Le plus grand des courages.
J'ai entendu une fois, un homme, aux cheveux ternes, au teint pâle et à la cornée humide, me dire : j'ai peur de vivre. Il était là. Posté devant les montagnes grises, sur l'estrade, jonchée de terre, de pierres et de fleurs, servant de scène à la vie. Ses lèvres pleines de chair, remplies de sang, frémissaient : il ouvrait le bouche, puis la refermait, il ouvrait la bouche, puis la refermait. Soudain, l'homme perdit complètement ses moyens. Sa voix était hésitante, sa respiration scabreuse. Les muscles de ses doigts tremblaient, ses nerfs vibraient. Son visage vira au rouge cramoisie. Ses yeux étaient piquetés de larmes. Il se cachait derrière ses lourdes boucles ternes qui composaient comme un rideau sur son front. La vie est le théâtre de scènes remarquables.
Des noeuds se nouèrent dans son estomac, une brume épaisse obscurcit son crâne. La brume enfle, grossit, s'élève. Se lève haute et menaçante, prenant l'allure d'immenses démons dans sa tête. Il se tourne, jette des regards à la volée à Dieu. Dieu ne l'avait ni détesté ni oublié. Seulement, la brume formait un tourbillon dans son crâne, une tempête se levait sous ses cheveux. Emportant pensée, raison avec elle. Des trous creusèrent sa mémoire : il oublia. Il oublia que Dieu ne l'avait ni détesté ni oublié. Il oublia, occupée. Occupée par les combats qu'il menait. Il menait un combat avec lui-même. Aves ses jambes qui refusaient de le mener au-devant de la scène de la vie, avec ses bras qui tombent lourdement ou avec ses doigts qui s'entremêlent nerveusement parce qu'il ignorait quoi faire de ses mains qui paraissaient grandes pour lui-même. Il attendait un signe. Un signe de Dieu : une main, un mot. Levant une main, disant un mot, Dieu pourrait, il le sait, mettre fin à cette comédie humaine, à sa prestation sur la Terre. La vie est le théâtre de scènes remarquables et le spectacle doit continuer.
Il voudrait s'enfuir. S'enfuir pour ne jamais revenir. S'enfuir sans un regard en arrière. Seulement, ses pieds sont ancrés en profondeur dans la terre. Comme les racines d'un puissant et vieux chêne. Les nuages passent au-dessus de sa tête, le vent souffle près de sa joue, l'air emporte des mots dans son oreille. Il entend des voix. Des encouragements et des applaudissements. Certains l'encouragent à reprendre. L'encouragent à continuer sa prestation sur la Terre. L'encouragent à garder son masque et à reprendre son rôle dans cette large comédie humaine. Souvenons-nous. Souvenons-nous de ce qui compose le difficile exercice de vivre. Il avait dit : j'ai peur de vivre. Je me souviens avoir pensé que j'éprouvais pareillement l'exact sentiment. Qu'il est courageux de vivre quand on ne veut plus. Le plus grand des courages.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top