Je cours, je cours seule dans une forêt sombre. Je fuis, je fuis un danger imminent. Je ne sais pas qui est cette menace, mais je sais qu'il faut que je cours, il ne faut pas qu'elle m'attrape. Je la sens, je la sens se rapprocher, lentement, très lentement mais surement, très surement. Quand je suis épuisée, je regarde mes mains. Une sorte d'épaisse fumée noire en sort. D'un coup, je me retourne. Elle est là, la menace est là. Une énorme masse noire est dans mon dos, c'est elle, c'est la menace. Elle se rapproche et commence à m'engloutir, je hurle, je tremble, je suis terrifiée, soudain, elle ...

- Emelyne, Emelyne, réveille-toi !

Je me réveille en sursaut. Cette nuit encore, je n'ai pas pu dormir en paix, ce cauchemar est revenu. Je remercie Diafi de m'avoir tirée de mon songe et regarde autour de moi. Il fait encore nuit, les lunes sont hautes dans le ciel. A côté, Louis est profondément endormi et ronfle comme un dragon enrhumé, en revanche, Lune, elle n'est pas là. Je me frotte les yeux, me relève difficilement et part à sa recherche. Je n'ai pas besoin de marcher très longtemps dans le bois pour la trouver. Elle est debout sur un rocher en train de regarder les lunes. Je me rapproche d'elle doucement et lui demande :

- Que fais-tu ici ? Nous devons absolument nous reposer.

Elle se tourne vers moi lentement, ses yeux d'habitude gris extrêmement clairs sont maintenant presque noir. Elle me regarde comme si j'étais une étrangère. Après m'avoir vu, elle regarde de nouveau les astres nocturnes.

- C'est pour bientôt, les lunes sont alignées, recouvertes d'un voile noir, les rêves deviendront bientôt cauchemars puis réalités, à moins que tout soit remis dans l'ordre et que le voile qui cache la vérité soit levé.

Quand elle finit de murmurer le dernier mot, Lune me regarde de nouveau, ses yeux ont retrouvé leur couleur habituelle, j'arrive à voir une petite larme briller au coin de ses yeux. Elle s'empresse de l'essuyer puis me dit :

- Que fais-tu là, tu n'es pas censée être en train de dormir ?

- Non, je me suis réveillée à cause du cauchemar. Comme tu n'étais plus là, je suis partie à ta recherche.

- Je suis désolée de t'avoir inquiétée. Dit-elle en baissant les yeux, C'est toujours le même cauchemar ?

Je hoche la tête, ce cauchemar, je le fais depuis nous avons quitté les autres, c'est-à-dire il y a environ une semaine. A chaque fois, il attend tapis dans un recoin de ma tête que je m'endorme pour venir m'assaillir. Il vole mon espoir et mon énergie. Je suis exténuée, et je sens qu'à n'importe quel moment je peux perdre le contrôle. Je lève la tête et regarde à mon tour les lunes. Elles qui sont d'habitudes si grises, si majestueuses si belles, sont maintenant recouvertes d'un étrange voile noir.

- Que fais-tu ici ? et pourquoi tes yeux étaient noirs tout à l'heure et que voulais-tu dire ? lui demandé-je

- Mais de quoi tu parles ? Je n'ai rien dit. Ça fait environ une demi-heure que je suis là à regarder les lunes, mais je n'ai absolument rien dit de bizarre, tu es sûre que tu vas bien ?

Je la regarde bizarrement, et avant que je ne puisse dire quelque chose Lune annonce :

- On devrait rentrer au camps, Louis va se réveiller, se serait dommage qu'il s'inquiète.

- Tu as raison, cependant, j'aimerais rester un peu seule, si cela ne te dérange pas.

- Bien sûr, je préviendrais Louis.

J'observe Lune s'éloigner dans la forêt, puis, quand je suis sure qu'elle est partie, je m'assois sur le rocher et commence à réfléchir. Qu'a bien pu vouloir dire Lune et que lui est-il arrivé ? Pourquoi est-ce que je fais toujours le même cauchemar ? Comment arrêter les créatures de l'ombre ? Je regarde les lunes, puis mes mains. Elles sont couvertes d'un voile noir, elles aussi. Je commence à paniquer, je vois une étrange créature sombre se matérialiser. De nouveau, je jette un coup d'œil à mes mains, cependant, maintenant, ce sont des gants noirs qui se matérialisent grâce au voile. Je tremble de peur, tout ressemble à mon cauchemar. Soudain, un long sifflement se fait entendre. Je ferme les yeux et me bouche les oreilles. J'arrive malgré tout à entendre ce sifflement qui résonne dans ma tête. Il est strident et désagréable. Quand je ne l'entends plus, j'ouvre doucement mes yeux et me débouche prudemment les oreilles. Rien, il n'y a plus rien ! Les gants et l'étrange créature ont disparu. Quand le choc et la surprise sont passés, je me souviens, il s'est passé la même chose quand j'ai blessé Louis.

