♱ | 15. Visite surprise

Mes forces cédèrent, mon corps s'effondra. Je chutai dans le vide, jusqu'à m'écraser sur le matelas moelleux de mon lit. Une douce sensation de bien-être se déferla dans l'ensemble de mon corps. Mes paupières se fermèrent afin de mieux apprécier cet instant de détente. Je portais mes mains à mes tempes, effectuant des massages circulaires pour atténuer le début de migraine qui me guettait.

Quelle journée et quelle soirée !

À mon arrivée à la maison, je n'avais malheureusement pas échappé aux remontrances de papa et maman. J'avais d'abord cru que ces derniers s'étaient inquiétés de ne pas m'apercevoir rentrer comme à l'accoutumée ; directement après les cours. Puis, en découvrant le contenu du discours agité de ma figure maternelle, j'avais compris qu'ils avaient été mis au courant concernant ma retenue. Ce devait être Jareau qui les en avait informés durant la journée.

Je n'ai aucune envie de subir à nouveau ce cirque que tu nous as fait vivre à Preston !

La voix colérique et inquiète de maman résonnait encore dans mon encéphale, agitant les battements de mon rythme cardiaque. Dans mon ancien lycée, je parvenais peut-être à me fondre dans la masse chez les adolescents de mon âge. J'étais toutefois très connu auprès du corps enseignant, en raison de mon manque de participation en classe, des heures de cours que je ratais pour traîner en ville. Et voilà que je m'apprêtai à reproduire cette même routine catastrophique dans cette nouvelle ville – dont je ne parvenais toujours pas à me remémorer le nom – au grand dam de mes parents.

Je ne pouvais pas leur reprocher de me sermonner. Ils faisaient leur travail de parents. Et en dépit du fait de tenter de s'investir dans ma vie, tout en respectant ma sphère privée, ils ignoraient ce que je visais au quotidien. Ce lourd secret était conservé dans mon jardin secret. J'avais rencontré de multiples occasion de me livrer sur ce mal qui m'habitait. Or, lorsque j'entrouvrais la bouche pour libérer ce poids que je portais depuis mon enfance, l'appréhension me brûlait la langue. La crainte de découvrir la réaction de mes parents en apprenant que je n'étais pas normal comme ils l'avaient espéré, me contraignait à ne rien révéler.

Alors je changeais d'avis et scellais ma bouche, me cachant derrière un lourd sourire.
Or, la retenue de ce soir n'était pas ma faute. Ce n'était pas moi qui avait sorti les griffes en premier, ouvrant ainsi les hostilités. C'était cette demeurée ! Mon sang s'échauffa dans mes veines en me visualisant mentalement son visage mauvais. C'était elle qui avait commencé. C'était cette fille qui, au travers de sa gifle ayant dévoilé le démon sommeillant en elle, m'avait amené à être brutal avec elle.

Cependant, le détail qui fit grimper ma rage à son paroxysme était que cette pauvre demeurée rejetait toute la faute sur moi ! À ses yeux, je représentais le méchant de l'histoire et elle, la pauvre victime innocente. Cette constatation amère alimenta l'irritation qui pulsait dans mes veines et me poussa à me redresser d'un bond.

Les mains dans les cheveux, je fis les cent pas dans ma chambre. Mes iris cherchèrent de quoi me défouler pour faire redescendre cette soudaine agitation qui courait en moi. Même en son absence, cette demeurée me rendait dingue. Elle s'incrustait dans mon encéphale, polluant mes pensées. Même en étant absente, cette demeurée me rendait dingue. À l'instant où je relevai mon regard, avec l'espoir naïf et ridicule que contempler le ciel étoilé m'aiderait à me calmer, je me figeai d'effroi.

Non. Pitié, dites-moi que c'est un cauchemar !

