CHAPITRE 03 : LOURD FARDEAU ( Partie 2/2 )

- Quoi ? de quoi tu parles ? s'énerva aussitôt le noiraud.

- Pourquoi veux-tu soudainement te retrouver seul avec tes petites trouvailles, alors que tu ne nous a pas quitté des yeux depuis le début de la soirée.

En voyant la situation se retourner contre lui, Pitt s'éloigna de quelques pas, le sac derrière le dos.

- C'est du n'importe quoi ! arrête de jouer les enquêteurs et finissons-en avant que quelqu'un n'arrive ! essaya-t-il de détourner l'attention.

- Il a raison, on manque de temps, Gareth, ajouta Al en déposant sa grosse paume sur son épaule. Nous l'attendrons devant les chevaux.

Alain avait une pointe de menace dans la voix. Était-il dans le coup ? où était-il juste assez naïf pour accorder une confiance aveugle à son associé ? Connaissant Al, Gareth opta sans hésiter pour la deuxième supposition.

Le jeune brun se libéra de son emprise et se mit devant les escaliers qui menaient vers le deuxième :

- Je ne te laisserai pas nous arnaquer de la sorte ! s'exclama-t-il. J'ai risqué ma vie sur ce coup, ce n'est pas pour qu'on m'utilise.

- Arnaquer ? demanda Al, surpris.

- Ne l'écoute pas ! s'empressa d'intervenir Pitt, la haine faisant flamboyer ses yeux sombres. Ce gars a carrément perdu la tête.

Al était le plus perdu du trio. Son regard, chargé d'incompréhension, se balançait entre ses deux coéquipiers. Pitt était devenu rouge de colère, ne se gênant plus de crier, ce qui faisait résonner tout l'étage où ils se trouvaient. Gareth, quant à lui, ne détachait pas son regard de son adversaire, trouvant ce moyen comme le plus efficace pour le déstabiliser. Il était sûr de ce qu'il pensait, et ne se laisserait pas duper aussi facilement.

- Si tu veux je pourrais lui expliquer ton plan si tu ne compte pas le faire ! proposa Gareth d'un ton faussement jovial.

Pitt le regarda surpris, et le sourire provocateur collé sur le visage du jeune brun ne manquait pas de l'irriter.

- Tu n'es qu'un pauvre détraqué, Gareth, souffla-t-il avec lassitude.

- Je prends ça pour un oui alors ! Figure toi, Al, que ton cher associé ne voulait pas qu'on se sépare pour s'assurer qu'on mette toutes nos trouvailles dans ... Ce qu'on va appeler la "caisse collective".

Al fronça les sourcils, ne comprenant pas vraiment où Gareth voulait en venir. Ne voyant aucune réaction de sa part, le jeune brun soupira :

- Que tu réagisses du premier coup m'aurait étonné ... Ce doute l'envahit aujourd'hui car il comptait lui-même se servir sans nous déclarer quelques trucs. j'eus quelques soupçons depuis notre entrée dans cette demeure.

Pitt rit à gorge déployée, donnant à la situation un côté quelque peu ridicule :

- Tu as une imagination débordante, mon vieux ! mais dis moi, as-tu une quelconque preuve pour appuyer tes propos ? Sinon, je vous propose qu'on sorte d'ici avant que ce ne soit trop tard.

- Sois honnête, Pitt, tu comptais monter cacher une partie de tes récoltes, pas vrai ? Si ce n'est toute ! Comme ça tu la récupérera plus tard et tu n'auras pas à la partager avec nous.

Le silence régna à nouveau pendant quelques secondes, secondes où le noiraud se contentait de foudroyer Gareth du regard. Il répondit enfin avec un ton calme mais qui dévoilait clairement son impatience :

- Je. montais. chercher. mon. couteau.

- Couteau que, ni moi, ni Al, ne t'avons vu utiliser de toute la soirée, s'empressa d'ajouter Gareth, de plus en plus sûr de lui.

- Il y a une chose qui m'échappe, intervint Al, pourquoi cacher cette partie ici s'il lui est impossible de revenir la chercher plus tard ?

Gareth s'apprêtait à lui répondre quad Pitt prit la parole en premier :

- Finalement, Al se trouve être plus perspicace que toi, petit génie ! Se moqua-t-il ouvertement.

