Chapitre 22

Quand les rayons du soleil caressent ma peau, je tombe sur le sol et m'endors presque aussitôt. Les événements dans l'horrible montagne m'ont épuisée. Quand je me réveille, il fait nuit et j'ai faim. Je n'ai malheureusement pas pensé à prendre à manger, mon regard alterne entre le petit coin de tranquillité que j'ai trouvé et le bois des cauchemars. Malgré les plaintes de la petite voix qui me supplie de rester, les lamentations de mon estomac prennent le dessus. Néanmoins, je pense quand même a replacé u de mes cheveux sur le caillou vivitant. Ils sont tous présent. Seul celui de Lune a grandi, ce qui signifie qu'elle est déjà dans la forêt. La vérification terminée, je m'engouffre dans l'angoissant bois en quête de nourriture.

Comme dans la montagne des erreurs, il n'y a pas de chemin tout tracé, les ronces essayent de m'empêcher d'avancer, les rochers m'obligent à faire des détours... En marchant, j'essaye d'imaginer sur quels cauchemars je vais tomber, sur laquelle de mes peurs. Curieusement, je n'arrive pas à y répondre. Je lève la tête pour voir le ciel, le soleil pour déterminer l'heure, mais les arbres sont trop grands, trop touffus et ne semblent pas du même avis que moi. Je continue donc de marcher pendant longtemps, très longtemps à la recherche de nourriture. Heureusement, au bout d'un temps infini, je trouve un petit ruisseau rempli de poissons. Je m'approche, en attrape un, me transforme en dragon et le fais cuire. En attendant qu'il soit prêt, je me retransforme en humaine et m'approche du ruisseau. J'enlève mon bandage, l'étend sur mes genoux. Il est couvert de sang. Je trempe mes mains dans l'eau et les ramène au visage. L'eau me brûle le visage, mais petit à petit, je sens ma blessure se résorber. Quand elle est complètement guérie, je retourne vers le saumon et commence à le manger. Lorsque je l'ai terminé, je reprends ma marche. Les arbres défilent et s'enchainent, c'est dans ce paysage monotone et répétitif que je les remarque. Au début, ce ne sont que de simples silhouettes au loin. Mais, au fur et à mesure que je m'approche, elles se précisent. Ce sont mes amis, Lune, Louis et Atalia ! Alors que je cours à leur rencontre, ils se retournent et se mettent à me fuir. Au bout de plusieurs mètres, ils s'arrêtent, et, quand je suis juste à côté, ils repartent. Ce petit jeu continue pendant encore plusieurs kilomètres. Alors que je les rejoins pour la énième fois et que les filles sont déjà loin, Louis me regarde avec dégout et m'annonce :

- Je préfère mourir plutôt que de rester avec un monstre comme toi.

Ces mots me touchent en plein cœur. Je m'effondre sur le sol, la dernière fois qu'ils m'avaient autant blessée, c'était avant de rentrer dans la montagne des erreurs. La seule différence entre maintenant et la dernière fois, c'est que la dernière fois Louis était encore choquée par le désert. Aujourd'hui, je ne sais pas s'il le pense réellement. Je sais maintenant quelle peur le bois va exploiter. Celle de me retrouver de nouveau seule, sans amis. J'ai beau savoir que Louis, Lune et Atalia qui me fuient font partis du cauchemar, je n'arrive pas à me résoudre, à enlever les paroles de Louis. Selon Wizard, les cauchemars sont toujours fondés sur une petite vérité. Et, qu'au fond de nous, nous la connaissons mais ne l'admettons pas. Avant, je n'avais connu que la solitude et, ça ne me dérangeait pas, alors, pourquoi maintenant si ? Je le sais, maintenant que j'ai connu la joie de ne plus être seule, je refuse de retrouver cette solitude, je ne le supporterai pas.

Je sais qu'il faut que je les regarde partir, que je leurs sourisse, que je leurs souhaite bonne chance pour le futur. Mais je n'y arrive pas, je garde les yeux baissés, laisse Louis et les autres m'insulter, m'appeler par tous les noms et partir. C'est plus facile de les laisser s'ils me détestent, s'ils m'insultent que de les regarder partir. Pourtant, au bout d'un moment, c'est moi qui les abandonne. Je cours et les fuis le plus possible. Je préfère abandonner qu'être abandonnée. Pendant cette course effrénée, je regarde droit devant, mon regard est voilé de remords. Alors que je profite de ce moment de répit, mes amis apparaissent de nouveau devant moi. Ils me refont le même ! Pourquoi ?

