♱ | 4. Truc West ?
- Marty ! Combien de fois t'ai-je dit de ranger tes affaires ? glapit ma mère en s'arrêtant devant l'entrée de ma chambre.
À l'instant même où je fus arraché de ma lecture et relevai ma tête dans sa direction, ma veste en jean vola et atterrit brutalement sur mon visage.
- Aïe, m'man !
- Ça t'apprendra à laisser tes vêtements n'importe où. Bon sang, Marty, on vient à peine d'emménager ici que tu t'étales déjà partout !
Je retirai ma veste qui était sur ma tête et la roulai en boule pour la poser à côté de moi. Je braquai ensuite mes iris bleus sur les traits tendus de ma mère et laissai un soupir crispé venir étirer mes lèvres. C'était un peu ma manière de m'excuser. Elle le savait. Cependant, sa seule réponse fut de lever les yeux au ciel tout en libérant un long soupir. Je savais ce qu'elle voulait me dire de manière tacite : ranger mon vêtement correctement au lieu de le plier n'importe comment pour le froisser. Toujours silencieuse, elle finit par me tourner le dos pour partir dans une autre pièce de notre nouvelle maison.
Nouvelle. C'était une façon de parler, car tout était vieux ici, dedans. C'était une petite demeure construite dans les années 70 et qui, depuis, avaient connu peu de rénovation. Ça n'avait rien à voir avec notre ancienne maison en Angleterre qui était bien plus moderne. Papa et maman avaient un revenu qui nous permettait de vivre dans un des beaux quartiers de Preston.
Alors que je me relevai de mon lit pour poser ma veste sur ma chaise de bureau, j'entendais encore ma mère émettre des plaintes pour elle toute seule. Le gloussement qui s'échappa de mes lèvres traduisit mon amusement. Malgré le fait qu'elle me tapait sur le système quand elle était tout le temps sur mon dos, cette femme était un sketch à elle toute seule qui m'amusait beaucoup.
Je lâchai un long soupir et remis en marche la musique sur mon ordinateur avant de m'allonger à nouveau sur mon matelas moelleux. Mes yeux contemplèrent la dizaine de poster des groupes de rock qui couvrait cette affreuse peinture grise sur les murs, tandis que je me concentrai sur la somptueuse mélodie de Back In Time de Huey Lewis. Ce titre était l'un des morceaux de la bande son de Retour vers le futur, le film préféré de mes parents parce qu'ils avaient été le voir au cinéma le jour où ils étaient sortis ensemble et s'étaient embrassés pour la première fois.
Inutile donc de préciser que je portais le prénom de Marty en une sorte d'hommage à McFly. Après tout, ça aurait pu être pire. J'aurais pu m'appeler Emett ou George, voire Biff... Non, je n'avais vraiment pas à me plaindre.
Je pouvais néanmoins m'apitoyer sur ma nouvelle vie dans cette ville... Mayo, Manon ? Zut, quel était le nom de cet endroit déjà ? Peu importait, parce que ma première journée dans ce coin paumé avait confirmé mes soupçons : les gens étaient étranges, voire hostiles pour certains. J'espérai que mes parents s'en rendraient également compte assez vite afin qu'on puisse partir d'ici.
D'ailleurs, je ne comprenais toujours pas quelle lubie étrange avait traversé leur esprit pour les pousser à venir vivre dans cette si petite ville. S'ils avaient loué ou acheté une maison de vacances pour y passer quelques semaines dans l'année, ma confusion n'aurait pas vu le jour. Mais de là à vouloir y habiter tous les jours de l'année...
- Marty, papa est rentré ! Va te laver les mains, on passe tout de suite à table.
La voix plus calme de ma mère m'arracha de mes pensées. Je me redressais, éteignis la musique et regagnait la cuisine. La délicieuse odeur de boulettes de viande qui infiltra mes narines éveilla mon appétit. Mon père déjà installé était toujours vêtu d'un simple T-shirt blanc. Il avait certainement abandonné son survêtement de travail au petit supermarché de la ville.
- Ça sent bon, m'man, m'écriai-je en m'installant face à mon paternel.
- Avec tout le mal que je me suis donnée, j'espère que ça le sera.
D'un geste lourd, elle déposa la grosse casserole bouillante et fumante au centre de la table. C'était notre premier repas dans cette nouvelle cuisine. Ma mère y avait certainement passé tout l'après-midi. Et en analysant les traits de son visage, je vis que cet instant aux fourneaux l'avait épuisée.
