CHAPITRE 04: UNE VIE FAITE DE MENSONGES (Partie 1/2)

En reprenant conscience, la princesse demeura quelques instants de plus dans l'obscurité. Les yeux clos, elle ressentait une paix intérieure qui lui était jusqu'à présent inconnue, et elle avait peur d'en perdre la saveur.

Un léger sourire étirait ses lèvres quand une joie inattendue et inexpliquée emplit son cœur. Elle avait déjà entendue parler d'un genre de potions qu'on vendait en marché noir, et qui aurait, d'après une cuisinière du palais, le même effet. Bien sûr, en disposer était strictement interdit, et le fils de la cuisinière, qu'on surpris en train d'en consommer, se vit arraché toute sa réserve, et prit une peine de quelques mois de travail dans les mines d'or au nord du pays.

A ce moment, elle se demandait bien pourquoi un breuvage de bonheur pourrait être interdit, le monde était bien triste et cruel, alors où était le mal à lui procurer un semblant de bien être pour de courts instants ?

Elle se rappelait connaître la réponse à sa propre question, mais à ce moment-là, l'explication ne voulait lui venir à l'esprit.

L'héritière du trône n'avait aucune idée sur comment sa soirée s'était achevée, elle ne se rappelait pas avoir dit au revoir à ses invités, ni même comment cette fameuse danse avec le jeune Aramys s'était déroulée. Une jeune demoiselle telle que Dahlia ne pouvait oublier un tel événement dans sa vie. Pourtant, elle n'en avait strictement rien à faire à cet instant même.

Elle était heureuse, et le reste lui importait peu.

Un courant d'air glacial fouetta les parties dénudées de sa peau blanche, la ramena partiellement à elle. Dahlia prit conscience qu'elle n'était pas allongée sur son lit. Ses douces couvertures et ses coussins en plumes d'oie furent remplacés par quelque-chose de froid et dur. Ouvrant lentement ses lourdes paupières, un plafond sombre lui fit face. Elle n'était assurément pas dans ses appartements.

La jeune demoiselle balançait lentement et lourdement son regard rosé pour inspecter les alentours. Elle se trouvait dans une salle très spacieuse, éclairée par le faible clair de lune traversant les gigantesques vitres qui habillaient les murs de toutes leurs longueurs. Six imposants piliers cylindriques séparaient le plafond du sol, reflétant une légère couleur émeraude.

S'appuyant sur l'un de ses bras pour se redresser, la princesse fut prise de tournis. Une douleur vive au niveau du crâne fit dissiper un peu plus le bonheur inexpliqué qui la submergeait depuis son réveil.

Elle remarqua que la pièce n'était pratiquement pas meublée. Seul un grand trône se trouvait au fond, sur une estrade haute de six pieds environ, en plus d'un long tapis vert pâle qui le séparait des grandes doubles-portes lui faisant face.

Cela ressemblait sans aucun doute à une salle de trône, mais ce n'était certainement pas celle du palais d'Ürain.

Dahlia se remis sur pied, remarquant au passage qu'elle se trouvait toujours dans sa robe de bal. Pas dans le même état qu'à ses souvenirs, mais c'était bien elle. Elle commençait à déambuler lentement, faisant résonner sa paire de talons sur le sol du même vert émeraude que celui des piliers.

La princesse n'avait aucune idée d'où elle pouvait être et pourquoi elle se trouvait ici, mais elle n'avait pas peur. Toute personne normale serait prise de panique à l'idée de perdre ses derniers souvenirs et de se trouver seule dans un endroit parfaitement étranger, mais Dahlia n'avait qu'une seule chose en tête; atteindre ce majestueux trône.

Elle ne pouvait étrangement pas détourner le regard de ce symbole de royauté. Hypnotisée par la force et la puissance qu'il dégageait, la princesse ne prit pas conscience qu'une seconde personne était présente dans les lieux. Sans émettre aucun bruit, le curieux individu observait Dahlia avec intérêt, un léger sourire au coin étirant ses lèvres.