Cependant, le bois me contredit presque aussitôt. Cette fois, au lieu de me fuir, ils s'écroulent. J'accélère le pas jusqu'à eux, sont-ils blessés ? Quand je suis juste à côté, je comprends. Ils sont en train de mourir. J'inspecte leurs blessures. Elles sont profondes et empestent la magie. Cette magie m'est familière, est-ce l'une de mes connaissances ? Je cherche la cachette de l'attaquant que je trouve facilement grâce à la magie. Je me précipite en direction d'un buisson. Je peux accepter d'abandonner mes amis, qu'ils m'insultent, mais en aucun cas, je peux permettre que quelqu'un les attaque et les tue. Ne connaissant pas mon adversaire, je parcours les derniers mètres prudemment. Alors que je m'apprête à utiliser une bulle d'eau pour emprisonner mon ennemi, un mot me vient à l'esprit, Rokku. Sans le vouloir, je le prononce à voix haute, et alors, que je n'ai mis aucune émotion une cage de verre se matérialise, enfermant ainsi l'agresseur. Je pousse les feuillages et tombe à genoux en le voyant. C'est moi ! Je me retrouve alors exactement à la même place que toute à l'heure, je vois mes amis s'effondrer. Cette fois, je ne prends pas le temps d'aller voir mes amis, je me précipite directement vers le buisson en utilisant cet étrangement terme. Mais rien à faire, la scène se répète encore et encore.

La tristesse et le sentiment d'impuissance gagne tout mon corps. C'est à ce moment que les paroles de Madame Marion me revienne. Si vous vous retrouvez dans ce bois, que vous êtes bloqué, effrayé, il faut juste l'admettre. Je relève donc ma tête et mes bras en l'air, comme pour leurs dire qu'ils ont gagné, puis, je hurle :

- Et alors, j'ai peur de les perdre, de les blesser. Et alors, personne n'est parfait !! J'ai le droit de faire des erreurs, de tomber et de faire du mal quand j'ai peur. Vous croyez m'impressionner ? Je n'ai pas à avoir peur, parce qu'importe ce que je peux faire, je pourrai le surmonter, oublier et apprendre.

Comme pour me faire savoir qu'ils m'ont entendue, les cauchemars disparaissent et un chemin se trace juste devant moi. Je souris et suis ce sentier. Au début, je marche tranquillement, puis, je me mets à trottiner et à courir pour rejoindre les plus vite possible la maison du vieux chercheur. Cependant, le chemin est interminable, je n'en vois pas le bout. Mes paupières deviennent lourdes et je pousse plusieurs bâillements, heureusement, j'aperçois une petite clairière. Je m'y réfugie, m'allonge sur le tapis de mousse et m'endors presque aussitôt.

Quelqu'un me secoue doucement, comme pour me réveiller. Mais, ayant encore sommeil, je me retourne pour faire comprendre à l'individu de me laisser dormir. Néanmoins, il ne se laisse pas démonter, puisque cette fois, c'est à coups de pied qu'ils décident de me secouer. Louis ne semble pas avoir compris la leçon ! J'ouvre mes yeux, me redresse brusquement, et alors que j'allais lui réexpliquer comment réveiller une fille d'une manière beaucoup moins civilisée que la dernière fois, je remarque que la clairière est vide. Je me lève et inspecte mon refuge. Il n'y aucune trace laissant penser qu'il y ait eu une autre personne. Je sors, m'étire et laisse les premiers rayons du soleil me caresser. Le bois semble bien plus sympathique et accueillant que la veille. Alors que je me promène à la recherche de nourriture, je m'arrête nette. Cette lame de couteau est de nouveau sous ma gorge.

- Que me voulez-vous, par Kroünos, dites-moi au moins qui vous êtes ! dis-je énervée

- Je te laisse beaucoup de temps pour comprendre. Tu retrouves pourtant tes souvenirs, comment est-ce possible que tu ne te souviennes de rien ?

- Je n'en ai aucune idée moi. Qui êtes-vous ?

- J'ai pourtant passé une grande partie de ton enfance avec toi.

- Vous n'êtes Anaël.

- Comment peux-tu le savoir ? rétorque-t-il

- Je le sais, c'est tout.

- Tu as raison, ne me parle pas de lui et surtout ne me compare jamais à cet idiot, ce menteur, cet usurpateur.

- Pourquoi l'appelez-vous ainsi ? questionné-je intriguée

- Tu n'es pas censé retrouver ta mémoire ? Tu es peut-être en train de me mentir. Dit-il en appuyant un peu sur la lame

- Je ne vous mens pas, je vous le jure. Articulé-je

- ...

- Donc que me voulez-vous ?

- Je n'arrive pas à te comprendre. Tu veux sauver un monde qui te déteste, où tu es seule. Vraiment là, je ne te comprends pas.

- Je ne suis pas seule, j'ai des amis, Lune, Atalia et Louis.

- Es-tu sure ? Est-ce qu'ils te l'ont dit ?

- Donc que me voulez-vous ? Pourquoi me faites-vous souffrir ? demandé-je en repensant à ses paroles, il commence à me faire douter de mes amis

- Va voir le vieux chercheur et tu comprendras.

- Comment puis-je vous faire confiance ?

- Tu ne le peux pas, mais saches que presque tout ce que tu vas entendre ne sera qu'un tissu de mensonges. Il ne veut pas que tu retrouves la mémoire.

- Qui est « il » ?

- Tu le connais pourtant.

