévotion, avec adoration. Quand elle sera prête à me vouer son corps et son âme, quand elle me choisira moi, toujours moi, au détriment de tout, même de sa propre famille. C'est ce que veut le Patriarche. Et ce qu'il veut, je le lui donnerai.

Mais cela ne se fera pas en un claquement de doigts. Il me faut une stratégie. L'idéal serait de la conditionner à m'aimer, à me percevoir comme son unique sauveur. Pour l'instant, elle s'accroche encore à cette idée ridicule que je suis son bourreau. Oui, elle me voit comme le monstre qui la retient captive dans cette académie impitoyable, ce qui, je dois bien l'avouer, n'est pas totalement faux. Mais bientôt, tout cela changera.

Je la détruirai, physiquement et psychologiquement. Je la forcerai à remettre en question tout ce qu'elle croit savoir d'elle-même. Je veux qu'elle se persuade qu'elle est le monstre, et moi, son seul espoir de rédemption. Ce sera un processus long et délicat, mais je suis prêt à y consacrer tout le temps qu'il faudra.

Je ne cesserai pas tant que mon plus grand rêve ne sera pas réalisé. Et ce rêve commence par elle.

— Il faut qu'on discute, tous les deux.

Je m'approche de la petite blonde aux yeux bleus, assise contre ce mur froid. Son dos est légèrement voûté, son regard fixé sur ses mains tremblantes. Elle me semble si frêle, si vulnérable, et pourtant, une part d'elle résiste encore. Cette tension silencieuse, ce combat intérieur qu'elle mène, m'irrite autant qu'il me fascine.

Doucement, je tends la main et effleure sa joue. Elle frissonne sous mon contact, reculant instinctivement avant de se figer, comme si un réflexe plus profond la contraignait à rester immobile. Cette fille n'est décidément pas tactile. Ou bien... est-ce cette peur qui l'habite depuis cette fameuse nuit où elle a été agressée ? Ou peut-être est-ce simplement moi, l'homme qu'elle considère comme son geôlier ?

Je ne m'arrête pas. Je saisis délicatement sa main droite, la guidant vers mon lit.

— Assieds-toi, lui dis-je, avec une politesse trompeuse.

Elle obéit, évidemment. Une docilité qui aurait presque pu me satisfaire si ce n'était pour cette manière de garder la tête baissée, comme pour m'ignorer, pour nier ma présence. Cela m'irrite davantage.

Je glisse une main sous son menton et relève son visage jusqu'à ce que ses yeux rencontrent les miens. Mon pouce caresse sa peau délicate, et je remarque à quel point elle est douce, presque irréelle. Instinctivement, mes yeux descendent vers ses lèvres rosées, légèrement entrouvertes, parfaites. Pas trop fines, ni trop pulpeuses, juste comme je les aime. Des pensées sordides traversent mon esprit, des fantasmes purement sexuels impliquant tous sa bouche et mon corps, mais je les repousse rapidement. Ce n'est pas le moment.

Je reporte mon attention sur ses yeux, ces iris bleus-gris, magnifiques, mais voilés d'une peur qu

Elle tente de détourner le regard, mais je ne lui en laisse pas la possibilité. Mon contact la maintient prisonnière.

— Oh, April ! La peur... C'est la chose la plus inutile qui soit. Elle ne sert qu'à affaiblir, à détruire. Je ne veux pas que tu aies peur de moi, surtout pas.

Je retire ma main et m'accroupis devant elle, pour que nos regards soient à la même hauteur. Mon ton devient presque doux, hypocritement rassurant.

— Réponds-moi, Princesse.

Elle hésite. Je vois sa lutte intérieure, mais finalement, elle cède. Sa voix est brisée, tremblante :

— Je veux rentrer chez moi...

Et voilà. Les larmes coulent sur ses joues, silencieuses au début, avant qu'un sanglot ne brise le silence.

— Je sais, je sais, ma douce... Mais il n'y a personne qui t'attend.

— Si ! rétorque-t-elle, sanglotant plus fort. Ma mère et ma sœur m'attendent !

Je secoue la tête, un sourire narquois sur les lèvres. Pauvre April. Si naïve, si désespérée. Elle ne sait rien de la vérité, rien de la réalité cruelle qui l'attend.

— Pourquoi dis-tu cela ? poursuit-elle, essuyant ses larmes d'un geste rageur. Tu veux juste me manipuler ! Tu crois que je vais tomber dans ton piège ? Tu es jaloux, c'est ça ? Parce que toi, personne ne t'attend chez toi !

Aïe. Visé !