- Si tu veux, je ferai la vaisselle, m'man.
Ses yeux se posèrent sur moi. Un éclat de surprise et de soulagement brillait dans ses iris azures. À la vue du sourire ravi qui étira sa bouche, je compris que je venais de lui retirer une épine du pied. Elle posa sa main derrière mon crâne pour caresser mes cheveux.
- Merci, mon chéri, soupira-t-elle.
Elle adressa ensuite un regard tendre à mon père qui avait déjà rempli son assiette. C'était le genre de regard que je connaissais, qui signifiait : « Quel garçon formidable nous avons ! ». J'esquissai un sourire timide, puis me servit à mon tour du souper.
- Marty, chéri, j'aimerais bien que tu finisses de vider tes cartons d'ici ce week-end, me fit ma mère en remplissant son assiette.
Je me contentai de hocher la tête. À l'exception de mes posters de rock, de mes CD et de mon ordinateur, je n'avais pas rangé grand-chose, ce qui frustrait légèrement ma mère.
- Alors, Marty. Comment s'est passé ta première journée dans ton nouveau lycée ? voulut savoir mon père en portant la fourchette à sa bouche.
Le visage de ma figure maternelle s'illumina aussitôt. Je savais que depuis mon retour à la maison, elle s'était retenue de me poser cette question qui mourrait d'envie de franchir la barrière de ses lèvres. Mais elle avait patienté jusqu'à l'arrivée de p'pa. Tout ça pour éviter que je me répète.
- Heu... C'était bien, je crois.
Si on omet le fait que j'ai fracassé par accident la porte sur une pauvre fille et qu'on m'a envoyé dans les sous-sols du lycée quand j'ai voulu demander mon chemin.
- Tu crois ? répéta maman, le sourcil relevé.
- M'man, j'y ai passé qu'une seule journée ! C'est trop tôt pour me faire un avis définitif.
- Il n'a pas tort, Cindy. Laissons-lui le temps de prendre ses marques. Après tout, cette ville représente une nouveauté pour tout le monde.
Cette affirmation me rappela une remarque du professeur Jareau qui avait éveillé ma curiosité. Il semblait connaître mon paternel, prétendant que ce dernier avait fait ses études dans ce lycée. Certes, il aurait pu confondre avec un autre membre de la famille. Jackson. Cependant, Jareau avait appelé mon père par son prénom. Ce détail qui tournait en rond dans mon esprit alimenta le trouble qui demeurait coincé en moi.
- P'pa, tu m'as dit que tu as toujours vécu en Suisse, c'est vrai ?
Ses iris marins s'accrochèrent aux miens.
- Bien sûr, fiston. C'est là-bas que j'ai rencontré ta mère et...
Mon cerveau se déconnecta de la réalité. Cette histoire, je la connaissais sur le bout des doigts, tant il me l'avait raconté. Papa nettoyait sa toute nouvelle voiture qu'il s'était achetée, devant une station de lavage où il travaillait. Ses amis de l'époque l'avaient accompagné, ce jour-là. Mon paternel admettait avoir fait partie de la bande des frimeurs, ceux qui tentaient le tout pour le tout afin de séduire les filles. Et je devais reconnaître qu'avec ses cheveux noirs laqués en arrière, ses chemises à manches courtes légèrement déboutonnées - il m'avait montré les photos de sa belle jeunesse, il avait rencontré un certain succès auprès de la gente féminine.
Ce jour-là, une cliente habillée d'une splendide robe rouge à pois blancs - je reprenais les termes de mon père - avait débarqué dans la station. Elle était venue pour un nettoyage complet de sa Coccinelle rouge. C'était mon paternel qui s'en était chargé et la cliente était restée sur place pour l'admirer d'un œil émerveillé. Durant les semaines qui avaient suivies, cette même demoiselle était réapparue pour réclamer un nouveau lavage sur son véhicule.
- C'était uniquement pour revoir ton père qui m'avait tapé dans l'œil, conclut ma mère en offrant un bisou timide sur la joue de mon paternel.
- Je l'avais compris lorsque tu étais restée la première fois à m'espionner.
Je levai les yeux au ciel tout en libérant un soupir, las de revoir cette scène se rejouer lorsqu'ils évoquaient leur rencontre, aussi romantique était-elle.
- Mais tu n'es jamais venu ici, à... Truc West ? questionnai-je à mon père pour en revenir au sujet qui suscitait mon intérêt.
