♱ | 13. Querelles... de rivales

— Je dois admettre que je ne suis nullement surpris de vous avoir dans mon bureau, mademoiselle Gubler.

Je haussais les épaules, indifférente aux propos du proviseur. Ce n'était pas ma première visite et d'avance, je savais que ça ne serait pas la dernière. Les mains croisées sur le pupitre de son bureau, Jareau me toisa d'un air las. Cependant, son regard se durcit lorsqu'il se tourna en direction de mon camarade. Je me pinçai les lèvres pour retenir le sourire machiavélique qui menaçait d'étirer mes lèvres.

— En revanche, monsieur Jackson, votre présence m'attriste. J'ose espérer qu'il s'agit de votre première et dernière visite et que vous ne suivrez pas le même chemin que votre camarade.

Tandis que le proviseur poursuivit son monologue sur le comportement exemplaire que devraient adopter les élèves selon lui, je jetai un coup d'œil obscur à l'Angleterrien qui siégeait à côté de moi. Son air accablé fit vriller la rage qui brûlait dans mes veines. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. S'il était resté sagement dans son coin, comme je le lui avais recommandé, aucun de nous deux ne serait prisonnier dans le bureau de Jareau.

Je ne prêtai pas la moindre attention aux mots du proviseur que je connaissais par cœur. Le nouveau et moi allions finir notre journée en salle de retenue, c'était inévitable. Et pour la première fois, cette conclusion me tordit les entrailles de fureur. À cause de ce débile profond, j'allais rater un entraînement important avec l'équipe de cheerleader, l'un des derniers avant le match qui se tiendrait le mercredi de la semaine suivante.

L'inquiétude me noua l'estomac. Je savais qu'Evy constaterait mon absence et m'en tiendrait rigueur dès que l'occasion se présenterait – lundi. Ceci constituerait l'argument idéal pour me menacer de m'exclure de l'équipe de cheerleader. Une chose qui était impensable pour moi.

Je réprimai un sursaut qui me ramena sur Terre lorsque Jareau frappa son poing sur le pupitre de son bureau. En réalité, il venait de mettre le tampon sur nos feuilles de retenue qu'il nous tendit, avec une expression toujours aussi grave dessinée sur son visage rond.

— J'espère pour vous que vous serez en salle de retenue avec monsieur McKinnley. Dans le cas contraire, vous savez ce qui vous attend.

Du coin de l'œil, je découvris l'Angleterrien déglutir bruyamment, tandis que j'adressai au proviseur un large sourire forcé pour le narguer. Jareau croisa ma grimace, mais ne réagit pas pour autant. Le nouveau n'avait aucune idée des répercussions que pouvait avoir une absence en retenue. Et j'imaginais qu'il n'éprouvait aucune envie de le découvrir.

Après avoir récupéré le document que je fourrai immédiatement dans mon sac, je me levai et quittai la pièce d'un pas précipité. La tension qui amplifiait mon rythme cardiaque devait redescendre. Ce n'était pas en restant dans la même pièce que l'Angleterrien que je parviendrais à éteindre le feu furieux qui brûlait en moi. Je devais être seule afin de libérer la cascade d'émotions qui coulait dans mon corps.

Il régnait un tel silence de mort dans la salle qu'on entendait seulement le bruit du stylo de l'Angleterrien qui griffonnait sur sa feuille de papier, ainsi qu'un son étouffé provenant du casque que McKinnley portait sur ses oreilles. Installée derrière ma rivale, j'étouffai un ricanement moqueur muet en réalisant à quel point le nouveau se voulait être un élève modèle en effectuant l'exercice indiqué sur le tableau noir. C'était inutile, car le professeur chargé de nous surveiller durant notre heure de retenue n'était là que pour nous offrir sa présence. Avec les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur, il n'avait aucune intention de vérifier que l'on réalisait la tâche demandée ; à savoir : réaliser un texte qui expliquait d'où provenait la violence.

La violence venait d'un imbécile profond qui n'avait pas écouté mes avertissements et avait allumé le feu furieux en moi en se moquant ouvertement de moi ! J'avais répondu mentalement à la question en moins de dix secondes, tandis que l'autre prenait la peine d'écrire tout un roman.

Pathétique.