Ses paroles me frappent. Un instant, son audace me surprend. Elle a vu juste, cette petite peste. Mais je ne laisserai rien transparaître. D'un battement de paupières, je chasse mon malaise et reprends le contrôle.

— Veux-tu que nous parlions d'Amanda Collins et de ses... antécédents ?

Son visage se décompose. Le choc et l'incrédulité s'affichent clairement sur ses traits. Elle tente de se lever, mais je pose fermement mes mains sur ses hanches et la force à rester assise.

— Comment tu... ? Balbutie-t-elle.

— Je sais tout, Princesse. Absolument tout. Tu vois, j'ai des contacts très... compétents. Grâce à eux, ta vie n'a plus aucun secret pour moi.

Il faut bien avouer qu'apprendre le nom de famille de cette chère April a été une révélation en soi. Mais un peu avant, l'écouter parler dans son état de léthargie profonde, fiévreuse et vulnérable, m'a permis d'entendre des mots qui, au début, ne faisaient aucun sens, mais qui ont fini par éveiller ma curiosité. Et puis, il y a eu cette discussion avec le proviseur, qui, sans le vouloir, m'a donné des informations essentielles. Peu à peu, tout s'est éclairé.

Je suis allé de découvertes en découvertes, et chacune d'elles a changé la manière dont je voyais cette jeune fille. Moi qui la croyais être une sainte-nitouche, irréprochable, dès le premier regard, j'étais loin du compte.

Elle tremble, mais je continue sans pitié, savourant chaque mot.

— Amanda Collins, née Rinford, est une femme dont la vie a été marquée par des drames et des choix discutables. Mais toi, ma douce April, as-tu vraiment pris le temps de comprendre d'où viennent tous ces chaos ? Laisse-moi éclairer ta lanterne.

Je marque une pause, mes mains toujours fermement posées sur ses hanches pour l'empêcher de fuir. Mon regard s'intensifie, et je reprends :

— Amanda est née d'une union brisée, un père lâche qui l'a abandonnée avant même qu'elle n'ait vu le jour. Sa mère, Tyffaine Rinford, n'était qu'une gamine sans ressources, livrée à elle-même. Et Amanda, cette enfant rejetée, a grandi dans la pauvreté, cherchant désespérément l'attention et l'amour qu'elle n'a jamais eus. Dès qu'elle a compris qu'un sourire et quelques mots doux pouvaient lui ouvrir des portes, elle s'est mise à vendre son corps, à seulement quatorze ans.

Je sens le corps d'April se raidir. Ses yeux me fixent, horrifiés, mais elle ne m'interrompt pas.

— Ne fais pas cette tête-là, Princesse. Ce n'est qu'un début. Amanda est devenue une figure familière dans les bas-fonds. Baisant dans les ruelles, elle espérait améliorer le quotidien misérable qu'elle partageait avec sa mère. Mais cela n'a apporté qu'une chose : du mépris et de la haine de la part de tous ceux qui croisaient son chemin. Une vie brisée avant même d'avoir commencé, quelle tristesse.

Je laisse planer un silence lourd avant de poursuivre, ma voix plus basse, presque un murmure :

— Puis, elle a rencontré William Collins. Un homme respectable, doux, et bien trop naïf pour son propre bien. Elle l'a séduit, ils se sont mariés à la hâte, et voilà qu'elle était enceinte. De toi et de ta sœur. Deux petites jumelles, innocentes, nées dans un foyer déjà rongé par les ténèbres.

Le souffle d'April devient saccadé. Elle serre les poings, mais je ne m'arrête pas :

— Et quand Tyffaine, cette femme qui avait déjà tourné le dos à Amanda, a appris votre naissance... Elle n'a pas hésité une seconde. Elle a coupé les ponts définitivement. Amanda a perdu le dernier lien familial qu'elle croyait avoir. Ça, ma douce April, c'est ce qui l'a brisée pour de bon.

Je relâche légèrement ma prise sur elle, mais je m'accroupis pour plonger mes yeux dans les siens :

— Elle s'est réfugiée dans l'alcool. William faisait tout pour maintenir un semblant de normalité, mais sa femme devenait de plus en plus instable. Bipolaire, ont-ils dit. Une maladie qu'elle n'a jamais vraiment acceptée. Alors, elle a sombré encore plus profondément. L'alcool, la drogue... tout pour oublier. Mais toi et ta sœur ? Vous étiez toujours là. La seule raison pour laquelle William tenait bon.

April secoue la tête, ses larmes roulant sur ses joues.

— Non, arrête ! Ce n'est pas vrai !

