Chapitre 2

PASSÉ / 2004

C'était le plus beau jour de la vie d'Harry.

Il avait toujours rêvé de faire de la musique et il n'arrivait pas à croire qu'il avait l'opportunité de toucher cela du bout des doigts.

Tout ce qu'il avait fait avait été de voir une annonce dans le journal de son village anglais, disant qu'ils organisaient une audition à Londres, aux Studios Abbey Road en honneur de leur 73eme année d'ouverture, pour former un boyband. Mais ce qui était le plus intéressant avec cette opportunité était que les studios enregistraient le premier album du groupe et toute une équipe de communication gérait l'image de la promotion.

En lisant cela en prenant son petit-déjeuner avant de prendre le bus, Harry avait crié et s'était précipité dans la chambre de sa mère, encore endormie. Elle avait sursauté et s'était redressée. Elle avait l'air fatiguée, rongée par la dépression qu'elle combattait comme elle pouvait. Mais Harry trouvait que c'était tout de même une bonne mère, la meilleure de toutes.

— Tu pourrais me conduire au train ? Pour que j'y aille ? Demanda t-il, des étoiles dans les yeux.

Anne se mit à lire l'annonce, qui prenait presque une page entière. Il n'y avait pas de doutes qu'il allait y avoir plein de garçons tentant leur chance à cette journée.

— C'est le mois prochain, nota t-elle. Quel jour ?

— Un jeudi. Je sais, je vais rater l'école, mais... Si ça marche maman, je vais enregistrer un album ! Dans les mêmes studios que les Beatles ! Je pourrais même... Il commença à lever les bras. Prendre la photo emblématique sur le passage piéton. Même si je suis pas pris, ce serait une journée géniale.

Anne sourit, jusqu'à ce que ses yeux fatiguées rétrécissent. Elle avait de longs cheveux noirs et quelques fossettes, dont Harry avait hérité.

— Je ne vais pas t'emmener au train, je vais t'emmener à Londres, répondit-elle en caressant ses cheveux.

Harry lui sauta dans les bras.

Le mois sembla passer atrocement lentement et Harry ne pensa qu'à cette audition. Il mit une bonne semaine à choisir la chanson qu'il allait interpréter — pour finalement se décider sur Hey Jude des Beatles, pour le clin d'oeil amusant — et les deux suivantes à répéter en boucle dans sa chambre. La dernière semaine, il commença à douter de tout, comme l'adolescent apeuré qu'il était au fond, mais il se rassura lui-même. C'était l'occasion d'une vie et c'était la sienne.

Le matin du 17 mai 2004, Harry prit la route avec sa mère en direction de Londres. Deux heures plus tard, ils étaient garés près des studios. Harry avait mis une chemise pour l'occasion et son plus beau jean, relatif à la mode de ces années.

Le parking était bondé, plein de parents et leurs jeunes adolescents se dirigeaient vers les studios. Harry avait imaginé qu'il y aurait du monde, mais étrangement il se prit quand même ce fait en pleine face. Le jeune soupira et se tourna vers sa mère.

— Tu m'attends ici ?

— Bien-sûr que non chéri, répondit-elle. Je viens. Il y a une pancarte qui dit que les accompagnateurs sont autorisés.

— Je sais, mais je veux dire... Si tu es fatiguée, si tu ne le sens pas...

Sans que les mots soient dits, Anne devina que son fils faisait référence à sa maladie. Elle aborda un sourire triste et acquiesça.

— J'ai pris mes médicaments. Ça ira chéri. Je serai la meilleure des mamans aujourd'hui.

— Tu es la meilleure des mamans tous les jours, dit-il en sortant de la voiture.

L'intérieur du studio était aménagé pour l'occasion. À l'entrée se trouvait un pupitre où il fallait d'abord s'enregistrer. Puis, de grandes palissades avaient déterminé des allées où des dizaines de personnes se trouvaient, en attente de leurs noms pour passer derrière un rideau et offrir la performance.

Il faisait une chaleur atroce. Plein de mamans se faisaient du vent avec les feuilles d'admission qu'elles avaient transformé en éventail. Harry dut rester debout un petit moment jusqu'à ce que deux sièges se libèrent et qu'ils prennent place avec sa mère. Le jeune profita de ce moment pour détailler un peu les autres garçons, afin de s'imaginer dans un groupe avec eux. Il avait lu dans l'annonce qu'il y aurait minimum 5 gagnants, maximum 7. Harry espérait qu'il n'y en ait pas autant, il avait du mal à s'imaginer dans un groupe nombreux.

