Chapitre 1
14 ans plus tard
Alors que j'ouvre péniblement mes yeux, je suis ébahie par l'endroit que je découvre. Je suis dans une immense pièce calme. Comment suis-je arrivée ici ? Cependant, le calme que j'apprécie, est rapidement brisé par deux hommes. Le premier, celui qui ouvre la marche, à un air menaçant, il est imposant. L'autre, en revanche, est un peu plus petit, semble peut sûr de lui. Il porte une blouse. Alors que l'homme qui ouvre la marche prend une chaise et s'installe en face de moi, le second reste en retrait. L'homme à l'air menaçant prend une grande inspiration avant de m'interroger :
- Comment t'appelles-tu ?
- ...
Je cherche, comment est-ce que je m'appelle ? Je ne sais pas. Quand je me rends à l'évidence, je deviens livide et panique, je ne connais pas mon prénom ! que m'arrive-t-il ? Ce n'est rien, il va me revenir, je dois juste réfléchir. Cependant, après d'instances minutes de réflexion, rien ne me vient, c'est un vide total dans ma mémoire.
- Je, je ne sais pas.
- Que faisais-tu près de l'étang ?
Encore une fois, je n'en ai aucune idée. Pourquoi est-ce que j'ai tout oublié ? Il se tourne vers l'homme à la blouse qui lève les bras au ciel. L'homme au visage sévère et indéchiffrable me scrute longuement. Il n'est qu'une masse qui respire l'autorité et la crainte. Je recule dans le lit, me tourne, m'emmitouffle dans la couette, mais rien, je ne sais pas où me mettre. Alors que je me redresse, je remarque que la couette est constellée de taches rougeâtres. Je sens alors comme un étau autour de ma tête. Il y a effectivement un tissu. En l'inspectant, je touche mes cheveux, ils sont étranges, comme s'il y avait quelque chose dessus, comme du sable, de la poussière. Mes doigts descendent jusqu'à mon cou... Qu'est-ce qu'il y a autour de mon cou ? C'est quoi ce collier ?
- Que symbolise ce collier ? me demande l'homme en blouse
- Je ne sais pas.
- Montre-moi ! m'ordonne l'autre
- Je n'arrive pas à le retirer... dis-je paniquée
Il se lève, se rapproche de moi. Instinctivement, je m'éloigne de lui, mais au bout de quelques instants, je le laisse essayer. Il tire, le tourne dans tous les sens, essaie encore et encore...sans succès. Le collier est toujours sur mon cou, en bonus, j'ai une marque rouge. L'homme en blouse nous observe, je peux lire dans son regard tout le respect qu'il a pour cet homme. C'est sans doute le chef. Les questions s'enchainent, toujours plus nombreuses, précises, et à nouveau, il recommence à me poser les mêmes. Je vais devenir folle. Pourquoi ? Parce que...
Je me réveille en sursaut. Je n'avais pas repensé à ce moment vieux de six ans depuis très longtemps. Je regarde autour de moi pour me rassurer. Je suis dans ma chambre, dans la maison du chef, de cet homme qui m'a recueilli. Je mets encore quelques secondes pour reprendre mes esprits, puis, je regarde mon calendrier. En voyant la date, je saute de mon lit. Nous sommes le 42 fébriel, aujourd'hui, dix personnes de mon clan, les anigis dragon, partent pour la prestigieuse académie de magie d'Aîta. Dans toutes les tribus, seules quarante personnes peuvent y aller. Dans la tribu des anigis, il y a quatre clans, nous nous partageons donc les places. Pour choisir qui ira étudier, mon clan effectue différents tests. Ils varient d'une année sur l'autre ainsi que les épreuves, mais, il y a toujours des questions théoriques, d'histoire, de biologie, d'astronomie... Mais aussi des tests physiques. J'ai d'ailleurs encore un très mauvais souvenir de celui-ci et du stage de survie pendant une semaine. A chaque épreuve, nous gagnons un certain nombre de point, et à la fin, les dix premiers peuvent aller à Aîta, et, cette année, je fais partie des heureux élus ! Je reste un instant bloqué sur un souvenir de mon stage de survie, c'est la voix du chef qui me ramène à la réalité :
- Emelyne dépêche si tu ne veux pas être en retard ! hurle-t-il à travers toute la maison
- J'arrive ! lui réponds-je
Je saute de mon lit, mets une tenue confortable et inspecte pour la millième fois mon sac : ordinateur, j'ai. Cahiers, j'ai. Stylos, j'ai. Livres, j'ai. Nourritures, j'ai. Heureuse de voir que je n'ai rien oublié, je le referme et quitte cette chambre avec regret. En même temps que je descends les marches, je me remémore tout ce qui s'est passé c'est 6 dernières années. Je me suis réveillée dans une chambre sans aucun souvenir. Depuis, l'homme qui m'e terrifiait est devenu mon père adoptif, il m'a protégée, aidée, appris et aimée. Je lui dois beaucoup.
