♱ | 14. Nouveau voisin
Clac !
Je refermai la porte d'entrée d'un geste si brutal que l'impact fit vibrer une bonne partie de la maison. Au moins, tout le monde était au courant que j'étais rentrée.
— Wow, j'en connais une qui est de bonne humeur, ce soir !
Cette voix masculine familière qui provenait du salon réchauffa mon cœur dans l'instantané. Je bifurquai alors dans le salon aménagé au goût d'un homme célibataire divorcé et père de trois enfants : aucune décoration particulière, des meubles en bois d'occasions et marqués par le temps, des coussins à carreaux qui n'avaient été lavé qu'une seule fois depuis son emménagement ici.
La présence de mon père installé de façon nonchalante sur le canapé me procura le bien nécessaire pour balayer cet excès de tensions qui m'avaient habité toute la journée. Le cauchemar que je vivais au lycée, chez maman appartenait désormais au passé. J'avais désormais deux jours entiers où je pourrais souffler et avoir l'illusion éphémère d'être heureuse. Et cette perspective soulagea mon être entier.
Je lâchai mon sac d'école qui s'effondra au sol dans un bruit sourd. Les yeux verts de mon père se tournèrent dans ma direction et m'étudièrent avec amusement.
— Toi, tu as encore été en retenue, gloussa mon paternel.
Je ricanai d'un ton moqueur en guise de réponse, alors qu'au fond, je le remerciai de ne pas me blâmer davantage. Papa savait plus ou moins que mon quotidien au lycée se révélait rude ; je lui avais raconté que je préférais demeurer à la périphérie du cercle social des lycéens, car supporter leurs idioties de leur âge était trop éprouvant pour moi. Ainsi, lorsque mon comportement sortait du droit chemin, papa mettait cette réaction sur le compte d'un épuisement quelconque. À l'instar de ma mère qui me rabâchait le même discours démoralisant qui disait que si je poursuivais dans cette direction, je n'aurais aucun avenir, que je ferais mieux de prendre exemple sur ma petite sœur, Brittany. Une enfant de huit ans...
Je constatai alors l'absence de cette dernière. J'arpentais le salon d'un regard curieux, m'attendant à trouver une de ses affaires. Mais il n'y avait rien.
— Brit' n'est pas là ?
Papa haussa les épaules, afficha une moue navrée.
— Elle a préféré rester avec ta mère.
Mes lèvres se pincèrent, mon regard se durcit.
— C'est une blague ?
En guise de réponse, mon père répéta son geste. Je levai les yeux en l'air. Cette réponse ranima l'agacement que j'étais parvenu à effacer de mon métabolisme. Quand c'était Steven et moi qui demandions à voir plus souvent notre père que ce qui avait été convenu, nos souhaits se voyaient refusés. En revanche, quand il s'agissait de ma petite sœur, tout lui était dû !
— Qu'est-ce que tu veux ? Tu sais très bien que je ne peux rien dire dans ce genre de situations.
J'étouffai un lourd soupir las, tandis que mes épaules s'affaissèrent. Au moins, papa partageait mon opinion à ce sujet. Lui aussi avait constaté que maman laissait passer bien plus de choses avec Brittany qu'elle ne le faisait avec mon jumeau et moi. J'espérai cependant que mon père n'aurait pas d'ennui avec le juge concernant ce changement.
Je sentis un contact soudain au niveau de mon omoplate qui, sous l'effet de la surprise, m'obligea à me redresser. Mon regard pivota sur le côté et je découvris l'arrivée de Steven.
— Ma petite voisine d'utérus a fini par sortir de sa tanière pour rentrer à la maison, s'écria mon jumeau, portant une chips à sa bouche du paquet qu'il tenait en main.
Pour toute réponse, je lui tirai la langue, tout en lui désignant mon majeur. Ce petit insolent profitait de sa chance exceptionnelle pour avoir pu rentrer directement à la maison, contrairement à moi.
— Polly ! me sermonna mon père d'un ton sévère. Tu as oublié tes bonnes manières dans ton casier ?
Tandis que j'esquissai un sourire crispé, mon paternel poussa un soupir et se leva avec énergie. Il s'avança dans notre direction et arracha le paquet de chips des mains de Stev, provoquant la surprise de ce dernier.
— Hey ! Mais tu m'as dit que je pouvais en prendre un ! s'offusqua mon frère.
— Oui, mais c'était avant que ta sœur ne rentre. Maintenant qu'elle est là, on va tous passer à table. Allez vous laver les mains.
Tout en libérant un râlement agacé, mon jumeau s'exécuta. Une fois attablés à la cuisine, nous attendîmes que le plat fût réchauffé dans le micro-onde.
— Alors, Polly, tu veux me dire la raison pour laquelle tu as été en retenue ?
Mes muscles se tendirent lorsque je me remémorai pourquoi j'avais été collée, ainsi que la conséquence qui s'en était suivi. Je jetai un coup d'œil à Steven qui feignait de regarder ailleurs. D'avance, je savais que mon jumeau avait déjà tout raconté à papa. Cependant, en tant que pédiatre de Mallory West, il tenait à veiller sur ma santé mentale en m'encourageant à lui parler de mon quotidien.
