Chapitre 3

PRÉSENT / 2016

Lorsque Harry avait annoncé à Brad la nouvelle le soir-même, celui-ci avait croisé les bras sur son torse et haussé les épaules :

— Si vous avez vraiment envie de faire cette dernière tournée, je pense que ça peut être bien...

De toute évidence, Brad n'était pas au courant de tous les méandres qu'entouraient ce groupe.

— Mais tu sais pourquoi tu le fais ?

Harry avait froncé les sourcils.

— Comment ça ?

— Je veux dire, ce genre de choses, il faut savoir pourquoi on les fait. Comme revenir dans la vie d'un parent avec qui on a coupé les ponts ou se remettre avec un ex... Il faut avoir une bonne raison de le faire, un déclic sain, pour que cela fonctionne une seconde fois. Est-ce que tu sais pourquoi tu le fais ?

Ainsi, alors que cela n'avait même pas encore recommencé, Brad avait exprimé exactement pourquoi cela n'allait pas fonctionner. Harry se passa une main dans les cheveux.

— Je ne suis pas sûr de pourquoi je le fais, avoua t-il.

Brad haussa les épaules.

— Ça se voit.

Le bouclé soupira et s'assit sur une chaise. Brad vint à son niveau pour mettre ses bras sur ses épaules.

— Hey, reprit ce dernier. C'est pas très grave. Ça te regarde. C'est risqué, peut-être un peu inconscient... mais je serai là à la fin du chemin.

— Tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques, rigola tristement Harry.

— Non, aucune idée. Je ne savais pas non plus dans quoi je m'embarquais en devenant le coach sportif d'une célébrité dont je ne connaissais que le nom. La vie est pleine de surprises parfois.

— Ce groupe n'amène pas de bonnes surprises Brad, prévint Harry. Méfie-toi.

Le jeune homme posa ses paumes sur ses joues, forçant ainsi un contact visuel pour que ses mots soient intenses :

— Je n'ai pas peur Harry. Je suis avec toi et je prends tout ce qui vient avec.

Le chanteur contracta la mâchoire et acquiesça lentement. Des mots beaux ; des mots puissants, qu'il avait toujours rêvé d'entendre.

L'amour a la faculté d'exister dans tellement de formes. Outre les cases basiques telles que l'amitié, l'amour, la famille ; il existe des sous-catégories. L'amitié pure, l'amitié fusionnelle, l'amitié indescriptible. L'amour vache, l'amour pur, l'amour enfantin, l'amour fraternel, l'amour toxique, l'amour sain. Il y avait l'amour doux, celui qui vient soigner quelques maux, celui qui est sincère des deux côtés mais jamais assez pour l'un. Cet amour réel, sincère, mais injuste car peut-on un jour correctement aimer quelqu'un de si pur ? Puis il y avait ce que Harry avait décrit comme « L'amour feu. » L'amour qui fait bruler les tripes, l'amour qui ne se combat pas, l'amour qui vient briser toute morale et principe. L'amour qui ne peut pas se définir, qui se vit ; l'amour qui n'existe que dans les livres tourmentés, l'amour qui rend addict et peut devenir un véritable problème.

Brad était l'amour doux.

Louis était l'amour feu.

Si seulement ces mots avaient pu être prononcés quelques années plus tôt par l'amour feu...

— Peut-être que tu pourrais venir avec moi, parla Harry.

Ainsi, Harry s'apprêtait à faire ce qu'il avait reproché à Louis toutes ces années. Brad arqua un sourcil.

— Sur la tournée, précisa le bouclé. Pas tout le temps, ce n'est pas totalement la mienne... Mais sur des dates. Quelques unes. Tu pourrais être là, avec moi. Je veux dire, j'aurais bien besoin d'un coach sportif.

Ce dernier afficha un grand sourire sincère avant d'hocher lentement la tête. Harry brisa la distance entre les deux pour embrasser Brad. Je ne sais pas si un amour doux peut gagner un combat contre l'amour feu, mais je sais que je t'aime, pensa t-il. La plupart des jours, c'était assez.


Le 1er juillet 2016, Harry traversa les portes principales des studios Abbey Road, comme il l'avait fait la première fois 12 ans auparavant. Il fit chaque pas vers la salle, le coeur lourd, l'impression de voir des images rémanentes des dernières années. Alexander Davis l'attendant, le regard sévère, dans un coin ; Louis lui adressant un sourire dans un autre ; le lui d'à peine 18 ans, en train de pleurer en boule dans ce studio emblématique, car il rêve juste de disparaitre.

Cette fois, Harry fut le dernier arrivé. En ouvrant la porte, il remarqua Zayn, Liam et Louis, déjà présents dans la salle des instruments. Zayn était assis devant le piano, Liam faisait les cents pas et Louis était assis au sol, près de la batterie, une guitare sur les genoux. Tout semblait si familier et tout était pourtant si différent. Une éternité avait coulé entre la première fois qu'ils s'étaient tous réunis dans cette salle, avec quelques sandwichs trop chers pour ce qu'ils étaient et des vêtements douteux.

