♱ | 8. Voyageur du futur
— Oh là là, maman va être furax en voyant que ça sera notre deuxième retenue de la semaine !
— Parle pour toi ! rétorquai-je en ouvrant la grande porte d'entrée du lycée qui émit un grincement aigu.
Il était dix-sept heures trente, le soleil déclinait doucement vers l'horizon pour laisser place à notre prochaine nuit étoilée. Steven monta sur son skate orange et s'agrippa à mon épaule afin d'avancer à la même vitesse que moi.
— Alors maman va seulement me tuer.
— Ça t'apprendra à rire en classe, gloussai-je.
Mon frère m'adressa un air faussement outré, ce qui élargit le rictus mesquin déjà imprimé sur mes lèvres.
— C'est aussi de ta faute, ça ! Si tu n'avais pas dit de conneries, je serais resté silencieux.
Je levai les yeux au ciel. Toujours des excuses, celui-là !
Un élan de soulagement me submergea lorsque nous arrivâmes à l'arrêt du bus du centre-ville. Nos quartiers étant à l'extrémité de Mallory West, mon envie de faire toute cette marche à pied pour ce soir était aux abonnés absents. Mon frère me jeta un regard confus en me voyant prendre place sur la banquette de bois de l'arrêt de bus.
— Je n'ai aucune énergie pour faire le trajet à pied jusqu'à la maison, expliquai-je en étendant mes jambes.
— Flemmarde, ricana mon frère en prenant place à côté de moi.
Le prochain bus devait arriver d'ici dix minutes. Nous n'avions donc pas beaucoup de temps à attendre. Le trajet jusque chez nous prendrait environ quinze minutes et c'était toujours plus court que la longue marche de presque une demi-heure à laquelle on avait échappé.
Je vis Steven se redresser d'un coup et s'éloigner de moi. La curiosité s'éveilla en moi, tandis que je le suivais du regard, les sourcils froncés. Mon cœur fit un bond sauvage quand je découvris ce blond à la veste en jean. L'Angleterrien...
Je refusais de croire à la possibilité de le retrouver ici soit dû à une simple coïncidence, les chances que ça fût le cas en étaient trop improbables. Un sentiment de soupçon coula dans mes veines quand j'en vins alors à me demander s'il ne nous avait pas suivis. Et ce même en découvrant la surprise s'imprimer sur son visage quand il nous aperçut, Steven et moi.
— Qu'est-ce que tu fais ici ?
L'élan de méfiance qui s'emparait de moi s'alliait à un sentiment amer de jalousie. Voir Steven aussi amical avec quelqu'un m'insupportait. Je n'étais pas jalouse de ce type. Seulement, je n'appréciai pas le fait de constater qu'avec lui, mon frère était différent. Je ne pouvais expliquer la raison de ce changement d'attitude, mais ça m'inquiétait. Je craignais qu'un jour, le nouveau change subitement de camp et que ceci blesse Steven de la pire des manières. Et si ça venait à arriver, je devais être prête pour sauter sur l'Angleterrien et lui faire bouffer sa veste en jean.
— Je cherche la bibliothèque, enfin, s'il y en a une.
Contre toute attente, un gloussement moqueur s'échappa de ma bouche, attirant l'attention des deux garçons sur moi. J'ignorai le regard suppliant de Stev' et me focalisai sur le blondinet.
— Bien sûr qu'il y en a une, espèce d'abruti profond d'Angleterrien, crachai-je d'une voix tranchante.
Les traits de son visage se durcirent, l'atmosphère s'alourdit subitement.
— J'ai un prénom, Grincheux.
Sa voix lente était teintée d'un agacement qui me réjouit. Je continuai de le considérer d'un œil noir.
— Est-ce que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à faire ?
Ma respiration se bloqua dans ma trachée à l'instant où je réalisai qu'on s'était rapproché l'un de l'autre. Désormais, il ne se trouvait qu'à quelques centimètres de mon corps. Je pouvais me tenir aussi droite que je le voulais, il continuait de me surplomber de toute sa hauteur. Or, je n'en étais guère impressionnée. Je m'étais frottée à des types bien plus coriaces que lui ; du genre Alex Rivers et sa clique.
— Le jour où tu en auras marre de passer pour une pauvre demeurée inculte, sache que tout le monde m'appelle Marty.
Cette révélation brisa cet instant de tension chargé d'électricité. Je clignai plusieurs fois des yeux, sceptique de découvrir cette information. Je croisai mes bras contre ma poitrine et libérai un ricanement sarcastique.
— Marty, sérieusement ? Ton nom ne serait pas aussi McFly, tant qu'on y est ?
