Il me posait souvent la question. « Pourquoi m'aimes-tu, murmurait-il, en mordant l'intérieur de sa joue, comme machant un morceau de caoutchouc. » Je penchais ma tête sur un côté, en admirant son regard embrumé, ses joues enflammées et son front plissé, comme réfléchissant à une énigme. Ma voix glissait sur mes cordes comme un souffle dans une tempête, coulait sur mon menton comme un petite rivière dans un océan. « Je ne sais pas, répondais-je, en battant des paupières, avec un sourire mou sur les lèvres. » Je me contentais de croire que les sentiments n'étaient pas une constante qui s'explique ou se démontre.

Aujourd'hui, ma voix vibre comme un jet électrique dans ma gorge. J'aimerais répondre, aujourd'hui : « Je t'aime parce que quand je me plonge dans ton regard, je vois une lumière dans un puit. Je vois dans ton regard quelque chose qui me touche, qui m'émeut, qui m'ébranle. Je vois dans ton regard quelque chose qui me détruit et me répare, qui me secoue et me berce. Je vois dans ton regard quelque chose qui me pénètre, qui me fait sentir vivante. Je n'ai jamais l'impression que la vie est réelle (que le temps passe, que le chaud brûle ou que l'eau mouille) que quand je suis avec toi. Je vois dans ton regard quelque chose qui déclenche en moi des émotions fortes, authentiques et sincères qui me rappellent que je ressens, que je suis consciente et que je suis en vie. Ton regard me rappelle que je suis en vie. »