En réalité, le processus entier le terrifiait. Se replonger dans ce groupe et tout ce qu'il impliquait, être de nouveau avec ces garçons 24 heures sur 24, affronter la présence de Louis à chaque bout de couloir. Le sentir couler dans ses veines même lorsque la nuit est tombée et que le silence est présent, encore être capable de sentir son odeur dans un espace qu'il a quitté il y a des heures. Lorsqu'il était proche de Louis, leurs auras semblaient se mélanger et leur rappeler cette force passée. Harry détestait ce sentiment — par dessus tout, il détestait être impuissant face à celui-ci.

— Hey, lança Harry.

— Salut, répondit Liam. On t'attendait mais on a déjà commencé à discuter ce qu'on pourrait jouer.

Le bouclé acquiesça et alla jusqu'à leur niveau. Il jeta un rapide coup d'oeil à Louis qui n'avait même pas levé les yeux vers lui depuis qu'il était arrivé.

— On en avait brièvement discuté déjà, rétorqua Zayn.

— Alors on reste là-dessus ? Reprit Liam. Je pense qu'il faudrait quand même qu'on essaie de répéter deux ou trois chansons pour être sûr que cela nous convient et mettre tout ça sur papier.

À l'époque de la création du groupe, Liam s'était déjà positionné comme une sorte de leader. Il avait besoin que tout soit carré et précis, alors cela avait déteint sur l'organisation générale. Même des années après, ce rôle semblait se remettre en place naturellement.

— On ne chante rien de ce qu'on a fait en solo alors ? Demanda Zayn.

— Non, intervint Louis. Trop délicat, trop personnel. Je n'ai pas écrit ce que j'ai écrit tout seul pour que ça soit chanté par quelqu'un d'autre.

— Je suis d'accord, reprit Harry.

— De toute évidence vous l'êtes, répondit Liam. On reste sur nos vieilles chansons alors. Peut-être pas les meilleures mais... on a dit tour de la nostalgie après tout.

Tous les garçons hochèrent la tête. Liam commença une liste d'idées précédemment évoquées.

— On pourrait la modifier un peu, proposa Harry. À la dernière minute, parfois. C'est quelque chose que j'aime bien faire... c'est sympa de surprendre le public.

— C'est mieux de se tenir à quelque chose de précis, rétorqua Louis. Le confort et la sécurité.

— Évidemment que tu préfères ça, Harry roula des yeux.

— Ça veut dire quoi ça ? Le châtain fronça les sourcils.

— Et c'est reparti... couina Zayn.

— Tu sais ce que ça veut dire, Harry haussa les épaules. Cela devrait être ta devise, cette phrase. « Ma définition du bonheur se trouve dans le fait de se terrer dans la sécurité. »

Tu me reproches ça ? Pesta t-il. Connard !

— Lâche, répondit Harry au tac au tac.

— Temps mort ! Parla Liam. Bordel de merde, est-ce qu'on peut vous avoir dans la même pièce sans devoir être absolument présents au risque que vous vous creviez un oeil ? On est des adultes.

Harry haussa les épaules et croisa les bras sur son torse. Louis leva les yeux au ciel.

— Le but c'est de se faire plaisir à tous, reprit le brun. Alors certains shows on changera la setlist. D'autres pas du tout. Comme ça vous serez tous les deux contents.

— Très bien, capitula Harry. Je ne suis pas là pour me battre de toute manière.

— Juste pour m'emmerder, rétorqua Louis.

— On va couler, dit Zayn à Liam. Avec eux dans le navire, on va couler. Même pas parce qu'on va se faire attaquer par des pirates ou je ne sais quelle connerie, mais parce qu'ils vont eux-mêmes saboter le navire.

— Non, dit Harry. Non.

— Vraiment ? Parla Liam. Parce qu'on a l'air bien partis, là.

— Merde Li, tu sais qu'on s'entend mal, soupira Louis. Tu le savais. On va s'emmerder mutuellement, c'est juste... naturel. Mais je vais rien saboter.

— Moi non plus, affirma le bouclé.

— Si ce n'est pas vous, ça sera votre égo, soupira Liam.

— Je n'ai pas d'égo, se défendit Louis.

Harry fit mine de toussoter. Liam lui lança un regard noir ; le bouclé leva les mains, signe de trêve. Zayn ne put contrôler son rire nerveux.

— Ok, c'est bon ? On peut repartir ? Reprit Liam. Vous êtes pires que mon fils putain. Ok, alors, la setlist...

Chacun donna des idées, plus ou moins débattues, acceptées, comprises, rejetées. A certains moments, Zayn se mettait à jouer une petite mélodie sur le piano, Louis commençait à gratter la guitare et fredonner un air. A ce moment, Harry perdit concentration sur la discussion et tendit l'oreille vers le châtain. Sa voix avait toujours ce grain aiguë particulier, qu'il avait tant aimé la première fois. Ses cordes vocales semblaient plus dures désormais cependant, touchées par la cigarette, l'alcool et simplement le temps qui passe ; mais son grain de voix restait précis, bien à lui. Harry tourna la tête vers lui pour le regarder, comme un geste naturel du soleil vers la terre. Il était assis en boule, son pull trop grand sur les épaules, ses doigts fins sur l'instrument. Louis leva les yeux pour rencontrer les siens. Le bouclé tourna la tête.