Il conserva un air impassible et pencha légèrement la tête sur le côté. Je voulais me gifler mentalement en constatant que cette position lui donnait un air adorable. Parce qu'il n'était pas attendrissant. Je devais continuer à le détester pour sa présence si imposante dans ma sphère et celle de Steven.
— Navré de te décevoir, mais c'est Jackson.
Un éclat de rire sarcastique venant de nulle part s'empara de moi, créant la confusion de ce Marty.
— Je vois. Tu es l'arrière-petit-fils de Michael Jackson et tu es remonté dans le temps pour l'empêcher de mourir. Mais désolé de te l'apprendre, voyageur du futur, tu t'es trompé d'époque, parce qu'il est déjà mort depuis sept ans !
Ma propre blague alimenta mon fou rire, tandis qu'une expression lasse s'imprima sur le visage de Steven et sur celui de l'Angleterrien. Cependant, je vis ce dernier contracter ses poings, ainsi que sa mâchoire. Un rictus mesquin incurva alors mes lèvres. Avais-je trouvé l'un de ses points sensibles, à savoir, se moquer de son prénom avec la référence spéciale de Marty McFly ?
Je m'imaginais alors dans les jours futurs, en train de le charrier pour découvrir cet air agacé qui me délectait. Ce film que je projetai mentalement prit fin quand le bus que Steven et moi devions prendre s'arrêta près du trottoir. Mon frère agrippa délicatement mon bras pour m'écarter de l'Angleterrien.
— On y va, Polly. Le bus ne va pas nous attendre.
À contrecœur, je dus admettre qu'il avait raison. Marcher durant trente minutes ne me plaisait toujours guère. Sans un mot, je rompis mon échange visuel avec le nouveau, talonnai Steven et m'installai à côté de la grande vitre, là où l'Angleterrien se trouvait en plein dans mon champ de vision. Mon cœur se serra en constatant que ses iris, aimantés dans ma direction me fixaient avec une intensité désarçonnant. Une cascade de frissons désagréables dévala mon échine dorsale. J'étais incapable de déceler le type de lueur qui étincelait dans son regard. Me narguait-il ? M'exprimait-il toute sa haine ? Je n'en avais aucune idée.
Cependant, cette confrontation alimenta une curiosité malsaine et venue de nulle part concernant ce type. Pourquoi sa famille avait emménagé à Mallory West ? Pourquoi j'avais l'illusion qu'il me suivait, où que j'aille ? Tant de questions obnubilèrent mon esprit et qui n'auraient pas de réponse dans l'immédiat.
Notre duel visuel prit fin à l'instant où le bus reprit sa route pour nous transporter, Steven et moi dans les lotissements du quartier Brown. La tête posée contre la vitre, je laissai ce curieux silence m'envelopper. À mesure que les secondes s'écoulaient, je m'attendais à entendre la voix de mon frère qui me ferait des reproches concernant mon attitude avec l'Angleterrien. Mais il ne fit rien.
En jetant un coup d'œil à côté de moi, je remarquai qu'il avait mis son casque sur les oreilles. Ceci indiquait que la communication entre nous était suspendue jusqu'à un moment indéterminé. Je fus alors rassurée de ne pas l'entendre parler de l'Angleterrien. J'avais eu ma dose pour la journée.
Mes pupilles demeurèrent verrouillées sur le calendrier d'AC/DC accroché au mur de ma chambre. Deux jours à attendre avant de retourner chez mon père. L'impatience qui pulsait dans mes veines m'empêchait de me concentrer sur mes devoirs. Je m'allongeai sur mon lit, le regard braqué au plafond, tandis que mon esprit divagua au loin, concernant mes projets pour ce week-end.
J'avais toujours chéri chaque instant passé avec papa, notamment depuis son divorce avec ma mère. Chez lui, je ressentais ce sentiment réconfortant de sécurité qui me manquait quotidiennement. Je pouvais ainsi baisser ma garde et me détendre. Malheureusement, ces moments de repos ne duraient que deux jours et je devais attendre deux semaines avant de retrouver ce cocon rassurant.
Alors qu'une bile amère remonta le long de mon estomac en songeant à l'injustice que ma mère ait obtenue notre garde – à moi, mon frère et ma sœur, mon sang se glaça dans mes veines. Je n'osais plus faire le moindre mouvement et respirai à peine.
La température de ma chambre avait soudainement chuté, une cascade de frissons parcourut mon épiderme. La peur me submergea lorsque, du coin de l'œil, je constatai que la lumière émise par ma lampe de bureau faiblissait de façon progressive. Mon cœur fut catapulté dans ma trachée quand l'ampoule s'éteignit tout à coup. L'inquiétude me rongeait jusqu'à la moelle, je déglutis difficilement.
Ça recommence.