— Oh, mais si. Et ce n'est pas tout, soufflai-je, un sourire cruel aux lèvres. William, cet homme qui aurait donné sa vie pour vous, a essayé de vous sauver. Il vous a fait changer de pays plusieurs fois pour voir si l'état de sa femme s'arrangerait, sauf que ça n'a rien fait. Alors un jour il a souhaité faire plus : fuir avec vous, laisser Amanda derrière. Mais il n'a jamais eu cette chance.

Je laisse un silence pesant s'installer avant d'énoncer la vérité :

— Parce qu'elle l'a tué.

April écarquille les yeux, bouche bée, incapable de répondre.

— Un "accident", qu'ils ont dit. Une de ses crises où la colère l'emportait sur tout. Mais toi, tu sais la vérité, pas vrai ? Tu te rappelles de cette nuit où papa n'est jamais rentré.

Elle secoue la tête, ses sanglots devenant incontrôlables.

— Et ce n'était pas tout. Elle a failli tuer Christale, cette fois où elle a tenté de l'étouffer avec un oreiller, tu sais, l'incident qui a fait que vous êtes venues habiter à Clairmontel. Oui, ça aussi, c'était une "crise". Une "phase". Mais toi, April, tu ne l'as pas oublié, et ta jumelle non plus. Malgré tout, vous l'aimiez vraiment, vous vous occupiez d'elle. Tu te fichais qu'elle ait failli t'empoisonner avec des cornichons, volontairement qui plus est ! Non, tu encaissais sans rien dire, tu la soignais lorsqu'elle faisait des overdoses. Mais un jour, un homme est venu frapper à sa porte pour lui rappeler ses dettes liées à ses "achats". Alors, elle a choisi de faire quelque chose pour les rembourser.

Je m'approche encore, mon souffle effleurant son visage :

— Elle t'a vendue, Princesse. Oui, ta propre mère. Elle avait des dettes, et toi, tu n'étais rien d'autre qu'une monnaie d'échange pour elle.

April se met à hurler :

— NON !

Mais son cri est étouffé par mes paroles :

— C'est la vérité. Et tu le sais. Tu sais tout depuis le début pour l'argent qu'elle devait.

April secoue vivement la tête, ses cheveux blonds en bataille tombant devant son visage ruisselant de larmes. Sa voix s'élève, tremblante mais empreinte de colère :

— Non, c'est faux ! Ce sont toutes ces mafias et ces gangs qui assaillent cette ville ! Pas ma mère !

Ses mains s'agrippent à ses genoux, ses doigts blanchis par la force de sa prise. Ses épaules tremblent sous le poids de ses sanglots, et son souffle saccadé trahit l'effort qu'elle fait pour ne pas s'effondrer complètement.

Je la fixe, impassible, inclinant légèrement la tête, un brin amusé par son désespoir.

— Ton déni est trop fort, Princesse. À qui crois-tu qu'elle t'a vendue ? À des amateurs ? À des inconnus de passage ? Non. Dans le monde du deal, ça communique. Tous ceux qu'elle rencontrait n'étaient que des revendeurs, des petits poissons... Mais les fournisseurs et les créateurs sont bien plus haut gradés qu'elle ne l'aurait jamais imaginé.

Les mots la frappent de plein fouet. Elle relève son visage inondé de larmes, ses yeux bleus-gris agrandis par la douleur et l'incrédulité.

— Pourquoi tu me fais ça ? murmure-t-elle, sa voix cassée et rauque, presque inaudible. Pourquoi tu veux que je me souvienne de tout ça ?

Sa détresse m'arrache un sourire presque imperceptible. Je la regarde s'effondrer un peu plus, son corps se courbant sur le bord du lit, tandis qu'elle enfouit son visage dans ses mains tremblantes malgré que je détienne toujours ses poignets. Ses sanglots résonnent, brisant le silence de la pièce avec une intensité presque assourdissante.

— Parce que, Princesse, il est temps d'arrêter de fuir. Tu sais déjà que c'est la vérité, au fond de toi. Tu l'as toujours su. Un jour, peut-être qu'il arrivera la même tragédie à ta chère sœur...

Elle laisse échapper un cri étranglé, un son brut, animal, qui semble venir de la profondeur même de son être. Ses larmes coulent sans retenue, trempant ses joues et le col de sa chemise. Ses doigts glissent dans ses cheveux, les agrippant avec une telle force que ses phalanges pâlissent.

April se balance légèrement d'avant en arrière, comme si ce mouvement pouvait atténuer l'ouragan de douleur qui la traverse. Sa respiration devient saccadée, entrecoupée de gémissements étouffés.

— Arrête, je t'en supplie... gémit-elle, sa voix brisée.