— Génial, alors on est d'accord sur la setlist ! S'exclama Liam avec joie avant de se pincer les lèvres. Il y a un truc qu'on n'a pas encore vu par contre. Les solos de Niall... qui les prend ?

Cela piqua le coeur d'Harry. Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette conversation ; lorsque Zayn avait quitté le groupe, ils avaient dû réfléchir à cette question. Mais Alexander avait eu une solution précise à ce problème.

— On ne fait pas passer d'auditions pour un nouveau membre ? Parla Louis. Je sais pas, c'est qu'une idée. D'ailleurs, personne n'a invité Michael ?

Michael était le membre qui avait remplacé Zayn dans le groupe, le temps restant de celui-ci à l'époque. Il avait pris ses solos et son image. Derrière les portes, Michael était la plus belle ordure qu'Harry n'avait jamais rencontré, mais devant les fans il avait su être parfait et apprécié.

— Jamais de la vie, grogna Liam. Je ne veux plus entendre parler de ce type.

— Oh, allez, taquina Louis. Je veux dire, il n'a fait que me foutre un pain que deux fois en 9 mois de carrière partagée...

— Ce n'est pas grand chose, reprit Zayn. Parfois, tu en méritais plus.

— Ah, répondit le châtain. Difficile de te l'accorder celle-là Zayn, comme tu n'étais plus là pour le voir.

— Plus là pour le voir mais assez occupé. L'ordure m'a fait un procès je vous rappelle.

Alexander avait toujours répété que le contrat était le plus important et qu'il ne tolèrerait aucune dérogation à celui-ci. Lorsque Zayn était parti et avait demandé la rupture, le producteur avait tenu ses promesses et lui avait fait un procès.

— Qu'est-ce qu'il n'aurait pas fait en même temps, grogna Liam.

— On pourrait, ne pas parler de lui et du passé ? Intervint Harry, la voix basse.

Un silence se posa sur la salle.

— Ouais, désolé H, rétorqua immédiatement Liam, conscient du sujet sensible. Alors, pour les solos de Niall ?

La conversation repartit là-dessus mais Harry n'arriva pas à décrocher du sujet précédent. Comme il l'avait craint, il se revit plongé des années plus tôt, la présence d'Alexander sur les épaules. Une présence si lourde et dense, jusqu'à plier le dos et pleurer de douleur. Tout le long de la discussion, Liam et Zayn entretinrent le sujet. Harry demeura silencieux, hanté ; Louis, discret, demeura attentif à son état.

En essayant de trouver le sommeil ce soir-là, Harry repensa à lorsqu'il avait appelé sa soeur pour lui annoncer pour le groupe. Celle-ci était restée silencieuse une bonne minute.

— Tu es sûr de vouloir retourner là-dedans ? Avait-elle finalement dit.

— Non, avait avoué Harry.

— Je suppose... que cela aurait fait plaisir à maman, tant que tu es épanoui...

— Arrête. Je ne suis pas épanoui. Et c'est la dernière chose qu'elle aurait aimé que je fasse. Je suis probablement le plus gros imbécile du monde à y retourner après ce que j'ai fait la première fois.

Gemma n'avait pas répondu tout de suite.

— Elle n'a pas fait ce qu'elle a fait à cause de toi, parla calmement la jeune femme.

— Gemma...

— J'insiste, Harry. En tant que grande soeur je dois te le dire et te le répéter autant qu'il le faut. Maman ne s'est pas suicidée à cause de toi.

Le bouclé se passa une main sur le visage.

— Indirectement si, dit-il. C'était indirectement à cause de moi. Sans cette audition, sans ce groupe... Si j'avais été un peu moins naïf... elle ne l'aurait jamais rencontré.

— Harry.

Désormais, la voix de Gemma était sèche.

— Maman s'est suicidée parce qu'elle était malade, parce qu'elle était fragile, que certaines choses l'ont touchée et qu'elle n'a pas vu d'autres solutions.

— C'est des conneries et tu le sais, cracha Harry.

À l'autre bout du fil, Gemma souffla. Le bouclé reprit :

— Maman s'est suicidée parce que j'ai fait entrer Alexander Davis dans sa vie.









Grosse révélation sur cette fin de chapitre. Comme vous l'aurez compris, cette histoire se développera surtout sur les chapitres du passé, car finalement cette histoire est découpée en 2 : l'histoire du passé et l'histoire du présent. Cela se rejoint et se complète, mais globalement, il est possible de juste lire les chapitres du passé et juste lire les chapitres du présent. C'est deux histoires différentes à leur manière.

Merci pour les retours, cela m'encourage tellement. 🤍

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