Chapitre 8
PASSÉ / 2005
Le tout premier concert des garçons eut lieu le 8 mai 2005, à Glasgow.
Harry crut qu'il allait vomir. Soit d'excitation, absolument dingue à l'idée de chanter devant 800 personnes — c'était énorme ! — soit de panique, totalement perdu dans cet environnement dont il avait tant rêvé, mais qui semblait trop migraineux.
— Arrête de bouger, rigola un peu Cecilia.
Le bouclé était assis dans une chaise peu rembourrée, la maquilleuse face à lui, se concentrant sur son teint. Il n'arrêtait pas de bouger frénétiquement sa jambe, de se ronger les ongles et de tourner la tête vers Niall, assis à sa gauche.
— Mais on est terrifiés, Cecilia ! Couina Niall.
— Mais je dois faire mon travail, les garçons, sourit-elle.
C'était une femme de la quarantaine, avec les cheveux toujours attachés et des yeux noirs comme la nuit. Pourtant son regard n'était pas menaçant. Leur équipe n'était pas très grande, une quarantaine de personnes — cela semblait déjà énorme pour Harry — mais les garçons se sentaient plus proches de Cecilia.
— Mais qu'est-ce que tu me mets sur la peau ? Demanda Harry, la laissant pourtant tapoter sa peau.
— Du maquillage, Harry.
— Mais on ne se maquille pas, s'offusqua Niall.
— Je ne veux pas de paillettes sur les yeux ! Dit Harry.
— Les garçons, rigola t-elle. Respirez. Je ne fais qu'uniformiser votre teint. Toutes les personnes qu'on voit sur scène ou à la télé ont un peu de maquillage, même les hommes. Cela ne se verra pas. Je ne vous mets pas de rouge à lèvres, sauf si vous me le demandez.
Harry sourit faiblement ; autant qu'il le pouvait, rongé par le stress.
— Non c'est bon, merci, sourit-il.
Il n'aurait pas jugé les garçons mettant du maquillage, mais il n'était juste pas de ceux-là.
— Vous avez hâte ? Demanda la maquilleuse.
— Oui ! S'exclamèrent les garçons en choeur.
— Mais... ça fait peur, souffla Harry.
— C'est normal, ça veut dire que c'est du bon stress.
— Du bon stress ? Demanda Niall, confus.
Cecilia hocha la tête.
— C'est ce que ma mère me répétait tout le temps quand j'avais votre âge et que j'étais stressée par quelque chose. « Si tu es stressée, c'est que c'est du bon stress. Cela devient inquiétant si une situation inédite ou importante ne te fait rien ressentir. » Ressentir, c'est important. Le stress, dans la finalité, devient du bon stress.
Harry pensa à cette phrase tout le long de la séance maquillage, et à de nombreuses autres reprises dans sa vie future.
Lorsque Cecilia eut fini avec Harry et Niall, elle partit prendre une brève pause. Les deux garçons se retrouvèrent seuls dans la petite loge, silencieux et pensifs. Niall finit par faire ce qu'il faisait toujours en situation de stress ; il sortit sa guitare de son étui et se mit à gratter quelques accords.
— Il y a déjà des gens dans la salle, tu crois ? Demanda Harry.
— Je crois que les portes ont ouvert il n'y a pas longtemps, oui. On peut aller voir, si tu veux ?
Harry grossit les yeux et secoua la tête.
— Je vais vomir, si je vois cet océan de personnes là juste pour nous !
À ces mots, Niall pâlit à son tour.
— Tu as raison. Je ne sais pas comment on va faire...
Le bouclé hocha la tête puis se mit à ronger à nouveau ses ongles. L'irlandais continua à jouer de l'instrument, envahissant la pièce d'un peu de musique ; remède ultime, cela calme légèrement les nerfs des garçons et Harry sentit ses muscles se détendre. Il sourit légèrement.
— Comment on va faire ça toute notre vie, si ça nous stresse autant, s'amusa t-il.
Niall se tut un instant, réfléchissant sérieusement à cela.
— Je suppose qu'on s'habituera un peu plus, avec le temps...
— Tu crois ? Demanda Harry. Je veux dire, tu ne trouves pas ça... triste ?
— Triste ?
Le jeune haussa les épaules.