Quand j'arrive sur la place centrale de notre village éclairée par de nombreuses torches, Wizard, le chef du clan nous répète pour la millième fois les règles de bien séance pendant le voyage, en cours et avec les autres. J'opine à tout ce qu'il dit sans vraiment écouter. Quand il a enfin fini, je me dirige vers lui et l'embrasse.
- Au revoir.
- A bientôt ma fille, soit prudente.
- Toi aussi.
Je lui fais un dernier câlin avant de rejoindre le reste de mon groupe. Ils sont déjà tous là et ils forment un arc de cercle autour de Tine, notre accompagnateur. Il est de taille moyenne, a les cheveux roux courts et ses yeux sont rouge rubis. Je ne le connais pas très bien, cependant, dans mes souvenirs, je crois qu'il manipule le feu.
- Très bien, maintenant qu'Emelyne nous a fait l'honneur de nous rejoindre, nous allons pouvoir partir. Bougonne-t-il
Les autres rigolent à sa remarque, je n'y prête pas attention, j'y suis habituée maintenant. Les anigis sont une tribu très fermée, ils acceptent difficilement les étrangers. Alors, une anigis sans parent, abandonnée près d'un étang sans souvenir, évidemment que je n'ai pas été très bien accueillie.
Comme les autres sont déjà loin dans le ciel, je me transforme à mon tour en une dragonne aux cailles bleu saphir clair. Je m'envole difficilement, bas maladroitement des ailes. Mais, quand je suis stabilisée et que j'ai rejoint les autres, je profite de ce ciel étoilé. Même si je l'observe tous les soirs, je ne pourrais me lasser de ce spectacle. Je le trouve même de plus en plus beau chaque jour. Les reflets violets qui virent vers le rose puis le bleu et pour finir en bleu roi. Les étoiles, sont comme des taches de peinture sur une toile. Ce spectacle semble irréel. Une légère brise me tire de ce tableau. La brise se transforme en un vent puissant, qui, pour une fois souffle dans le bon sens. Il m'aide à voler plus facilement et me soutient durant mon effort. Après plus de trois heures de vol sans s'arrêter, j'aperçois enfin les premières lueurs des lunes. Sur mes ailes bleues, je sens la rosée du milieu de la nuit me redonner vie. Je ne sais pas si ce sont les plaintes intempestives d'Enoha ou le gargouillement de son ventre, mais Tine décide de faire enfin une pause. Nous descendons prudemment et touchons enfin la terre ferme. Cependant, cela ne veut pas dire que nous devons nous reposer, non, nous sommes sur le territoire des elfes, il faut être vigilent. Nous surveillons et inspectons pendant de longues minutes les environs avant de souffler. Je tombe de fatigue et me retransforme en Orrylienne.
- Très bien les jeunes, nous partons dans une heure et ne ferons plus de pause jusqu'à l'académie, alors, veillez à manger et dormir.
Il commence à partir, puis, il se retourne avec un doigt en l'air, comme s'il avait oublié quelque chose et nous dit :
- Ah oui, j'oublié, vous ne tuez et n'attaquez personne. Suis-je clair ?
- ...
- Je ne le répèterai pas deux fois, alors, suis-je clair ?
La menace dans sa voix nous oblige à répondre par l'affirmatif. Content, heureux d'avoir réussi, il part chasser. Les autres le suivent, me laissant seule dans cette jungle. Mourant de faim, je me lève et pars à la recherche d'une étendue d'eau. Malgré la faim qui me tiraille l'estomac, je reste prudente, je n'ai pas du tout envie de tomber nez à nez avec un elfe. Je n'ai pas besoin de marcher très longtemps pour trouver un petit ruisseau. Je m'approche et observe. Au fond, je vois de magnifiques coquillages ou encore des crevettes de ruisseau. Mais ce ne sont ni les crevettes, ni les coquillages qui me font saliver, c'est le banc de saumon qui nage en direction du large. Ils doivent être une dizaine, tous bien dodus. Tout excitée et affamée, j'en saisis un et retourne directement vers le point de rendez-vous. Je m'assois quand même et je mange mon saumon. Après avoir fini, j'ai bien envie de dormir, cependant, je n'y arrive pas, surement parce que nous sommes en territoire inconnu et hostile, celui des elfes. J'attends une demi-heure dans un état de somnolence avant que le reste du groupe arrive, les bras chargés de victuailles. Le temps qu'ils dégustent leur festin, j'en profite pour vraiment dormir. Cependant, je suis rapidement réveillée par quelqu'un qui me secoue. J'ouvre les yeux, c'est Mattéo.
- Allez Emelyne, debout, il faut y aller.
