Chapitre 17

Dehors le soleil brille, au cœur de la forêt, je découvre émerveillée les maisons en hauteur les ponts en bois qui les relient et les escaliers sculptés dans le tronc des arbres. En bas, des enfants s'amusent, rentrent de l'école, les petits commerces sont ouverts... Je regarde autour de moi, émerveillée. Alexandre rigole, alors, je lui demande la raison, il me répond :

- Tu regardes le monde comme un enfant qui n'a rien vu, un nouveau-né. Ce n'est pas le sujet, dépêchons-nous si nous ne voulons pas être en retard.

Nous descendons de l'arbre par l'escalier, traversons cour et nous nous arrêtons devant un immense arbre. C'est un chêne, et, vu sa hauteur, il doit avoir plusieurs millénaires.

- C'est l'arbre vénérable.

- L'arbre quoi ?

- L'arbre vénérable. Notre tribu est dirigée par un grand chef, celui-ci est choisi par les étoiles et les lunes durant la nuit des étoiles. Durant toute sa vie, il va former dix disciples. Quand il sent la fin approcher, il va en choisir cinq et finir leur formation. Quand le grand chef meurt, les cinq disciples restants se présentent devant l'arbre vénérable, et, le disciple éclairé par les lunes et qui arrive à toucher le tronc devient le grand chef. Il est aidé par des conseillers, qui eux sont élus. M'explique Alexandre

- Je ne comprends pas, pourquoi celui qui arrive à toucher le tronc, j'y arrive très bien. lui montré-je

- Aujourd'hui, oui, car le chef est en vie. Cet arbre, il est un peu particulier. Il a une aura et des pouvoirs. Tous les jours, le grand chef le calme et l'aide, c'est pourquoi tu peux la toucher. En revanche, quand le chef meurt, l'arbre est comme triste ou en colère, son tronc se met à briller. Seul le futur grand chef peut le calmer...

- En réalité, c'est l'arbre qui choisit le grand chef.

- Exactement !

- Que veux-tu dire par, il a des pouvoirs ?

- Il fait fuir les inconnus, je veux dire que toute personne qui n'a pas d'autorisation ne peut s'approcher de ce village. C'est pourquoi personne ne nous a jamais trouvé. Il fait aussi en sorte que nos terres soient fertiles. Je serais ravi de t'expliquer tout cela en détails, mais nous devons absolument y aller.

Il grimpe à une échelle, la seule de tout le village pour atteindre un palier. J'admire encore quelques secondes ce majestueux chêne avant de la rejoindre. Quand j'y arriva, Alexandre est en train de parler avec quelqu'un.

- Je suis en train de vous dire que le grand chef est en réunion, il ne doit pas être dérangé. dit le secrétaire

- Mais moi, je vous dis que j'ai le droit de le déranger.

- Et de quoi voulez-vous lui parler ?

- De la jeune fille que J'AI trouvée dans les bois.

- Mais bien sûr, toi, qui n'a pas encore reçu ton permis, je te crois. S'esclaffe le secrétaire

- Emelyne, viens par ici s'il te plait. m'ordonne Alexandre

J'obéis et me rapproche de lui, en me voyant le secrétaire me scrute longuement puis se tourne vers Alexandre et bougonne avant de partir :

- Je vais voir ce que je peux faire.

Alexandre se tourne vers moi et lève le pouce en l'air, quelques secondes plus tard le secrétaire revient et nous dit :

- Il vous attend dans le grand salon, veuillez me suivre s'il vous plait.

Il nous laisse entrer dans l'arbre, puis nous conduit dans le grand salon. Un homme d'une trentaine d'année est déjà assis sur l'un des canapés, il prend un thé. En le voyant le secrétaire et Alexandre s'inclinent, ne sachant que faire, je m'incline à mon tour.

- Relevez-vous, et venez-vous asseoir, tu peux disposer.

Nous le rejoignons et le secrétaire sort.

- Bonjour Emelyne, comment vas-tu ? J'espère qu'Alexandre s'est bien occupé de toi.

- Je vais parfaitement bien, Alexandre m'a très bien traitée, votre Excellence.

- Pas de formalité avec moi, appelle-moi juste grand chef. J'imagine que tu es venue pour savoir ce que j'ai trouvé durant la lecture de ton cœur, n'est-ce pas ?

- Exactement.

- Pour être honnête, pour lire un cœur en profondeur, c'est-à-dire pour connaitre ton passé, et d'autres choses que toi-même tu ignores, il faut que la personne soit réveillée. Quand elle est endormie nous ne pouvons faire qu'une lecture des informations superficielles et moyenne, mais pas en profondeur.

- Alors pourquoi nous avoir convoqué grand chef ? demande Alexandre

- Je vais lire son cœur et ...