— Oui. Tu sais, c'est ce qu'on rêve de faire... On le fait enfin. Tu ne trouves pas ça triste de s'habituer à ça et que ça devienne presque... banal ? Qu'il n'y ait plus la même adrénaline et le bon stress ?
Niall ne répondit pas de suite, gratta quelques accords sur sa guitare lentement, puis plus vite. Il commença ainsi la mélodie de Wonderwall, qu'ils allaient produire devant une vraie foule, dans un peu moins de trois heures.
— Tu as raison. C'est triste. On ne peut pas prendre ça pour acquis. On fera en sorte qu'on ne s'en lasse jamais.
— Oui, exactement, assura Harry en hochant vivement la tête, puis il fit une petite moue. Mais d'autres personnes ont dû dire ça avant nous...
L'autre garçon hocha la tête et se pinça les lèvres, signe de réflexion. Puis, une lumière vive illumina son regard alors qu'il ouvrit la bouche :
— Mais nous c'est pas pareil ! On est conscients que plein de gens ont dû se dire la même chose avant. Les autres doivent se dire qu'ils vont être différents. Nous, on sait qu'on est comme tout le monde, alors on ne perdra jamais ça de vue ! Dès qu'on pensera au stress et à l'adrénaline, on se rappellera ça, qu'on est comme tout le monde, mais qu'on doit faire différemment !
À mesure que Niall parla, Harry laissa son sourire s'agrandir, convaincu par ce raisonnement d'adolescent pensant dominer le monde, ou tentant au moins de l'appréhender à sa manière.
— Oui ! C'est du génie ! S'exclama le bouclé.
— Ouais ! Sourit Niall.
— On va être différents ! Ça va être incroyable, et on s'en lassera jamais ! On ressentira toujours le bon stress !
Ainsi, ce soir-là, au stress de la nouveauté et à l'appréhension d'un nouveau monde sous leurs pieds, une nouvelle motivation s'ajouta au coeur d'Harry. Ils allaient être des chanteurs différents de tous les autres, et c'est précisément cela qui allait les rendre invincibles.
•
Même si c'était du bon stress, cela restait tout de même du stress et Harry n'était pas sûr de survivre à cette soirée. Il se mit à marcher dans les petits coulisses étroits de la salle, frayant un chemin entre chaque personnes, marmonnant des pardon et avançant sans but, tentant ainsi d'évacuer cette panique interne.
Il se retrouva dans les toilettes des garçons, se demandant s'il était arrivé ici par envie ou simplement car cela semblait calme et frais — il réfléchit un instant à s'il ne devait pas plutôt trouver Louis, si cela ne calmerait pas son coeur paniqué que d'être en sa présence.
Lorsque Harry arriva au niveau des lavabos, il remarqua Liam, adossé contre le mur, yeux fermés, ses lèvres marmonnant quelque chose.
— Hey ? Dit Harry.
Le garçon ouvrit les yeux ; ils étaient remplis de toutes les émotions négatives de la terre. Liam était un garçon froid et droit, il était gentil mais très strict envers le monde et surtout lui-même. Harry l'appréciait — Harry appréciait tout le monde —, mais ils n'avaient jamais réellement grand chose à se dire.
— Salut Harry, dit-il en un souffle stressé.
— Ça va ? Tenta le cadet avec un petit sourire.
Liam se contenta d'hocher la tête un peu trop rapidement. Son appréhension se voyait même dans ses moindres gestes. Harry se pinça les lèvres et cala maladroitement sa hanche contre le carrelage froid du meuble, puis croisa ses bras sur son torse. L'autre garçon arqua un sourcil, étonné qu'il reste à ses côtés.
— Je sais que tu te mets la pression... commença Harry. Je sais que ça te tient à coeur. Je pense que d'entre nous, tu es celui qui tient le plus à la musique.
Ils aimaient tous cette passion, ils voulaient tous en faire un métier ; ils partaient tous d'un même point et ils y mettaient les mêmes moyens. Mais c'était un fait indéniable ; Liam y mettait une force particulière. Il ne voulait jamais rien faire de travers pour aller contre ses chances. Il travaillait des heures, sans jamais les compter, pour perfectionner ses erreurs. Il pouvait être dur envers les autres et lui-même pour toujours aller plus loin. Dans la finalité, c'était le plus dévoué de tous à cette discipline.