- J'arrive. Rechigné-je
Je me lève, rejoins le groupe et nous repartons en direction du ciel. Le chemin promet d'être encore très long, alors, pour passer le temps, j'observe les étoiles, le paysage et les lunes. Ce soir, c'est la pleine lune, c'est-à-dire que les trois astres nocturnes sont parfaitement alignés. C'est un phénomène étrange, puisque le ciel devient noir comme les ténèbres, ce qui les fait ressortir et toutes les étoiles sont cachées par la lumière qu'elles produisent.
Au bout de quelques heures notre groupe bifurque à droite puis à gauche. C'est là que mes narines détectent un parfum inattendu, une odeur de fruits exotiques. D'où vient cette délicieuse senteur qui nous entoure ? Plus je me rapproche, plus l'odeur est forte, mais elle n'est pas écœurante comme on pourrait le penser. Je sais ! c'est un parfum de noix de coco qui chatouille mes narines. C'est bon ! Toutes ces fragrances proviennent du champ en dessous de nous, sur Orryl encore plongée dans l'obscurité.
Enoha, l'anigis juste devant moi, perd de l'altitude pour se rapprocher dangereusement des fruits. Tine se précipite vers elle et l'oblige à rejoindre le groupe. Elle résiste quelques instants, mais, devant le regard empli de magie de Tine, elle remonte en faisant la moue. J'entends quelques-uns de mes camarades rigoler, elle les fusille du regard, immédiatement, ils se taisent. Pour ma part, je reste silencieuse pour ne pas m'attirer ses foudres. Je n'éprouve aucun ressentiment envers cette fille, cependant, on ne peut pas dire que ce soit ma meilleure amie. C'est une dragonne qui déborde en permanence d'énergie, qui est serviable et aide ses parents pour gagner de l'argent... Mais, elle est aussi arrogante, fière à cause d'une étrange cicatrice en forme de larme sous son œil gauche causé par un tigre des rêves, aime colporter des rumeurs, désobéir et elle est courageuse. Elle était très populaire dans notre école, en même temps, elle est très belle. Elle doit avoir environ 15 ans, a de longs et soyeux cheveux blonds et de magnifiques yeux marrons. Je suis peut-être un peu jalouse d'elle, cependant, s'il y a bien une chose que je ne lui envie pas, c'est son pouvoir. En effet, elle a un pouvoir, euh, comment dire ? Voilà, elle a un pouvoir peu utile dans la vie de tous les jours. Elle possède le don des fruits exotiques, c'est à dire qu'elle peut faire pousser des fruits exotiques un peu partout et d'autres choses. Je sais, moi aussi je ne trouve pas ça super génial d'avoir le pouvoir des fruits exotiques, mais lors des expéditions cela doit être très pratique. Quand Tine est revenu à notre hauteur, il émet un signal qui signifie qu'au loin, nous pouvons apercevoir l'académie. Je relève donc la tête, et effectivement, je la vois mais, malheureusement, elle est encore bien loin.
Alors que mes ailes me font atrocement souffrir et que je prends, depuis plusieurs heures déjà, mon mal en patience, les lunes commencent enfin à se coucher laissant le soleil pointer le bout de son nez. Les lueurs de l'aube me lèchent mes écailles de saphir et nous entamons la descente. Nous descendons de plus en plus vite, au point que je peux sentir les feuilles des palmiers effleurer mes ailes. Brusquement, je dois éviter Enoha qui vient de se prendre une noix de coco sur la tête ! Nous explosons tous de rire, avec son pouvoir, elle aurait pu s'en douter. Cependant devant l'air outré de Tine, le silence revient bien vite. Il en profite donc pour faire la morale à tout le monde, en particulier à Enoha.
D'habitude, nous nous promenons un peu sous notre forme de dragon pour pouvoir nous défendre ou nous enfuir, mais, pas cette fois. Non, cette fois, nous nous retransformons immédiatement sous forme humaine. Je suis adolescente de 14 ans, avec les cheveux bruns longs. Peu importe sous quelle forme je suis, mes yeux sont bleus d'encre. De plus, contrairement aux autres Orryliens, je ne possède pas de tatouage.
Placé sur le dos ou les épaules, ce tatouage inné diffère en fonction du moment où nous sommes nés. Par exemple, si nous naissons durant une nuit à deux lunes, nous avons un tatouage qui représente deux lunes dans le dos. En revanche, si nous naissons durant la journée, nous avons un soleil. Wizard m'a toujours dit de ne jamais révéler que je n'ai pas de tatouage, il m'a donc mis un faux tatouage avec trois lunes dans le dos. Après nous être transformés en humain, nous étirons nos jambes et enfilons nos uniformes scolaires.