Je m'enfonçai alors un peu plus sur ma chaise de bois inconfortable et contemplai avec amusement l'Angleterrien devant moi qui rédigeait sa copie. Contrairement à lui, je ne ressentais aucune envie de me creuser les méninges en cette fin de journée pour cet exercice bidon. Je devais alors me trouver une autre occupation pour tuer le temps qui passait affreusement long.

Mon regard s'attarda sur la silhouette concentrée de l'adolescent. Ses cheveux blonds dissimulés sous sa casquette noire vissée à l'envers sur sa tête renvoyaient une curieuse image du bad boy qui contrastait avec son attitude actuelle. Je réalisai alors que ce garçon était difficile à cerner. Jusqu'à ce matin, j'avais été persuadée qu'il était le genre d'adolescent soumis, à l'exception de quelques piques.

Or, ce matin, je m'étais ramassé un mur en constatant que je m'étais trompée sur toute la ligne. Je l'avais su après que je l'eus giflé, lorsque les iris de l'Angleterrien s'étaient assombris d'une manière terrifiante. Mes préjugés s'étaient vus brisés à l'instant où ses mains m'avaient plaquées contre le casier avec une brutalité m'ayant glacé le sang. À ce moment, il m'avait montré qu'il cachait bien son jeu, qu'il était loin d'être un individu passif. Le masque était tombé.

Au-delà de cet acte empli de violence qui m'avait tétanisée, j'avais éprouvé une curieuse sensation de chaleur, allié à une vague de terreur dans mon bas-ventre, quand son corps s'était retrouvé proche du mien. Trop proche. La peur que ses mains se promenaient sur moi ne m'avait pas lâché. Cependant, un sentiment paradoxal d'émerveillement mal placé avait parcouru mon métabolisme lorsque son timbre de voix grave s'était répercuté dans mes tympans, provoquant une cascade de frissons incontrôlable.

J'étais incapable d'expliquer cette réaction inattendue dont j'avais été victime. D'autant plus que je ne comprenais pas la raison pour laquelle je me mordais actuellement la lèvre avec insistance. Extirpée brutalement de ma torpeur, je constatai que mes yeux étaient toujours rivés sur le nouveau qui continuait de rédiger sa copie.

Marty.

Ce garçon détestable qui avait rabaissé les cheerleaders à de simple pom-pom girls gesticulant sans aucune logique. Le souvenir de ces propos sortis de la bouche de l'Angleterrien ralluma la colère qui m'avait animée en début de journée. L'agacement qui coula dans mes veines tendit chacun de mes muscles, contracta ma mâchoire. Tandis que je le couvais d'un regard haineux, mes doigts resserrèrent leur emprise autour du stylo que j'avais gardé en main depuis le début de l'heure de retenue.

Un inculte.

Voilà ce qu'il était, en plus de son titre de débile profond. Car le cheerleading dépassait le simple fait que l'on agitait nos bras avec nos pompons. Nous étions des athlètes qui mêlions le chant, la danse et les figures acrobatiques. Et ça, peu de gens en avais connaissance, y compris l'Angleterrien.

Pour certains, il s'agissait d'une simple activité sportive parmi tant d'autres. Mais pas pour moi. Quand je me consacrais au cheerleading, c'était le seul instant où je ressentais cette puissante illusion de me trouver au sommet de mes compétences. J'oubliais mon existence foireuse au lycée, à la maison où je me sentais comme une moins que rien.

En dépit des remarques d'Evy qui visaient à me descendre, mon moral n'était pas plombé. Il était si solide, si déterminé que les commentaires acerbes de la capitaine de l'équipe ne suffisaient pas à le fissurer. Evy ne souhaitait qu'une seule chose : assister à ma chute pour me virer de l'équipe. Ainsi, je cesserai de lui faire de l'ombre.

Or, voilà qu'elle venait de recevoir un argument pour me mettre la pression. Je venais de rater un entraînement à cause de ce débile profond d'Angleterrien. Ma mâchoire se contracta férocement. Mes prunelles se rivèrent sur le nouveau, je me sentais fulminer de l'intérieur.

McFly ne paiera rien pour attendre de subir les foudres de ma rage.

— J'espère que je vous reverrai plus en salle de retenue après les cours, nous fit McKinnley en éteignant son poste d'ordinateur.

