CHAPITRE 07 : AVIDE UN JOUR, AVIDE TOUJOURS ( Partie 1/2)
Clay était clairement chamboulé. Non qu'il ne l'était pas déjà avant l'arrivée de cet étrange jeune homme. à son réveil,on lui annonça que son père, le conseiller Arynn, avait pris la route vers Gathem avec le seigneur Frédéric. Il ne savait pas pourquoi, mais un départ hâtif tel que celui-ci ne présageait rien de bon. Ce qu'il savait, c'était qu'il lui avait laissé pas mal de tâches à accomplir à sa place.
Il était bien le garde du corps de sa majesté. Sa tâche principale était de s'assurer de la sécurité de ce dernier. Mais étant le fils du meilleur ami du roi lui donnait un boulot supplémentaire. Mais au fond, il était ravi de l'aider, après tout ce qu'il avait fait pour lui.
Pour l'instant, les documents à lire et les rapports à faire étaient les cadets de ses soucis. Un complot contre un membre de la famille royale avait été établi. Un témoin lui était tombé du ciel et ne voulait parler qu'en présence de sa majesté.
En tant que garde du corps du roi, il se trouvait dans l'obligation de faire passer la sécurité du roi avant tout. Or, il se trouvait à présent face à un dilemme; s'il l'emmenait face à sa majesté pour entendre ce qu'il avait à leur dire, il risquait ainsi mettre la vie du roi Hector en danger.
Or, s'il décidait de faire passer sa sécurité avant ce témoignage, un malheur risquait d'arriver à son altesse, la princesse Dahlia. Dans les deux cas, il prenait un risque considéré.
L'idée que Gareth lui ai donné une fausse identité et qu'il fasse en réalité partie du complot ne quittait pas son esprit. Il ne cessait d'imaginer des scénarios dans lesquels le jeune brun tenterait de porter atteinte au souverain. "Je lui ai bien lié les poignées.", essayait-il de se rassurer. " Il ne pourrait rien tenter."
Au fond de lui, il espérait que le pire des scénarios ferait de Gareth le pire des arnaqueurs, et qu'il ne faisait qu'inventer des histoires pour recevoir de l'argent facile.
- Tu es bien silencieux, mon garçon, résonna la voix rauque du roi Hector dans les couloirs déserts.
Il soupira, se maudissant d'avoir demandé à s'entretenir avec lui, il n'était pas prêt pour cela, n'ayant pas eu assez de temps pour bien réfléchir sur ses suppositions pour les faire parvenir au roi. Dans leur marche en direction de la salle du trône, il essaya de se mettre les idées bien au clair, comme il se le devait.
- Qu'y a-t-il de si important à me dire ? je t'avoue que ta pâleur me terrifie. Est-ce que quelque chose est arrivé au convoi du seigneur Frédéric ?
- Non ! s'empressa-t-il de corriger.
Il ne pouvait imaginer, ne serait-ce qu'une seconde, qu'un malheur puisse arriver à son père adoptif.
- Il y a un jeune homme qui souhaite s'entretenir avec vous, déclara-t-il enfin. Il dit qu'il possède des informations qui pourraient vous intéresser.
Hector fronça les sourcils, pensif.
- De quelle famille est-il ? je le connais ? je connais peut-être son père ?
- C'est un garçon de ferme. Evensworn est son nom.
- Ce n'est pas de tes habitudes de m'organiser des entrevues avec de simples citoyens, s'étonna le roi, le regardant étrangement. Est-tu sûr que c'est sans danger ?
Non, il ne l'était pas.
- Je me suis bien assuré de le mettre hors d'état de nuire, se justifia-t-il. Il ne pourra pas vous atteindre.
Ses joues s'empourprèrent légèrement de honte. Pensait-il qu'il était bien trop irresponsable à présent ?
- Je t'admire, mon garçon.
Le roi le surprit avec une telle déclaration, le sortant subitement de sa pensée. Il ne sut quoi répondre, bafouillant maladroitement sans qu'aucun mot concret ne puisse franchir ses fines lèvres. Ce qui ne manquait pas d'amuser le roi.
- Ce fut soudain, j'en conviens, plaisanta Hector. Ce que je voulais dire, c'est que l'homme que tu es devenu me rend fier. Il en est de même pour Arynn.
Clay fut comblé. Un peu gêné par tous ces compliments. Cependant, il n'en demeura pas moins satisfait. Il avait toujours éprouvé une certaine admiration pour le roi, lui aussi, émerveillé par sa droiture, son amabilité, son sens de la responsabilité et son esprit paternel inné.
- En plus d'être mon conseiller, Arynn est comme un frère à mes yeux, poursuivit le roi. Je te mentirais si je te disais que j'avais approuvé l'idée qu'il t'adopte et te prenne sous son aile, croyant que cela allait l'éloigner de ses devoirs envers la couronne. Mais en te voyant grandir, et en voyant l'homme juste et bon qui allait sortir de ce petit garçon aux doux yeux innocents, j'ai compris qu'il ne fallait jamais sous-estimer la sagesse d'Arynn.