Son visage s'adoucît un petit peu à mesure qu'Harry parla :
— Et c'est ça qui va te faire réussir. On va avoir peur, on va monter sur scène, ça va être bizarre un petit moment... puis ça va être naturel, je crois.
— Et si ça l'est pas ? Soupira Liam.
— Je crois sincèrement que ça le sera, assura Harry avec ses grands yeux brillants. On sait chanter, non ? Ces gens sont là pour nous voir, nous. Tout va prendre sens quand on sera sur cette scène. Ça doit prendre sens et ça va prendre sens.
Liam considéra ces mots un moment puis hocha la tête. Il sembla y croire, gardant cependant une certaine réserve. Sans sourire apparent mais le ton sincère, il rétorqua :
— Je ne sais pas comment tu fais pour toujours être si plein d'espoir et d'optimisme, Harry.
Ce dernier haussa les épaules et un sourire creusa son visage, révélant ses fossettes et aplatissant ses yeux. Il faisait plus enfantin ainsi, plus innocent ; il aurait pu représenter la pureté.
— J'en ai juste assez pour continuer à le voir autour de moi.
Un petit silence toucha les deux garçons puis Harry rassembla ses pensées. Il leva la tête vers Liam.
— Tu as vu Louis ?
— Il y a un moment. Alexander voulait lui parler, ainsi qu'à Zayn.
— Oh, tu sais pourquoi ?
Liam haussa les épaules et soupira.
— Ils font souvent les idiots. On lui doit tout et Louis défie beaucoup l'autorité d'Alexander... je ne serai pas surpris qu'il ait voulu lui parler de ça.
Harry baissa les yeux et soupira. Cela n'aurait pas été étonnant d'Alexander, oui. Il est vrai que Louis avait tendance à lui répondre, à tenir tête, à faire l'idiot... cela faisait parfois rire Harry, cela l'embêtait parfois. Il aurait aimé que Louis soit plus patient et docile, il aurait aimé qu'Alexander soit plus doux et compréhensif.
— Merci Liam, dit-il simplement.
Le temps restant jusqu'au début du concert sembla passer à une vitesse folle. Harry eut l'impression qu'en quelques minutes, il était l'heure de se mettre en place sur la scène.
Il malaxa l'oreillette dans son oreille — c'était dérangeant et inhabituel — et écouta le rythme de son coeur, tentant de faire abstraction à tous les cris qui résonnaient déjà dans la fosse à quelques dizaines de mètres. Plusieurs personnes étaient autour d'eux, à parler du son, du maquillage, des derniers réglages ; Harry n'écoutait pas réellement et fixait ses pieds, se sentant anxieux et étranger.
— En place les garçons ! Annonça une voix.
Ils avaient vu cela pendant les répétitions. A cette annonce, ils devaient venir se positionner sur les croix scotchées sur le sol de la scène. Harry expira un grand coup, voyant Liam partir devant, un mélange d'assurance et de raideur total. Le bouclé ferma les yeux un instant, réunissant toutes les forces en sa possession.
— En place mon garçon.
Harry ouvrit les yeux en entendant la voix d'Alexander, derrière lui. Il se tourna vers lui mais ne répondit rien, incapable d'aligner des mots. Mon dieu, comment je vais chanter ? Pensa Harry. Alexander courba un peu le dos pour se baisser et mettre son visage au même niveau que celui du jeune, puis posa ses paumes sur ses épaules.
— C'est normal que tu sois stressé, continua l'homme, un mélange d'autorité et de douceur dans sa voix. Mais prends possession de ce stress. Chasse-le.
— Cecilia disait que c'était du bon stress, répondit Harry.
— Cecilia ? Demanda Alexander.
Un brin de confusion passa dans le visage d'Harry.
— La maquilleuse ? Cecilia.
Alexander fit un geste de main, comme pour balayer l'information.
— Le stress est normal. Mais écoute.
Le cadet attendit que l'homme continue sa phrase, mais il la laissa en suspend. Il fronça légèrement les sourcils puis tendit l'oreille et entendit la foule en délire, hurlant, sachant probablement que ce n'était qu'une question de minutes avant le début du concert. Entendre cela sembla paniquer davantage Harry, mais Alexander claqua des doigts.