- Désolée de vous interrompre mais pourquoi est-il nécessaire de lire mon cœur, je ne sais pas vraiment qui je suis, je ne supporte pas très bien l'idée que des inconnus me connaissent mieux que moi ! Je suis sincèrement désolée, grand chef. dis-je

- Ce n'est rien, je peux te comprendre. Néanmoins, je suis le grand chef et mon devoir est de protéger ma tribu. Et puis, au fond de toi, tu rêves de savoir qui es-tu réellement. Je me trompe ?

- Non, cependant ...dis-je en jetant un coup d'œil à Alexandre

- J'ai compris, viens, il y a une autre pièce à côté. Alexandre restera ici.

- Mais ...proteste Alexandre

- Il n'y a pas de mais, une jeune femme ne veut pas que tout le monde voit son cœur et c'est parfaitement normal. Si je ne me trompe pas tu passes le test demain, je vais appeler quelqu'un pour que tu t'entraines.

- Je suis désolé grand chef. dit Alexandre

- Ce n'est rien, suis-moi.

Le grand chef se lève et se dirige vers une porte. Je le suis et entre dans une autre pièce, tout aussi grande que la précédente. Elle lui ressemble traits pour traits.

- Assis toi sur le canapé et enlève tes lunettes de soleil.

J'écoute ces instructions puis il me dit :

- As-tu des questions ?

- Oui, est-ce que je vais le sentir ?

- Non, tu seras surement fatiguée après, mais rien de plus. Cependant je préfère te prévenir, de temps en temps, je n'arrive pas à accéder à certains cœurs.

- Je comprends, pouvez-vous commencer ?

- Oui bien sûr.

J'enlève mes lunettes de soleil et m'installe confortablement, le grand chef s'installe dans le fauteuil en face de moi et plonge son regard dans le mien, c'est alors que je sens comme un pincement au cœur. Je n'arrive pas à décrire cette sensation qui traverse mon corps. Je me sens de plus en plus fatiguée. En face de moi, le grand chef, lui aussi parait de plus en plus épuisé. Ses yeux sont vitreux, comme s'il était parti dans une autre dimension. Soudain la sensation qui parcourait mon corps disparait, les yeux du grand chef reprennent leur teinte verdâtre. Il halète, comme s'il venait de courir un marathon ! Je lui laisse quelques instants pour qu'il reprenne son souffle puis le questionne tout excitée :

- Alors qu'avez-vous trouvé sur moi et mon histoire ?

- Peux-tu aller dans l'autre pièce avec Alexandre, j'ai besoin d'u moment pour faire le point. Mais avant que tu ne te fasses trop d'espoir, saches que je n'ai pas pu accéder à tout ton cœur.

- Ah. dis-je déçue avant de partir

Je traine des pieds jusqu'à la porte, et, quand je la franchis Alexandre me saute dessus et me harcèle de question :

- Alors comment c'était ? comment tu te sens ? Il a vu quoi ? Tu veux me le dire ?

- Par Kroünos, laisse-moi le temps d'arriver ! il ne m'a encore rien dit, je dois le rejoindre quand il me le dira. Et toi, ton entrainement ? demandé-je énervée, bien plus que je l'aurais voulu

- C'est bon calme toi, je voulais juste savoir comment tu allais.

- Désolée Alexandre, c'est difficile pour moi en ce moment.

- Je le sais, je n'aurais pas dû te poser autant de question.

- On fait la paix ?

- Bien sûr. Répond-t-il en attrapant la main que je lui tends

- Alors, ton entrainement ?

- Super bien, mon cobaye et mon instructeur ont dit que je vais le réussir haut la main.

- Emelyne, tu peux revenir si tu veux. dit le grand chef en ouvrant la porte.

Je le rejoins, nous reprenons tous deux notre place d'il y a quelques minutes. Il est épuisé et il n'a pas l'air en forme, vraiment pas en forme.

- Comment allez-vous ? Êtes-vous sûr d'être en état ?

- Oui, j'ai des choses importantes à te dire. Premièrement, je n'ai pas pu accéder à tout ton passé, en revanche, j'ai pu voir tes peurs, tes pensées. Je ne peux malheureusement rien t'apprendre. Les sentiments négatifs qui sont logés dans ton cœur viennent effectivement de ton passé. Es-tu sure de vouloir le voir ?

- Oui, je ne peux pas reculer, j'ai besoin de savoir.

- Très bien, je ne suis pas sûr que tu te souviennes de cette partie de ton passé alors je vais devoir procéder autrement.

- Comment allez-vous procéder ?

- Tu vois la grande coupelle qu'il y a sur cette table. dit-il en la montrant

- Oui je la vois parfaitement.

- Les images que j'ai pu récupérer de ton passé vont se refléter dedans, si tu veux les retrouver définitivement, il faudra boire le contenu de cette coupelle.