Clay eut un sourire nostalgique. Arynn a fait pour lui ce que son vrai père n'aurait jamais pu faire. Malgré sa sévérité et son sérieux, il réussit à le faire grandir dans un environnement sain et lui tracer un chemin noble et glorieux. Étant née dans les plus bas quartiers de la ville de Ramsïs, Clay avait goûté à la misère.
Son père, un homme mauvais et violent, les battait, lui et sa sœur, sans prendre en considération leur jeune âge. Sa mère ne fut pas épargnée. Il ne gardait que très peu de souvenirs de cette époque - là - rien qui méritait d'être préservé- mais il se souvient très clairement du jour où son père quitta la maison, sans prévenir, emmenant avec lui sa petite sœur. Sa mère pleura toutes les larmes de son corps ce jour-là. N'ayant aucun revenu ni rien qui puisse subvenir à ses besoins et ceux de son fils, elle ne tarda pas à mettre fin à ses jours, laissant Clay seul, pour faire face à un monde cruel et impitoyable.
- Je ne le remercierais jamais assez pour la vie qu'il m'a offerte, répondit enfin le jeune homme.
- Accomplir ton devoir pour servir la cause qu'il a servi toute sa vie est une façon pour toi de le remercier.
Le jeune blond ne comprenait pas s'il devait prendre ça comme une façon de le réconforter, ou une façon de lui ordonner de bien accomplir son travail. Il se contenta de garder le silence.
Ils arrivèrent enfin à destination. Il pénétrèrent la gigantesque salle qui servit deux jours plus tôt de salle de bal, et le roi ordonna aux gardes présents devant l'entrée de les laisser seuls, de fermer les portes et de s'assurer que personne ne vienne les déranger jusqu'à nouvel ordre.
A l'intérieur, on trouva le garde qui se trouvait au bureau du conseiller avec Clay. À côté de lui se trouvait le jeune garçon de ferme, assis sur la première marche qui menait vers le trône du roi. En les apercevant, le garde se redressa, tirant Gareth du bras pour le relever. Les deux hommes s'inclinèrent face au roi qui montait vers son trône en silence, ne leur accordant aucune attention.
- Majesté, je vous présente Gareth Evensworn, dit Clay pour briser le silence.
Gareth fit une seconde révérence alors que le roi orientait son regard vers lui, le détaillant de haut en bas. Son regard était perçant et le jeune brun semblait déstabilisé.
- Si tu as quelque chose à dire fais le vite ! Dit-il sévèrement, toute son autorité résonna dans son exclamation. J'ai énormément de choses à gérer.
- Je m'excuse, majesté, s'empressa-t-il de répliquer.
Clay eut du mal à cacher son amusement, Gareth semblait perdre toute son assurance et son air d'un typique je-sais-tout. Cela apportait au jeune blond une satisfaction qu'il ne se privait pas de savourer.
- Je suis venu rapporter un complot contre son altesse la princesse, déclara-t-il d'un trait.
Le visage du roi se décomposa aussitôt, ce qui ne surprit guère Clay. La princesse Dahlia était celle que le roi chérissait le plus au monde.
- Il m'a dit que ce qui est arrivé à la princesse hier au bal n'était pas qu'un simple malaise, enchaîna Clay, étant le plus détendu des deux.
- Et comment a-t-il eu toutes ces informations à ce sujet ?
Clay se tourna vers Gareth. Comment avait-il bien pu passer à côté d'une telle question ?
- Eh bien ...
- Je travaillais comme jardinier chez le coupable. C'est chez lui que j'ai eu ces informations.
- Tu m'avais dit que tu étais fermier, intervient aussitôt Clay, confus.
- Il n'y a pas de mal à se faire de l'argent supplémentaire, répondit-il instantanément avec le sourire.
Son sourire l'irritait, il ne savait pas encore pourquoi, mais ce jeune homme dégageait quelque chose de pas net. Le roi se racla la gorge :
- Qui est cette personne pour qui tu travailles ? Raconte-moi ce que tu sais.
- Je travaille au manoir Barton, majesté, commença-il en fixant le sol. C'est un jeune homme à la peau pâle et aux cheveux noirs. Je l'ai entendu parler avec sa mère sur le fait qu'il avait tué la princesse... il était en panique, si je me rappelle bien, et sa mère lui affirmait le contraire, lui expliquant que c'était voulu.
Un court silence s'abattit sûr la salle, le roi fixait le vide de ses yeux bleus. Clay n'y comprenait rien, avait-il cru un instant à son histoire ? Rien que le début contenait une erreur flagrante.
- Mais ... mais Aramys n'a jamais connu sa mère, n'est ce pas, majesté ? Cela n'a absolument aucun sens.
Le roi hocha lentement de la tête, pourtant, il semblait toujours réfléchir à cette histoire. Clay ressentit une certaine frustration qui se transforma aussitôt en impatience. Il se tourna vers Gareth, les sourcils froncés :
- Tu as entendu ? Je te conseille de t'expliquer rapidement.