Un voile empli de trouble passa dans son regard.
- Mallory West ? Oh non ! Je ne connaissais pas l'existence de cette ville l'année passée.
Sa voix tremblota, puis mon père toussota. Sans doute pour expulser un morceau de boulette qui avait passé par le mauvais tuyau.
L'année passée. À savoir le moment où mes parents m'avaient annoncé vouloir déménager de Preston.
- C'est bizarre, parce que le proviseur, monsieur Jareau, semblait bien te connaître. D'après lui, tu aurais été dans le lycée où je suis actuellement.
Il s'immobilisa et durant l'espace d'une fraction de seconde, je crus percevoir son visage blêmir. Mais il reprit rapidement une posture normale. Ses épaules étaient relâchées, la surprise était dessinée sur sa face.
- Oh, il y a plein de gens qui portent le nom de Jackson, sans avoir de lien de parenté avec nous, comme Michael Jackson. Il a dû me confondre avec quelqu'un d'autre.
C'était possible. Cependant, la conviction imprimée sur le visage de Jareau qui demeurait imprimée dans mon encéphale fit persister le doute en moi. Mais pourquoi mon père m'aurait menti là-dessus ? Le brouillard d'interrogation qui s'épaississait embobinait mes méninges, au point de me provoquer un mal de tête soudain. Les paupières closes, une grimace défigura les traits de mon faciès, tandis que je portai la paume de ma main contre mon front.
- Ça va, Marty ? s'inquiéta ma mère.
Je me redressai avant qu'elle ne tente quoi que ce soit pour me réconforter. C'était sa grande spécialité : s'empresser de me couver dès que je montrai le moindre signe de fatigue.
- Ouais, j'ai juste, heu, reçu beaucoup d'infos aujourd'hui et je mets un peu de temps à enregistrer tout ça.
- Mmh, tu devrais aller te coucher. Ne t'en fais pas pour la vaisselle, avec ton père, on s'en chargera.
J'acquiesçai sans un mot et me levai de table pour prendre la direction de ma chambre. Ce fut avec la tête lourde de plomb que je m'allongeai sur mon lit. Une petite voix dans ma tête m'intimait l'objectif de tirer cette histoire au clair pour soulager mon esprit. Et c'était bien ce que je comptais faire, sans éveiller les soupçons de quiconque.
Le lendemain, sur le chemin qui me conduisait au lycée, mes pensées étaient orientées vers cette discussion que j'avais eue avec mon père. Encore. J'aurais pu croire que mon paternel avait raison lorsqu'il avait affirmé que le proviseur l'avait confondu avec quelqu'un d'autre. Mais quelque chose ne collait pas. Les deux pièces du puzzle se montraient trop différentes pour s'assembler, parce qu'il en manquait une pour leur permettre de s'emboîter l'une dans l'autre.
Cependant, j'étais incapable de trouver l'élément qui permettrait d'éclaircir ce mystère. J'ignorais si c'était dans l'attitude de Jareau ou celle de mon père que quelque chose clochait, car...
- Attention à la priorité de droite !
Arraché de mes réflexions, je me tournai en direction de cette voix affolée qui provenait de... Ma droite. Mon cœur catapulta dans ma gorge à l'instant où je perçus un garçon sur un skateboard qui me fonçait droit dessus. In extremis, j'effectuai un mouvement de recul qui me permit d'éviter la collision. Quel fou, celui-là !
Tandis que je tentais de calmer mon rythme cardiaque ayant grimpé en flèche, mon attention demeura dirigée sur ce chauffard qui s'arrêta quelques mètres plus loin. Il descendit de son skate et revint vers moi. Je me surpris à détailler son accoutrement peu commun. Un bandeau rouge ramenait en arrière son imposante chevelure bouclée. Il portait un T-shirt bleu d'une taille bien trop grande pour lui qui couvrait presque son short noir.
Lorsqu'il fut proche de moi, ses iris marron me sondèrent durant de longues secondes, puis la surprise se dessina sur ses traits. Je me noyai alors dans un bain de confusion, allant me demander si c'était bien moi qu'il lorgnait de la sorte.
- Je suis désolé ! Tu sais, j'ai tendance à aller trop vite parfois et...
- Ne t'en fais pas, le coupai-je avec empressement.
Je n'appréciais vraiment pas la manière dont ce type aux cheveux bouclés me reluquait. Il semblait être en admiration devant moi, alors qu'il n'avait pas de quoi l'être. Je sentais le malaise s'immiscer dans ma chair, puis couler dans mes veines.
