Chapitre 7 : Am I a hero? - 2/3 {Cyrielle}
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Avertissement n°1 : Ce fragment de chapitre est d'une lourdeur abominable : s'il vous tombe sur la tête, vous vous assurez un trajet express direction le cimetière. Le style, les transitions entre les scènes, il n'y a rien qui va. N'hésitez pas à me jeter des tomates ici et là pour (vous défouler) que je repère mieux les problèmes. Et désolée, même en repassant dessus plusieurs fois je n'ai pas réussi à améliorer les choses ^^'
Avertissement n°2 : Certaines scènes peuvent heurter la sensibilité des lecteurs, voir commentaire pour le détail.
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Le jeudi suivant eut lieu la première session de travail des Jupiters, présidée par Mr. Edward Metzinger, professeur de droit pénal. C'était un homme au physique dur, dont les traits du visage se figeaient bien souvent en une seule et unique expression dénuée de toute émotion, et qui faisait preuve d'une politesse si exacerbée dans n'importe quel contexte qu'elle en devenait parfois méprisante.
Il avait réservé pour eux la bibliothèque entière et fumait un cigare, confortablement assis dans un voltaire couleur rouge brique, près d'une fenêtre. Laurie était là, ce qui valut à Cyrielle un coup de coude dans les côtes de la part de Georgia, persuadée, encore une fois, que le Préfet la pourchassait où qu'elle aille. Ce dernier était en pleine conversation avec le professeur et bien qu'ils chuchotent – impossible pour elles de discerner plus d'un mot sur trois ou sur quatre –, cela ressemblait fort à une dispute.
Les joues du Préfet virèrent soudain au cramoisi, puis il cessa de parler et glissa furieusement les mains dans les poches de sa veste. Cyrielle aurait presque pu jurer que les lèvres du Professeur Metzinger esquissaient un léger sourire, mais celui-ci disparut aussi vite qu'il s'était dessiné et emporta avec lui toutes les certitudes de la jeune femme.
Ils étaient dix, en tout, à ne pas savoir où s'asseoir, quoi faire, ou s'ils étaient autorisés à toucher à quoi que ce soit, émettre le moindre son. En plus de Georgia et d'Oliver MacPherson, deux frères – deux jumeaux identiques que Cyrielle ne serait pas parvenue à différencier si sa vie en dépendait –, une brune au teint d'ivoire vêtue d'habits sombres qui n'étaient pas sans rappeler la tenue des bonnes sœurs, un garçon à la peau foncée qui mâchouillait une allumette en toute nonchalance, une fille enrobée dans un plaid, qui paraissait planer à une altitude défiant l'imagination, et deux élèves non identifiés qui avaient posé sur leurs genoux le manuel de droit pénal et semblaient incapables de relever le menton pour regarder autour d'eux.
Quelqu'un frappa contre une porte, un bureau, peut-être une étagère, et tous les yeux se tournèrent vers les deux inconnus qui arrivaient, essoufflés, portant des dossiers à bout de bras.
« Ah, voilà les renforts ! s'exclama Edward Metzinger. Si certains n'ont pas encore eu la chance de les rencontrer, laissez-moi vous présenter Madame Mays, la bibliothécaire, et Monsieur Hoffman, l'archiviste. Vous aurez l'occasion d'user et d'abuser de leur magie respective tout au long de l'année. Oui, veuillez poser tout ça ici, cela ira très bien, je vous remercie. »
Les classeurs tombèrent sur une table dans un grand bruit et une tornade de poussière.
« Monsieur Greenfield ? Aux dernières nouvelles vous n'êtes plus un Jupiter. Soit vous acceptez l'un de mes cigares et vous vous installez sagement dans un coin, soit j'aurai le regret de vous inviter à quitter les lieux.
— Oh non, merci, je ne supporte pas l'odeur de ces machins.
— Je sais. »
Laurie se pinça les lèvres, vexé, avant de s'avouer vaincu. Jeta un dernier regard sur l'assemblée, puis l'abandonna à son sort. L'atmosphère sembla s'altérer lorsqu'il s'éclipsa. Devenir à la fois moins lourde et plus angoissante. Drôle de sentiment. Comme l'impression d'avancer à découvert, en totale liberté mais sur un terrain miné, sans personne pour vous susurrer des conseils à l'oreille. Pour Georgia, en revanche, la disparition de Laurie se révéla une délivrance absolue.