Gareth ne semblait pas paniqué qu'on ait trouvé une faille dans son histoire, ses sourcils étaient arqués et ses yeux fixaient le roi avec un mélange d'intérêt et de curiosité.
- Alors ? s'impatienta Clay.
- Que j'explique quoi ? La présence d'une mère dont vous ignorez l'existence ne me concerne pas. Je suis là pour raconter les faits, et c'est ce que je fais.
Le jeune homme était calme, et sa voix sereine.
- Il se pourrait qu'il dise la vérité, déclara le roi, enfin sorti de ses pensées. Nous n'avons jamais eu l'occasion de rencontrer la femme du seigneur de Darmas, quand il se fit connaître, sa femme ne faisait plus partie de sa vie et son fils devait avoir une dizaine d'années, à l'époque.
Il soupira avant de se redresser sur son siège, les mains jointes :
- Mais là n'est pas le problème, une tentative de meurtre a été planifié hier, et ma fille a failli y laisser la vie !
- Pourquoi Aramys aurait voulu tuer son altesse ? demanda Clay. Qu'est ce que cela aurait apporté à sa famille ?
Gareth s'avança un peu plus vers les marches qui menait au roi dans le but d'attirer son attention, il hésita quelque seconde avant de faire remarquer :
- Excusez-moi, majesté, mais le jeune homme n'avait pas l'air de le savoir. Il était terrifié à l'idée d'avoir pu tuer la princesse et accusait sa mère de l'avoir trompé.
- Quand on s'apprête à commettre un meurtre, on en a généralement bien trop conscience, monsieur Evensworn, commenta Clay.
Le roi ignora la remarque de Clay, et ce dernier ne comprenait pas comment il pouvait bien le croire sans se poser de questions et ne prêter aucune attention aux incohérences qu'il lui faisait remarquer.
- Alors dis moi, jeune homme, par quel moyen avait-il pu porter atteinte ma fille sans s'en rendre compte ?
- Vous parlez de l'arme du crime ? demanda Gareth confiant, Ils ont mentionné un collier qu'il devait lui remettre.
Le roi se leva d'un bond, faisant sursauter Clay qui ne s'attendait pas à une réaction aussi poussée. Son visage pâli immédiatement et ses yeux s'agrandirent en une expression de surprise mélangée à de la peur.
Sans se soucier de la distance de sécurité et ce qui s'en suivait, il descendit les marches à la hâte, se dirigeant vers Gareth. Ce dernier fit quelques pas incertains en arrière tandis que Clay s'empressa à se mettre entre les deux hommes.
Hector finit par pousser Clay de côté, définitivement hors de lui.
- Décris moi cette femme ! s'exclama-t-il en agrippant les épaules du témoin. Y avait-il quelque chose en elle qui la distinguait des autres femmes ?
Gareth restait silencieux, très clairement perturbé par la panique du roi, ces iris clairs fixaient celles du roi sans ciller.
- Calmez vous, majesté, dit doucement Clay en dégageant le témoin de l'emprise du roi.
Sa raison lui revint enfin, avec une respiration saccadée, ses pupilles allaient de gauche à droite sans arrêt, fuyant les regards insistants des deux jeunes hommes. Finalement, Gareth décida de briser le silence :
- Elle était extrêmement étrange, en effet, confirma-t-il, la voix hésitante. Elle était bien plus pâle que son fils, comme si la vie avait déserté son corps. Ses cheveux étaient argentés et ses yeux d'or la distinguaient des autres femmes que j'ai pu croiser.
Il marqua une pause, comme s'il n'était pas sûr s'il devait ou non en dire davantage.
- Continu, l'invita le roi, plus calme à présent.
- Elle dégageait une énergie sombre, murmura-t-il, peu sûr de lui. Je ne sais pas comment vous expliquer ça sans que vous me preniez pour un fou mais ... quand elle orienta son regard dans ma direction, j'ai senti un mal-être si intense que mon corps refusait de m'obéir.
Clay frissonna. Pas qu'il croie totalement à cette histoire, c'était surtout cette ressemblance frappante avec la princesse qui le perturbait. On aurait cru que le jeune témoin décrivait une version démoniaque de la douce princesse qu'il avait toujours connue. La blancheur de la peau, la couleur des cheveux et des yeux très peu communes. Voilà qui était bien étrange. Il se demandait si Gareth avait un jour croisé la route de Dahlia pour pouvoir sortir une histoire pareille.
- Clay, va me chercher ce collier, ordonna-t-il. Dahlia doit encore le porter en ce moment. et ramène avec toi le guérisseur royal, dis-lui que j'ai besoin de ses services sur le champ.
- Mais ... je ne peux absolument pas vous laisser seul avec lui ...
- Le garde est toujours là, répondit-il sèchement, les yeux foudroyants.
Clay ne répliqua pas et obéit.
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