II.
Le corps tendu au possible et acculé contre l'un des meubles de cuisine que possède son ridicule studio, Izuku n'ose faire aucun geste. La créature se tient devant lui, complètement nue, en position défensive avec un ciseau dans la main, qu'il a trouvé il ne sait où dans la pièce, prêt à s'en servir à la moindre occasion où il se sentirait menacé.
- Tou-tout va bien, essaye de le rassurer Izuku d'une voix qui se veut la plus douce possible. Vous...vous êtes en sécurité ici.
Les secondes défilent dans un silence angoissant. Il a arrêté de respirer et fixe le torse devant lui qui se soulève doucement au fil de la respiration de la créature. Il sent son regard le détailler, le transpercer et, s'il n'avait pas été habillé, il aurait sans doute rougit de gêne.
Le saladier de riz toujours entre les mains, ses doigts se crispent alors dessus quand l'homme se penche vers lui et se met à le renifler, son nez frôlant la peau délicate de son cou parsemé de taches de rousseur. Mais qu'est-ce qu'il fait ?! Les battements de son cœur accélèrent soudainement, tant par la peur qu'il ressent à l'instant présent d'être ainsi exposé, mais aussi par le frisson qui dévale sa colonne vertébrale qui n'a rien à voir avec la peur. C'est pas le moment d'éprouver ce genre de sensation Izuku !
- J-je sais pas si vous com-comprenez ce que je dis mais...j'ai re-recousu votre plaie, continue-t-il de bégayer, le regard fixé au loin sur le mur délavé de son appartement, complètement tétanisé alors que la créature continue son inspection.
Arrêtant ce qu'elle était en train de faire, elle se recule légèrement - son corps néanmoins toujours presque collé à lui - puis baisse la tête, jetant un œil à son flanc gauche. Izuku écarquille les yeux, surpris.
- Vou-vous avez compris ce que j'ai dit ! s'exclame-t-il.
Peut-être un peu fort, car l'homme relève brusquement la tête et le regarde, les sourcils froncés. Izuku sursaute et se pince les lèvres, détournant le regard, embarrassé, mais surtout afin d'éviter de plonger dans ces yeux qui le scrutent et de le défier par inadvertance. On ne sait jamais, les duels de regard peuvent avoir la même signification que ceux dans les meutes de loups par exemple, affirmer sa dominance sur l'autre. Et Izuku n'a absolument pas envie de se lancer dans un de ces duels, notamment avec la créature qui se trouve devant lui et qui a l'air d'être un véritable guerrier des océans.
- Eau.
Il sursaute de nouveau et tourne vivement le regard vers lui. Ses grands yeux d'un vert émeraude le dévisagent, littéralement éberlué. Il parle ! Mais comment ? Des tonnes de questions fusent dans son esprit et il en oublie complètement le reste. La sirène réitère sa demande, d'un ton plus dur, ce qui fait revenir Izuku d'entre ses pensées.
- Oh euh vou-vous voulez de l'eau ? A boire ? demande-t-il en mimant un verre porté à ses lèvres.
L'homme secoue la tête et fait un geste de la main, montrant son corps entier.
- Non. Eau.
Izuku plisse des yeux avant de comprendre.
- Oh ! Vous...vous voulez prendre une...douche ?
Il a sans doute envie d'enlever tout ce sang séché. La créature penche la tête sur le côté, intriguée, semblant ne pas comprendre la question. Izuku se racle la gorge, nerveux.
- Hum...C'est euh...par ici, dit-il en se glissant de côté, tout en évitant de le toucher.
Ses pupilles rouges ne le lâchent pas du regard, sans qu'il cherche à le retenir et, déposant le saladier sur la table, il lui fait signe de le suivre jusque dans la salle de bain. La lumière clignote faiblement quand il allume l'interrupteur dévoilant une pièce des plus spartiates. Une baignoire dans le fond, un lavabo contre le mur à sa droite, qui fut sans doute blanc à l'époque et des toilettes juste en face. Sommaire et austère sont les mots qui pourraient la définir.
