CHAPITRE 03 : LOURD FARDEAU (Partie 1/2)
C'était une nuit claire au ciel étoilé. L'absence de vent plongeait les jardins du manoir Barton dans un silence tombal, rendant l'atmosphère autour des trois cambrioleurs très pesante. Cachés derrière des buissons, ils observaient le bâtiment de loin, guettant le passage d'un des gardes qui serait, d'après le complice, le signal qu'ils attendaient pour foncer vers les portes du sous-sol.
Gareth les avait suivis à contre-coeur. Avant le coucher du soleil, il était passé par la bibliothèque de son ami l'érudit comme promis, mais ses inquiétudes n'échappèrent pas à ce dernier. Danfort n'insista pas longtemps avant que le jeune brun ne lui dévoile ce qui pesait lourd sur son cœur.
Bien sûr, le jeune blond essaya tant bien que mal de le dissuader, mais aux yeux de Gareth, cela devait se faire, peu importaient les risques tant qu'il allait pouvoir rembourser son frère le lendemain à la première heure. Il en avait marre de sa situation et voulait que ça change le plus tôt possible.
Avant de quitter son ami, il le fit promettre de rester dans la confidence et le remercia pour son écoute.
La chevauchée vers la ville de Föhra fut bien trop rapide à son goût. À leur arrivée, ils avaient laissé leurs chevaux un peu plus loin, cachés dans un petit bois pour éviter d'attirer l'attention, et avaient parcouru la distance restante à pied, en s'assurant de bien rester accroupis en avançant le plus discrètement possible.
- Alors, vous savez tous les deux ce que vous avez à faire, hein ? Chuchota Pitt, sentant leur moment d'attente passer au ralenti.
- Il n'y avait pas grand chose à retenir, fit remarquer Gareth, ce plan est aussi vide que la tête d'Al.
Le gros tas de muscle fit mine de venir lui en coller une, mais Pitt l'arrêta sur son élan.
- Tu devrais vraiment apprendre à maîtriser tes répliques, dit Pitt, ennuyé. Tu sais très bien que Al a le sang chaud.
Gareth répondit en un haussement d'épaules avant d'orienter une nouvelle fois son attention vers le manoir.
- Cela fait déjà une bonne demi-heure qu'on est sur place, je pense qu'il ne va pas tarder à venir, déclara-t-il en reprenant son sérieux. Vous pensez qu'on devrait se séparer ?
- Non c'est bien trop risqué, répondit Pitt instantanément.
A ce moment, une silhouette apparut de derrière le bâtiment, l'individu marchait en traînant les pieds, ses épaules retombaient vers l'avant, et son dos était légèrement courbé. Sa démarche reflétait nettement l'ennui et le dégoût qu'il ressentait. Gareth se demandait si cela avait un certain rapport avec le travail qu'il lui avait été assigné, car cela lui semblait être d'un ennui mortel.
- Où est le risque ? reprit-il en réponse à son coéquipier. Bien au contraire ! Si l'on se sépare à notre entrée, il serait plus facile de ne pas attirer l'attention, nous serons plus discrets et nous couvrirons plus de pièces en une heure !
Pitt ne prit même pas le temps de considérer les arguments du jeune brun, d'un ton faussement énervé mélangé à des chuchotements presque inaudibles, il répliqua :
- Hors de question ! Si nous nous séparions, on aurait trois fois plus de risque de nous faire prendre la main dans l' sac ! Ce n'est pas ce que tu veux, hein,Gareth ? rappel toi ; notre sécurité avant tout, tu l'a dis toi même ...
- Et le risque serait vain si jamais nous sortions les mains vides par manque de temps ! s'éleva inconsciemment la voix de Gareth.
- Chut ! intervint Al. Il se rapproche, tenez vous prêts.
Les trois hommes s'équipèrent des sacs posés par terre, à portée de main, puis se mirent sur pied. Les jardins du manoir étaient immenses, les légers craquements que faisaient leurs pas contre les feuilles mortes ne parvenaient donc pas jusqu'aux oreilles du garde.
Après quelques secondes, l'inconnu tourna à l'angle, se mettant ainsi dos au trio. D'un geste de la main, Pitt ordonna aux deux autres de le suivre, et ils se mirent à trotter vers la demeure en conservant leur position accroupie. L'ombre du manoir jouaient en leur faveur en plongeant ce côté du jardin dans le l'obscurité.
Arrivés près du mur, ils durent ralentir leur course, car le bruit de leurs pas contre le gravier perçait à présent le doux silence de la nuit. Ils se mirent ensuite à raser les murs, en s'assurant de bien rester à une distance raisonnable de l'homme qui les devançait.
La première porte du sous-sol ne tarda pas à apparaître, Et comme leur avait promis le complice, le garde ne s'était pas dérangé à vérifier si elle était bien verrouillée. était-ce par confiance en ses collègues ou par négligence ? Gareth n'aurait su le dire, et il s'en fichait un peu, du moment que cela l'arrangeait.
