♱ | 10. Skater Boy


Je bondis de ma chaise lorsque la cloche sonna la fin du cours. D'un pas pressé, je quittai la salle, me réjouissant de savoir cette journée finie. Je m'imaginais déjà chez moi, dans ma chambre à ne rien faire, hormis le fait de me reposer et écouter de la musique. Or, je me figeai au milieu du passage lorsque je découvris une silhouette familière qui m'attendait sagement, à quelques mètres de là. Steven. Contrairement à moi, il ne m'avait pas oublié. Je masquai le sentiment d'exaspération qui se déploya en moi en lui adressant un sourire forcé.

Si sa sœur ressemblait physiquement à Mercredi Addams, tout en étant le sosie caractériel du nain Grincheux, lui était tout doux, mais se révélait être une véritable sangsue, un pot de colle qui avait décidé de ne pas me lâcher. Cependant, je laissai la surprise me submerger en constatant que l'affreuse ne l'accompagnait pas.

— Ton bulldozer de garde du corps n'est pas avec toi ? me risquai-je à demander tout en surveillant les alentours, m'assurant qu'elle ne débarque pas de nulle part.

— Oh non ! Elle a son entraînement avec l'équipe de cheerleader.

Je sentis l'amusement teinter le timbre de sa voix ; sans doute en raison du surnom employé pour désigner sa sœur. Après tout, je n'étais pas si éloigné de la vérité. Mes sourcils se haussèrent de surprise au contact soudain de sa main sur mon épaule. Me retournant face à lui, je réalisai à cet instant qu'il faisait presque la même taille que la mienne.

— Ne t'en fais pas ! s'écria-t-il d'un ton qui voulait me rassurer. Tu ne risques pas de la croiser, si c'est ça qui t'inquiète.

— Je ne suis pas inquiet, rétorquai-je du tac-au-tac.

Steven ne répondit rien d'autre. Nous nous dirigeâmes vers la sortie de l'école en silence, alors qu'autour de nous, la cacophonie des lycéens était assourdissante. Je pris une profonde inspiration pour me préparer à ce moment social qui m'attendait, détruisant mes plans de ma soirée.

Apercevant Steven monter sur son skate qui roula à mes côtés, je me souvins de ne pas avoir eu l'occasion de mentionner un détail concernant ma planche qui se trouvait à quelque part dans ma chambre.

— Je dois aller chercher chez moi, par contre.

— C'est ce que j'ai supposé en voyant que tu n'en avais pas, répliqua-t-il avec un sourire dessiné au coin de ses lèvres.

Je me pinçai les lèvres, réalisant que ma remarque tombait sous le sens.

Débile !

Mon cœur rata un battement lorsque je le vis me suivre, tandis que je prenais la direction qui menait jusqu'à chez-moi. Il comptait me suivre et ainsi, découvrir où j'habite.

Surtout pas !

Supporter sa compagnie au lycée était plus ou moins surmontable. Mais ça ne devait pas aller plus loin ! Je refusais le fait qu'il empiète sur ma sphère privée en débarquant chez moi pour une quelconque raison. Chose qui arriverait à coup sûr si je ne proposais pas une alternative pour le dissuader de me talonner jusqu'aux quartiers des lotissements Clayton.

— Tu sais quoi ? Tu devrais déjà y aller et je te rejoindrais là-bas, proposai-je d'une voix mal assurée.

Les sourcils froncés, Steven me toisa d'un air incertain dans un silence désagréable. J'espérai qu'il n'insiste pas pour m'accompagner.

— Tu sais où est le skatepark ?

— Cette ville n'est pas bien grande, je devrais le trouver sans trop de difficulté.

Je me forçai à sourire pour le convaincre de m'abandonner ici. Je me retins de lâcher un soupir de soulagement lorsqu'il haussa les épaules en libérant un simple « d'accord ». Je me hâtais alors de fuir la compagnie de Steven, tout en jetant des coups d'œil par-dessus mon épaule pour vérifier qu'il ne me suivait pas. Et à mon bonheur, il partit dans la direction opposée de la mienne. Je parcourais donc mon chemin jusqu'à chez-moi avec le cœur plus léger.

À mon arrivée à la maison, je fus surpris de découvrir les couloirs désencombrés. L'allée semblait bien plus spacieuse à présent. Je trouvais ma mère dans le salon, qui rangeait les derniers cartons de déménagement.

— Salut m'man !