Les heures passèrent jusqu'à ce que les allées se vident et que la fraicheur s'installe dans l'endroit. Encore un peu plus tard, l'homme chargé des inscriptions se leva et prit son sac sur son dos puis les personnes derrière le rideau sortirent en discutent. En regardant sa montre, Harry constata qu'il était 19h14. De mémoire, la brochure disait AUDITIONS OUVERTES DE 13h à 19h.

Ils avaient oublié Harry.

À sa droite, sa mère dormait, alors il n'hésita pas et se leva en direction des trois hommes qui étaient sortis du rideau. Les juges des performances, il devina.

— Bonjour, euh bonsoir... Excusez-moi, parla Harry.

Les trois hommes se retournèrent, sourcils arqués. Deux semblaient avoir l'âge de son père tandis que le troisième avait l'air plus jeune, plus sympathique aussi. Harry déglutit.

— Qu'est-ce que nous pouvons pour toi ? Parla le plus charismatique de tous, un grand homme aux cheveux gris. Harry était sûr de l'avoir déjà vu quelque part dans la presse, un grand producteur peut-être.

— Je me suis inscrit... je suis arrivé à 14h30. Je me suis inscrit, j'ai attendu et on ne m'a pas appelé.

Pour prouver son point, il leur tendit la feuille d'admission. Les hommes y jetèrent un oeil bref avant de se regarder tous les trois.

— Tu es sûr que tu n'as pas été appelé ? Parla le plus jeune.

— Persuadé, rétorqua Harry au quart de tour. J'ai été attentif toute la journée.

Les hommes lâchèrent un soupir.

— Nous sommes désolés mon garçon, il a dû y avoir une erreur technique. Nous ferons une seconde édition, tu pourras revenir et nous te ferons personnellement passer en priorité.

Cela sonnait comme un discours bateau sorti à un enfant pour qu'il lâche l'affaire. A la seconde où ils passeraient cette porte, ces hommes ne se rappelleraient pas de lui.

— Seconde édition ? Répéta Harry, décomposé. Je ne peux pas... chanter pour vous maintenant ?

— Le matériel a été rangé. Nous nous apprêtions à partir. Merci d'être venu mon garçon.

Dans un geste paternisant, le plus vieux caressa les cheveux d'Harry et ils commencèrent tous les trois à partir. Harry ouvrit la bouche, la referma. À chaque pas qu'ils faisaient, son rêve s'éloignait un peu de lui. Il se tourna vers sa mère, encore assumée par les médicaments.

Quelque chose cria dans ses tripes. S'il ne saisissait pas cette occasion aujourd'hui, rien ne changerait. S'il n'essayait pas, il ne toucherait jamais son rêve du bout des doigts. S'il ne se mettait pas à chanter, là, maintenant, un autre garçon serait pris à sa place.

Hey Jude, don't make it bad

Les trois hommes arrêtèrent leur marche pour se retourner délicatement. Harry commença à jouer nerveusement avec les bords de sa chemise et se racla la gorge pour se remettre à chanter acapella.

Take a sad song and make it better
Remember to let her into your heart
Then you can start to make it better

L'acoustique de l'endroit était excellent et maintenait la voix d'Harry comme il le fallait. Le stress lui fit rater une seule note du second couplet mais il se reprit sur la suite.

Hey Jude, don't let me down
You have found her, now go and get her
Remember to let her into your heart
Then you can start to make it better

Remember to let her into your heart
Then you can start to make it better, better, better...

Là arrivait la partie la plus difficile de la chanson, qu'Harry avait répété à sa façon, en faisant l'harmonie des choeurs. Il avait prévu de faire cela sur un semblant de scène, avec des équipements, mais c'était cet instant précis. C'était maintenant. Il fallait tout donner, tout prouver.

Harry se mit à taper dans ses mains en rythme avec la musique, chantant les na-na-na-na. Il bougea son pied, créant ainsi un bruit de grelots qu'il avait accroché à sa chaussure, pour aller avec la musique. Les trois hommes s'échangèrent un regard. Le plus jeune haussa les épaules, sourit et se mit à taper en main en rythme. A côté d'Harry, une autre personne se mit à taper dans ses mains ; sa mère.

La-la-lalalala, la-la-la-lalalala, Hey Jude, Ła-la-la-laaa, hey Jude

Petit à petit, le plus vieux et stoïque commença à acquiescer et à taper dans ses mains.