Face à moi, je découvris une fenêtre donnant vue sur une pièce éclairée ressemblant à une chambre. La maison voisine. Les battements de mon cœur s'accélérèrent en découvrant la silhouette féminine que je reconnus entre mille qui me dévisageaient avec la même mine horrifiée que la mienne. Vêtements noirs, coupe à la garçonne teinte en noir, un trait sombre qui entourait ses yeux.

Pas elle, pas cette demeurée !

Même en dehors du lycée, elle parvenait à hanter mon existence. D'un geste précipité, je refermai le rideau, brisant notre échange visuel. Haletant, je résumai mentalement la situation dans laquelle je me trouvais englué. Grincheux vivait dans le même quartier que moi, les lotissements Clayton. Grincheux habitait dans la maison voisine à la mienne. Mais le pire était que sa chambre faisait face à la mienne !

Pourquoi je le découvrais seulement maintenant, sans m'en être rendu compte avant ?

Si tout ceci n'est pas un mauvais rêve, je me trouve certainement en Enfer !


J'éteignis mon ordinateur, coupant ainsi l'air musical nostalgique des années cinquante qui emplissait ma chambre. Après avoir réajusté le col de ma veste en jean, je pris mon skate et me dirigeai vers l'entrée de ma chambre. La surprise me fouetta lorsque je me trouvai face à ma mère. Les lèvres pincées, elle abaissa son regard sur ma planche à roulettes, puis ses yeux arpentèrent l'intérieur de ma chambre dans un silence oppressant.

— Salut, m'man, déclarai-je d'une voix innocente avec l'intention de détourner son attention.

Mais c'était peine perdue. Quand maman était décidée, rien ne pouvait la distraire. Lorsque ses yeux plissés se posèrent à nouveau sur moi, je me surpris à déglutir difficilement.

— Où comptes-tu aller comme ça, Marty ?

Le ton de sa voix ne contenait aucune trace d'agressivité. Cependant, je savais d'avance que, suivant ma réponse, elle n'hésiterait pas à me sauter dessus.

— Faire un tour en ville, fis-je d'une voix mal assurée, parce que je devinai que mon programme ne lui conviendrait guère.

Comme je m'y attendais, la sévérité se dessina sur les traits de son faciès, arrondissant ses prunelles qui feignirent l'étonnement.

— Et tu penses que tes cartons vont se ranger tout seuls ?

Tout en désignant l'intérieur de ma chambre d'un mouvement de menton, elle posa sa main contre le cadre de porte pour y prendre appui. Je fermai les yeux, serrai les poings, tandis que mes lèvres articulèrent un juron silencieux. J'avais complètement oublié ces maudits cartons !

— Tu ne sortiras pas tant que tu n'auras pas tout rangé, Marty.

J'ouvris mes paupières, découvrant maman s'éloigner.

— Tu peux mettre de la musique, mais je veux que ces cartons soient vides, si tu veux aller te promener.

Je tapai mon front contre le cadre de porte en bois, libérant un long gémissement. Au moins, maman s'était montrée plus calme que la veille.

Néanmoins, si je ne désirais pas réveiller à nouveau la fureur en elle, j'avais intérêt à m'atteler à ce pénible rangement tout de suite.

Tandis que je fredonnai l'air rythmique de Johnny B Good, je réalisai que le dernier carton ne contenait qu'un seul et ultime objet. Après quatre heures consécutives de rangement, je voyais enfin le bout du tunnel ! Or, mon enthousiasme laissa place à un état de confusion en découvrant qu'il s'agissait d'un cadre n'ayant pas sa place dans ma chambre.

Je l'étudiais avec une curiosité prononcée en constatant qu'il ne s'agissait pas d'un portrait de famille, contrairement à ce que je m'attendais. Sous le cadre vitré, était encadré un morceau de papier jaunâtre qui semblait bien ancien. J'étais incapable de lire ce qui était dessus, car la langue m'était étrangère.

Qu'est-ce que ce truc fiche ici ?