Je lui claquai un rapide bisou sur sa joue avant de filer dans ma chambre, là où mon skate se trouvait. Je balançai sans douceur mon sac à dos rouge sur mon lit, récupérai d'un geste pressé ma planche à roulettes qui était rangée au coin du mur, derrière deux piles de cartons encore pleins. En sortant de ma chambre, je me retrouvai nez à nez avec ma mère. Je dus freiner brutalement dans mon élan afin d'éviter de lui foncer dessus. Une vague de nervosité s'empara de moi lorsque j'aperçus la lueur suspicieuse présente dans ses iris qui m'analysaient. Ses prunelles s'arrondirent lorsqu'elle découvrit le skate que je tenais sous mon bras.

— Tu t'es remis à faire du skate board ?

La surprise dans sa voix se montrait justifiée. Quelques mois avant notre déménagement, j'avais déclaré sur un coup de tête vouloir abandonner le skateboard, parce que j'avais raté un freinage et m'étais lamentablement devant plusieurs élèves de mon ancien lycée. Cette chute ridicule m'avait valu d'être l'objet de moqueries durant de longues semaines.

Mes parents avaient été déçus d'apprendre mon abandon soudain pour le skate, car selon eux, c'était l'unique qui me poussait à faire une activité où je bougeais. Autrefois, je jouais également de la guitare. Et malgré le fait que je cassais les oreilles de mes parents, j'avais également abandonné la musique, jugeant que je ne possédais pas un assez bon niveau pour poursuivre dans cette voie, car je ne cessais de stagner à mesure que j'en jouais. J'étais peut-être doué pour écouter la musique, la laisser me secouer les tripes avec sa mélodie. Mais je ne détenais pas le talent pour en jouer.

Et voilà que ma mère me découvrait avec ma planche. Derrière l'étonnement dessiné sur son visage, je pouvais deviner l'air réjoui qu'elle se retenait de montrer après d'avoir eu la confirmation que j'avais bel et bien envie de me remettre au skate. Et non que je comptasse jeter mon board à la déchetterie – s'il y en avait une, bien évidemment.

— Heu, oui. En fait, je vais au skatepark pour rejoindre un... Copain.

Ma voix trembla en prononçant ce dernier mot, trahissant ainsi mon manque d'assurance. À vrai dire, j'ignorais quel autre terme employer pour éviter de dire que c'était un pot de colle. Toutefois, ma mère ne prêta pas attention à mon instant d'hésitation. À la place, son expression s'illumina d'émerveillement et je me pinçai les lèvres en comprenant la raison de cette réjouissance.

— C'est génial, Marty ! Je suis si heureuse que tu aies trouvé des amis.

Amis. Je pris sur moi-même pour ravaler le raclement de gorge et de la contredire. Il était préférable pour nous deux qu'elle soit soulagée de savoir que je m'étais fait des supposés amis, plutôt que de la voir inquiète parce que je restais constamment seul. Comme c'était le cas en Angleterre.

— Comment il s'appelle ? Il est dans ta classe ?

L'inquiétude monta progressivement en moi. Les battements de mon cœur palpitèrent d'appréhension. Voilà que venait le moment gênant où maman posait trop de questions.

— Oui, il est aussi en classe de terminal.

Mensonge !

Je passai ma main moite dans mes cheveux blonds et me glissai sur le petit espace entre le cadre de porte de ma chambre et ma mère. Je devais partir avant que l'idée sordide d'inviter Steven à la maison ne lui passe par la tête. Ce qui me mettrait dans une situation plus qu'embarrassante.

— J'y vais, m'man.

Je déposai un baiser sur sa joue et me ruai vers la porte d'entrée.

— Amuse-toi bien, mon chéri. Mais rentre à temps pour le repas.

Je montrai un pouce en l'air et quittai la maison. En provoquant la première poussée de mon pied gauche, je manquai de retomber de la planche. Mais je retrouvai bien vite mon équilibre et poursuivis ma route avec plus de précautions pour m'éviter une nouvelle chute humiliante.

Je réprimai un rire sarcastique en repensant au fait que je n'avais pas déclaré à Steven que je trouverais facilement le skatepark. Parce qu'en quittant mon nouveau quartier, je pris conscience que je ne savais absolument pas quelle direction prendre. Ce n'était pas loin de l'église, d'après ce que Steven m'avait dit, mais j'ignorais aussi où c'était !

Je suis vraiment mal parti...


Après avoir demandé trois fois mon chemin pour trouver l'église et avoir tourné cinq fois autour de ce monastère qui ressemblait plutôt à une maison de campagne, ce qui m'avait induit en erreur, je finis par trouver Steven qui exécutait quelques descentes sur la rampe du skatepark.