Il entre et se dirige vers la baignoire, attrapant le pommeau de douche avant de se tourner vers son invité. Celui-ci se tient au centre de la pièce et observe d'un œil suspicieux autour de lui, toujours dans son plus simple appareil. Mais ça n'a pas l'air de le déranger outre mesure, comparé à Izuku qui est plus que mal à l'aise face à cette créature au corps d'Apollon.
Il ouvre le robinet et lui montre l'eau qui s'écoule du pommeau.
- Eau, pour la douche.
L'homme finit par le regarder puis ses yeux dérivent vers sa main et il fronce des sourcils. Il s'approche et jette un œil à l'intérieur de la baignoire, là où s'échappe l'eau. Il secoue la tête et montre le bord de la baignoire.
- Non. Eau. Beaucoup.
- Oh ! Vous...vous voulez prendre un bain ?
La créature hoche la tête et montre ses jambes.
- Queue.
Queue ? Comment ça "queue" ? Il veut se transformer dans ma baignoire ?! Mais mais...pourquoi ? Mais surtout, comment ? Ça ne doit pas être de l'eau salée ? Du coup, faut que je mette du sel dedans ? Mais il va pouvoir redevenir humain après ?
Une pichenette sur le front le sort de ses pensées et il se retrouve de nouveau nez à nez avec l'homme. Ses mains se plaquent sur la zone touchée et il lui lance un regard surpris.
- Toi, réfléchir trop, dit-il avant d'afficher un sourire en coin.
L'esprit complètement à l'arrêt, Izuku met plusieurs secondes avant de se rendre compte que cette sirène se paye sa tête et qu'il a encore pensé à voix haute.
- Vous vous moquez de moi là ?
Un hochement d'épaule lui répond. Nan mais en plus de comprendre ce qu'il dit et de parler, voilà que maintenant, il fait de l'humour. Mais quelle est donc cette créature tout bonnement fascinante ?
- Ok, va pour un bain alors. Eau chaude ou froide ?
Deuxième hochement d'épaules. On va aller loin comme ça...Te plains pas Izuku, c'est déjà un miracle qu'on arrive à communiquer. Bon, de l'eau tiède devrait faire l'affaire. Bloquant l'évacuation de la baignoire, il entreprend alors de la remplir, surveillant la température. L'attente se fait dans un silence pesant, il sent constamment le regard de l'homme braqué sur son dos et n'ose pas se retourner de peur de tomber dans ses yeux rubis qui, il doit l'avouer, le perturbent depuis le début.
L'eau arrive finalement à bonne hauteur, le laissant échapper un soupir de soulagement. Il éteint le robinet puis se relève doucement, s'apprêtant à lui dire qu'il peut y aller. Mais il n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que l'homme enjambe vivement la baignoire et s'y allonge, immergeant son corps. Et sous les yeux ébahis d'Izuku, il commence à se transformer.
Les jambes complètement sous l'eau, elles se collent l'une à l'autre pour n'en former qu'une, la peau commence à se détacher et à former des sortes de plaques qu'Izuku comprend être des écailles. Ses pieds disparaissent pour laisser place à la forme d'une queue qui se couvre également d'écailles et quelques longues secondes plus tard, il se retrouve avec une vraie sirène dans sa baignoire. Le torse hors de l'eau et adossé contre le bord, la créature lâche un soupir avant de fermer les yeux, ne se souciant pas de l'humain littéralement fasciné à côté de lui.
A la lumière blafarde du plafonnier, il peut détailler et apprécier la vision qui s'offre à lui. Tout à l'heure, l'obscurité l'empêchait de voir les détails de la créature, mais à présent, il a tout le loisir de le faire et il la trouve magnifique. Ses cheveux, coupés courts, ne sont finalement pas totalement blonds, mais plutôt cendrés, son torse est toujours aussi nu, le pansement qu'il avait apposé dessus commence à se détacher à cause l'eau, et, à la place où devrait se trouver le nombril, commence des écailles d'une belle couleur rouge orangé. Elles se poursuivent sur toute la queue où celle-ci se termine par des sortes de membranes aussi fines que de la dentelle, à la manière des grandes nageoires des poissons japonais, ondulant dans l'eau. Et, tels des tatouages, des écailles noires forment des courbes et arabesques sur le côté, descendant tout le long de la queue.