Sa détresse est presque tangible, remplissant l'espace autour de nous. Elle me regarde à travers ses larmes, ses yeux pleins de haine et de désespoir, mais aussi d'une vulnérabilité poignante.

Je le lâche soudainement, laissant mes bras glisser autour d'elle pour l'étreindre. Son corps se fige un instant, une seconde d'hésitation palpable, mais elle finit par céder. Lentement, elle pose sa tête dans le creux de mon épaule et enroule ses propres bras autour de ma taille. C'est comme si le temps s'arrêtait.

Cela semble durer des heures, un moment suspendu où le monde autour de nous disparaît. Je n'ai jamais serré qui que ce soit de cette manière, et pourtant, c'est venu naturellement, presque comme un réflexe inscrit dans mes veines. Comme si, au fond, j'avais un cœur, et que celui-ci, pour une fois, avait miraculeusement pris les commandes. Ce qui me surprend davantage, c'est que j'aime cela. Plus que je ne devrais, probablement.

Ma main droite commence à tracer des cercles légers au milieu de son dos, un mouvement instinctif qui la berce. Mes doigts frôlent ses flancs et effleurent son épaule, tandis que l'autre main se perd délicatement dans ses cheveux, s'attardant au sommet de son crâne. Sa chevelure sent la lavande et le miel, une odeur douce et réconfortante qui me trouble plus que je ne l'aurais imaginé. Je respire profondément, absorbant cette proximité qui me semble presque irréelle. Elle sent si bon.

Quand elle finit par se reculer légèrement, je ressens une pointe de déception. Le vide laissé par son absence me frappe plus fort que je ne l'aurais cru. Ses yeux cherchent les miens, et sa voix brisée brise le silence.

— Comment est-ce que tu...

Je repose instinctivement mes mains sur ses hanches, savourant un peu trop ce contact, mais je m'efforce de m'expliquer d'un ton neutre :

— J'ai rassemblé de nombreux indices. Ton prénom, les noms de personnes que tu as évoqués durant ta fièvre, ton nom de famille... Tout cela a commencé à former un puzzle dans mon esprit. Et puis, dès ton premier jour à étudier ici, j'ai pris le temps de parler au chef d'établissement.

Elle me fixe, et je continue, détaillant sans sourciller :

— Grâce à ma famille, j'ai des contacts partout. C'est un jeu d'enfant pour moi de tracer des informations. J'ai fait retrouver des anciens voisins, fait interroger des habitants dans plusieurs villes où vous avez vécu. Les maires, les dossiers médicaux... Tout m'a conduit à des réponses. En quelques jours, je savais tout.

Son regard vacille, ses lèvres tremblent légèrement avant qu'elle ne murmure :

— C'est pour ça que je ne voulais rien te dire... Parce que je savais que c'était possible.

Je hoche la tête, esquissant un sourire presque amusé.

— Et tu avais raison. Mais au final, tu es mieux ici, avec moi.

— Non... souffle-t-elle, bien que sa voix trahisse une once d'incertitude.

Je me penche alors doucement, collant mon front contre le sien, cherchant à apaiser cette tempête intérieure que j'ai moi-même volontairement provoqué.

— Mais... Sa voix se brise. Ma sœur... Et si...

— Chut, Princesse, dis-je doucement. Christale va bien.

Elle souhaite même t'oublier, désormais, pensé-je.

— Réellement ? Ne me mens pas, je t'en prie...

— Réellement.

Ses yeux s'emplissent de larmes, puis se ferment lentement. Elle inspire profondément avant de murmurer :

— Merci...

Sans un mot de plus, elle se blottit à nouveau contre moi, et je la serre plus fort, plus longtemps, comme si ce simple geste pouvait tout réparer. Je sens ses larmes couler silencieusement sur mon épaule, mais elle finit par s'apaiser. Lorsque je réalise qu'elle s'est profondément endormie, je l'allonge avec précaution.

Je lui retire ses mocassins noirs, sa veste, et déboutonne délicatement son chemisier, veillant à ne pas la réveiller. Je m'arrête là, hésitant à lui enlever sa jupe pour plus de confort, mais je me ravise. Ce serait dépasser une limite que je ne peux franchir. À la place, je déplie une couverture et la pose doucement sur elle, camouflant son corps pour éviter que mon esprit ne dérive davantage.

Je quitte la chambre sur la pointe des pieds, la laissant seule dans son sommeil. Tandis que tous les autres dorment encore profondément, je déambule, le cœur agité. Ce matin, j'ai franchi certaines limites. Mais au moins, je l'ai un peu plus dans ma poche. Elle me sera un peu plus reconnaissante.


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