La-la-lalalala, la-la-la-lalalala, Hey Jude, Ła-la-la-laaa, hey Jude

Harry arrêta de chanter, signant la fin de la prestation. Un silence de trois bonnes secondes régna dans l'habitacle. Puis, des applaudissements. Harry tourna la tête vers sa mère et lui offrit un sourire reconnaissant. De nouvelles mains se mirent à claquer et l'adolescent remarqua le plus jeune des jurys ainsi que le second. Il ne manquait plus que le producteur principal, qui semblait d'abord jauger l'adolescent. Ce dernier ne baissa pas le regard et finalement, l'homme esquissa un sourire avant de claquer dans ses mains.

Il fit quelques pas vers Harry.

— Est-ce que je peux avoir ta feuille d'inscription ? Demanda t-il.

Sans hésiter, le jeune lui tendit. L'homme la regarda à nouveau un court instant, la prit et la rangea dans sa mallette. Il adressa ensuite un petit signe de tête à l'adolescent et lui tendit la main.

— Alexander Davis.

Le bouclé la serra frénétiquement.

— Harry. Harry Styles.

— Tiens-toi prêt Harry Styles, nous t'appellerons.

Sur ces mots, les trois hommes partirent des studios. Harry entrouvrit la bouche, se tourna vers sa mère. Les deux se mirent à crier et se serrer dans les bras.

Une fois installé dans son lit le soir, Harry ne pouvait chasser son sourire.

— Les plus belles années de ma vie commencent maintenant, avait-il murmuré.

À cet instant, il y croyait sincèrement.


Alexander n'avait pas menti. Le téléphone de la maison sonna une vingtaine de jours plus tard pour annoncer à Harry qu'il était retenu. Ce n'était pas une surprise totale, mais cela n'empêcha pas les Styles de célébrer cela dans leur restaurant préféré. Ils n'avaient pas beaucoup d'argent, mais Anne avait tenu à mettre de côté pour ce jour. Ils avaient mangé tous les trois et Harry et sa soeur ne s'étaient même pas chamaillés. C'était un jour magnifique.

Il avait ensuite reçu un planning par courrier, qui l'avait fait réaliser à quel point les choses étaient sérieuses. La première rencontre de groupe s'effectuait le 1er juillet, puis des rendez-vous aux studios au moins trois fois par semaine. Les choses étaient réelles, Harry allait faire de la musique.

Le premier jour de juillet, sa mère le déposa devant le studio de répétitions trente minutes à l'avance. Il avait insisté pour être là aussi tôt et elle n'avait rien pu faire. Il soupira d'aise et partit un peu plus loin, acheter quelques sandwichs dans un magasin qu'il trouvait joli. Il profita de Londres une dizaine de minutes puis retourna aux Studios Abbey Road, où il entra en montrant sa carte d'identité. Il sourit de fierté en entrant dans l'endroit.

Le producteur Alexander Davis attendait assis sur les marches. Il était évident qu'il allait être présent, qu'il allait superviser le groupe ; mais Harry s'impressionna de le voir ici. Il avait une cigarette entre les mains et portait un long manteau noir, ce qui étonna l'adolescent pour la saison. Cela le fit l'admirer encore plus.

— Bonjour, lâcha t-il poliment.

— Harry Styles, celui qui a été oublié, c'est ça ? Répondit l'homme.

— Oui... c'est ça.

Alexander afficha un sourire énigmatique.

— Une fois cet album sorti, je peux t'assurer que plus personne ne t'oubliera.

— C'est vrai ? S'émerveilla Harry.

— Si tu fais les choses comme on le dit, oui, rétorqua l'homme en tirant longuement sur sa cigarette. Mais je sais que tu le feras. Tu es un garçon intelligent et talentueux.

La fumée qu'il cracha entra en contact avec le visage de l'adolescent. Il toussota. Alexander reprit :

— Tu peux entrer. Je vais bientôt rejoindre.

Il n'avait pas revu l'intérieur des studios depuis la journée des auditions. Il n'y avait plus toutes ces palissades et rideaux. Le studio était comme il était toujours ; le sol en bois à perte de vue, les instruments étalés un peu partout, les hauts murs, cette odeur particulière et cette acoustique parfaite.

Il avait vraiment l'impression de marcher sur les pas de John Lennon, Paul McCartney, David Gilmour. Peut-être pourrait-il un jour devenir un quart de ce qu'ils étaient.