Après s'être assuré que le garde était à présent bien loin d'eux, Pitt prit l'initiative d'ouvrir doucement la porte, le léger grincement qu'elle produisit le fit hésiter quelques secondes avant de poursuivre son action. Il vérifia que la voix était bien libre avant de pénétrer le manoir, suivi du reste du groupe.
Le sous-sol était une sorte de dépôt, où toutes sortes de nourriture, de breuvages et d'outils étaient stockés d'une façon très ordonnée. L'endroit tout propre appuyait très bien le fait que le manoir venait tout juste d'être aménagé.
- Bon, il est clair que cet endroit mène tout droit à la cuisine, commença Pitt. Je suggère qu'on ne s'attarde pas à fouiller ce genre de pièces et de monter directement à l'étage.
- Combien de gardes se trouvent au premier ? demanda Al.
- Il y en a en gros deux à l'intérieur et un à l'extérieur du manoir, expliqua Pitt une seconde fois.Ta mission est de les mettre hors d'état de nuire, Al. Ce qui nous donne largement le temps de fouiller les chambres.
- Que veux-tu dire par là ? Demanda Gareth, surpris. On s'est mis d'accord pour n'attirer l'attention de personne sur nous !
Le silence régna pendant quelques secondes, où Pitt et Al se dévisageaient.
- Êtes-vous conscients qu'on risque de nous faire prendre en un rien de temps ?
- Arrête de te casser la tête, intervint Al avec son éternelle expression ennuyée. Personne ne saura que c'est nous les coupables puisqu'ils n'auront même pas le temps de voir le visage de leur agresseur.
Gareth ne répondit pas, il savait d'avance que ces deux têtes de mules n'allaient pas comprendre. Pitt avait cette manie de ne pas dévoiler tous les détails de ses plans, ce qui obligeait le reste du groupe à se mettre sous ses ordres. Mais comme le jeune brun leur avait déjà expliqué, ce coup était bien trop grand pour eux, ce qui signifiait qu'un seul pas de travers les enverrai tout droit croupir dans ces infâmes trous à rats.
- D'accord ! Admettons que Al s'occupe des gardes, nous pourrions dans ce cas nous séparer et en finir plus rapidement, n'est ce pas ? Demanda-t-il, à bout de patience.
Le fait de connaître le corps des plans de Pitt une fois sur place ne l'avait jamais vraiment dérangé, au point où il avait complètement oublié ce détail lors de leur petite réunion ce matin même. Mais les conséquences, cette fois, s'avéraient être bien lourdes. Gareth était tout simplement en colère, ce qui l'empêchait de penser clairement. Cette histoire d'agression le mit dans un léger état de panique, mais il ne laissait rien paraître.
Pitt soupira à l'écoute de sa question, roulant des yeux avec agacement, le regard de travers qu'il lui jeta parvint à faire bouillir le sang qui circulait dans les veines du jeune brun. Était-ce du mépris ?
- Nous en avons déjà parlé et ma patience en est à bout ! l'avertit Pitt. La discussion est close, on ne va pas y passer la nuit.
Il se mit immédiatement en marche et ouvrit la porte qui les mit face à un étroit et sombre escalier. Ce dernier devait mener aux cuisines. Gareth ne répliqua pas et décida de garder le silence pour l'instant. Après tout, leur " chef " avait raison, ils ne devraient pas s'attarder ici plus longtemps que cela. Cependant, le doute s'installait progressivement en lui, son comportement était différent des autres fois, Néanmoins, il réussit à avoir une idée sur les intentions de Pitt et le sujet de ses craintes, il le connaissait assez bien pour ça, et le plus important de tout, il n'avait jamais eu une totale confiance en lui. Mais rien n'était encore sûr, il ne restait plus qu'à s'en assurer.
Inspirant et expirant profondément, c'était ainsi qu'il entreprit de regagner son calme. Gareth serra ses poings et suivit les deux écervelés qui lui servaient de coéquipiers. Ils s'apprêtaient à exécuter leur plan, et il ne savait pas comment cela allait finir. La seule chose dont il était certain, c'était qu'il allait être deux fois plus rusé que Pitt. Si ses coéquipiers pensaient qu'il allait risquer sa liberté et foncer tête baissé, ils se trompaient grandement.
Gareth décida finalement qu'il n'allait en faire qu'à sa tête et en sortir gagnant de ce pétrin.
Il ne suffit que d'un seul coup à la tête de la part d'Alain pour que le deuxième garde ne s'effondre à ses pieds. Gareth savait très bien que ce qui lui avait été enlevé en matière d'intelligence lui fut remis dans ses poings, mais voir cela de ses propres yeux ne manquait pas de le surprendre. Leur avancée fut très lente au début, ne sachant pas où se trouvaient leurs adversaires, ils découvraient les lieux avec prudence.
