Chapitre 9

Le gardien m'emmène dans une pièce d'un blanc terne. Eclairé par des néons blafards qui répandent une lumière artificielle et crue, une table et deux chaises sont disposées au milieu. Au fond de la salle, une grande vitre à travers laquelle je peux voir les détenus. 

Cette vitre est encadrée par des barreaux qui semblent emprisonner non seulement les corps, mais aussi les esprits. Je déteste cette ambiance anxieuse et cette atmosphère de tension. Je me sens nerveuse et mal à l'aise. 

Une silhouette familière ne tarde pas à émerger entre les autres. Menottée, elle est poussée dans la salle. Ses cheveux blonds coupés en carré sont légèrement ondulés et sales. Ses yeux bleus s'écarquillent lorsqu'ils se posent sur moi.

-« Vous avez dix minutes », me jette le geôlier avant de fermer la porte.

Dès que la porte se referme, ma mère titube, à deux doigts de tomber face contre terre. Elle s'approche les yeux écarquiller pour me serrer dans ses bras, mais je recule immédiatement par reflexe.

-« Si tu effectues le moindre geste, je te jure que je rappelle le gardien », je lui lance froidement.

Un frisson de peur passe dans ses yeux bleus vite suivie d'une tristesse nostalgique.

-« Evelyn, c'est la première fois en deux ans que tu viens me voir. Je savais que tu finirais par comprendre que je n'ai jamais voulu te faire du mal », m'assure ma mère avec un regard qu'elle veut sincère.

Elle semble tellement fébrile et fragile ainsi découpée dans la grandeur de la prison. Elle a perdu toute sa grandeur et même sa beauté se fane. Elle n'a plus rien à voir avec celle qui riait de mon malheur alors que j'étais étendu sur le sol.

-« Il faut que tu me crois, tout ça c'est la faute de ton père. Il chuchotait à mon oreille, et il m'a tellement détruite que je n'ai pas su me contrôler. S'il te plait, pardonne moi Evelyn », me supplie t'elle d'une voix brisée et tremblante.

Je détourne le regard en sentant mon cœur bouillir de colère et de tristesse. Elle ne peut pas oser sérieusement se tenir devant moi et faire passer toutes ses années comme un simple manque de contrôle. Je l'admirais tellement que chacun de ses coups me semblait normal.

Et pourtant, quand je regarde au plus profond de ses yeux, tout sonne faux. C'est comme si elle jouait un rôle et que naïvement, j'espérais encore que celui ci soit réel. 

-« Ne peux tu pas prendre en cause la responsabilité de tes actes, Kiera », je lui demande en lui repassant mes doigts sur ma cicatrice.

-« Je suis vraiment désolée, je t'en supplie, accorde moi une autre chance », continu t'elle de supplier, un sourire doux sur les lèvres. 

Mais celui ci aussi il sonne faux. 

Dans ces moments de gentillesse, elle avait le même. Quand ses insultes devenaient excuses et qu'elle se métamorphosait avant de redevenir celle qui m'effrayais.

-« Si tu voulais vraiment une seconde chance, tu accepterais ton sort au lieu de chercher la remise de peine en cassation », je rétorque en sentant son énervement.

Ma mère frappe du poing sur la table. Son visage se déforme à cause de la haine. Ses veines ressortent et ses phalanges virent au blanc. Tout le calme qu'elle arborait et tout son envie de rédemption vient de partir en fumée. Le masque se perd au profit de la haine.

-« Sale petite ingrate, je t'ai tout donné quand ton père lui était absent. Si je cherche à sortir, c'est pour te retrouver, à quel point n'as-tu pas de cœur ? », me demande t'elle violemment.

Je fronce les sourcils essayant de garder en moi la colère qui boue à mesure que je la vois se pavaner. Son rictus mesquin revient dans son sourire et immédiatement, mes souvenirs remontent à flots. 

Elle n'a pas changé. Elle est cette même femme avide de pouvoir qui essaye de justifier derrière un masque un semblant de culpabilité.

-« Est-ce qu'il y a des jours ou tu regrettes ou suis-je juste devenue un moyen de justifier ton besoin de sortir ? », je lui demande en caressant le K sur mon poignet.

Elle ricane, la bouche déformé dans une expression ironique et malsaine.

-« Jamais je ne pourrais regretter. Je n'ai fait qu'éduquer celle que tu étais destinée à devenir », m'assure t'elle avec un sourire.

Menotte au poignet, elle se précipite vers moi et me passe la chaine qui relie ses poignets sur la nuque. Le mouvement a été tellement rapide que je n'ai rien vu venir. Je suis prise au piège entre son expression jouissive et les chaines qui me rentre dans la peau.

-« Tu es à moi Evelyn. Je t'ai marqué comme tel et ce jusqu'à la fin de ta vie. Tu penses peut être pouvoir m'échapper, mais tes chaines sont bien plus grosse », ricane t'elle.

Son souffle se plaque sur ma joue alors qu'elle crache ses mots avec haine. Ses pupilles déformés par la colère et l'envie de domination me fixe comme si j'étais une moins que rien. Ses chaines m'emprisonnent et m'assiège me forçant à baisser la tête. 

Je ressens son poids écrasant comme si j'étais encore l'enfant se tenant devant elle. Celui qui quémandait pour la moindre petite attention. Celui qui était près à sourire qu'importe l'orage qui grondait. 

Je sens les frissons parcourir mon échine. Mon ventre se serre comme si un nœud invisible le retenait. Mes mains agrippent la table en bois jusqu'à ce que mes phalanges blanchissent. Mon regard fuyant se fronce en voyant le K marquant ma peau, indélébile.