Rouvrant les yeux, la sirène finit par enlever complètement le pansement puis observe attentivement la plaie, frôlant du bout des doigts la peau boursouflée et violacée.
- Elle...elle est en train de guérir ? demande alors soudainement Izuku, les yeux rivés sur le flanc de la créature.
Il avait l'impression que le bleu tout autour était beaucoup moins prononcé.
- Oui. Mais pas bonne eau. Long.
- Vous voulez dire que ça serait plus rapide dans l'océan ?
- Oui. Non.
Oui et non ? Ça veut dire quoi ça ? Mais il ne cherche pas à en savoir plus et s'assit sur les toilettes après avoir baissé le couvercle. Il a des tonnes de questions, mais ne veut pas faire fuir la créature qui se prélasse dans son bain. Mais la façon dont elle se comporte, Izuku n'a pas l'impression qu'elle se méfie de lui plus que ça.
- Elle vient d'où cette blessure ?
- Bateau, vous, répond la sirène, toujours dans la contemplation de son flanc.
Il s'est pris un bateau ? Pour faire une entaille pareille, il a dû s'approcher trop près d'une hélice de moteur. Mais il connaît étonnement bien les mots
- Comment...comment connaissez-vous ma langue ?
La sirène relève enfin la tête et son regard rubis se pose sur lui. Il répond de nouveau par un hochement d'épaules.
- Nous apprendre.
- Nous ? Ça veut dire qu'il y en a d'autres comme vous ?
Le cendré lui lance un regard suspicieux. Se rendant compte qu'il a peut-être était un peu trop enthousiaste dans sa question, Izuku réagit tout de suite, s'excusant avec de grands gestes. Il ne voudrait pas passer pour celui qui sauve et qui s'intéresse à cette nouvelle espèce pour, plus tard, la "dénoncer" et être à l'origine d'une chasse aux sirènes.
Mais à priori, celle-ci juge qu'il est digne de confiance, car il finit par lui répondre.
- Oui.
Alors, les mots qu'il a prononcés lorsqu'il était inconscient, sont probablement en lien avec ses congénères. Est-ce qu'il lui pose la question ou pas ?
- Qu'est-ce que "Shoto", ose-t-il demander, trop curieux.
Le visage de la créature se ferme soudainement, les traits coléreux et le fusille du regard. Sous ce changement radical, Izuku sursaute et se lève d'un bond des toilettes, tendu.
- Désolé ! Je.. j'aurai pas dû poser la question ! C'est juste que vous n'arrêtiez pas de le murmurer dans votre sommeil...pardon, je suis trop curieux...j-je vous laisse tranquille ! finit-il en bafouillant tout en se dirigeant vers la porte.
La main sur la poignée de la porte, il se stoppe net quand, dans son dos, la sirène le rappelle, le ton plutôt doux comparé à l'air sévère qu'elle arborait encore quelques secondes avant. Enfin rappeler, c'est un bien grand mot. La créature a juste émis une sorte de sifflement et sa langue a claqué contre son palais.
Doucement, il se retourne et trouve le jeune homme, les bras croisés sur sa poitrine, se triturant les lèvres, les sourcils froncés. Visiblement, il hésite à parler.
- Vou-vous êtes pas obligé de m'en parler, je suis allé trop loin...je suis désolé.
- Shoto, compagnon.
La surprise peut se lire sur le visage d'Izuku qui écarquille les yeux. Compagnon ? Compagnon comme dans un couple ? L'homosexualité existe aussi chez cette espèce ?
- Oh ! Vous avez quelqu'un dans votre vie ? C'est bien, répondit-il avec un sourire. Il doit vous manquer ?
- Oui.
Délaissant le pas de la porte, Izuku retourne s'asseoir sur les toilettes, les pupilles rouges de son invité peu commun le suivant du regard.
- Toi, compagnon ?
- Moi ? Si j'ai quelqu'un ? s'exclame l'humain étonné avant de partir dans un rire nerveux. Non, non, je n'ai personne.
C'est pas qu'il n'en voulait pas, c'est qu'il ne pouvait pas. Son...patron veillait bien à ce que ça n'arrive pas.
- Pourquoi ? Toi gentil, toi guérir moi ?
- Ouais...c'est gentil, merci, répondit Izuku, un pâle sourire aux lèvres.