Harry s'avança jusqu'à une petite table et ouvrit son sac afin d'en sortir les sandwichs. Au cas où, il en avait pris sept, car il ne savait pas combien de garçons avaient été retenus. Il avait aussi acheté une bouteille d'eau et quelques paquets de chips. Il contempla sa petite présentation, fier, jusqu'à ce que la porte du studio s'ouvre.

Deux garçons entrèrent. L'un avait les cheveux marrons et une carrure grande et fine, l'autre était un peu plus petit, plus chétif, les yeux noirs et le teint plus foncé. Harry s'avança à eux, souriant.

— Je suis Harry ! Dit-il.

— Liam, dit le plus grand.

Il avait l'air sérieux, presque sévère, mais pas méchant.

— Moi, c'est Zayn, parla l'autre.

— Cool, sourit Harry.

— Tu es le seul arrivé ? Demanda Liam.

— J'étais en avance oui. J'ai acheté des sandwichs, si vous voulez...

Les garçons échangèrent un petit rire ravi et se dirigèrent vers la table.

— Vous venez d'où ? Parla Harry.

— Nord de l'Angleterre, répondit Liam.

— Pareil, parla Zayn. Ça fait loin, de venir ici... mais c'est l'occasion d'une vie.

Les trois acquiescèrent. La porte s'ouvrit sur un autre garçon, blond, les yeux brillants. Il ne sembla pas remarquer les autres tout de suite, trop occupé à détailler la pièce emblématique. En voyant les garçons, il aborda un grand sourire et vint à eux.

— Moi, c'est Niall ! Lâcha t-il joyeusement. Irlandais. Fier de l'être. Très heureux d'être ici.

Harry adorait déjà Niall.

— Ça se voit, rit Liam. Tu viens d'Irlande ? Tu vas faire tout ce chemin tout l'été ?

— J'ai de la famille ici. Je reste chez eux le temps qu'on fasse... ça. Il désigna les studios.

— Et si ça dure plus longtemps ? Parla Harry. Si ce qu'on va faire ici, ça marche ?

— J'espère ! Rebondit Liam.

— Si ça marche, sourit Niall, j'achèterais une grande maison. Et je serai une rockstar.

Harry sourit. Il aimait bien cette idée.

— Vous savez combien on est ? Demanda ce dernier.

Liam arqua un sourcil.

— Ils ne te l'ont pas dit ? On a reçu un courrier avec les détails.

— Non ? J'ai eu une audition un peu particulière, je n'ai pas dû avoir toutes les informations.

— On est cinq en tout, répondit Zayn. Il manque... celui qui s'appelle Louis. À la française.

La porte s'ouvrit sur un dernier garçon. Ses cheveux châtains étaient coiffés en une mèche lisse et il avait un t-shirt noir par dessus un jean assez serré. De l'autre bout de la pièce, Harry remarqua ses yeux bleus.

Il avait l'air un tout petit plus vieux qu'eux, mais pas pour autant en décalage. Harry ressentit un grand soulagement face à ces quatre garçons qui lui plaisaient bien.

Le châtain arriva jusqu'à eux et posa son sac.

— Louis, dit-il en souriant à tous.

Harry s'étonna en entendant sa voix aiguë. Louis était de ces personnes qui avait une voix douce, délicate, un peu en décalage avec leur physique. Il ne pouvait qu'imaginer ce que cela donnait lorsqu'il chantait, un contraste total avec sa voix qui était plus grave. Cela pouvait être intéressant.

Tout le monde se présenta ; Harry le fit timidement. Il y avait quelque chose d'assez solaire chez ce garçon qui lui donna envie de s'écraser un peu. Non pas que Louis exigeait de prendre tout l'espace, mais comme si Harry voulait le laisser briller librement.

— En plus on a à manger en arrivant, parla Louis en prenant quelques chips. C'est génial.

— C'est Harry qui a acheté ça, lâcha Zayn. C'est lui que tu peux remercier.

Le châtain se tourna vers le jeune, affichant un sourire qui faisait plisser ses yeux.

— Harry, tu es officiellement mon préféré de ce groupe.

Harry rougit un peu et décida à ce moment précis que c'était réciproque.








Comme vous l'avez compris, cette œuvre entière suivra particulièrement le personnage d'Harry. Son histoire au passé ainsi que celle du groupe et ce qu'il s'y est produit, puis les événements du présent et du futur.

Harry, si doux et tendre en 2004, qui a dû devenir un homme si écorché 10 ans plus tard. 🥀

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