Elle monta les quelques marches qui la séparaient de son objectif. N'osant pas s'en approcher davantage, elle se contenta de le contempler, par peur de le salir avec ses mains poussiéreuses - poussière qui provenait sûrement du sol glacial sur lequel elle gisait il y avait de cela quelques instants. Mais la tentation était bien plus puissante que sa crainte, elle s'essuya rapidement les mains sur sa robe de bal, ne se souciant guère de son état.

En passant ses longs et fins doigts sur lui, une étrange mais puissante énergie traversa son corps. Cette chaleur qui parcourut en un éclair chaque parcelle de son âme, de son être, l'emplit d'une sensation de force qui lui était jusqu'alors inconnue.

Sa surprise lui fit arracher brusquement sa main pour la serrer l'instant d'après contre sa poitrine. Son cœur battait à un rythme irrégulier, et sa main en tremblait légèrement.

"Qu'est ce que ... ? ". L'incompréhension se lisait clairement sur son visage. S'il s'agissait bien d'un rêve, cela expliquerait parfaitement cette étrange atmosphère qui régnait autour d'elle, mais dans le cas contraire ...

- N'ayez crainte, s'éleva une douce voix derrière elle. Cela ne vous fera aucun mal.

Le cœur de la jeune demoiselle ne fit qu'un bond avant qu'elle ne se retourne brusquement vers la source de cette voix. Au milieu du hall se tenait un jeune homme, sa taille svelte et sa posture droite lui donnaient une grâce et une certaine classe que Dahlia ne put s'empêcher de remarquer.

Ses cheveux d'argent, au reflets bleuâtres lui cachaient en partie son visage, mais laissaient quand même percevoir une large cicatrice allant de son œil droit au bas de sa joue gauche. Ses yeux étaient d'un bleu aussi glacial qu'une nuit d'hiver. Ses lèvres dessinaient sur son visage un sourire qui n'avait rien de bienveillant, mais qui, étrangement, n'inspira aucune crainte chez la princesse. Toutefois, elle put constater une frappante ressemblance entre eux.

- Qui êtes-vous ? Répondit-elle après un court moment de silence. Et où suis-je ?

Sa voix résonnait dans le grand hall faisant vibrer l'air compressé à l'intérieur. C'était un phénomène assez étrange. Elle avait l'impression de se trouver sous l'eau, l'air était lourd et palpable. Fronçant les sourcils, elle commença à observer autour d'elle avec attention. Elle était convaincue que tout était normal avant l'arrivée de l'étranger.

- Inutile de se précipiter de la sorte, répondit-il avec calme. Nous avons tout le temps nécessaire pour discuter.

- Ai-je été victime d'un enlèvement ? demanda-t-elle sans vraiment croire à cette hypothèse.


La sécurité au palais royal était tellement élevée qu'il était impossible à quiconque de porter atteinte à la princesse aussi facilement. Cependant, sa présence en ces lieux l'intriguait de plus en plus.

L'inconnu ne put s'empêcher de rire face à sa question. Toutefois, son rire n'avait rien de sincère.

- Je n'irai pas jusqu'à employer ce genre de mots. Je dirais plutôt que vous êtes mon invitée pour ce soir.

- Je ne garde aucun souvenir de mes derniers instants au bal, mais je doute d'être venu jusqu'ici de mon plein gré.

Sa réplique était sèche et chargée d'accusations. Mais quelque chose sonnait faux. L'absence de toute trace de peur en elle lui donnait une idée sur la manière dont elle est arrivée en ces lieux inconnus.

- Vous savez, j'ai longtemps pensé au déroulement de notre rencontre, commença-t-il, la fixant du regard. Mais ce courage et cette audace ... Je ne les ai pas vu venir ...

En un clignement des yeux, Dahlia vit son hôte dressé devant elle, son visage à quelques centimètres du sien. Son cœur failli s'échapper de surprise. Comment avait-il fait pour se déplacer aussi rapidement ?

