CHAPITRE 01: UNE OPPORTUNITÉ QUI NE SE REFUSE PAS (Partie 1/2)

Une gouttelette de sueur froide ruissela le long du front de Gareth pour venir s'écraser sur l'une de ses joues rougies par l'oppression et la chaleur torride qui régnait en cette journée d'été. Les trois dés jouaient entre ses fins doigts et ses yeux clairs fixaient la zone de leur prochain atterrissage.

Les jeux de hasard étaient ce sur quoi était construite toute sa vie, mais il ne pouvait jamais se faire à la pression qui prenait possession de lui à chaque fois qu'il s'apprêtait à accomplir son jeu.

Pour cette fois, il avait misé la plus grosse partie de ses minces économies, mais cela valait le coup. S'il arriverait à assurer dans ce jet, la magnifique jument de son adversaire, Al, allait lui appartenir. C'était l'occasion rêvée pour le jeune homme de dire adieu à ses longues et pénibles marches vers les villes voisines.

Les cris d'encouragement des jeunes individus qui s'étaient rassemblés autour des joueurs se bousculaient dans sa tête et ne l'aidaient en rien à alléger ce poids sur ses épaules.

- Oh ! Tu comptes y passer la journée ? s'éleva la voix de Al, un large sourire sournois étirant ses lèvres. Allez, joue, tout est question de hasard après tout.

- Tu dis ça parce que tu as une avance de cent points sur moi, répondit Gareth agacé. Tu te considères déjà gagnant, avoue !

- Il est très probable que tu gagnes, l'ami ! Mais connaissant ta malchance, je peux t'affirmer qu'aujourd'hui s'annonce mal pour toi !

Les personnes qui les entouraient laissèrent échapper quelques rires qui ne manquèrent pas d'irriter Gareth. Il agita sa main une dernière fois, sentant les trois petits dés s'entrechoquer à l'intérieur. Comme dernier geste, il apporta son poing fermé à son front avant de les jeter face à lui.

Les yeux fermés, il n'osait pas voir le résultat. Cependant, il attendait sagement d'entendre un quelconque commentaire de la part des spectateurs, ou bien les cris de victoire que pousserait Al en se moquant de lui ouvertement. Or, rien ne vint. La foule était silencieuse, et Al aussi. Pour commencer, Gareth ouvrit lentement sa paupière gauche, observant son adversaire. Ce dernier ne quittait pas le sol des yeux, fixant d'un regard ébahi les dés lancés.

Le jeune brun rapporta alors son attention sur le score qu'il avait fait; le premier dé indiquait un quatre, ce qui lui donnait quatre points, " Pas très fameux si je voudrais dépasser les cent points d'écart" pensa-t-il en regardant le deuxième dé. Ce dernier affichait un deux bien minable. Mais une lueur d'espoir brilla dans ses yeux à la vue du résultat que lui offrit le dernier dé. Un. "Un" signifiait à son plus grand soulagement qu'il gagnait cent points, ce qui lui donnait une avance de six sur son adversaire. Il avait gagné.

Le cris de victoire qu'il poussa à cet instant fit résonner toute la place, faisant tourner quelques passants qui ne manquèrent pas de marmonner quelques mots d'agacement. Le visage livide aux traits décomposés, Al s'avança vers lui d'un pas lent, tenant sa grande jument par la corde qui lui servait de rênes.

- Tu sais très bien que tu vas me le payer tôt ou tard, n'est ce pas ? marmonna Al.

- Ne sois pas mauvais joueur, tout est question de hasard après tout, répondit Gareth, un large sourire lui étirant ses fines lèvres, faisant apparaître le trou sur sa joue gauche qui lui servait de fossette.


Alain se contenta de lui adresser un dernier regard chargé de haine avant de se détourner, préférant ignorer ses taquineries.

La foule s'était dispersée, et chaque villageois retourna vers ses occupations. Tullys était un village bien occupé. Ses habitants étaient des travailleurs, et puisque l'éducation était quasi-absente en ces lieux, les parents mettaient leurs enfants au travail à un très jeune âge. Quant aux chômeurs, ils étaient vus d'un très mauvais œil, et on les fuyait comme la peste.

Quand la route fut dégagée, le jeune brun aperçut une silhouette élancée aux cheveux dorés s'éloigner de la placette du village. Le sourire ne quittant pas ses lèvres, Gareth s'excusa auprès d'Al pour se ruer vers son cher ami d'enfance. Il croisa quelques visages familiers qu'il salua, mais ces derniers se contentaient de fuir son regard ou de simplement l'ignorer.

- Hé, Dan ! appela Gareth.


Le dénommé Danfort semblait hésiter quelque peu avant de finalement se retourner, plantant ses grands yeux bleus dans ceux de Gareth sans cacher son expression exaspérée.

- Je rêve ou tu m'évite ? plaisanta Gareth en lui serrant la main d'une poignée chaleureuse.

- Tu sais mieux que personne que je suis loin d'apprécier nos échanges quand tes deux autres compagnons sont présents, répondit Dan avec sérieux, la mâchoire crispée.