« Dieu soit loué. J'étais en train de me liquéfier, chuchota-t-elle en souriant à Cyrielle.
— Enfin, Mademoiselle Stefanos ! Ne vous laissez pas intimider de la sorte, votre Préfet n'est qu'un être humain parmi d'autres. Avec un peu de pouvoir, certes, mais aussi beaucoup de faiblesses, croyez-moi sur parole. Rien ne justifie qu'il vous effraie autant. Asseyez-vous, je vous prie » ajouta-t-il à l'intention du groupe.
Cyrielle, de là où elle était, put sentir la chaleur du brasier, sur les joues de sa consœur. Les rires étouffés, autour d'elles, finirent d'achever la pauvre Georgia. Elle s'enfonça dans son siège comme si ce dernier pourrait l'absorber de façon irréversible, et ne se risqua même pas à respirer trop fort pendant toute l'heure qui suivit.
« Monsieur Tellington Senior, veuillez vous lever, je vous prie, et distribuer ces dossiers à l'ensemble de vos camarades. »
L'un des jumeaux quitta sa place et se dirigea vers la table. Attrapa les classeurs, et les tendit un par un aux neuf autres élèves. On leur demanda de les ouvrir et, avec une synchronisation presque parfaite, tous furent saisis d'horreur en y découvrant sans la moindre introduction la photographie du cadavre d'une femme. Son visage tuméfié était si abîmé, si déformé, qu'il n'avait probablement pas pu être reconnu tout de suite par ceux qui l'avaient enfantée, fréquentée, aimée. Du sang séché s'échappait de ses lèvres. Une plaie béante lui trouait l'abdomen d'un bout à l'autre. Cyrielle referma le dossier par réflexe. Quelqu'un se leva de sa chaise si brusquement qu'elle tomba, et se précipita vers la sortie à toutes jambes.
« Tant de raffut dans un lieu si sacré, commenta le professeur sans cacher sa déception. Vous avez devant les yeux votre affaire. Ou aviez, pour les moins courageux d'entre vous. Natalia Philipps, née Huertas. Trente-trois ans au moment de sa mort. Décédée sous les coups de son mari, John Philipps, à la suite d'une terrible dispute. La dispute de trop.
— Ne me dites pas qu'on va devoir défendre le salaud qui l'a tuée.
— Surveillez votre langage, Monsieur MacPherson, ou c'est l'exclusion garantie. Et non, pour répondre à votre question. Mon équipe juridique et moi-même ne sommes pas en charge de la défense de John. »
Il se déplaça jusqu'à la table de Cyrielle, ouvrit le classeur qu'elle avait refermé, et écarta la photographie de la victime pour en attraper une autre, sur laquelle souriait un joli couple aux cheveux gris.
« Nous représentons Monsieur et Madame Philipps. Monsieur est un musicien, enrôlé dans l'orchestre philharmonique de Londres depuis presque quarante ans. Madame enseignait les mathématiques à des collégiens jusqu'à l'âge de sa retraite, il y a deux ans. Ils mènent une petite vie tranquille depuis toujours, sont appréciés de tous leurs voisins, donnent aux bonnes œuvres régulièrement malgré leurs revenus plutôt modestes. Bref, si vous les rencontriez, vous échangeriez vos grands-parents contre eux dans la minute sans avoir à y réfléchir à deux fois. Néanmoins, s'ils ont besoin de mon aide, aujourd'hui – et par extension de la vôtre –, c'est parce qu'ils font face à trois chefs d'accusation : obstruction à la justice, subornation de témoins, complicité de meurtre.
— Ils ont participé à ce massacre ? s'enquit la nonne en tendant la photographie au-dessus de sa tête, son dégoût suintant de tous les pores de son visage.
— Non.
— Mais ils savaient.