Peut-être que maman ou papa détenait la réponse à cette énigme. Je me levai et partis à la recherche de la première figure parentale que je croiserais sur ma route.

— M'man ?

— Dans le salon, Marty !

En effet, maman était dans le salon, achevant le rangement de la vaisselle en porcelaine, dans les placards prévus à cet effet.

— J'ai trouvé ça dans un de mes cartons, sauf que c'est la première fois que je vois ce truc de ma vie.

À l'instant où je lui tendis le mystérieux cadre pour lui permettre de jeter un coup d'œil, la sonnerie de l'entrée retentit. L'attention de maman fut happée par cette interruption. Elle me jeta un regard intrigué et je lui répondis avec un haussement d'épaules, lui indiquant que je n'en savais pas plus qu'elle concernant notre invité mystère.

À la deuxième sonnerie, maman prit la direction de l'entrée pour découvrir l'identité de ce visiteur. Je restai dans le couloir avec mon cadre dans les mains. J'avançai d'un pas lent et feutré, impatient de savoir qui était cet individu venu sonner à notre porte.

Néanmoins, je m'immobilisai en découvrant ma mère se raidir de façon soudaine, tandis que ses yeux s'arrondirent de stupéfaction.

Comme si elle avait vu un fantôme.

— Jeffrey, appela-t-elle d'une voix blanche.

Papa ne tarda pas à débarquer et lorsqu'il découvrit qu'un individu se trouvait sur notre perron, sa réaction fut identique à celle de maman. La curiosité alliée à un cocktail de confusion grimpait en moi. Je posai délicatement le cadre contre le mur et m'avançai vers mes parents, déterminé à connaître la raison de ces agissements troublants.

J'ignorais ce à quoi je m'attendais, mais un sentiment de déception me frappa lorsque je découvris uniquement la présence d'un homme. Je l'étudiais d'un air curieux. Ses cheveux étaient éparpillés sur sa tête, il était vêtu de manière simple ; une jaquette grise ainsi qu'un pantalon de training noir.

Pourquoi cette couleur me rappelle Grincheux ?

Toutefois, je notai que ses yeux bleus étaient habités d'une lueur effarée, identique à celle qui était présente dans les prunelles de mes parents. L'air se chargea en une électricité mystérieuse. Je ne comprenais pas ce qui se passait. J'avais l'illusion d'être perdu dans un brouillard dont papa et maman semblaient être à l'origine.

— Dites-moi que je rêve, lâcha papa, encore secouée par cette présence.

Dites-moi quelque chose tout court !

Je sentis le contact soudain d'une main au niveau de mon épaule. Détournant mon regard, je constatai que c'était ma mère. Elle avait retrouvé son air serein et sa douceur habituelle. Ou du moins, c'était ce qu'elle voulait me faire croire.

— Marty, va faire un tour dehors... Papa doit parler avec Michael.

— Michael ?

J'espérai obtenir davantage d'informations sur cet homme dont la présence chamboulait mes parents.

— Mon collègue de travail. Répondit papa avec un empressement qui m'interloqua.

Pourquoi est-ce qu'un simple collègue de travail devait discuter avec lui, un samedi en débarquant à l'improviste ? Malheureusement, je ne pus trouver de réponse à cette question, puisque je remarquai que le regard de ma mère se fit plus insistant.

— S'il te plaît, Marty, souffla-t-elle, la mâchoire serrée.

Ma présence était indésirable, j'étais de trop. Je lâchai alors un long soupir, bien qu'étant toujours aussi perdu concernant cette situation.

— Bon d'accord. Je récupère juste mon skate dans ma chambre.

En dépit de la curiosité mal placée qui grandissait en moi, j'étais néanmoins soulagé de quitter cette ambiance chargée de plomb où je n'étais plus le bienvenu.

De manière surprenante, le son des vagues m'apaisa. Les yeux clos, je savourai le doux contact des rayons du soleil sur mon épiderme, ainsi que la brise fraîche qui s'écrasa sur moi. Je m'étais installé sur un banc, face à la station balnéaire les pieds sur mon skateboard.