- Qu'est-ce qu'il y a dedans ?

Il vaut mieux ne pas le savoir. Comme je le disais, il faut boire le contenu si tu veux retrouver à jamais tes souvenirs. Quand tu l'auras entièrement ingurgité, tu t'évanouiras et ils reviendront. Enfin, ceux que j'ai retrouvés. C'est ton choix, et personne ne t'en voudras si tu ne le fais pas. dit-il avant de partir, me laissant seule avec la coupelle de mes souvenirs.

Je me rapproche de la coupelle en tremblant, je la fixe longuement, j'hésite. Vais-je le faire ? Est-ce que je tiens vraiment à me souvenir ?

- Il le faut. Murmure la petite voix dans ma tête. Comment penses-tu arrêter les créatures de l'ombre sans ?

- Mais, est-ce vraiment nécessaire ?

Elle ne répond rien. Pour une fois que je voulais son avis ! Je me penche au-dessus de la coupelle et y vois mon reflet. Enfin, celui d'une jeune adolescente un peu perdue, on dirait qu'elle a besoin d'aide, d'un panneau, d'une carte pour rentrer chez elle. Cette adolescente c'est moi, et, je le sais pertinemment, j'ai besoin d'une carte, d'une boussole pour me guider. Cette coupelle est ma carte. Alors, ai-je réellement le choix dans ce monde qui a déjà tracé mon destin, mon avenir ? Non, je ne crois pas. Je la prends délicatement dans mes mains et la rapporte vers le canapé. Que vais-je trouver à l'intérieur ? Des réponses ? Oui mais à quoi ? Il a dit que la partie de mon passé qu'il a vu était sombre et ténébreuse alors que faire ? Quand je suis confortablement assise, je bois l'étrange liquide.

Je suis dans une clairière, la même que dans mes rêves. J'avance jusqu'au bout de celle-ci et émerge dans une ville. Je regarde autour de moi. Il fait nuit, ce sont les pleines lunes ce soir, la ville est silencieuse, exceptée sur la place où je peux apercevoir des silhouettes. Je m'approche doucement, me cache derrière un buisson, en essayant de faire le moins de bruit possible. Les silhouettes se précisent, c'est un groupe de personnes vêtu d'une cape noire autour d'une table, le plus étrange n'est pas ce groupe de gens vêtus de noir mais le bébé qu'il y a sur cette table. C'est une fille, elle porte une robe laissant son dos et ses épaules a découvert. Une jeune femme s'approche du bébé et lui chuchote quelque chose à l'oreille, elle lance alors une sorte de sortilège. D'un coup les lunes se cachent, le groupe de personnes parle tout bas, je n'arrive pas à les entendre puis ; plus rien. Je me rapproche de la table mais il ne reste plus rien à part une lettre, je l'attrape en tremblant et l'ouvre d'un seul coup : Chère Emelyne, si tu ouvres cette lettre c'est que tu es à la recherche de tes souvenirs. Je ne peux malheureusement pas t'aider pour le moment. Je veux te prévenir qu'une partie est lumineuse, rayonnante. L'autre, en revanche, est plongé dans la noirceur et les ténèbres. Je pense que tu ne verras ni l'une ni l'autre pour le moment. Aujourd'hui, tu vas découvrir le secret de de ta naissance. Il faut que tu affrontes ton passé seule. Bonne chance.

Je repose la lettre sur la table et regarde autour de moi. C'est désert, le groupe de personnes et la fille ont disparu, la place et la ville semble dépourvus de vie. Néanmoins, j'aperçois de la lumière à l'extérieur de la ville. Je cours vers cette lueur. Elle provient d'une petite maison. Je me rapproche le plus possible et me cache en dessous d'une des fenêtres ouvertes. Je peux percevoir les pleurs d'un bébé. Je jette un rapide coup d'œil, et j'aperçois le même groupe de personnes avec l'enfant, mais il y a un adolescent en plus dans la pièce. Il ne porte pas de cape et ne ressemble pas aux autres. Il est grand, mince, les cheveux bruns et les yeux gris. Comme il ne semble pas me voir, je continue de regarder la scène.

- Que voulez-vous ? Pourquoi me déranger ? dit l'adolescent

- Nous avons besoin de votre aide.

- Quel genre d'aide voulez-vous ? demande l'adolescent en souriant

- Cette enfant vois-tu, est un peu spéciale...

- Je le sais, je ressens sa magie et sa présence depuis longtemps, je commençais à penser que vous ne viendriez jamais. Donc que voulez-vous ?

- Cette enfant ne porte pas de tatouage et ...

- Et je n'ai pas que ça à faire, donc tu vas en venir à l'essentiel. Attends, que veux-tu dire par, elle n'a pas de tatouage ?

