ℭ𝔦𝔫𝔮𝔲𝔦𝔢𝔪𝔢 𝔡𝔢𝔲𝔵
L'institut est sombre, à peine éclairé d'une faible ampoule au fond.
Les machines, ateliers et sac de frappe sont vides, l'odeur de renfermé a disparu de la circulation et la silence se fait presque entièrement lorsque la porte grince. Je n'avais jamais remarqué que l'huile lui est nécessaire et que niveau discrétion, on repassera. Pourtant, à part une grimace et une plainte dans ma tête, je ne rebrousse pas chemin.
Je suis venu déposé les clés. De mon plein gré.
Emmitouflé dans un manteau noir, une écharpe grise aussi monotone que ma faim en ce moment, et dans un gros sweat-shirt non plus clair, je suis frigorifié. La neige a fait place au verglas et la fraicheur à la froideur. J'ai les doigts si congelés que je ne suis pas certain de réellement fermer la main pour raviver la vie dans mes poches. Et même si la température est idéal ici, je tremble encore.
L'ambiance et le silence me cloue le bec. Je n'ai pas vu l'institut si désert depuis les dernières fêtes, et encore il y avait eu au moins deux téméraires qui voulaient se fatiguer avant de se bourrer le nez ! Là, je ne suis pas certain qu'il y ai vraiment un signe de vie autre que la personne ayant postulé pour le poste de nettoyeur. Monsieur Lee avait été si heureux d'avoir trouvé quelqu'un !
Je ne perds pas de temps à découvrir la tête de la courageuse personne et file directement dans le bureau éteint. La patron doit être en plein dans les factures puisque que les courriers s'entassent sur tous les meubles disponibles. Jean non plus ne raffole pas de l'administratif qu'il doit faire, il râle à chaque début de cours et presque à toutes les fins. Ce n'est pas ma tasse de thé non plus. Moins j'en vois, mieux je me porte !
Je cache le trousseau au fond du dernier tiroir, sous une tonne de feuilles volantes et claque le tout avant de voir ce qui ne me regarde pas. Et si j'ai décidé de filer vite-fait bien fait avant de croiser l'employé, j'ai à peine eu le temps de fermer la porte du bureau avant d'être repéré. La lumière au-dessus de ma tête s'éclaire et je tourne la tête vers le personne, espérant avoir l'air le moins coupable et étrange qu'il soit.
«– Tu entres sans t'annoncer ?»
Mon visage tombe, et mon cœur aussi. Le nettoyeur a dû terminé plus tôt que vingt-et-une heures aujourd'hui, ce qui me laisse le bonheur de croiser un Heeseung mouillé et pratiquement dénudé. Je suis ravi. J'ai le temps de rapidement voir un jogging noir placé à sa taille et une serviette blanche autour de son cou avant de détourner le regard vers le mur, la main toujours sur la poignée.
«– Je ne savais pas que tu étais là, je me précipite.»
Le sang dans mon visage brûle chaque parcelle rougissante et j'inspire longuement. J'aurai pu m'attendre à tout sauf à ça et je n'aurais pas imaginé le voir ainsi après une longue journée éreintante et déprimante.
«– La porte est ouverte, me fait-il remarquer.»
Vous ne me prendrez pas à penser aux détails que son corps d'athlète laissait voir à travers ses tee-shirts maintenant qu'il n'en porte pas.
«– Je pensais que c'était le nouveau nettoyeur.
– Tu aurais préféré ?, demande-t-il du tac au tac, l'aigreur dans sa voix.»
Oui, non, oui, non, peut-être oui. Ou pas. Je n'en sais rien ! Je suis si absorbé par le fait de rattraper mon niveau et mon retard pour l'audition que tout aspect autre de ma vie m'est sorti de la tête. Alors croiser Heeseung ne m'a pas effleuré une maigre fois depuis la semaine dernière.
«– Tu devrais t'habiller, j'esquive en me reculant de la porte.»
Fuir, fuir, fuir avant les problèmes !
Je lâche la poignée avant de trouver la sortie un peu plus loin, me détournant déjà pour la rejoindre. J'ai espoir qu'en passant le seuil, je serais sauvé d'une situation plus qu'embarrassante. Un pas, deux pas et je finis bloqué entre le mur et un bras plus imposant que ma cuisse — et elle n'est pas en reste ! J'écarquille les yeux pour ne pas me faire surprendre par un clignement, et mon souffle s'est coupé en attendant un choc. Heureusement pour moi, je suis encore intact !