Enfin, si on pouvait appeler ça un skatepark. Car en réalité, il s'agissait plutôt d'un endroit délabré où les racines des arbres qui délimitaient la zone avaient fissuré le sol goudronné pour grandir en liberté et où l'herbe poussait entre les fissures. Les deux rampes présentes étaient constituées de lattes en bois qui tombaient en désuétude.

La mine crispée affichée sur le visage de Steven me montra que lui aussi avait conscience qu'il existait mieux en matière de skatepark.

— C'est pas extraordinaire, mais au moins, on a deux rampes.

Ou quelque chose qui ressemble à une rampe. Malgré moi, un son qui se rapprochait d'un rire ironique franchit la barrière de mes lèvres. Après tout, à quoi je m'attendais ? J'étais loin de retrouver le skatepark moderne de Preston qui se situait à côté des places de jeux pour enfants.

— C'est bien, mentis-je tout en me rapprochant de la construction pour mieux analyser son état.

Contrairement à ma première impression, le bois ne se révélait pas être aussi pourri et les fixations m'avaient tout l'air d'être solides. Car Steven roulait dessus sans problème.

— Tu te débrouilles bien sur un skate ?

— Oui, même si ça fait longtemps que je n'en ai pas fait, déclarai-je d'une voix tendue.

— Pourquoi ? me demanda Steven, les sourcils froncés.

La pression me pinça de partout. Je refusais de révéler ma chute honteuse de Preston. Il me fallait donc une autre excuse qui mettrait un terme à sa curiosité.

— Je n'avais plus le temps. Avec le déménagement, j'avais la tête à autre chose.

— Oh, je vois.

Ensuite, Steven me questionna sur ce que je savais faire et au lieu de lui, répondre, je le lui montrais. Je me positionnai au sommet de la rampe, plaçai l'un de mes pieds sur les vis et l'autre sur le tail du skate où j'appuyai de toutes mes forces pour le maintenir en équilibre. Je pris une profonde inspiration et sentis mon cœur s'emballer d'excitation. Je me réjouissais d'avance du sentiment qui parcourrait mon corps en descendant la rampe.

Je basculai ensuite tout mon poids sur mon pied avant, de façon à ce que le board bascule et que les quatre roues se retrouvent en contact avec la paroi de bois de la rampe. Un jet d'adrénaline se déversa dans mon métabolisme alors que les battements mon cœur s'amplifiaient et se faisaient ressentir de partout.

Cette sensation se renforça lorsque la planche remonta l'autre rampe qui faisait face à l'autre. Je reportai mon poids sur le tail avant du skate pour l'immobiliser, avant de descendre une nouvelle fois la pente. La semelle de ma chaussure frotta le sol afin de me permettre de freiner.
— C'est pour les débutants, ça, nota Steven en montant à son tour au sommet de la rampe.

— Je m'assure seulement que je n'ai pas perdu les bases.

Après qu'il m'eut montré à son tour ce même tric, il revint vers moi. Une lueur de curiosité brillait dans ses yeux.

— Est-ce que tu as déjà essayé de t'agripper à l'arrière d'un véhicule pour rouler à toute vitesse ?

Je vis immédiatement ce à quoi il faisait référence et un sourire amusé se dessina sur mes lèvres.

— Je m'appelle peut-être Marty, mais je suis loin de ressembler à Marty McFly.

Steven réprima un rire nerveux, peut-être parce qu'il réalisait ce qu'il venait de me demander. Cependant, en examinant sa timidité dont ce garçon faisait preuve, je sentis la curiosité me gagner davantage. La manière dont il se comportait avec moi cachait quelque chose et j'étais presque certain de savoir ce dont il s'agissait.

— Est-ce que tu es gay ? me risquai-je à demander.

Ma question provoqua l'arrondissement instantané de ses yeux. Le teint de son visage pâlit à vue d'œil et ses lèvres tremblèrent. Je ne savais pas comment interpréter cette réaction. Un long silence pesant s'installa entre nous. Le malaise quant au fait d'avoir plombé l'ambiance s'insinua en moi.

Quel crétin je suis !

— Oui, finit par répondre Steven. Mais je ne suis pas... Enfin, tu n'es pas mon genre, sans vouloir te vexer.