— C'est ça, que tu dois entendre, dit-il. Tu les entends ? Elles crient parce qu'elles vous attendent, parce que c'est le plus beau jour de leur vie. Elles crient pour toi.
Le bouclé se mordit la lèvre en se concentrant davantage sur les cris. S'il essayait suffisamment, il pouvait effectivement entendre son prénom dans certaines bouches.
— Tu es leur préféré, dit Alexander. Ton stress est normal, mais concentre toi là-dessus. Elles t'attendent. Tu ne vas pas les décevoir. Tu vas faire ce que tu sais faire parfaitement, et tout va être parfait.
Harry hocha la tête, ces mots de la part de son mentor lui donnant un certain boost d'égo et de courage. Alexander sourit en se redressant. Il fit un signe de tête, lui disant silencieusement d'aller se mettre en place. Le bouclé réussit finalement à mettre ses jambes en marches et tourna les talons pour se diriger vers la croix.
— Harry.
Celui-ci se retourna pour faire face à Alexander. Un sourire tirait ses lèvres. Etait-ce de la fierté ? Alexander pouvait parfois être strict et dur, mais c'était peut-être ainsi qu'un père devait être avec son fils. Etait-ce cela, le regard d'un père fier des accomplissements de son fils ? Sa mère avait peut-être enfin trouvé un homme avec qui construire une bonne vie, et Harry avait peut-être enfin trouvé une figure paternelle.
— Ne me déçois pas, dit-il avec ce sourire.
L'adolescent sourit légèrement à son tour, autant que le stress lui permit. Il acquiesça.
— Jamais, promit-il.
Puis il alla se positionner sur la croix.
•
La foule hurlait, il était impossible d'entendre autre chose que cela. Harry serra sa main moite sur le micro, ferma les yeux un instant pour entendre les battements de son coeur. La mélodie commença à jouer dans les hauts parleurs, une version prolongée de l'introduction de la musique, pour faire une entrée de qualité. La lumière commençait à flasher de plus en plus vite, les cris s'intensifièrent.
Le temps s'arrêta pendant quelques secondes. Harry tourna la tête vers les quatre autre garçons. Tous semblaient nerveux. Louis était à l'opposé de lui, ses yeux fermés, son visage pale. Il offrit un petit sourire courageux à Liam, Zayn et Niall, qui lui rendirent avec un hochement de tête. Le bouclé posa en dernier son regard sur Louis. Il ne l'avait pas vraiment vu cet après-midi, et il semblait mal. Harry associa directement cela au stress.
Regarde-moi, se répéta t-il mentalement. Regarde-moi une fois avant qu'on fasse cela ensemble.
Louis ouvrit les yeux et tourna légèrement la tête vers lui. Un sourire très fin traça ses lèvres. Les cinq garçons se regardèrent tous une dernière fois, puis ils sourirent. S'ils étaient tous ensemble, tout semblait surmontable. Cela donna tout le courage du monde à Harry.
Le temps reprit.
Le rideau tomba, la foule hurla. La lumière du projecteur sur lui, Harry amena le micro à sa bouche :
Today is gonna be the day
That they're gonna throw it back to you
By now you shoulda somehow
Realized what you gotta do
I don't believe that anybody
Feels the way I do, about you now
Le micro passa à Liam et Zayn, faisant une harmonie sur les répliques suivantes :
Backbeat, the word was on the street
That the fire in your heart is out
I'm sure you've heard it all before
But you never really had a doubt
Puis, Liam seul :
I don't believe that anybody
Feels the way I do about you now
Harry tourna son regard vers Louis, qui de ses mains tremblantes, amena son micro à sa bouche. Il ferma les yeux pour compléter la suite de la chanson, en choeur avec Niall :
And all the roads we have to walk are winding
And all the lights that lead us there are blinding
There are many things that I
Would like to say to you but I don't know how
Il était beau. C'était si beau, si fou, si incroyable et magique. C'était à cela que la vie devait ressembler. Le bouclé chassa le sourire de son visage pour chanter seul le refrain.
Because maybe, you're gonna be the one
that saves me
And after all, you're my wonderwall
La foule hurla son bonheur, puis leurs prénoms respectifs. La lumière était éblouissante et la chaleur du coeur était inédite. Harry tourna rapidement son regard vers Alexander, dans l'ombre des coulisses. Il souriait. Tout le stress semblait s'être envolé.