Je passerai sous silence cette même cadence que mon cœur prend chaque fois que le noiraud est dans les parages, un peu trop proche.
«– Pourquoi ? Tu n'aimes pas ce que tu vois ?»
Je suis possédé par une tomate, s'il me touche j'explose et me liquéfie contre le mur.
«– De te voir à poil ?, je demande grâce à je-ne-sais quelle capacité.»
Serait-ce le pseudo agacement qui me fait tourner la tête vers lui ? De le voir sourire en coin de manière si malicieusement que je regrette ma question ?
«– Je peux tout enlever si tu veux.
– Pervers, je siffle en lui bousculant les épaules.»
Je n'ai beau l'avoir touché qu'une infime dizaine de secondes, la décharge nous a quand même touché et électrisé de la tête aux pieds. Je grimace en le toisant, mauvais. Heeseung ne se plaint pas de l'avoir ressenti, en revanche il soupire comme si cela était de ma faute et que je ne peux m'en prendre qu'à moi de l'avoir déclenché. Et en plus, il brille d'une faible aura argenté que je préfère ignorer.
«– Il va falloir te débarrasser de ça.
– Pourquoi faire ?, je grogne en réajustant ma veste. Ce truc te garde à distance, je ne vais pas m'en séparer.»
Il me regarde d'une telle manière que j'ai l'impression qu'il lit en moi, qu'il décèle la part de mensonge qui passe mes lèvres. C'en est troublant.
«– Puis qu'est-ce que c'est, d'abord ?, je grommelle en croisant les bras.»
Heeseung, comme si cela ne le concernait pas directement, secoue ses cheveux un instant avant de les envoyer balader à l'arrière de son crâne, une main sur la hanche et l'autre à faire rouler son trapèze. Et j'ai suivi chacun de ses mouvements, c'est terrible.
«– C'est ton mec qui l'a...
– Change de discours, tu l'as déjà dis ça, je le coupe avec ennui.»
Allez savoir, Heeseung sourit et mon cœur ralentit comme s'il connaissait déjà la réponse. Sauf que le noiraud plisse les yeux et demande :
«– Pourquoi tu ne lui demandes pas directement ?
– Tu es là, non ? Et tu as l'air de savoir ce qui se passe, alors crache le morceau.
– Je ne vois pas l'intérêt de te le dire.
– Ce truc n'arrive qu'avec toi et tu as trouvé, je suppose, l'endroit du machin.»
Il enroule sa serviette autour de sa nuque avant d'essorer ses cheveux — au fond j'aurai aimé qu'il ne le fasse pas. Une grosse goutte s'échappe sur sa gorge avant de tomber sur le creux d'une de ses clavicules, une deuxième rejoint son torse taillée de marbre que, je parie, rendrait les athlètes grecs fort jaloux. Et elle tombe lentement, découvrant un fin chemin sur sa peau parfaite et lisse, mâte comme s'il avait l'habitude de s'entrainer au sol lorsque l'hiver est en hibernation.
Et je le mate. Je m'en rends compte lorsqu'elle la première bosse de son abdomen et je relève immédiatement les yeux vers les siens, qui n'ont rien loupé j'en suis certain. Et je reconnais cette étincelle dans son regard, la même que Jay avait à Chicago, celle qui soumet mon cœur.
«– Alors ?, perce ma voix dans le silence qui a trop duré.»
Je recule à chaque pas qu'il fait dans ma direction, et je suis rapidement bloqué par le traitre de mur dans mon dos auquel il repose tranquillement ses mains de part et d'autre de ma tête, se penchant subtilement pour que nos regards soient à hauteur et que son souffle caresse mes lèvres brûlantes.
J'aurais dû détaler lorsque l'opportunité s'est faite.
«– C'est une précieuse information, que me donnes-tu en échange ?, me demande-t-il en alternant entre ma bouche et mes yeux.
– Quoi ? Du chantage ? Tu n'as rien trouvé de mieux ?, je ricane, nerveux.»