Je voulais appeler à l'aide, mais ravalai mes mots à contrecœur. La dernière fois que j'avais eu la naïveté de réclamer du secours, ça c'était mal terminé pour moi. Je refusais de retrouver ce cocktail de terreur et d'inquiétude qui luirait dans le regard de ma mère lorsqu'elle découvrirait que les démarches faites dans le passé n'avaient abouti à rien. Alors je me ralliai au silence avec la peur qui paralysait chaque partie de mon corps.
Quelqu'un me rendait une petite visite et je n'étais pas certaine de vouloir connaître son identité. La mâchoire serrée, je fermai mes yeux, au cas où mon visiteur viendrait à moi et aussi pour me convaincre que j'étais seule, que ceci provenait de mon imagination.
Cependant, le calme auquel j'étais parvenue à m'accrocher jusqu'à présent vola en éclats au moment où un sinistre grincement me parvint. Mon rythme cardiaque palpita douloureusement, mon corps tout entier tremblait de peur. Quelqu'un ou quelque chose ouvrait la porte de mon placard. L'angoisse me piqua de toute part. Il devenait difficile de retenir le hurlement de terreur qui menaçait de s'échapper de mes lèvres.
L'adrénaline alliée à la peur qui me broyait les os provoqua une décharge électrique se propageant dans tout mon corps. D'un bond, je me levai, quittai mon lit et me ruai hors de ma chambre. Je refermai précipitamment la porte d'entrée derrière moi pour empêcher ce truc de me suivre dans toute la maison.
Haletante, je m'adossai contre le mur et me laissai glisser jusqu'à toucher le parquet de bois. La chaleur réconfortante qui régnait dans le couloir et la vision des lampes allumées m'aidaient à me remettre de la frousse bleue qui m'avait frappée dans ma chambre. Mais cette ambiance normale ne chassa pas mon inquiétude pour autant.
Cet événement qui s'était déjà produit au lycée démontra que ces gens ayant bouleversé mon existence étaient loin d'avoir bouleversé mon existence étaient loin d'avoir éradiqué le mal étrange qui m'habitait. J'étais loin d'être tirée d'affaire. Cependant, je devais éviter de reproduire les erreurs que j'avais faites dans le passé. Personne ne devait connaître que mes démons étaient de retour pour me torturer. J'étais contrainte de cohabiter avec eux.
Le son de la télévision provenant de l'étage du dessous me rappela où je me trouvais ; le couloir désert. Le cœur toujours aussi lourd, je me relevai et m'avançai jusqu'à la chambre de Steven qui se trouvait à côté de la mienne. C'était le seul endroit où j'espérai trouver du répit.
J'entrai sans frapper et me retrouvai nez à nez avec mon frère. Tous deux, nous fûmes victimes d'un petit sursaut de surprise.
— Tiens, j'allais justement te chercher.
Heureusement que j'avais quitté ma place contre le mur. J'ignorais comment je lui aurais expliqué la raison de ma présence dans le couloir, recroquevillée sur moi-même, encore terrifiée par les événements survenus dans ma chambre.
Je fronçai mes sourcils pour demander plus d'explications. Ce dernier me montra un coffret DVD bleu avec un sourire adorable. Un gloussement amusé s'échappa de mes lèvres, ce qui détendit légèrement mes nerfs.
— Sérieusement, Steven ? Je suis sûre que c'est à cause de cet Angleterrien...
— Soit, tu regardes les films avec moi, soit, je vais te parler de Marty pendant ces prochains jours. Et je ne parle pas de Marty McFly, hein.
J'acceptai avec un soupir. Après tout, je préférai supporter ce personnage fictif plutôt que l'autre qui était bien réel.
Nous étions tous deux installé sur le lit de Steven, les lumières éteintes, avec la télévision allumée face à nous. Tandis que l'écran diffusait les multiples dans le laboratoire de Doc, mon esprit remonta à quelques instants plus tôt. Je revis les yeux de l'Angleterrien qui me sondaient de façon désarçonnant lorsque j'étais montée dans le bus. Je ressentis à nouveau la satisfaction qui m'avait enivrée quand le mécontentement s'était dessiné sur son visage, après m'être moquée de son prénom.
Cette fois, c'en était une certitude, j'avais l'avantage sur lui, le jour où ce maudit étranger viendrait à nouveau empiéter sur mon espace vital, comme il le faisait depuis son arrivée.
Prépare-toi, McFly.
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• Hey beautiful people ! 🤗
Un peu d'action dans ce chapitre ne fait pas de mal•
•......•
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• Sur la "conversation" entre Polly et Marty ?
• La référence au prénom de Marty ?
• Sur ce qui s'est passé dans la chambre de Polly ?
•......•
☆ Le prochain chapitre sera sur le PDV de Marty ☆
Kissouilles ❣️
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