— Exactement, Mademoiselle Chorkah. Quand leur fils, leur fils unique, leur fils adoré, est venu frapper à leur porte en pleurs, et qu'il leur a raconté au bord de la suffocation que les choses avaient dégénéré, ils ont pris la situation en main. Ils l'ont bercé comme on berce un enfant après un horrible cauchemar, ils l'ont aidé à se débarrasser du corps, et puis ils ont menti. À tout le monde. Quand la police les a trouvés, ils lui ont fourni un alibi. Quand un voisin du couple a commencé à ébruiter la rumeur selon laquelle les disputes, entre eux, n'étaient pas si rares, ils lui ont apporté l'un de ces affreux cakes aux fruits confits dont les gens raffolent, dans ce pays, pour une raison qui me dépasse, lui ont adressé deux magnifiques sourires, et lui ont glissé dans la main quelques billets de banque. Et tout cela aurait pu fonctionner si le mari, John, n'avait pas fini par craquer et tout avouer. À présent, je vais vous laisser parcourir le dossier, et à l'issue de votre réflexion je ne vous poserai qu'une seule question : que plaidons-nous ? Coupable ou non coupable ? »
Ils procédèrent à un vote à main levée ; la majorité d'entre eux choisit l'option non coupable. Cyrielle, dans l'autre camp, ne cacha ni sa colère ni sa répugnance lorsque le professeur lui confirma qu'elle s'était trompée.
« Ce sont deux petits vieux innocents qui n'ont jamais fait de mal à une mouche. Leur place n'est pas en prison.
— S'ils étaient innocents, ils plaideraient coupables. Non, c'est même pire que ça : ils vous interdiraient de plaider non coupables. » Elle se contenait de toutes ses forces pour ne pas hausser la voix. « S'ils étaient aussi vertueux que vous le prétendez, ils ne pourraient pas vivre en se sachant complices d'un acte aussi atroce. Ils souhaiteraient payer pour se racheter.
— Et se racheter de quoi, exactement ? Ils ne sont coupables que d'avoir trop aimé leur fils. Qui pourrait décemment les blâmer pour ça ?
— Leur fils est un monstre.
— Ne sommes-nous pas tous le monstre dans l'histoire de quelqu'un d'autre, Mademoiselle Chorkah ? Vous êtes encore jeune, je le vois bien, mais je plains ceux que vous chérissez si vous ne vous estimez pas capable de vouloir les protéger contre tout. »
Elle ouvrit la bouche pour se défendre, sans même savoir quoi dire, mais il leva un index pour l'en dissuader tout en s'adressant au reste du groupe :
« Vous détenez toutes les informations nécessaires pour l'instant. Je reviendrai vers vous en cas de nouveaux développements et je me tiens, bien sûr, à votre disposition pour écouter vos idées. Rendez-vous dans un mois pour la prochaine session. »
Cyrielle sortit de la bibliothèque en trombe, sans même attendre Georgia. C'est à peine si elle aperçut Laurie, adossé au mur près de la porte d'entrée. Fut si rapide que son mouvement créa des courants d'air.
« Que s'est-il passé ? » lui demanda-t-il en s'élançant à sa poursuite. Il devait accélérer le pas pour tenir sa cadence. « Est-ce que ça va ? J'en ai vu deux sortir pour aller vomir. L'un d'eux a fait à même le trottoir, c'était écœurant. J'ai pourtant essayé de dissuader Metzinger d'introduire la séance avec cette horrible photographie, à chaque fois il –
— C'est pour ça que vous vous disputiez ?
— Oui, entre autres. » Il l'attrapa par le bras, doucement, sans la brusquer, tout en l'obligeant néanmoins à ralentir. « Et c'est pour ça que t'es si blême ?
— Non, lui concéda-t-elle. Ce professeur est... Il est... C'était...
— Humiliant ? » Elle acquiesça, toujours en proie à sa fureur, et cela le fit sourire. « Ouais, il fait cet effet-là à tout le monde. Même à moi et j'étais son préféré, alors c'est pour dire... Mais ne t'en fais pas, vous travaillerez en totale autonomie. Il vous supervisera de si loin que tu apercevras à peine la fumée de son cigare. Promis, juré. »
De nouveau il sourit, et cette fois Cyrielle puisa en elle la force de l'imiter. Ils reprirent ensemble la route du Balliol College. Sans rien dire, au début ; et sans se plaindre de ce doux silence. Le soleil déclinait, le campus était presque désert.