Cet éclaircissement provoqua un soulagement immense en moi. Je me sentais tout à coup plus léger. Le fait d'avoir abordé ce point dissipa les traces de gêne qui résidaient entre nous. L'expression de Steven avait perdu ses traits d'inquiétude et je compris qu'avoir libéré ce secret qu'il gardait pour lui le débarrassait d'un poids important.

— En fait, si je viens vers toi, c'est parce que j'espère qu'on pourra être plus que des connaissances de couloir, si tu vois ce que je veux dire.

Je penchai la tête sur le côté. Souhaitait-il qu'on devienne amis ? Mon appréhension ressurgit alors tout à coup. Mon cœur se serra. J'ignorais comment lui expliquer qu'il devait rester à l'écart de moi, s'il tenait à vivre. Mais je risquais de le blesser et ceci risquerait d'entacher ma conscience déjà bien usée par d'autres remords.

— Tu n'as pas d'amis au lycée ?

Les lèvres pincées, il secoua négativement la tête. Cette réponse alimenta ma curiosité et j'espérai que Steven saurait la satisfaire.

— Pourquoi ?

— Ce lycée est rempli de monstres, à commencer par Alex Rivers.

Mon cœur loupa plusieurs battements à l'entente de ce prénom. C'était le type qui m'avait coincé plus tôt durant l'après-midi pour m'obliger à lui filer mes résumés. La stupeur figea le sang dans mes veines quand l'image d'un Steven amoché se forma dans mon esprit. Tout eut un sens ! Alex le maltraitait et je soupçonnais le fait que l'homosexualité de Steven dérangeait ce Rivers.

Les pièces du puzzle étaient enfin assemblées. Je sentais mon sang bouillonner d'agacement et de colère. Mais Steven ne remarqua pas fureur soudaine ; son regard demeurait rivé sur son skate.

— Avec Polly, on a appris à ne faire confiance à personne.

— Alors qu'est-ce que tu fais avec moi ? questionnai-je, décontenancé par la situation.

Steven releva son attention sur moi. La lueur d'espoir me pinça douloureusement le cœur. Quoi qu'il attendît de moi, je ne pourrais le lui donner.

— J'espère que tu es différent des autres.

Un nœud se forma dans ma trachée. J'étais différent parce que son homosexualité ne me dérangeait pas du tout. Mais je n'étais pas cet ami qu'il attendait. Je ne le pouvais pas. Je passai ma main vers ma nuque pour me gratter l'arrière du crâne tout en cherchant un moyen de détourner le sujet de la conversation, le temps de trouver la manière la plus délicate de lui annoncer que je n'étais pas quelqu'un de fréquentable.

— Ta sœur n'a pas l'air d'être de cet avis.

Il leva les yeux en l'air, poussant un lourd soupir. Lui aussi trouvait le comportement de sa sœur à mon égard, complètement absurde ?

— Tu sais, Polly n'a pas un mauvais fond. Elle est seulement très méfiante avec tout le monde.

— On se demande bien pourquoi, marmonnai-je pour moi-même.

Ainsi, Grincheux se protégeait en renvoyant balader tout le monde. Mais de quoi se protégeait-elle ?

— Elle a toujours été comme ça ?

Steven secoua la tête.

— Le départ de Tracy nous a tous les deux blessés...

Sa phrase resta inachevée, engendrant la plus intense frustration en moi. Mais je risquais de ne jamais connaître le fin mot de cette histoire si je me fiais à la mine de Steven. Il se mordit la lèvre et fuyait soudainement mon regard en fixant le sol.

— Qui est Tracy ? questionnai-je avec l'espoir naïf qu'il me répondrait.

Steven remonta sur son skate, évitant soigneusement mon regard.

— Je dois y aller. On se voit demain au lycée !

Il poussa son board d'un geste pressé et s'éloigna au loin, m'abandonnant avec un bain de questions qui submergèrent mon esprit. Cependant, une seule se répétait en boucle, provoquant la plus grande confusion en moi.

Qui est Tracy ?

☆______________________________

• Hey beautiful people ! 🤗

Mmmh, encore Tracy 🤔 •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

• Vous aimez bien la maman de Marty ?

• Le personnage de Marty ?

• Celui de Steven ?

• J'attends vos théories concernant l'affaire Tracy

•......•

☆ Je tiens juste vous annoncer que je ne posterais pas pendant les vacances de Noël, parce que je n'aurais pas l'occasion de le faire.

Je vous donne donc rendez-vous le vendredi 13 janvier 2023 pour le prochain chapitre qui sera du PDV de Polly et sera assez lourd à lire. ☆

Kissouilles ❣️

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