Le jeune brun l'ignora et rapporta son attention vers Alain afin de lui répondre :

- Ce n'est pas lui qui les récupérera.

Le sourire qui étirait les lèvres fendues de Pitt s'effaça aussitôt ces mots prononcés.

- Le garde ... articula Alain, finalement illuminé. Tu comptais sérieusement nous tromper de la sorte ?

Ces yeux étaient en flamme, la rage qui se dégageait de lui était inattendue. Gareth s'approcha de lui afin de le calmer. Il réussit à lui ouvrir les yeux, mais il ne voulait surtout pas que la situation n'échappe à son contrôle. Al allait évidemment en venir aux mains, c'était sa façon à lui de régler ses problèmes, mais Gareth ne voulait surtout pas que ça dégénère ici.

Au moment où Pitt ouvrit la bouche pour se défendre, la porte principale du manoir s'ouvrit avec une force phénoménale, claquant contre les murs en faisant résonner l'entièreté de la bâtisse. Gareth vit son coeur manquer un battement et le trio orienta son attention vers la source du bruit.

Un jeune homme aux cheveux aussi noirs que l'ébène, aux yeux d'or aussi fascinants que terrifiants, fit son entrée. Sa démarche précipitée et son visage crispé reflétaient parfaitement sa colère.

Profitant de ce moment de distraction, Pitt serra son sac contre lui et se lança dans les escaliers qui menaient vers le deuxième étage, Gareth s'apprêtait à le rattraper quand Al l'arrêta :

- Je m'occupe de lui, surveille le propriétaire en attendant que je le ramène ... il ne va pas s'en tirer aussi facilement !

Accroupi sur l'une des marches, le jeune brun concentra toute son attention sur sa nouvelle mission. Son cœur battait à en rompre sa cage thoracique, ses mains étaient moites et sa respiration saccadée.. Le jeune homme traversa le hall d'entrée et fut suivi quelques instants plus tard par une personne qui ne manquait pas d'attiser la curiosité du jeune voleur.

Ces caractéristiques physiques collaient parfaitement avec ceux des individus qu'il vit plus tôt dans la soirée, sur les tableaux qui décoraient les couloirs de l'étage. Sa peau était blanche comme si la vie avait déserté son corps, ses cheveux étaient d'une couleur argenté peu commune tombant en cascade sur ses épaules, jusqu'au bas de son dos. Ses yeux d'or flamboyants lui donnaient l'impression de plonger son regard dans les flammes éternelles de l'enfer et ses longs ongles noirs lui donnaient l'aspect d'un prédateur. Sa démarche était plus calme, plus fière, reflétant parfaitement la puissance qui se dégageait d'elle.

à sa vue, le sang du jeune brun se glaça dans ses veines, il sentit des frissons parcourir chaque parcelle de son corps, il se sentit paralysé, incapable de bouger ni de penser. Pourquoi lui faisait-elle cet effet là ? L'effroi était ce qui dominait son être.

La fine dame ne tarda pas à rattraper son hôte et ferma la porte du salon derrière elle. Le silence régnait de nouveau dans la grande demeure. Seul le rythme de sa respiration résonnait dans sa tête.

Ne quittant pas la porte d'entrée, toujours grande ouverte devant lui, L'idée de courir tout droit vers elle et d'abandonner le reste derrière lui ne quittait plus son esprit. Son regard basculait des deux sacs entre ses mains vers les jardins baignant dans le doux clair de lune. C'était bien ce qu'il s'était promis de faire, non ? prendre ses jambes à son coup au moindre signe de danger. Alors pourquoi hésitait-il autant ?

Une petite voix en lui lui criait de toutes ses forces de sauver sa peau tant qu'il le pouvait, ramenant devant ses yeux l'effroyable visage de la dame blanche. D'un autre côté, il ne pouvait abandonner Al alors qu'il lui promit à lui aussi d'assurer ses arrières, se dernier lui avait même confié sa part du trésor.

Avec des gestes lents et calculés, Gareth entreprit la descente des marches vers le hall d'entrée. Les voix qui s'élevaient de plus en plus en provenance de la salle de séjour venaient chatouiller ses oreilles alors qu'il laissaient les dernières marches derrière lui. Que pouvait-il apporter de plus à Al en restant là ? à moins de rester coincé avec eux en haut, il n'allait pas le sauver des conséquences de leur plan.