- Qui me dit que ce n'est pas vous qui me racontez des mensonges, qui essayez de m'embrouiller l'esprit ? rétorqué-je

- Rien, mais tu ne peux faire confiance à personne, tu ne sais même pas qui tu es en réalité.

- Le savez-vous ?

- Bien sûr, qui ne le sais pas ! s'exclame-t-il comme si cela était une évidence

- Alors dites-le moi.

- Tu me fais vraiment pitié d'avoir tout oublié, va voir le vieux chercheur, il t'expliquera tout.

- Je n'en peux plus d'être menacé, d'être blessée et de découvrir tous les jours un bout de mon passé, alors que tout le monde semble savoir à part moi !! hurlé-je

Je retrouve rapidement mon calme quand la lame de son couteau disparait. Ce qu'il vient de dire me tourne dans la tête. Il a tout de même raison, pourquoi est-ce que je veux sauver ce monde dans lequel je ne suis pas acceptée ? Sont-ils vraiment mes amis ? Soudain les images de Lune souriante, d'Atalia un peu gênée, de Louis qui m'aide et esquisse un simple sourire en ma direction, notre alliance contre lui lors de la bataille du réveille revient à moi. Je ne suis pas seule, et, même s'ils ne me l'ont pas dit, j'en suis sûre. Nous sommes amis. Je me relève et pars, il est temps que je me souvienne.

Je sors le caillou, le cheveu de Louis a grandi mais il en manque un. Je me frotte les yeux pour être certaine d'avoir bien vu. Il y a celui de Louis, de Lune et le mien. Il manque celui d'Atalia ! Je jette violemment le caillou contre un arbre. Comment est-ce possible ? Atalia semblait pourtant si forte.

Malgré la tristesse que je ressens, aucune larme ne coule. La colère, l'impuissance et la culpabilité remplacent rapidement la tristesse et envahissent tout mon être. La petite voix se met à chantonner pour essayer de me calmer, mais rien, je ne veux pas l'écouter, je ne peux pas les arrêter, je ne veux pas les arrêter. Elle semble alors abandonner, et, elle me prête, encore une fois, un peu de sa puissance. Des images s'imposent à mon esprit, et quelques secondes plus tard, deux étranges créatures se matérialisent devant moi. C'est l'étrange tigre des rêves au pelage de feu et l'étrange spectre noir qui est apparu lors du combat contre Atalia. Mes yeux deviennent bleu vif. Le sol s'embrase et un trou noir apparait. Je reste immobile dans ce brasier où il devient difficile de respirer. Tout ce qui a été épargné est aspiré par le trou noir.

Le feu se rapproche dangereusement de moi et me lèche les bras. Je n'y prête pas attention. Je ne supporte pas l'idée qu'Atalia nous ait quittés. C'est une intemporelle, elle aurait pu, dû remonter le temps pour s'en sortir, pourquoi n'a-t-elle rien fait ? Pourquoi elle ? Pourquoi est-elle morte ? Ma culpabilité et ma colère augmentent, au même moment, la puissance du feu et du trou noir augmente. Mon coude commence à être sérieusement endommagé. Au loin, je perçois des hurlements, mais je n'en ai rien faire, cela n'a plus d'importance, plus rien n'a d'importance. Que ce monde meurt ! Qu'il reste dans cette haine et que les créatures de l'ombre le détruisent, je n'en ai que faire ! J'ai perdu.

L'étrange présence qui apparait lors de mes pertes de contrôles, choisit ce moment pour se montrer. Elle est dans mon dos et se rapproche. Elle me prend dans ses bras, se met à chantonner une berceuse pour me détendre, me calmer. Mais je ne veux pas me calmer, non, pas cette fois ! Cette fois, je veux perdre le contrôle, je veux que tout le monde souffre ! Je me débats de toutes mes forces pour me dégager de son étreinte, le frappe, lui écrase les pieds. Le tigre le mord plusieurs fois, mais rien. Il me serre un peu plus fort contre lui et continue de chantonner pour couvrir mes cris. Mes cris de rage, de désespoir. Mes jambes n'arrivent plus à me soutenir, je tombe à terre. Alors, cette personne fait une chose inattendue, il me sert un peu plus fort et me chuchote :

- Elle est partie maintenant. Ne la retiens pas ici.

Cette fois, je n'en peux plus. Je crie encore plus fort et pour la première fois de ma vie, je pleure. Je sens des larmes couler le long de mes joues. Elle est partie et je n'ai rien pu faire pour elle. Un flot de larme me submerge et je n'arrive pas à les retenir. L'inconnu se place alors devant moi, me prend dans ses bras comme Wizard le faisait, me caresse la tête et chuchote :

- Là, tout va bien se passer. Pleure, crie s'il le faut, mais ne garde pas tout Emelyne. Je suis là maintenant, tu ne seras plus jamais seule.

Quand les larmes cessent enfin de couler, je me dégage de son étreinte. Le feu et le trou noir ont disparu. Au début, je n'ose pas regarder l'inconnu qui s'éloigne de moi. Quand je trouve enfin le courage, je lève la tête et découvre mon sauveur.

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