- C'est donc là que tu te cachais.

Je sursaute, néanmoins, je me retourne et souri. Je sais à qui appartient cette voix, c'est celle de Louis. Il s'assoit à côté de moi et commence à parler :

- Déjà petite, tu ne parlais pas beaucoup, je pouvais tout te confier, tu ne révélais jamais ce que je te disais. Quand tu avais un problème, tu le cachais, tu souriais et faisais semblant que tout allait bien. Alors moi, j'acceptais se sourire de façade que tu arborais, je te faisais croire que je ne voyais pas que tu allais mal. Et au bout de quelques jours, soit tu retrouvais ton vrai sourire, soit tu te déchainais. Personne n'a jamais fait la différence entre ton vrai sourire et ce sourire que tu arbores aujourd'hui. Alors s'il te plait, dit moi ce qui ne vas pas.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, tout va bien. mentis-je

Il essaye alors de m'attraper les épaules pour que je me tourne vers lui, pour que je le regarde dans les yeux, cependant, quand il pose une main sur moi, Diafi apparait et le repousse à plusieurs mètres. Avant qu'elle ne puisse lui faire du mal, je l'appelle, elle arrive directement, je la caresse et lui murmure que tout va bien. Je sais qu'elle n'est pas dupe, mais elle semble satisfaite de ma réponse alors, elle disparait à nouveau. Louis est déjà en train de se relever, il se rassied à côté de moi et continue :

- J'avais oublié qu'elle te protégeait. En tout cas, c'est la preuve que tu ne vas pas bien. Si tu allais bien, elle ne serait pas apparue.

- Ou alors que je voulais juste me débarrasser de toi.

- Non, sinon tu ne l'aurais pas arrêtée.

- Tu as raison, je n'aurais pas dû l'arrêter. Rechigné-je

- Si tu le dis, en tout cas, je suis venu te dire qu'aujourd'hui, encore, tu ne veux pas partager. Mais sache que maintenant tu n'es plus seule, tu peux partager, on est là pour te soutenir. Je ne sais pas ce que tu as dans ta tête ni pourquoi tu gardes tout pour toi, mais maintenant tu n'auras plus à affronter le monde seule.

- Je t'assure que je ne vous cache rien, je vais parfaitement bien. murmuré-je

- Bien sûr, c'est pour ça que tu ne nous as toujours pas révélé comment vaincre les créatures de l'ombre.

- Je, tu as gagné, je te dirai comment vaincre les créatures de l'ombre quand Lune sera là. Rentrons au camp.

- Pas besoin d'attendre ! s'écrit-elle en apparaissant juste derrière Louis

- Tu as écouté notre conversation ? lui demandé-je

- Non, enfin presque pas, juste le début, le milieu et la fin.

- Oui, en gros tu nous as écouté. Récapitule Louis

- Ce n'est pas le problème du moment, pour l'instant concentrons-nous sur la révélation qu'Emelyne voulait nous dire. dit Lune en essayant de détourner la conversation

- Tu as raison, cependant on reparlera de cet incident plus tard.

Je prends trois grandes inspirations pour me donner du courage et leur explique :

- La créature divine ne m'a pas réellement expliqué comment les vaincre mais m'a expliqué le chemin. Néanmoins je ne le comprends pas.

- Et quel est-il ?

- Voilà mot pour mot ce qu'elle a dit : Retourne là où toute à commencer, où la magie a disparu, tu retrouveras ton origine. Suis ton passé, il te montrera le chemin et tu découvriras ce que tout le monde a oublié.

- Tu as raison, ce n'est pas très clair. Tu ne peux pas lui demander une traduction à ta créature ? Genre, les explications des créatures pour les nuls ! s'exclame Lune

- Pourquoi es-tu si énervée aujourd'hui Lune ? lui demandé-je

- Je ne vois pas de quoi tu parles, je suis totalement sereine et calme !

- Je crois que j'ai déjà déchiffré une partie. Murmure Louis

- Et ?

- Et quoi ?

- Tu veux bien nous dire ce que tu as trouvé ! S'énerve Lune que je trouve particulièrement irritable aujourd'hui

- Bien sûr, je pense que là où la magie a disparu est la cité sacrée, quand il y a eu l'incendie une grande partie de la magie a disparu.

- Mais bien sûr ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt, nous y serions déjà. me désolé-je

- Ne t'inquiète pas, le principal pour le moment est que nous savons...

- Bon, on peut y aller maintenant ou on va encore rester planté là ? demande Lune

Elle commence vraiment à m'agacer, je ne sais pas ce qu'elle a mais je suis sure qu'il y a un problème.