Un gloussement sarcastique s'échappa de mes lèvres. S'il disait ça, ce n'était pas pour nous, car il savait pertinemment que la salle de retenue était, en terme sarcastique, un endroit où j'aimais passer mes fins de journées. En réalité, McKinnley sous-entendait le fait qu'il aurait préféré passer son début de soirée chez lui, plutôt que d'être coincé au lycée, contraint de nous surveiller.

Devant moi, l'Angleterrien se hâta de ranger ses affaires, tandis que je demeurai assise, attendant le dernier moment pour me lever. Or, l'œillade sévère que m'adressait le professeur m'indiqua qu'il attendait après nous pour décamper du lycée. À contrecœur, je me relevai de ma chaise, non sans étouffer un lourd soupir. Je dépassai le nouveau qui se dirigeait vers la sortie de la classe en le bousculant d'un coup d'épaule si brutal que l'adolescent libéra un grognement enragé.

— Tu es au courant que tu n'es pas la seule à vivre sur cette planète ?

Je m'interrompis et fis volte-face tout en le considérant d'une œillade mauvaise. Ses lèvres pincées traduisaient l'agacement que ma bousculade avait provoqué. S'il ne voulait pas alimenter davantage ma haine contre lui, il aurait mieux fait de fermer sa petite gueule d'Angleterrien attendrissante.

— Oh, McFly est frustré parce qu'il a été bousculé ! m'exclamai-je d'un ton faussement désolé.

L'expression de mon interlocuteur s'enflamma, ce qui m'encouragea à jouer avec ses limites, tout en déversant mon acrimonie sur lui. Mes doigts se resserrèrent autour de la sangle de mon sac à dos. Je m'avançai vers lui, arborant une expression qui scintillait de détermination.

— Sauf que ce n'est pas toi qui as raté un entraînement important à cause d'un débile profond qui la suit partout et qui empiète son espace vital !

Je réalisai subitement que son torse me frôlait, tant il était proche de moi. Je frémis de l'intérieur, mais conservai un air impassible. Il ne devait pas posséder le dessus sur moi. Pas une nouvelle fois. Le regard qu'il me portait était tout aussi sombre que le mien, or, je n'en étais nullement effrayée. C'était cette soudaine proximité qui me rendait nerveuse. Mais il ne devait pas le savoir.

Je haussai un sourcil décontenancé quand un ricanement s'échappa de sa bouche.

— Tu es vraiment un cas désespérant, Grincheux. Tu es la première à gueuler sur les gens parce qu'ils ne se sont, soi-disant, pas excusés. Mais tu ne le fais pas non plus quand tu bouscules les autres.

La confusion me submergea quand ses lèvres se tordirent dans un rictus mesquin.

— Contrairement à ce que laisse penser ton prénom, tu n'es pas une fille très polie.

À la conclusion de cette ultime attaque, la sidération me réduisit à un silence prolongé. Il n'avait tout de même pas osé faire un jeu de mots avec mon prénom ? Je repris vite mes esprits et sentis mon sang s'échauffer dans mes veines.

La mâchoire contractée, j'entrouvris mes lèvres pour déverser le venin de haine qui empoisonnait mon métabolisme. Cependant, le corps de l'Angleterrien bascula soudainement en avant et s'écrasa contre moi, créant ma plus grande surprise.

— Navré de vous interrompre, mais j'aimerais fermer la classe et rentrer chez moi. Vous terminerez vos querelles d'amoureux quand vous serez dehors.

Mon cœur rata un battement.

Querelles d'amoureux ?

Je mourrais d'envie de corriger McKinnley mais malheureusement, il nous avait repoussés dans le couloir vide pour fermer la porte de la salle et était déjà parti au loin. Ne voulant pas rester enfermée dans le lycée jusqu'au lundi parce que le professeur nous avait abandonnés à la hâte, je me dépêchai de talonner l'homme jusqu'à l'extérieur. Tant pis pour ma confrontation avec l'Angleterrien.

Une sensation de légèreté alliée à un sentiment de liberté s'empara de moi lorsque je quittai le bâtiment scolaire. Je réalisai que cette longue et pénible semaine était enfin achevée ! C'était enfin le week-end et ceci indiquait que je ne rentrerais pas à la maison, chez ma mère.

Un large sourire s'imprima sur mes lèvres, tandis que j'avançai d'une démarche joyeuse jusqu'à la demeure de papa qui se trouvait à l'autre extrémité de la ville. D'avance, je savais que je passerais deux jours reposants, où je pourrais me ressourcer.