Afin de lui donner une bonne conscience quant à son rôle de père, je me confiais sur les épisodes les moins dramatiques de mon existence. Je n'osais pas imaginer quel serait sa réaction s'il apprenait que sa fille était aussi brisée que du papier de verre.
J'abaissai mon regard sur la table de bois, réfléchissant aux mots que j'allais utiliser pour décrire la situation sans alarmer papa. Ma version ne devait pas trop différer de celle de Steven pour éviter ainsi d'éveiller les soupçons de ma figure paternelle.
— À cause d'un abruti profond d'Angleterrien qui m'a fait louper un entraînement important des cheerleaders...
— Anglais, me corrigea aussitôt mon père.
Je marquai un silence et le toisai d'un regard agacé, le sourcil relevé. Lorsque papa se retourna et constata mon air blasé, il lâcha un ricanement amusé.
— Tu perds ton temps, papa. Je l'ai déjà corrigée, mais elle a décidé que le mot exact est « Angleterrien ».
J'adressai un regard sombre à mon frère qui me tira la langue. Aussitôt, ma jambe se déplia pour heurter douloureusement le tibia de mon frère. La bouche de ce dernier s'arrondit, une grimace défigura les traits de son visage, tandis qu'il se plia pour porter sa main sur la zone touchée.
Prends ça, petit insolent.
— Papa !
Or, mon père ignora le gémissement de Steven. C'était une technique rusée pour mettre un terme à nos rares instants de chamailleries. Après avoir récupéré le plat dans le micro-onde et servi nos assiettes, il s'installa à table.
— Steven m'a raconté qu'un nouvel élève de terminale est arrivé cette semaine.
En levant mes yeux sur mon jumeau, je constatai qu'il s'enfonçait dans son siège, essayait de cacher son visage derrière sa chevelure frisée qui lui tombait devant ses yeux verts. Ça ne m'étonnait pas de lui. Connaissant Steven qui était du genre à être incapable de tenir sa langue dans sa bouche, j'aurais dû m'attendre à ce qu'il eut déjà tout raconté à papa. Je hochai la tête pour confirmer ses dires.
— Serait-ce à cause de ce même garçon que tu as été en retenue ?
Je me pinçai les lèvres. Les insinuations de papa visaient juste. J'approuvais à nouveau d'un mouvement de tête, me préparant à entendre le discours habituel de mon père. Or, il se contenta de libérer un soupir las. Je le dévisageai alors de mes prunelles arrondies.
— Je pense qu'il est inutile que je te fasse encore ma théorie sur là-dessus, car tu sais très bien ce que je pense de ton comportement, Polly.
Le ton grave de ma figure paternelle alimenta la tension qui nouait mon estomac. Je ne regrettai en aucun cas la correction infligée à l'Angleterrien, il l'avait méritée. Je culpabilisais néanmoins d'avoir déçu mon père, de ne pas lui montrer que j'étais la fille droite qu'il espérait que je sois. Seulement, en dépit du désarroi qu'il arborait, je savais qu'au fond de lui, il éprouvait un soulagement quant au fait de me savoir capable de me défendre. Contrairement à Steven.
Papa ne disait rien à ce sujet, mais je voyais dans son regard cette lueur d'inquiétude qui concernait la faiblesse de mon jumeau lors des altercations.
— Je ne comprends pas pourquoi tu ne l'aimes pas, Polly, me fit Stev, la bouche pleine. Je suis sûr que si tu te donnais la peine d'apprendre à connaître Marty, tu pourrais découvrir que c'est un bon gars.
— Ou un type toxique, pas fréquentable parce qu'il est légèrement perché sur les bords, voire psychopathe.
Papa et Steven se partagèrent un soupir las qui fit naître un petit rictus au coin de mes lèvres. Un sourire qui s'effaça rapidement pour me permettre de reprendre mon sérieux.
— Comment s'appelle ce garçon ?
— Marty Jackson
Je levai les yeux au ciel face à la spontanéité de mon jumeau. Cependant, mon amusement s'évapora et laissa place à un état de confusion lorsque je croisais l'expression surprise de papa. Les sourcils froncés, il semblait s'être perdu dans ses réflexions.
— Jackson ?
De façon bien curieuse, papa se laissa capturer par un silence soudain. Son regard s'était perdu dans le vide, sans doute qu'il réfléchissait à quelque chose. J'adressai à Steven une expression intriguée. Mon frère me répondit avec un haussement d'épaules. Lui non plus n'avait aucune idée de ce qui arrivait à notre figure paternelle. Ce ne fut que lorsque mon jumeau passa sa main devant ses yeux fixant le vide que papa se réveilla.
— Son père s'appelle Jeffrey Jackson ? questionna-t-il, son attention rivée sur Steven.
Mon jumeau me lança un air perdu. Je fronçai les sourcils. Pourquoi ce devait être moi qui devait posséder la réponse à cette question ?