•
— C'était... trop bien ! S'illumina Niall en ouvrant la porte de sa chambre, ouvrant l'accès aux autres garçons.
C'était une toute petite pièce avec un tout petit lit et une odeur de métal. Une chambre étudiante ne devait pas être plus grande, mais ils avaient au moins des chambres individuelles et c'était un luxe de se dire que le chant leur avait rapporté assez d'argent pour organiser une tournée et réserver des déplacements et des hôtels.
— J'ai fait quelques erreurs, quand même, dit Liam, nerveux.
— Ça ne s'est même pas entendu, sourit Harry.
Liam haussa les épaules, peu convaincu, et s'assit en tailleur sur le lit de Niall. Ce dernier prit place sur le sol, le dos calé contre le lit. Harry tourna la tête vers Louis qui alla directement s'asseoir à côté de Liam sur le lit. Harry et Zayn prirent les places restantes, à savoir sur le sol, le dos contre le mur en face du lit.
— Tu te concentres toujours sur le négatif, Liam, dit Louis. C'était une bonne performance, pour une première.
— Je ne suis pas négatif, je suis perfectionniste, corrigea le garçon.
Louis leva les yeux au ciel et cela fit sourire Harry. Il avait envie que Louis le regarde, qu'il voit qu'il souriait pour lui, qu'il voit dans ses yeux qu'il était fier de lui et de sa performance ce soir. Le châtain ne lui adressa pas un regard, semblant encore légèrement pris dans ses pensées. Peut-être qu'il avait vraiment fait quelque chose de mal, qu'Alexander l'avait calmé, et qu'il avait du mal à en redescendre.
— C'était génial quand même, reprit Niall. Vraiment trop génial.
— Oui, c'était bien, sourit Harry.
— Elles t'adorent, toi, parla Zayn.
Le bouclé tourna la tête vers lui.
— Elles vous adorent aussi, dit-il.
— Bien-sûr, dit Niall. Elles nous aiment toutes !
— Plus Harry, ajouta Zayn. Ce n'est pas une mauvaise chose. Mais c'est vrai.
Le concerné leva le regard vers Louis, qui regardait autre chose.
— On s'en fiche de ça, non ? Sourit Niall. Elles peuvent le préférer. Je les comprends. Ça ne veut pas dire qu'elles ne nous aiment pas.
— Mais oui, reprit Liam, agacé.
— On ne va quand même pas laisser des histoires de filles faire des tensions entre nous ! Rigola l'irlandais.
Zayn fit une mine effarée.
— Non, jamais ! Dit-il.
— Jamais, assura Liam.
Harry sourit et hocha la tête, son regard trouvant enfin celui de Louis lorsqu'il dit à son tour :
— Jamais de la vie, dit-il.
Le châtain acquiesça avec un petit sourire. Cet éternel sourire fin, presque triste.
— Jamais, promit Harry en dernier.
— Maintenant, trinquons à ça ! Annonça Niall.
— Trinquer ? Demanda Liam.
Sous les regards confus, le blond se leva joyeusement de son lit pour aller fouiller dans son sac de voyage étalé sur le sol. Il en sortit plusieurs canettes qu'il vint distribuer aux garçons. Harry tourna l'objet pour y lire :
— Jack Daniel's, Tennessee Whisky, Cola.
— Tu t'es trimballé ça dans ton sac ? S'amusa Louis.
— Bien-sûr, assura Niall. Un premier concert, ça se fête, non ?
Liam se mordilla nerveusement la lèvre.
— Je ne pense pas que ce soit raisonnable. On a un second concert demain...
Louis roula des yeux puis passa son bras autour des épaules du garçon.
— Allons, Liam. Nous sommes des jeunes avant d'être des chanteurs. Un peu d'alcool pour des gens de notre âge, c'est comme de l'essence dans une voiture.
Niall rigola à la comparaison. Liam
— Pourquoi pas, mais juste pour cette fois alors, dit-il.
— Bien-sûr, rétorqua Louis. Juste une fois. Qu'est-ce qu'il pourrait bien arriver de mal ?
Tous ouvrirent leur canette et les approchèrent les unes des autres, souriants et fiers.