Mon rythme cardiaque s'accéléra à l'entente des bruits de pas qui me talonnaient depuis désormais plusieurs minutes. Le soleil n'était pas encore couché. Il entamait un lent déclin vers l'horizon, disparaissant progressivement sous la mer. Je n'avais donc pas à m'affoler puisque la lumière du jour suffisait à me rassurer. Cependant, cette sensation désagréable d'être suivie alimentait le fleuve d'inquiétude en moi.

Je me retournai subitement afin de vérifier que je ne me créais pas d'illusion. Or, la surprise qui m'assena me coupa le souffle lorsque mes prunelles s'immobilisèrent sur la silhouette qui existait bel et bien.

C'est pas vrai ! Encore lui ?

— Qu'est-ce que tu as à me suivre comme un psychopathe, McFly ? m'écriai-je sans interrompre ma marche.

Plusieurs mètres me séparaient de l'Angleterrien et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de rallonger cette distance pour me protéger. Une barre d'incompréhension plia le front de l'adolescent qui continuait d'emprunter le même trajet que le mien.

— Tu es complètement idiote pour croire que je suis une demeurée comme toi !

Son retour de flamme ravageur me pinça de l'intérieur. OK. Peut-être qu'il ne cherchait pas à me suivre, mais ça n'expliquait pas sa présence envahissante qui me talonnait. Je conservai mon air méfiant tout en le mitraillant d'un regard haineux.

— Alors explique-moi pourquoi tu empruntes le même chemin que moi ?

Ses yeux bleus s'arrondirent. Il leva les bras, m'indiquant que la réponse était évidente. Elle l'était peut-être pour lui, mais pas pour moi.

— Peut-être parce que c'est le trajet qui me ramène chez moi, pauvre idiote ! cracha-t-il d'un ton cinglant qui me priva de réaction.

Un silence de glace nous engloutit. L'air se chargea davantage en électricité. Je fus la première à interrompre notre échange visuel assassin en me détournant pour mieux poursuivre ma route. Je me mordis furieusement la lèvre inférieure, agacée de sa présence perpétuelle dans mon existence.

Un début d'affolement transperça mon être lorsque j'entrai dans le périmètre des lotissements Clayton et constatai que l'Angleterrien se trouvait toujours quelques mètres derrière moi. J'espérai naïvement qu'il passait seulement son chemin pour rejoindre les autres quartiers de la ville. Or, au-delà de ces lotissements se trouvait la mer.

En me retournant dans sa direction, je découvris la présence d'une lueur agacée qui luisait dans le fond de ses yeux. L'idée que l'on habitait dans le même quartier lui déplaisait également. Mon cœur chuta dans le vide quand je l'aperçus bifurquer soudainement vers une maison blanche, où pour la première fois depuis que papa avait emménager dans ce quartier, la lumière éclairait l'intérieur de cette demeure mystérieuse. Je m'arrêtai et braquai toute mon attention sur le nouveau qui, désormais, m'ignorait.

La panique criait dans mes oreilles, la stupéfaction me tétanisa lorsqu'il disparut à l'intérieur de la petite bâtisse. Mon souffle se fit haletant, l'air me manqua, mon corps tout entier devint fébrile. Je voulais cette confirmation ne soit qu'un mauvais rêve.

Cette maison dans laquelle l'Angleterrien venait d'entrer avait non seulement été inhabitée durant de longues années, alimentant ainsi de nombreuses rumeurs et légendes concernant les derniers habitants qui y avaient vécu. Mais surtout, elle se trouvait juste à côté de celle de mon père.

☆______________________________

• Hey beautiful people ! 🤗

Sympa les échanges entre Polly et Marty •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

• Sur l'attitude de Polly avec Marty ?

• Vous vous attendiez à ce que Marty soit le voisin de Polly ?

•......•

☆ Le prochain chapitre sera toujours du PDV de Polly

Et si cette histoire vous plait, n'hésitez pas à en parler autour de vous, sur les réseaux sociaux, a vos amis. C'est du soutien en plus pour moi 🥰☆

Kissouilles !

📽 TikTok : aliiwriter

📸 Insta : aliiw.riter (je serai ravie d'échanger avec vous ❣️)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top