Elle était sûre qu'il se trouvait au centre de la salle une seconde plus tôt. La pièce était plongée dans un tel silence qu'elle pouvait parfaitement entendre les battements irréguliers de son cœur. Pouvait-il les entendre aussi ? Elle espérait que non, car elle ne voulait en aucun cas lui montrer un semblant de peur ou de faiblesse.

De plus, ce qui venait tout juste de se passer confirmait sans aucun doute ces hypothèses.

- ... Je n'arrive à déceler aucun semblant de peur dans vos yeux ... Chuchota-t-il, en analysant son regard de ses yeux de glace. Vous m'en voyez déçu.

- Vous auriez peut-être dû consulter un connaisseur concernant le dosage de votre drogue.

Sa voix ne tremblait pas, et elle se félicita pour ça. Dahlia avait beau se donner du mal à le cacher, mais la peur ainsi que de nombreux questionnements montaient en elle. L'effet de cette drogue n'était pas aussi puissant que ce qu'elle prétendait.

Le jeune homme esquissa un léger sourire en s'éloignant d'elle :

- Perspicace, mais le dosage à bien été calculé. Je tiens à vous garder avec moi le plus longtemps possible.

Dahlia se sentait de plus en plus confuse. En quoi l'effet que cette drogue avait sur elle pouvait déterminer la durée de sa présence ici ? En passant en revu le peu de solutions qui s'offraient à elle face à cette situation, elle décida de faire avancer la discussion dans le sens que son hôte lui imposait. Si ce qu'il disait était vrai, elle pouvait rentrer chez elle à la fin de cette soirée tout au plus.

La princesse parcourut la courte distance qui la séparait du grand trône et s'y installa confortablement, adossée, jambes croisées. Avec le regard chargé de confiance, elle brisa le silence :

- Bien ! Ne perdons pas de temps alors. Veuillez vous présenter et m'expliquer la raison de ma présence ici.

- Surtout faites comme chez vous, répliqua le jeune homme face à son dernier geste d'insolence.

- Vous avez dit que j'étais votre invitée. Je me comporte donc comme tel.


Le jeune homme au yeux bleus ignora sa réponse et entreprit une marche bien lente autour du trône, Ce qui ne manquait pas de mettre Dahlia mal à l'aise, elle se sentait observée et jugée. Elle essayait tant bien que mal de garder son calme.

- Je me présente, je suis le roi Elendir d'Erymenth, déclara-t-il en accomplissant une légère révérence.

Dahlia fronça les sourcils, n'essayant même pas de cacher sa confusion. Ces deux noms lui étaient totalement inconnus.

- Excusez-moi, mais... Nous trouvons-nous encore en Andarisia ?

Des centaines de cartes du monde étaient passées sous ses yeux depuis le début de son éducation. Elle avait appris par cœur les noms des pays voisins, les noms de leurs dirigeants ainsi que leurs points forts et leurs faiblesses. Mais jamais Erymenth ne fut mentionné durant ses heures de classe.

Elendir semblait être jeune, le début de son règne pouvait très bien être récent, mais qu'en était-il de son royaume ?

- Sans vouloir mettre en doute votre statut, roi Elendir, reprit-elle sans attendre de réponse. Je n'ai jusqu'à présent jamais eu vent d'un royaume portant ce nom. Et si nous nous y trouvons en ce moment même, je me demande bien comment nous avons bien pu faire pour traverser les mers et arriver à destination en une seule et même soirée.

Le roi rit franchement face à ses constatations.

- Vous réfléchissez bien trop pour une personne sous l'influence d'une substance stupéfiante, fit-il remarquer. Mais je vais vous expliquer ; Erymenth se trouve sur les terres d'Andarisia. Au nord-est du pays, pour être plus précis.

Dahlia ne se retint pas d'exprimer son incompréhension. Ce que cet homme disait n'était que mensonges, le contraire était inenvisageable. Il ne pouvait y avoir un autre roi sur ces terres sans qu'elle, ou son père, n'entende parler de lui.


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