Sa décision était prise, il allait sauver sa peau, et pour faire taire le peu de conscience qu'il avait à l'égard de son coéquipier, il se promit de lui laisser sa part.

En traversant le Hall à pas de loup, un cris perça l'air, le figeant sur place. Il sentit ses jambes devenir lourdes et ne pouvait plus avancer.

- Comment oses-tu me désobéir après tout ce que j'ai fais pour toi ? criait la femme avec rage.

- Je t'ai fait confiance ! hurlait le jeune homme à son tour. J'ai suivis tes instruction et voila que je me retrouve avec le meurtre de la princesse accroché au cou !

Les yeux grands ouverts, Gareth n'arrivait pas à réaliser ce qu'il venait d'entendre. Parlaient-il de meurtre ? et celui de la princesse, qui plus est ?

- Tu n'avais qu'une chose à faire; lui donner ce maudit collier à condition que vous soyez seuls ! était-ce trop demandé ?

- Arrête avec ta foutue mission ! grogna le noiraud. Ton fils pénètre une vie de criminalité, et te voilà en train de te soucier de l'échec de ton plan !

Pris par une incontrôlable curiosité, le jeune voleur se vit avancer vers la source des deux voix. Il voulait en savoir plus à ce sujet.

- Tu dramatise ! la princesse n'est pas morte, quel est l'intérêt de la tuer ?

- Quoi ? Elle pourrait y survivre ?

Sa voix n'indiquait en rien son soulagement, mais au contraire. Le jeune homme était paniqué et au bord de l'hystérie.

- Quand elle se réveillera, elle confirmera que c'est bien moi qui était à l'origine de ... De cet étrange malaise qui s'était emparé d'elle !

- Elle n'en dira rien, fais moi confiance, le rassura la dame. Le seul problème est que cela devait se passer en l'absence de tout témoin.

Le noiraud semblait s'être calmé, car il devint plus calme et plus posé :

- Quelles seraient les conséquences ? demanda-t-il avec un brin d'hésitation.

- Et bien ...

à cet instant, un bruit sourd se fit entendre à l'étage supérieur, juste au-dessus de leur emplacement. Les deux voix se turent. Gareth sentit des gouttelettes de sueur froide ruisseler le long de ses tempes et de son dos. Ça y est, c'était la fin. Al ne pouvait s'empêcher de tout gâcher.

Retrouvant la mobilité de ses membres, le jeune brun fit volt-face en direction de la sortie quand la porte à sa droite s'ouvrit à la volée, le mettant face au propriétaire du manoir et à sa mère. Ils étaient assez loin de la porte, presque à l'autre extrémité de la pièce, alors comment diable avaient-ils fait pour l'ouvrir avec une telle rapidité ?

Son regard croisa les leurs, ils avaient officiellement pris conscience de sa présence. Sans perdre une seconde, Gareth prit la fuite à toute vitesse, ne prenant même pas la peine de se retourner, il franchit la porte en face de lui et quitta la demeure sans penser une seule fois à ses associés, Rien n'avait plus d'importance que sa vie à cet instant, il ne pensait plus à eux, ni à l'argent, ni aux conséquences de ce qui venait de se passer.

Le propriétaire du manoir s'engagea dans une course pour le rattraper mais fut aussitôt arrêté par sa mère. Un mur invisible vint se placer devant la porte d'entrée, l'empêchant d'aller plus loin dans sa poursuite.

Frappant de toutes ses forces sur le champ invisible qui se dressait devant lui, le jeune homme criait de rage :

- Qu'est ce que tu fais ? il s'échappe !

- Ne te rabaisse pas à ce genre d'incident, dit-elle avec un calme plus terrifiant que rassurant.

- Mais ... Il a dû tout entendre !

Le jeune homme était hors d'haleine, ses émotions avaient pris le dessus et il ne pouvait réfléchir clairement.

- Je doute qu'il puisse faire grand chose avec ce qu'il a entendu.

De ses yeux d'or flamboyant, la dame blanche regardait le jeune voleur s'enfuir à toute vitesse, jusqu'à disparaître complètement au loin.

- Et puis... garde bien en tête que je n'oublie jamais un visage ...

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