— Qu'est-ce qu'on en sait, papa ? On ne s'est pas renseigné sur lui au point de connaître le nom de ses parents.
— Et ne compte surtout pas sur moi pour le faire, m'empressai-je de compléter.
Mon jumeau acheva ma tirade par un ricanement. Lui, en revanche, il se ferait un malin plaisir pour récoler des informations sur l'Angleterrien.
— Papa, tu as remarqué que la maison d'en face est habitée ?
Ma figure paternelle fut arraché une nouvelle fois de ses songes et braqua ses iris verts sur moi. La surprise dessinée sur les traits de son visage m'indiqua qu'il l'ignorait, à mon grand étonnement. Lorsque mes prunelles se posèrent sur mon jumeau, je me mordis la lèvre inférieure en découvrant la frénésie soudaine posséder Steven. Les yeux arrondis, sa bouche grande ouverte en forme de « O », ses yeux oscillaient entre papa et moi.
J'avais complètement oublié qu'il ignorait que le nouveau habitait dans « la maison abandonnée », comme on aimait l'appeler. Et suite à ma question, il n'avait pas tardé à faire le lien entre l'Angleterrien qui était nouveau à Mallory West et à nos nouveaux voisins.
— Oh ! Tu veux dire que... ?
L'excitation lui arrachait les mots de la bouche. Je hochai lentement ma tête, alimentant la joie débordante de Steven. En croisant l'expression perdue de papa qui contemplait mon jumeau avec le front plié, je compris qu'il n'avait toujours pas saisi la situation.
— L'Angleterrien et sa famille sont nos nouveaux voisins. Ils ont emménagé dans la maison d'à côté. Tu ne les as pas encore croisés ?
— Je n'étais pas là de la semaine.
Je fronçai les sourcils, l'interrogeant du regard.
— Le cabinet de Miami m'a appelé en début de semaine, car ils sont en manque de personnel. J'ai demandé à Albane de gérer celui de Key West en mon absence. Pour éviter de faire de longs trajets entre Mallory West et Miami, j'ai préféré louer une chambre d'hôtel là-bas. Je suis rentré cet après-midi.
J'imaginai alors la suite : il avait dormi jusqu'à l'arrivée de Steven.
— Si vous voulez, on pourrait passer demain leur souhaiter la bienvenue.
— Surtout pas !
Plutôt lécher le parquet !
Mon père lâcha un rire devant ma réaction instantanée. Il pouvait se moquer de moi, mais ce n'était pas lui qui était étouffé par la présence constante de l'Angleterrien au lycée.
— Bon, j'irai seul, demain.
— Tu n'oublieras pas de demander le prénom de son père, ricana Steven.
Papa lui assena une petite tape derrière la tête, mon jumeau gémit aussitôt. Cette scène m'arracha un sourire qui me réchauffa le cœur. Je voudrais tant rester dans cette ambiance si détendue, si réconfortante, à tout jamais.
Arrivée dans ma chambre, je jetai mon sac à dos au loin, libérant un long soupir. Je m'apprêtai à me vautrer sur mon lit, lorsque mon sang se glaça dans mes veines. La température avait soudainement chuté. Ma respiration devint plus rapide. Je savais ce que ça signifiait. Alors que la peur montait progressivement en moi, je fermai les yeux très forts. Je ne voulais pas les voir. Je refusais d'apercevoir leurs silhouettes translucides avec leur regard vide qui rappelait la mort terrible qui leur avait ôté la vie.
Allez-vous-en !
Lorsque ce climat glacial disparut aussitôt qu'il était apparu, je me permis de rouvrir mes paupières. Mon corps était encore parcouru de tremblements, en dépit du fait de constater que tout était normal dans ma chambre. Je déglutis difficilement, tentant e me remettre de mes émotions.
Tout va bien, Polly.
Alors que je pris de profondes inspirations, mes prunelles bifurquèrent en direction de la fenêtre de ma chambre. Mon cœur catapulta dans ma trachée, la sidération me figea de manière sauvage. Là, où, depuis de nombreuses années, je m'étais habituée à trouver une maison vide, inhabitée et plongée dans les ténèbres, j'aperçus une lumière éclairer cette demeure, me faisait découvrir une des pièces avaient longtemps animé ma curiosité. Pour la première fois, je pouvais découvrir une partie de l'intérieur de cette maison.
Ce qui provoquait mon affolement ? La présence de l'Angleterrien. Sa chambre faisait face à la mienne.
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• Hey beautiful people ! 🤗
Oooh que c'est dommage pour eux 😈•
•......•
• Votre avis sur ce chapitre ?
• Sur la relation fraternelle entre Polly et Steven
• La curiosité de Michael, leur père, concernant les voisins ?
•......•
☆ Le prochain chapitre sera toujours du PDV de Marty
Et si cette histoire vous plait, n'hésitez pas à en parler autour de vous, sur les réseaux sociaux, a vos amis. C'est du soutien en plus pour moi 🥰☆
Kissouilles ❣️
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📸 Insta : aliiw.riter (je serai ravie d'échanger avec vous ❣️)
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