« Alors, comment tu trouves le reste des Jupiters ?
— Il est encore trop tôt pour juger. Je n'ai même pas retenu la moitié de leurs noms. D'ailleurs, pardonne-moi, mais ça fait un moment que je me demande : ton prénom...
— Est un hommage aux Quatre Filles du Docteur March, oui », confirma-t-il avec une certaine lassitude.
Sans doute répondait-il à cette question trois fois par jour depuis qu'il était en âge de parler.
« Ma mère est une indécrottable romantique, Laurie était son personnage préféré.
— Après Jo, tu veux dire.
— Après Jo, bien sûr. Bon, ça ne l'a pas empêchée d'épouser un con, malheureusement. Ma mère, j'entends.
— Ton père ? »
Il hocha la tête et malgré l'éclat de son sourire, Cyrielle comprit à la froideur de son regard qu'il mentionnerait plus jamais ce dernier. Ils bifurquèrent sur Broad Street ; elle décida de changer de sujet.
« Ton affaire te plaisait ? L'année dernière, quand tu étais à ma place.
— Je n'ai pas le droit d'en parler. »
Elle haussa les sourcils.
« Tu plaisantes.
— Non, je ne pourrais être plus sérieux. C'est tout un rite de passage, une espèce de mue. Une fois en deuxième année, on est censé laisser la première derrière soi. N'en évoquer aucun mystère, aucune victoire. Les fraternités sont des bulles qui échappent à la prison du temps. Tout y est permis ou presque, puis tout est oublié. Ou presque. Mais dans tous les cas, à minuit le dernier jour du mois de juin, on se repositionne docilement dans la chronologie ordinaire, on réapprend à marcher en rythme avec le commun des mortels, et on n'en parle plus.
— Ou presque », conclut-elle à sa place, moqueuse.
La mine déconfite de Cyrielle eut raison de la fermeté du Préfet. Ça, ou les milliards de doutes qui assombrissaient leur ciel. Elle aurait voulu s'enfuir à toute vitesse.
S'enfuir encore. Pour de bon cette fois.
« Hé, dit-il doucement pour ramener son attention vers lui, je te confierai juste une chose. Lors de ma première session, Metzinger m'a demandé à quel point, précisément, je me croyais supérieur au reste des habitants de cette planète, pour oser penser que je débuterais ma carrière en ayant le luxe de pouvoir trier mes clients. »
Elle ne put s'empêcher de pouffer.
« Tu vois ? Il n'épargne personne, c'est son leitmotiv. Comme un besoin de tester les gens en permanence. Parmi toutes ses affaires en cours, il choisit toujours de livrer la plus sordide à ses poulains.
— Dans ce cas tu aurais dû m'envoyer ailleurs.
— Ailleurs ? Désolé, je n'ai mes entrées que chez les Jupiters.
— Ouais, c'est ça. Ou presque. Tu n'étais pas le bienvenu, là-bas. La prochaine fois il te flanquera un coup de pied dans le derrière pour te virer de la séance. Il en mourrait déjà d'envie, tout à l'heure. »
Il rit de bon cœur et ils s'enracinèrent devant les portes du college. Passèrent de longues minutes à discuter de tout et de rien à la fois. À estomper la réalité, en comparant leurs lectures favorites - tout commença bêtement, par une question innocente, un défi idiot : toi qui es né d'un roman, dis-moi quel est le meilleur personnage jamais créé par la littérature. Ils se chamaillèrent comme des enfants sans réussir à se mettre d'accord sur la réponse parfaite. Sans jamais réussir à se mettre d'accord sur quoi que ce soit, en réalité, hormis le fait qu'il était encore bien trop tôt pour rentrer, se quitter, pour aller dormir. Qu'il serait trop tôt dans une heure aussi et dans une heure encore, et ainsi de suite jusqu'à la fin des temps.
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