— Aux filles qui ne nous sépareront jamais jamais ! S'exclama Niall.
Puis chacun but. Liam apporta la cannette à ses lèvres et rigola, se décontractant enfin.
S'il avait pu lire l'avenir, il n'aurait jamais ouvert cette canette, il n'aurait jamais laissé la liqueur bruler sa gorge. Mais aucun des garçons n'était devin ; ils étaient jeunes, insouciants, innocents. Ils se contentèrent de rigoler en descendant l'alcool.
•
Harry n'arrivait pas à s'arrêter de sourire. Les images de ce soir tournaient en boucle dans son esprit ; comment chanter avait été bon, comment la foule avait hurlé chaque mot, comment il s'était senti aimé et reconnu. Comment il avait passé une des meilleures soirées de sa vie, comment ce n'était que la première d'une immense liste, comment il était heureux de le faire auprès de ces quelques garçons si gentils. Il se sentait si chanceux, reconnaissant, plein d'espoir.
Comment dormir, après une soirée si géniale ? Comment trouver le sommeil, quand le vrai premier jour de sa vie, vient de commencer de la plus belle des manières ?
— Harry ?
Celui-ci se redressa brusquement, ses coudes s'enfonçant dans le matelas de son lit. Il n'avait même pas entendu la porte de sa petite chambre s'ouvrir. Il plissa les yeux à travers l'obscurité et repéra la porte se refermer délicatement, puis quelques pas, puis un corps chaud dans le lit peu après.
— Tu es réveillé ? Murmura Louis.
— Bien-sûr, sourit Harry. Et si je ne l'avais pas été, tu m'aurais probablement réveillé avec tes pas d'éléphant sur le sol.
— Désolé, rigola Louis.
Il sentait encore l'alcool. Cela lui avait probablement donné l'impulsion de courage pour venir rejoindre Harry. Il ne le rejoignait que très rarement, sans qu'Harry n'ait demandé. Cela ne dérangea pas du tout ce dernier ; cela ne fit qu'embellir davantage la soirée.
— C'est juste... souffla Louis en mêlant ses jambes aux siennes. J'avais envie de venir te voir, tu sais.
Harry se mordit la lèvre et passa son bras autour de lui.
— Je vois ça, oui.
Il rapprocha son visage jusqu'à ce que leur nez se touchent. Harry avait toujours les yeux ouverts ; il les gardait souvent ainsi, même quand ils étaient dans le noir. Parfois, ses iris s'habituaient assez pour qu'il aperçoive la silhouette du visage de Louis, et cela lui faisait un bien fou.
— Je croyais que tu me faisais la tête, murmura Harry.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas. Tu avais l'air contrarié, toute à l'heure.
Louis resta silencieux quelques secondes.
— J'étais stressé... je n'étais pas en colère contre toi.
— Cool, sourit Harry. Je n'aime pas quand tu es en colère contre moi et que tu m'évites.
— Je ne suis jamais vraiment en colère contre toi... Je suis incapable de t'éviter.
Mais dans la voix de Louis régnait une sorte de tristesse, comme si ce fait était une fatalité souvent douloureuse. Harry se contenta de s'approcher et d'embrasser ses lèvres. Louis prit la douceur du baiser pendant quelques secondes, avant d'approcher son torse pour qu'il touche celui de l'autre garçon, et d'enrouler ses bras autour de sa nuque.
Harry fut surpris un court instant mais accepta la proximité avec le coeur ouvert. Louis approfondit le baiser d'une force dont il n'avait jamais fait preuve ; sa langue dansa avec celle d'Harry, son coeur battant la chamade contre celui du bouclé, ses fins doigts froids agrippant les petits cheveux de la nuque d'Harry. Instantanément, son corps ressentit une vague de chaleur et il serra le dos de Louis avant de faire reculer son visage.
— Attends, Lou, murmura Harry.
Mais celui-ci continua à embrasser le coin de ses lèvres. Il avait le gout de whisky et d'interdit.
— Hm ? Marmonna Louis.
Une gêne envahit le bouclé. Même si la puberté l'avait envahit depuis déjà quelques mois, toutes ces choses restaient des nouveautés pour lui.
— Ça me fait quelque chose, quand tu m'embrasses comme ça, chuchota t-il.