- Nous arrivons Lune, ne t'inquiète pas, mais avant de partir il faut ranger nos affaires.

Louis m'aide à me relever et nous partons dans le bois. Lune est loin devant et semble pressée. Entre Louis et moi, un silence de mort règne entre nous. Heureusement, notre campement ne se trouve pas très loin, c'est en silence que nous rangeons nos affaires et effaçons nos traces. C'est alors que Lune prend la parole :

- En fait Louis, je sais pourquoi Emelyne pouvait et peut toujours garder ce que tu lui confies.

- Ah oui et c'est pourquoi ?

- Parce qu'elle ne t'écoute pas ! annonce fièrement Lune qui explose de rire quelques secondes plus tard

Quant à moi, j'esquisse un sourire, elle n'a pas totalement faux, je n'écoute pas toujours ce qu'il dit. Louis semble d'abord vexé, puis, à son tour, il explose de rire. Le malaise et ce silence qui nous entouraient quelques instants plus tôt, ont disparu et notre bonne humeur est revenue. Lune prend alors son air sérieux et demande :

- Plus sérieusement est-ce que quelqu'un sait où se trouve la cité sacrée ? Je sais que vous avez grandi là-bas, mais seriez-vous y retourner ?

- Oui ne t'inquiète pas, c'est comme inscrit dans nos gènes, nous ne savons pas précisément où elle se trouve mais elle nous attire. répond Louis

- Alors mettons nous en route, il fait encore nuit, c'est parfait pour voyager sans se faire repérer.

Je me transforme en dragon et Louis en griffon, Lune monte sur son dos et nous nous envolons dans le ciel. Le ciel est dépourvu d'étoiles ce soir, l'atmosphère est étouffant et nous ne voyons pas très bien, les lunes ne nous éclairent pas. Je les regarde, elles sont comme toute à l'heure, entourées par ce voile. Je repense à ce qui s'est passé, la créature sombre, qui est-elle ? Est-ce une nouvelle partie de mon pouvoir ? J'appelle par télépathie Diafi.

- Diafi ?

- Oui Emelyne, que puis-je faire pour toi ?

- As-tu vu l'étrange créature qui se matérialisée devant moi ?

- Non. Je t'ai réveillée de cet abominable cauchemar, puis je me suis rendormie. Quelques instants plus tard, je suis réveillée par un bruit strident. Pourquoi, il s'est passé quelque chose ?

- Non, je dois être fatiguée, mon imagination me joue des tours. Peux-tu m'en dire plus sur mon pouvoir ?

- Bien sûr, répond-elle tout excitée, comme je te l'ai dit la première fois tu manipules et utilises le pouvoir des créatures divines.

- Pourquoi en suis-je capable ?

- Pour que tu comprennes, il faut que je reprenne le jour de ta ponte, cependant, je ne puis tant parler, il faut attendre que Tinùviel me donne son accord. Je suis désolée.

- Tinùviel, tu veux dire le dieu ? le fondateur de ma lignée ?

- Exactement !

- Quel rôle joue-t-il ? Je croyais qu'il était retourné au royaume des cieux.

- C'est exact, néanmoins il est revenu sur Orryl le jour de la ponte de ton œuf.

- Que s'est-il passé ?

- Pour diverses raisons Emelyne, je ne puis t'en révéler plus. Je suis sincèrement désolée.

- Ne t'inquiète pas, ce n'est pas grave. la rassuré-je déçue

Je coupe notre communication. Quand je reviens à la réalité, Lune regarde les lunes, elle semble préoccupée. Soudain je l'entends murmurer :

- Tic-Tac, Tic-Tac, le compte à rebours a commencé, le temps est compté.

Louis me questionne :

- Qu'est ce qui lui arrive ?

- Je ne sais pas, elle a fait exactement la même chose tout à l'heure. De quel un compte à rebours parle-t-elle ?

- Je ne sais pas moi, c'est toi qui étais avec elle tout à l'heure.

- Qui était avec qui ? demande Lune

- Tu vas bien ? Qu'est ce qui viens de t'arriver ? lui demandé-je précipitamment

- Je ne comprends pas Emelyne, bien sûr que je vais bien, qu'est ce qui t'arrive aujourd'hui, c'est la deuxième fois que tu me le demandes.

Louis m'interroge du regard, il ne comprend pas ce qui se passe.

- Oui Lune, je vais bien.

- Les amies, je suis désolé d'intervenir mais je crois que nous sommes arrivés. Annonce Louis

- Déjà ?! s'étonne Lune

- Oui, je crois qu'inconsciemment Emelyne connaissait la réponse, nous nous sommes dirigés instinctivement dans sa direction.