Les uniformes sont bleus marine. Ils sont composés d'une chemise, d'un veston bleu, une jupe bleue marine pour les filles, d'un pantalon bleu marine pour les garçons, les chaussures sont noires, elles font habillées toutefois elles sont très pratiques pour courir en cas de danger. Sur le veston bleu il y a une étiquette qui indique notre nom, notre tribu et notre clan.
Sur le chemin vers le lieu de rendez-vous, les autres tribus nous observent de façon inhabituelle. Il faut dire aussi que nous sommes les seuls en rang et silencieux. Même Enoha se tient correctement pour une fois. Pourtant, malgré notre apparence très calme, nous sommes tous très excités. Ce n'est pas la première fois que nous voyons d'autres tribus, mais, presque. Nous ne les voyons que lors d'un tournoi annuel inter-tribus. Ce tournoi ne dure que deux jours, alors, nous n'avons pas le temps de faire connaissance. En revanche, entre anigis, nous nous voyons régulièrement, pour des célébrations, des rituels de passage, de confirmation ou, juste pour se voir, nous n'avons pas forcément besoin d'excuse.
Après une longue marche, nous arrivons finalement au point de rendez-vous. Nous nous installons au pied d'un vieux chêne remplis de glands, à l'ombre et loin de tout le monde. Malgré, le nombre impressionnant d'élèves dans cette agora, un silence pesant règne, la tension dans l'air est palpable. En effet, il y a peu de temps, plusieurs enlèvements ont eu lieu dans chaque tribu. Le problème est que des indices ont été laissés et que chaque indice accuse la tribu voisine. Depuis toutes les tribus sont sur le qui-vive. Malgré ces enlèvements, l'académie ouvre ces portes dans l'espoir de calmer les tribus.
Au premier rang, près d'une fontaine, il y a des aquae, la plupart sont en train de se rafraichir, je peux les comprendre, elles ne sont pas habituées à sortir de l'eau. Au deuxième rang, il y a des feufolets qui s'amusent avec des flammes. Au troisième, des elfes, et pour finir au quatrième il y a nous, les anigis. Je vois plusieurs personnes de mon clan se rapprocher du reste de notre tribu pour discuter.
Le lieu de rendez-vous ressemble à une ancienne agora et en son centre, une imposante estrade est installée. Il n'y a pas vraiment de siège, ce sont plutôt sur des bancs en pierre sur lesquels nous nous asseyons. Alors que les dernières personnes arrivent, je suis prise par de violentes nausées. Tine, qui me regarde, me fait un signe de tête pour m'autoriser à me lever pour aller dans la jungle. Arriver dans la jungle, mes nausées se font plus fortes, des images arrivent dans mon esprit, du feu, du sang, des créatures noires. Par réflexe, je m'approche du petit ruisseau et attrape ma gourde vide pour la remplir d'eau. Je la remplis, pourtant avant de pouvoir boire la moindre goutte d'eau ma nausée disparait. Par précaution je bois goulument l'eau de ma gourde avant de la replonger dans le ruisseau. A Orryl, l'eau ne contient pas d'impureté, nous pouvons donc la boire sans problème. Quand je reviens enfin, Tine me dévisage, et une pointe de soulagement peut se lire dans son regard. Je ne sais pas combien de temps je me suis promenée, mais je suis sûre que je ne suis pas partie assez longtemps pour que l'on puisse s'inquiéter. Wizard doit surement lui avoir soufflé deux ou trois mots pour qu'il me surveille de près. Je retourne rapidement à ma place, en faisant mine de ne pas avoir remarqué. Au lieu d'attendre encore plus de dix minutes à ne rien faire, je continue mon observation.
Maintenant que tout le monde est là, un détaille me saute aux yeux. Il doit y avoir environ deux fois plus de garçons que de filles. Certains clans préfèrent valoriser le physique à la magie et d'autres la magie au physique. Les élèves venant de ces clans vont rapidement le regretter s'ils n'ont pas révisé la théorie. En effet, ils vont vite s'apercevoir que dans cette académie, elle est primordiale et que chaque mois, il y a un test, si les élèves n'ont pas la moyenne, ils sont renvoyés. Il arrive qu'il n'y en ait aucun, mais, de temps en temps, il peut y en avoir une dizaine. Les élèves renvoyés doivent retourner dans leur famille, et gardent à vie sur leur dossier scolaire qu'ils ont été renvoyés de la prestigieuse académie de magie.
Je commence à entendre l'impatience des élèves du deuxième rang, qui commencent à se chamailler entre eux. Je sais que les feufolets ne sont pas connus pour leur patience et leur diplomatie, mais, au point de se battre en public, je ne m'y attendais pas du tout. Leur accompagnateur les sermonne et ils se taisent immédiatement, mais, je peux voir dans leurs yeux qu'ils vont recommencer dans quelques secondes. Soudain, une brise fraiche se lève.
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