- Stev' ! Un de ces jours, tu vas créer un accident et je vais bien en rire !
Mon cœur rata un battement à l'entente de cette voix familière provenant de derrière moi. En me retournant, la surprise m'éclata au visage. C'était elle ! Cet étrange spécimen aux iris de couleurs différentes, mais qui, à la vue de ses vêtements, ne semblait connaître que le noir. L'expression renfrognée qui se dessina sur son visage lorsqu'elle me vit, m'indiqua qu'elle n'était guère heureuse de me voir.
Tout le plaisir est pour moi, Grincheux.
- Tu n'as pas besoin de me faire la morale, Polly, déclara le garçon en se postant à ses côtés. Je me suis excusé.
Les sourcils froncés, je contemplai la ressemblance entre eux deux, avant de comprendre qu'ils étaient sans doute frère et sœur. Ils se ressemblaient peut-être physiquement, mais concernant le caractère, ils étaient complètement opposés. Même si je ne les avais pas côtoyés personnellement, je pouvais déjà affirmer que le garçon représentait la gentillesse chaleureuse, tandis que cette fille était pire qu'un mur de glace.
Un sentiment de méfiance s'installa en moi lorsque je vis les prunelles assombries de la fille qui m'assassinaient sans scrupule.
- Au moins, toi, tu sais t'excuser. Ce qui n'est pas le cas de l'Angleterrien.
L'Angleterrien, sérieusement ?
Cette nana passa devant moi, tout en me considérant avec un air de dégoût. Mon sang s'échauffa dans mes veines. Je serrai mes poings avec hargne. M'énerver de la sorte n'était pas dans mes habitudes et je ne tenais pas à m'attirer d'ennuis ici, surtout que mon arrivée remontait à quelques jours seulement. Mais l'attitude froide et injuste de cette fille à mon égard m'insupportait et alimentait le mécontentement que je ne me gênai pas d'exprimer dans mon regard. Je devais lui montrer qu'elle ne pourrait pas s'en tirer si facilement comme elle l'avait fait la veille.
- Hey, Grincheux !
Les deux se retournèrent dans ma direction. Les opales bicolores de cette garce ne cessaient de m'adresser ses foudres furieuses.
- De un, avant d'ouvrir ta grande gueule, laisse les autres parler pour savoir ce qu'ils ont à te dire. Ensuite, tu devrais vraiment songer à prendre l'école au sérieux. Parce que tu passes non seulement pour une ignorante, mais surtout pour une pauvre idiote.
Je ponctuai mon acrimonie avec un faible haussement de sourcil. Je me demandais alors si je n'avais pas empiré les choses en la provoquant de la sorte, au lieu de m'adresser à elle calmement pour lui faire comprendre mon point de vue. Je vis ma rivale entrouvrit ses lippes, mais aucun son n'en sortit. Un rictus satisfait incurva alors mes lèvres. Une sensation de victoire explosa en moi lorsque je la vis reprendre sa route sans un mot avec son - supposé - frère.
Néanmoins, je savais qu'entre nous, la guerre désormais déclarée était loin d'être finie. Nous étions dans le même lycée et nous retrouver était inévitable. Elle n'hésiterait pas à revenir à la charge. Je devais alors me tenir prêt à subir sa prochaine attaque et lui montrer que je ne me laisserais pas faire. Surtout pas contre une fille.
Me faire des ennemis ici n'était absolument pas dans mes plans. Cependant, c'était elle qui avait souhaité lancer les hostilités entre nous deux, tout d'abord en m'insultant et ensuite en m'arrachant l'occasion de m'excuser auprès d'elle.
- À bientôt, Grincheux, murmurai-je pour moi-même avant de poursuivre ma route, loin derrière eux.
☆______________________________☆
• Hey beautiful people ! 🤗
Aaah Marty, je l'aime bien, personnellement •
•......•
• Votre avis sur ce chapitre ?
• J'espère que vous avez une bonne culture cinématographique pour comprendre la référence avec le prénom de Marty
• Vous pensez que le proviseur Jareau s'est trompé de personne ou c'est le père de Marty qui cache quelque chose ?
• Sur les « retrouvailles » entre Polly et Marty ?
•......•
☆ Le prochain chapitre sera sur le PDV de Polly ☆
Kissouilles !
📸 TikTok : aliiwriter
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top