Louis ne dit rien sur le moment, probablement incapable de l'exprimer à l'oral ; pour compléter son propos, il rapprocha la partie basse de son corps de celle d'Harry, pour que leurs silhouettes soient entièrement emboitées. Le cadet couina instantanément au contact chaud de leur entrejambe.
— Moi aussi, souffla Louis.
Harry voulut lever sa main pour la déposer sur la joue du garçon, mais il se rendit compte à cet instant qu'il tremblait. Mais c'était du bon stress — du stress de bonheur, d'excitation, du stress qu'il voulait ressentir jusqu'à la fin de sa vie.
Louis l'embrassa à nouveau, avec la même force que plus tôt. Harry laissa son esprit embaumé par la chaleur du moment le guider. Sa main quitta le visage du châtain pour trouver son dos, par-dessus son t-shirt ; puis lorsqu'il réunit le courage nécessaire, il la fit glisser sous le tissu de son haut, pour trouver la peau douce de son dos. Louis trembla contre ses lèvres à ce contact.
À son tour, le châtain posa ses mains à plat sur le torse d'Harry. Son emprise était ferme, peu assurée, mais Harry décida à ce moment qu'il n'avait jamais autant apprécié un contact de sa vie.
À cet instant, un train passa à proximité de l'hôtel, faisant trembler les murs et apportant quelques secondes de lumière à la pièce, permettant à Harry d'apercevoir le visage de Louis. Il se dit à cet instant que cela allait être fini ; qu'ils avaient franchi un tout petit pas, que c'était déjà ça, mais qu'ils n'allaient pas faire davantage. Louis ne se crispa pas, n'eut aucun mouvement de recul.
— Quand le train passe, il y a de la lumière, souffla Harry.
— Continue, murmura juste Louis.
Harry n'avait jamais été aussi heureux de sa vie.
Ses mains tremblantes gagnèrent un peu d'assurance et il les laissa dériver sur la chute de ses reins, jusqu'à rencontrer l'élastique du jogging qu'il portait. Louis souffla contre ses lèvres, crispa un peu plus ses mains sur son torse, et les fit descendre jusqu'à ses côtes.
Instinctivement, leurs corps se collèrent, jusqu'à ce que leurs hanches soient emboitées. Harry lâcha un soupir de plaisir, sentant l'intimité de Louis contre la sienne, sentant ses hormones bouillir et lui mettre mille et une idées en tête. Il avait de le sentir, partout, tout le temps. Il voulait que ce moment dure pour toujours.
Ses mains passèrent l'élastique de son jogging, venant se poser sur ses fesses, le rapprochant un peu plus de lui. Louis baissa un peu plus ses mains, arrivant au niveau du nombril d'Harry. Ce dernier bougea légèrement ses hanches et Louis lâcha un gémissement aigüe, enfouissant son visage dans le cou du bouclé.
Maladroits, novices et apeurés, ils bougèrent leurs corps l'un contre l'autre pendant quelques minutes, entre gémissements dissimulés et soupirs synchronisés. Harry écouta son corps et serra davantage Louis contre lui, collant leurs érections ensemble ; à chaque friction, le mécheux tremblait de plaisir et embrassait sa peau.
Un second train passa, illuminant la pièce et le moment. Harry put mettre une nouvelle image sur ce moment. Louis ne bougea toujours pas.
— C'est... bon, souffla Harry.
Il avait envie de dire mille et une choses, mais rien ne semblait vouloir sortir. Louis hocha la tête et embrassa un peu plus fort ses lèvres. Il y avait un vrai appétit, une vraie hargne dans ce baiser, et Harry crut fondre quand il sentit les mains de Louis descendre à nouveau et venir effleurer son intimité durcie. Son coeur se mit à tambouriner dans sa poitrine comme jamais et ses bras devinrent mous. C'était comme un rêve torride, c'était comme une tempête en plein désert, c'était comme un ouragan après une sécheresse extrême. Louis l'avait rejoint dans son lit, Louis avait ses mains sur lui, Louis, Louis, Louis. Louis était... tout.
Le temps sembla se brouiller, mais leurs lèvres restèrent connectées, leurs mains continuèrent à s'effleurer maladroitement mais de la meilleure manière possible. Par moment, leur respiration était plus saccadée ; à d'autres, ils bougeaient car leurs muscles étaient endoloris. C'était imparfait et c'était pourtant si idéal.