- Je dis qu'elle n'en a pas, c'est tout.

- Puis-je la voir ? demande-t-il étonné

Mais avant d'entendre la réponse, il attrape le bébé, qui se calme presque aussitôt. Il la regarde son dos et ses épaules.

- Mmm, intéressant. Restez là, je crois que j'ai quelque chose pour elle.

Il pose le bébé sur la table et pars dans une autre pièce. Alors que l'adolescent s'absente, les personnes qui ont amenées le bébé se mettent à chuchoter :

- Vous êtes sûr, que c'était une bonne idée de l'amener ici. Je veux dire chez cet adolescent, il est si puissant, il est même beaucoup trop puissant pour son âge.

- Nous n'avons pas le choix, et puis Louis l'apprécie beaucoup. Il lui est d'une grande aide pour s'entrainer. Répond une femme qui s'approche de l'enfant

- Oui, mais quand même, ce n'est qu'un adolescent, on ne devrait pas aller voir un adulte ? Les intemporels par exemple.

- Non ! il est spécialiste des tatouages et des capacités particulières, comme celle de Louis.

- Mais...

Les chuchotements s'arrêtent nets quand ils voient revenir l'adolescent les bras chargés. Il pose le matériel qu'il a récupéré sur la table. Je peux entrevoir un couteau, un bol et un livre assez volumineux.

- Que voulez-vous faire avec ce couteau !? demande une personne inquiète.

- Vous allez voir, passez-moi la fille.

Quand il a la fille entre ses mains, il prend le couteau et lui coupe la main droite, exactement au même endroit où je me suis coupée. Il laisse quelques gouttes de sang couler dans le bol, puis se coupe lui-même la main.

- Vous êtes totalement fou !! Couper une enfant, elle va garder une énorme cicatrice...

- Mais non, elle ne gardera rien. Il ne faut pas qu'elle se coupe par l'avenir c'est tout.

- Euh, c'est un bébé, ils ne font que ça, se faire mal. Réplique une jeune femme

- Bah, il faudra y faire attention. Je garderai un œil sur elle.

Il attrape des fils et des perles, fabrique un bracelet. Il plonge le bijou dans le bol. Les perles se mettent alors à aspirer le sang. Quand il ne reste plus rien dans le bol, il met le bracelet au poignet de l'enfant. La blessure se résorbe d'elle-même et il annonce :

- Voila ! Il n'y a plus rien.

- Et pour le tatouage ?

- Ce problème, en revanche, ne va pas se régler. Comme je le disais quelques minutes auparavant, je vais garder un œil sur elle. Que dites-vous qu'elle vienne à chaque vacances me voir ?

- Mais pourquoi, que signifie le fait qu'elle n'ait pas de tatouage ? insiste une femme

- Je n'en ai aucune idée, ce n'était pas prévu ainsi. Murmure-t-il tellement doucement que je suis sûre que personne n'a entendu.

Moi, par contre j'ai tout entendu et compris. Que veut-il dire par ce n'était pas prévu ? Y avait-il un plan ? si oui, quel est-il ? Qui est cette personne ?

Quand j'ouvre de nouveau mes yeux, je suis dans le salon. J'ai la tête qui tourne, je me relève et titube jusque dans l'autre pièce. Le grand chef et Alexandre sont assis sur les canapés, ils sont en train de s'entrainer. Quand ils me voient arriver, ils s'arrêtent immédiatement, et je dis au grand chef :

- Pourquoi est-ce que je ne vois pas tous les souvenirs que vous avez récupérés ?

- Ce n'est pas moi qui décide quels souvenirs tu vas voir...

- Alors qui décide ? m'énervée-je

- Je ne sais pas, mais je pense que cela signifie que tu n'es pas prête.

- Prête à quoi ?!

- A l'affronter, l'assumer.

- Quand le serais-je ?

- Nous ne le savons pas, ça ne dépend que de toi. M'explique calmement le chef

Il a raison, et m'énerver ne me servira à rien, il faut que je respire, que je me calme. Ce n'est pas le moment de perdre le contrôle, j'ai une quête à accomplir, des amis à retrouver. Le grand chef semble avoir lu dans mes pensées puisqu'il sourit et approuve par un hochement de tête avant de se lever.

- Si tu es sûre de ton choix, suis-moi.

Sans hésiter, je l'accompagne dans le labyrinthe de couloir suivi de près par Alexandre qui ne comprend pas. Rapidement, nous arrivons devant une porte avec des ronces dessus. Les ronces s'entourent autour du doigt du grand chef. Il se laisse piquer le doigt, quelques gouttes de sang tombent sur les branches. Quand les ronces sont rassasiées et ont confirmé l'identité du grand chef, la porte s'ouvre.

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