Sauf qu'il ne répond pas, pliant légèrement ses bras pour s'approcher un poil plus. Je refuse de me recroqueviller devant ce tordu et relève le menton en ne quittant pas ses yeux, d'un ambré si intense, si vif qu'ils paraissent de nouveaux briller.
«– Qu'est-ce que tu veux ?
– Un baiser.»
Pris au dépourvu, je cligne une dizaine de fois des paupières et manque cruellement d'air. Il est si proche que je peux sentir son odeur de fraise sauvage venir caresser mes joues, mon arc de cupidon, mes narines qui me semblaient mortes précédemment. Si je ne me sentais pas si fébrile, je jurerais que nos nez se touchent, que nos fronts se cherchent et que j'avais froid plus que de raison.
«– Quoi ?, je murmure presque dans un couinement.
– Juste un, et tu auras ton explication.»
Est-ce que je veux réellement l'explication plus que savoir comment il embrasse ? Je ne suis plus certain...
«– Tu oublies qu'on ne peut pas se toucher, je déjoue en me redressant un peu.
– Tu n'as pas dit non.»
Il marque un point. À aucun moment je l'ai repoussé, je n'ai refusé. Heeseung sourit comme s'il savait qu'il allait gagné son chantage, et je me racle difficilement la gorge et détournant un temps soit peu mes yeux autre part que son visage magnifique.
«– J'aurais ma réponse ?
– Celle-ci oui, chuchote-t-il contre mon nez.
– Parce qu'il y a d'autre chose que je dois savoir ?, je rebondis en trouvant ses yeux.»
Heeseung n'attend pas un souffle de plus pour poser sa bouche contre la mienne, m'électrisant d'une violence inouïe, me coupant le souffle et le flux de pensées en panique qui alimentait mon cerveau juste avant. Je suis en train d'embrasser le sectaire canon. Et au lieu de détester ça, j'en viens à savourer l'échange en fermant les yeux. L'électricité qui nous sépare constamment semble s'évaporer à mesure que ses lèvres douces et chaudes se meuvent sur les miennes, découvrant ce que jamais personne n'avait exploré auparavant. Et j'avais dis oui.
Oui pour qu'il prenne mon premier baiser.
Et je referais la même erreur encore et encore si je devais revenir dans le passé. Juste pour connaitre cette sensation sublime qui anime l'ensemble de ma peau se couvrant de frissons et l'échange délicieux qu'il semble faire avec moi. Il prend ma première fois et m'offre l'extase. Il m'enivre d'une telle puissance que je doute même jusqu'à l'existence de ma vie avant ses lèvres, que respirer l'air soit suffisant à ma survie — si seulement cela avait été vrai — et que ma vie ait un meilleur sens.
C'est si nouveau, si bon et grisant qu'en se séparant pour reprendre notre respiration, j'en viens à en redemander. J'attrape sa serviette, toujours autour de son cou, pour reprendre les termes de notre deal et ajouter un nouveau baiser que je plaque sur mes lèvres tremblantes. Heeseung décolle ses mains du mur pour venir attraper mon visage et ma taille au creux de ses paumes, comme si la barrière qu'avait, d'après lui, mis en place Jay n'était plu à cet instant. Il vient placer son corps contre le mien comme s'ils étaient fait pour s'accorder, et je prends l'entièreté de ce qu'on m'offre comme si j'avais manqué de quelque chose toute ma vie et que soudain on me l'offrait en abondance. Je me hisse sur la plante de mes pieds pour approfondir l'échange, pour frôler son nez un peu plus, pour sentir son souffle court et saccadé sur ma peau, pour que ses doigts capturent plus ma joue et mes côtes dans l'espoir qu'il ne me lâche pas.
Et j'ai fui ça ?
Nous finissons par nous décoller à contre-cœur, essoufflé comme après une routine de sport intense et nos yeux se croisent. Les siens brillent comme le soleil d'été et mangent les miens comme avide de ne pas s'en séparer.
«– Oh m*rde, je murmure en réalisant que peut-être je ne suis pas fou.»
J'approche inconsciemment ma main de son visage, de ses mirettes plus éclatantes que n'importe quel feu ardent. Elle est si proche de sa peau que je peux pratiquement sentir sa chaleur attirer mes doigts comme un aimant. Si proche...