Un troisième train passa. La lumière les entoura. Leurs yeux se rencontrèrent.
Louis ne recula pas.
Harry sourit.
S'il avait pu lire l'avenir, il n'aurait jamais souri autant, laissant l'espoir conquérir son coeur que doucement mais surement, Louis acceptait la lumière ; il n'aurait pas laissé cette idée murir dans son cerveau, alors qu'il ne s'agissait que du courage donné par l'alcool. Mais Harry n'était pas devin ; il était jeune, excité par mille et une forces, peut-être un peu amoureux. Il se contenta d'embrasser Louis plus fort, heureux.
•
Lorsque Harry ouvrit les yeux ce matin-là, il se mit instantanément à sourire. Il se redressa, le corps lourd de toute l'action et les émotions de la veille, puis s'étira. Il remarqua instantanément que la place à côté de lui était vide ; mais ce n'était pas grave. Ils avaient passé une étape, la nuit passée. Son rêve s'était réalisé, il était un chanteur désormais, et Louis laissait une petite ouverture pour que la lumière s'immisce entre eux deux. Cette simple pensée élargit le sourire du bouclé.
Il sauta du lit, s'étira, puis commença à réunir ses affaires pour se préparer au départ. Il était encore tôt, mais il avait hâte désormais. Ce soir, le concert avait lieu à Edimburgh, et Harry comptait bien profiter encore plus du show. Aujourd'hui ne pouvait être qu'une bonne journée.
Alors qu'il plia ses vêtements de la veille, l'esprit heureux encore en boucle sur la veille, il se mit à chantonner une mélodie douce mais rythmée. Il continua à la fredonner un petit moment, laissant sa créativité s'exprimer. Puis au bout d'un temps, il arrêta ses mouvements d'un coup.
Il se précipita pour saisir un bout de papier et s'assit en tailleur sur le sol, notant les notes sur le brouillon, tout en continuant à fredonner la mélodie. Puis, naturellement, ses lèvres s'ouvrirent pour poser quelques mots sur un coeur rempli :
— Eyes so bright, heart so tight...
Il se dépêcha de noter ces paroles, le cerveau embaumé par les images et sensations de la veille. L'odeur de Louis, ses mains sur lui, son aura partout autour de lui. Harry sourit, les poils de sa nuque s'hérissant au souvenir, et comme une continuité naturelle, il nota la suite sur le papier :
— It's so good to feel you in the dark.
Tout s'enchaina dans son esprit. Les notes de musique défilaient dans son palais mental, venant apporter une mélodie à ce qu'il avait vécu la veille. Il souffla d'aise au souvenir de leurs contacts, de la peau explorée, des baisers profonds et torrides.
Ses mains continuèrent à écrire :
— Lips so fine...
Leurs baisers, les soupirs, la peur, l'envie ; les hormones, la découverture, les sens décuplés par l'obscurité et pourtant leurs yeux croisés au détour de rayons de lumière. Cela fit battre le coeur d'Harry. Il y avait eu de la lumière, et Louis était resté auprès de lui, et avait continué à le toucher. Il avait été courageux.
— Mind of a knight...
Il avait été courageux, et il allait être de plus en plus brave. Ce n'était qu'une question de temps ; Harry pouvait être patient, Harry pouvait être tout ce qu'il voulait, tant ce que cela signifiait avoir une partie de lui et être si heureux.
Ainsi, le premier couplet trouva sa dernière phrase :
— I can't wait to hold you in the light.
Harry redressa son dos courbé et lit à nouveau les quelques lignes écrites. Il laissa un sourire tirer ses lèvres. Ce début de chanson était un parfait reflet de son coeur ; cette chanson finalisée serait l'espoir et la victoire. Un jour, se promit-il, je la chanterai fièrement sur scène, et Louis pleurera de joie.
—
Traduction du premier couplet de la chanson :
Eyes so bright, heart so tight
Yeux si brillants, cœur si serré
It's so good to feel you in the dark
C'est si bon de te sentir dans le noir
Lips so fine, mind of a knight
Lèvres si bonnes, esprit de chevalier
I can't wait to hold you in the light
J'ai tellement hâte de te serrer à la lumière
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