Gareth rit face aux paroles du jeune blond:

- Tu devrais te détendre un peu, tu es bien trop sérieux pour ton âge, le conseilla-t-il. On dit que les personnes tendues comme toi meurent très jeunes.


Le jeune brun commençait à prendre l'habitude de voir son ami de cette humeur. Depuis qu'il avait commencé à fréquenter ces deux individus, le comportement de Dan vis à vis de lui avait changé. Il se faisait de plus en plus rare, tout le temps plongé dans ses bouquins et ne manquait pas d'occasion pour l'éviter.

Le jeune blond était une personne très réservée, polie et cultivée. Il ne semblait guère appartenir à un village tel que Tullys. Un village où la culture des terres et la vente de bétail étaient presque les seules activités présentes. Quant aux deux autres, ils étaient tout simplement tout le contraire de Danfort, très mal vus par les villageois, nullement dignes de confiance et des bons à rien.

Quand Gareth avait commencé à traîner avec eux, son meilleur ami le mit en garde contre leur mauvaise influence, mais tête de mule qu'il était, il n'en avait considéré aucun mot. Il se faisait de l'argent, bien plus que ce que la ferme de son frère leur rapportait, et cela lui allait.

Voyant la froideur avec laquelle l'accueillit son ami, il essaya de changer de sujet:

- Je vois que tu étais présent durant la partie ! s'exclama-t-il joyeusement. La jument est dorénavant mienne, on pourra très bientôt aller visiter le fameux marché de Föhra si tu veux.


Le marché de Föhra était bien plus grand que celui de Tullys. Beaucoup plus de commerces avec beaucoup plus de choix et de variétés de marchandises, leurs richesses et la qualité de ces dernières étaient sûrement dues à l'emplacement stratégique dont profitait la ville. Elle se trouvait justement à mi-chemin entre Ürain, la capitale de l'Andarisia, et Darmas, une puissance économique reconnue dans le pays tout entier et en dehors.

- Je pense surtout que tu ne mérites absolument pas la possession de cet animal. Tu sais très bien que je n'ai jamais été pour ce genre de jeux ... Et non, je n'ai pas assisté à ton jeu, j'était juste de passage.

- Tu aurais dû voir mon dernier jet ! s'enthousiasma le jeune brun, ignorant la petite morale qu'il venait de recevoir. C'était juste spectaculaire !


Danfort se contenta de hausser les épaules. Les conversations stériles n'étant pas son passe temps favoris. Se retournant pour reprendre sa marche, il adressa à Gareth une dernière question :

- Je me dirige vers la librairie. Un désordre fou y règne et je dois absolument m'en occuper aujourd'hui, commença-t-il. ça te dirait de venir m'aider ?


Gareth hésita un court instant, cette librairie tombait en ruine, rare étaient les personnes qui s'y rendaient et il ne lui trouvait aucune utilité à Tullys, mais Danfort était son meilleur ami et il ne lui avait jusqu'à présent jamais tourné le dos. Il réfléchit aux quelques mots qu'ils allaient prononcer.

- C'est bien payé ? demanda-t-il d'une voix presque inaudible.


Il y avait une certaine honte qui faisait vibrer sa voix et qui empourprait légèrement ses joues. Dan ne manqua pas de remarquer cela, et connaissant parfaitement son ami, il savait exactement à quoi cela était dû.

- C'était plus un service que je te demandais, dit-il en le dévisageant. Mais tu peux être payé si c'est ce que tu souhaites.

- Tu sais très bien que je n'oserais jamais profiter de toi, Dan ! s'exclama Gareth hâtivement, c'est juste que j'ai désespérément besoin d'argent ces temps-ci ...


Le jeune blond se contenta de hocher la tête en silence. Une tierce voix vint interrompre leur petit échange. Au loin, Gareth aperçut Al et Pitt, les deux compagnons dont faisait référence Danfort quelques minutes plus tôt , qui l'invitaient à les rejoindre d'un geste large du bras.

- Désolé je dois les rejoindre, poursuivit-il. Je passerais t'aider un peu plus tard dans la journée.

- Évite de t'attirer des ennuis, répondit Dan sèchement. Ces deux-là ne ramènent jamais rien de bon.


Les deux amis se quittèrent sur ces mots. La grande place du village s'était un peu vidé. Le soleil indiquait le début d'après-midi et sa chaleur avait déjà fait fuir la moitié de la population qui déambulait dans tous les sens quelques minutes plus tôt. Il aurait aimé faire comme eux, rentrer chez lui et profiter de l'ombre et d'un quelconque rafraîchissement, mais hélas il n'était plus le bienvenu chez lui.

- Ne me dit pas que tu supporte toujours ce gars ! s'écria Pitt, faussement choqué.


Sorti de ses profondes - et douloureuses- pensées, Gareth le fixa d'un regard à moitié distrait avant de revenir complètement à lui :

- Qu'est ce qui se passe ? demanda-t-il avec sérieux.

- Je vous arrive avec le meilleur coup qu'on ait jamais eu jusqu'à maintenant ! déclara Pitt, une lueur d'excitation embrasant ses yeux sombres.

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