Le froid m'assaille d'une telle force que je me cogne contre le mur lorsque Heeseung m'est arraché de force et éloigné d'une dizaine de pas. C'est un homme, vu la carrure, à la jolie tignasse blonde qui l'étrangle d'une seule main et lui hurle dessus :
«– Qu'est-ce que tu crois faire ?!»
Si loin...
La voix je la connais, c'est Jay qui vient de débouler une vendredi soir dans l'institut de monsieur Lee pour une raison qui m'échappe. Il est à bout de souffle, la tension de ses épaules est telle que je ressens sa colère comme une gifle monumentale. Heeseung, coincé dans sa poigne, tente de se libérer et de retrouver pieds sur le sol brut en béton. Il esquisse un sourire peu impressionné avant de dire :
«– Je savais que tu viendrais.
– Comment oses-tu poser tes sales pattes sur lui ?, grogne-t-il en raffermissant sa prise.»
Mon intuition me hurle que s'il ne lâche pas dans la minute, il va le tuer. Je me rue sur eux pour saisir le bras de Jay, tirant sur son poignet pour libérer Heeseung, qui ne semble pas apeuré le moins du monde.
«– Jay !
– Je croyais t'avoir dit de ne plus l'approcher, continue le blondinet dont la mâchoire peu craquer à tout moment.
– C'est lui... qui est venu, articule-t-il maintenant plus difficilement.»
Les yeux noirs du médecin lance des éclairs que je crains devenir réels.
«– Je pensais avoir été clair.
– Jay, lâche-le !
– Il... a dit oui.»
La couleur quitte le visage du noiraud. Jay va devenir un meurtrier s'il continue de resserrer ses doigts. Sans prendre la peine de réfléchir, j'envoie mon poing dans son ventre, espérant lui couper la respiration et la force de ses doigts le temps de l'éloigner de Heeseung. Sauf que ma main se heurte à la dureté de son corps et ne l'ébranle pas une seconde. Et moi, j'ai une main fort douloureuse et une onde de choc ayant parcourut l'ensemble de mon bras. Je hurle en me reculant, massant inutilement ma main. Je sais que j'ai une force de mouche, que comparé à un homme soulevant régulièrement les corps pour les passer d'une brancard à une table d'opérations, je ne fais pas le poids. Mais tout de même.
Mon cri atteint enfin les oreilles de Jay et il desserre sa prise en me regardant, comme s'il me voyait enfin dans la pièce. Il finit par lâcher Heeseung, qui se rattrape au ring juste derrière, pour se précipiter vers moi, soudain affolé et paniqué.
«– Tu me touches je te tue, je le menace alors que ses mains sont pratiquement sur mes épaules.
– Jungwon...
– Dehors !»
Il se redresse, me suppliant presque du regard de ne pas l'envoyer bouler de la sorte, et je lui désigne de mon doigt valide la porte de sortie en le trucidant sur place.
«– La tête dans la neige, tout de suite !, je lui ordonne.»
Jay tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de faire demi-tour, non sans menacer Heeseung silencieusement. Il s'arrête sur le seuil pour se tourner une nouvelle fois vers moi, s'attendant à ce que je lui emboite le pas.
«– J'ai dis dehors !»
Il frappe la porte pour l'ouvrir et dévale les escaliers en grognant comme un ogre mécontent. Et moi, je ne sens pas plus ma main que précédemment mais la tension pesante à suivi le colérique en bas du bâtiment, me permettant de respirer plus convenablement. Je récupère avec humeur ma veste près du mur, je ne l'ai pas senti tombé de mes épaules, et l'enroule sur mon avant-bras valide en inspirant longuement.
Un, Jay a ruiné le moment merveilleux que j'ai apparement attendu depuis toujours. Deux, on est pas passé loin d'un meurtre. Trois, finalement c'est moi qui vais tuer Jay en l'étouffant dans la neige, ça lui apprendra à s'en prendre aux autres pour aucune raison !
Je tourne la tête vers Heeseung, toujours maladroitement maintenue par le ring derrière lui, pour siffler un :
«– Tu me dois deux informations.
– Maintenant ?, crachotte-t-il en massant sa gorge.»
La vue m'étant insupportable, je me détourne et bouscule la porte de l'épaule pour descendre l'escalier partir frapper Jay.
[PAS RELU]
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