Perplexe, la sirène penche la tête sur le côté alors qu'il s'adosse à la paroi des toilettes.
- Mais dites-moi, si votre compagnon s'appelle Shoto, vous c'est comment ? Moi, dit-il en se pointant du doigt, c'est Izuku.
Il pointe alors la sirène de son index.
- Et vous ?
Le jeune homme imite alors son geste, un doigt sur la poitrine et baisse la tête, dans un signe de salutation.
- Moi, Katsuki.
Intérieurement, Izuku sourit. Ca faisait très "Moi Tarzan, Toi Jane". Mais il est plus qu'heureux de pouvoir communiquer plutôt facilement avec lui, même si la question de savoir où cette sirène avait bien pu apprendre sa langue lui triture vivement l'esprit.
- Enchanté Katsuki, sourit Izuku.
Un mini sourire lui répond avant de voir le cendré reporter son regard vers son flanc où l'aspect œdématié de la plaie à presque entièrement disparu. Il se lève d'un bond quand il le voit se redresser légèrement et tirer sur le bouchon, laissant l'eau se vider au fur et à mesure.
- Vous...vous avez fini ? s'empresse de demander Izuku.
- Oui.
Petit à petit, les belles écailles rouges émergent et sous ses yeux, Katsuki entame une nouvelle transformation.
- At-attendez ! Prenez cette serviette, je vais vous chercher des vêtements !
Lui jetant quasiment le tissu à la figure, il déguerpit de la pièce pour revenir dans la principale et s'arrêter devant la petite commode qui contient ses affaires. Farfouillant dans les tiroirs, il arrive à dénicher des vêtements un peu trop larges pour lui - cet homme doit bien faire au moins une tête de plus que lui - et fait demi-tour, percutant alors Katsuki qui s'était glissé derrière lui, encore complètement trempé, la serviette à la main.
- Arrêtez de faire ça ! Mais ! Vous êtes encore mouillé ! Faut vous essuyer avec la serviette, vous mettez de l'eau partout là !
La sirène l'observe faire de grands gestes paniqués, l'un des pans de la serviette à la main, pointé dans sa direction. Comme Izuku ne reçoit alors aucune réaction, il imite alors le geste de s'essuyer, sous les yeux interrogateurs de son interlocuteur. Katsuki récupère le coin de la serviette, lui jette un œil avant de la lui retendre.
- Toi essuyer moi.
- Par-pardon ? bégaye Izuku, le visage aussi rouge qu'un coquelicot. Nan, nan, nan..je peux pas faire ça.
Le blond soulève un sourcil, mais ne bouge pas d'un poil, le bout de serviette toujours tendu. Il n'a pas l'intention de lâcher l'affaire. Se pinçant les lèvres, rouge d'embarras, Izuku récupère entièrement la serviette et, d'un geste peu assuré, tamponne alors doucement le torse devant lui.
Les secondes défilent dans un silence tendu alors qu'Izuku essaye de réguler son souffle un peu trop rapide, ses mains parcourant fébrilement ce corps beaucoup trop tentant pour lui. On a pas idée de lui mettre un spécimen pareil sous le nez... On se calme Izuku, il est pas humain je te rappelle.
- Pourquoi vous êtes vous approchez de la plage, au risque de vous blesser ? demande-t-il après quelques minutes, continuant d'essuyer les gouttelettes.
- Chercher compagnon.
Izuku arrête son geste, relève la tête et plonge son regard émeraude dans celui rubis de la créature. Sa réponse le laisse pantois.
- Pour chercher un compagnon ? Mais Shoto, qu'est-il alors ?
- Compagnon.
Le jeune homme est littéralement perdu, il n'y comprend rien.
- Je suis désolé, je ne comprends pas...
- Nous, beaucoup compagnons.
Beaucoup de compagnons ? Il veut dire que son espèce est polyamoureuse ? C'est...surprenant et inattendu.
- D'accord, donc vous cherchez un compagnon. Mais, pourquoi ici ? Il y a des sirènes comme vous dans le coin ?
Son invité secoue la tête négativement et se penche vers lui, son nez frôlant le sien, son regard rubis incandescent le faisant rougir.
- Non, pas sirène. Compagnon humain.
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