Le manoir était d'un très grand luxe. Ses magnifiques meubles étaient d'un bois de rose sculpté finement, sur lesquels étaient posées d'imposantes planches de marbre. Des pots contenant différents types de plantes trônaient par-dessus les buffets, les guéridons de salons et aussi les tables basses. Des chandeliers dorés et argentés servaient de décoration sur tables, mais aussi sur les murs au papier-peint vert.
Les tableaux qui ornaient les murs des couloirs étaient gigantesques. Quelques-uns d'entre eux éternisaient des paysages à en couper le souffle, tandis que d'autres affichaient des personnes aux caractéristiques physiques très distinguées. Malgré le faible éclairage, Gareth réussit à remarquer leur chevelure argentée et leurs yeux aux couleurs très variées et aux regards flamboyants.
La tapisserie était d'un vert un peu plus foncé que celui qui couvrait les murs de la demeure, mais cela allait à merveille avec le reste de la décoration.
Le groupe avait abandonné les deux gardes assommés bien attachés dans la première chambre qu'ils avaient fouillé. Cela faisait à présent presque une heure que leur fouille avait commencé, et cela se passait sans encombre. Al était chargé de prendre tout objet de décoration qu'il estimait être d'une assez grande valeur, Gareth s'occupait des armoires, des gardes-robes et des grands espaces de rangement en général tandis que Pitt faisait le tour des tiroirs de chaque meuble.
En procédant ainsi, ils avaient économisé énormément de temps, et Gareth commençait à penser qu'il avait peut-être mal interprété les intentions de son coéquipier.
Le manoir était toujours plongé dans un silence de mort, et le trio évitait de briser ce calme afin de rester vigilant et avoir conscience de la moindre action pouvant se passer autour d'eux. Cela les menait à ne communiquer que très peu et qu'en cas de nécessité.
Gareth n'était que peu satisfait du trésor qu'il avait récolté jusqu'à présent. Il y avait, certes, trouvé quelques objets de valeur enterrés profondément entre les vêtements soigneusement pliés - dont une grosse bague au diamant rouge qu'il fourra dans sa poche de peur qu'elle ne se perde dans son gigantesque sac. Mais cela n'était pas suffisant. Il espérait toutefois que Pitt ait trouvé la plus grande partie des bijoux.
- Je pense qu'on devrait s'arrêter là, les gars, annonça Pitt en fermant son sac. Le propriétaire pourrait arriver à n'importe quel moment, à présent.
Ces coéquipiers acquiescèrent en imitant son geste, c'était le moment de quitter cette immense demeure et Gareth s'en sentit soulagé. Cela ne s'était pas si mal passé en fin de compte.
En arrivant au premier étage. Pitt s'arrêta brusquement, les yeux écarquillés en une expression de surprise.
- Qu'est ce que t'as ? demanda Alain.
- Je crois que j'ai oublié mon couteau en haut.
Gareth fronça les sourcils, il ne l'avait à aucun moment surpris un couteau à la main, mais il n'en dit rien, ce n'était pas bien grave, un petit détour pour le récupérer ne leur fera pas grand mal.
- Bien ! Dépêchons-nous d'aller le récupérer, alors, répondit Al en s'empressant de monter quelques marches vers le deuxième.
- Non ! Sortez d'ici, vous deux, je vous rejoindrai dès que je l'aurais récupéré, s'empressa d'ordonner Pitt.
- Tu ne nous avais pas interdit de nous séparer ? fit rappeler Gareth, l'incompréhension se lisait clairement dans son regard. Et puis ce n'est qu'un couteau, ce n'est pas bien grave !
Pitt hésitait à lui répondre, il détournait clairement ses yeux sombres, évitant de croiser le regard du jeune brun. Ce dernier vit les soupçons qu'il avait envers son ami refaire surface.-
- J'ai gravé mon nom sur cette arme, impossible de la laisser derrière moi ! Et puis, maintenant que nous en avons fini, il n'est plus nécessaire de rester groupé, expliqua Pitt. Vous allez me ralentir, je serais plus rapide sans vous.
haussant un sourcil, c'était au tour de Gareth de lui adresser un regard chargé de mépris dans le but de le déstabiliser, car il voyait clairement son comportement changer et son assurance diminuer depuis l'introduction de cette histoire de couteau. Il dirigea ensuite son regard vers le gros sac que tenait le noiraud de ces deux mains.
- Bien, alors laisse moi te débarrasser de ton sac, lui demanda Gareth en lui tendant la main. Tu seras bien plus léger sans lui.
Pitt se trouvait à court de répliques. La bouche entrouverte, aucun son n'en sortait. Par contre, son comportement parlait pour lui, car il se vit resserrer inconsciemment son emprise sur le sac qu'il détenait.
Les lèvres de Gareth s'étiraient en un rictus sournois, avant qu'il ne s'avance vers son coéquipier. Finalement, il avait vu clair en lui depuis le début.
- Et bien, Pitt, tu essaye de nous la jouer à l'envers ?
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