J'espérai qu'un peu de tranquillité m'aiderait à faire de l'ordre dans le capharnaüm qu'étaient mes pensées.

L'attitude de mes parents me troublait toujours autant. Leurs brèves explications concernant la présence de ce Michael alimentaient ma confusion, ramenant davantage de questionnements. Selon papa, c'était un de ses collègues. Mais venait-il de son emploi récent dans le petit supermarché de cette ville ? Si c'était le cas, cela soulevait une autre question : comment ma mère pouvait le connaître ?

Cependant, la raison qui m'empêchait de croire aux propos de mon paternel était la venue soudaine de ce type chez nous, un samedi. Personne ne se rendait chez les gens durant leur jour de congé ! De plus, la réaction de mes parents confirmant qu'aucun d'eux ne s'attendait à découvrir cet homme sur le pas de la porte.

J'en vins alors à une triste et douloureuse conclusion qui me serra le cœur : mes parents ne m'avaient pas dit la vérité. Je sentis quelque chose se briser en moi, un amer sentiment de trahison me gagna. Les questions dans mes esprits ne cessaient de s'accumuler.

Qui est cet homme ?

Comment mon père et ma mère l'ont connu ?

Pourquoi m'ont-ils demandé de partir ?

Mais surtout, un questionnement bien plus terrible que j'avais enfoui dans les tréfonds de mon encéphale ressurgit.

Et s'ils m'ont menti depuis le début ?

L'attitude du proviseur Jareau en devinant le prénom de mon père après avoir découvert mon nom de famille. Maintenant, le comportement douteux de mes parents suite à l'arrivée soudaine de ce Michael. Ça en faisait beaucoup pour deux adultes qui prétendaient n'avoir jamais mis les pieds dans cette ville.

Avec le cœur lourd, je me relevai, posai un pied sur mon skate et pris la direction du centre-ville. Si mes parents étaient déjà venus ici, il devait certainement exister une – même infime – trace de leur passage. Et il n'y avait que la bibliothèque qui pourrait me fournir ce type d'informations.

J'ignorais ce que je devais chercher exactement, ni comment je devais m'y prendre. Cependant, j'espérais qu'une fois arrivé sur place, j'aurais une illumination venue de nulle part.

Je longeais la petite route qui faisait office de « promenade en bord de mer » lorsqu'au loin, j'aperçus un emplacement bien plus fleuri que le reste de la place. Piqué par une curiosité soudaine, j'accélérai mes poussées pour m'en approcher. Je découvris d'imposants bouquets de fleurs avec des lettres qui cachaient une partie d'une grosse pierre noire formée de manière précise. En lisant le début de l'un des mots, je compris que cet endroit était une place de commémoration. Mon cœur se serra de façon si furtive que j'en réprimai une grimace de douleur. J'avais la désagréable illusion de souiller la mémoire de quelqu'un.

Pourtant, j'étais incapable de bouger, la curiosité étant trop vive. De façon malsaine, je voulais savoir qui avait péri ici et la gravure sur la stèle de pierre s'apprêtait à me le dévoiler.

« En mémoire à la famille Portman, Samuel (1974- 2009) et Maria (1972 - 2009) »

Mon souffle se coupa sauvagement à la lecture de la dernière ligne.

« Et leur fille Tracy (1999 – 2009) »

☆______________________________

• Hey beautiful people ! 🤗

TOUDOUM ! Le chapitre est coupé au pire moment, je sais •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

• Sur Alex Rivers ?

• Sur ce Michael qui est le "collègue" du père de Marty

• Vos théories sur Michael et les parents de Marty ?

• Sur cette fin de chapitre ?

•......•

☆ Le prochain chapitre sera du PDV de Polly ☆

Kissouilles !

📽 TikTok : aliiwriter

📷 Insta : Aliiw.riter

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top