Je ne suis plus l'enfant impuissant qui la regardait s'en aller en tendant la main.

Je ne suis plus celle qui prie nuit et jour pour qu'elle m'accorde les miettes qu'elle désirait.

Je ne la supplierais plus, car je sais bien que jamais elle ne pourra formuler les mots que j'attends.

J'attrape son tee-shirt discrètement, dos à la caméra et la tire vers moi. Déstabilisée, son corps se penche sur la table. Ses sourcils se froncent et ses pupilles me regardent incrédule.

-« Sache que j'ai payé tous les gardes pour qu'il me laisse seule en ta compagnie jusqu'à ce que j'en ai fini avec ton cas. Alors je vais te poser une dernière fois la question, est ce que tu regrettes ? », je lui demande en plongeant mon regard dans le sien.

Ma mère ricane, un rictus mesquin sur le visage.

-« Tu as prévu quoi Evelyn ? Tu comptes me tuer ? On sait toutes les deux que tu n'es pas capable de me faire du mal », conclut ma mère, son rire résonnant dans la salle.

Mon sourire s'agrandit, froid, distant mais surtout calculateur, les menottes toujours sur ma nuque. Elle me zieute satisfaite, une expression sur le visage, l'air de dire qu'elle avait raison. Je laisse le silence s'installer. Je veux qu'elle pense que cette douce tension qui flotte dans l'air est synonyme de victoire. Je veux qu'elle la savoure. Avant de tout lui reprendre.

Il est hors de question que j'aille témoigner.

Mais je lui ai laissé une chance, elle n'a pas su la saisir.

Alors maintenant, il est hors de question que je la laisse sortir.

Mon regard se voile, mon sourire s'agrandit et je pouffe de rire en voyant sa mine se déconfire. Elle ne comprend pas pourquoi je n'ai plus peur. Elle ne comprend pas ce qui peut me mettre autant dans cette extase. Après tout, c'est elle qui devrait avoir l'ascendant. C'est tellement facile d'analyser ses pensées et de déduire ses réactions.

Mais pourquoi elle sourit ? Est-elle vraiment capable de me faire du mal ? Peut-elle suffisamment soudoyer les gardiens pour qu'ils gardent le silence ?

Le cerveau humain est tellement prévisible. La famille Shaffer me l'a bien appris. L'émotion humaine la plus primaire, plus forte que l'amour, c'est la peur. Elle pousse à créer des scénarios imaginaires extrême qui s'enracine jusqu'à devenir réelle.

-« Tu as raison, je ne me salirais pas les mains pour quelqu'un comme toi », je lui lance en fronçant le nez.

Je ne me laisserai pas aller à la violence parce qu'elle tente de la provoquer. Son regard satisfait et vite balayé par mon sourire qui resplendit.

-« Par contre, je refuse que tu t'en sortes », j'assure avant de tirer sur les menottes.

Dos à la caméra, j'emmêle d'un coup de tête la chaine sur mon cou et je serre. Je sens les chaines m'étrangler en brulant ma peau. L'air me manque et je suffoque alors que l'air peine à atteindre mes poumons. 

Ma vue se trouble alors que mon sourire ne s'arrête pas de s'agrandir. Je peine à inspirer mais le simple fait de voir ses yeux s'écarquiller, m'emplit de satisfaction. Pour la première fois, je la surprends et j'ai l'ascendant.

-« Tu es complétement folle », hurle t'elle.

Mes yeux se plissent. L'odeur du métal me prend le nez et je déglutis difficilement. Pourtant la douleur me semble lointaine. Je suis habituée à la ressentir jusqu'au plus profond de mon être, et vibrant dans mon corps. Alors cette passe n'est qu'un moyen d'atteindre mes fins.

-« Au secours, aidez moi », je m'époumone en faisant mine de me défendre.

Je m'égosille comme je peux et tente de faussement lutter pour détacher ses menottes. Je m'approche d'elle, l'euphorie marquant mes traits.

-« Dis moi Kiera, comment tu vas sortir avec les circonstance aggravantes liées à cette attaque ? », je lui demande à l'oreille en chuchotant faisant mine de m'étouffer.

-«Jamais personne ne croira cette histoire ! », s'insurge ma mère en tentant de s'éloigner de moi.

Mon sourire s'agrandit complétement.

-« Pourtant n'est ce pas toi qui m'a passé les menottes autour du cou ? », je lui demande froidement en plantant mon regard dans le sien.

Je la sens fébrile. Son corps tremble alors que je vois le désespoir perler dans ses yeux bleus.

-« Mais la caméra... », commence t'elle.

-« Penses-tu une Shaffer suffisamment bête pour ne pas savoir que cette caméra n'enregistre que l'image ? », je lui demande en continuant de m'égosiller et de faire semblant de lutter.

Je touche mon cou boursoufflé. La trace restera suffisamment visible pour que personne ne puisse me soupçonner d'avoir menti. Après tout, je suis la pauvre Evelyn Shaffer, battue par sa mère alors que je lui rendais une visite de routine.

Elle se décompose, son visage se déformant de haine. Ses poings se serrent alors que je m'enlève de la prise de ses menottes et que je la repousse.

-« Tu ne pouvais pas savoir que j'allais réagir de la sorte. Tu as juste eu de la chance », hurle t'elle mauvaise, un rictus amer sur ses lèvres.

Je soupire et lève les yeux au ciel pas le moins du monde impressionnée par sa démonstration. La seule chose que je veux bien lui accorder, c'est que son éducation m'a rendu calculatrice. Elle m'a rendue manipulatrice.

Bien sur que je savais qu'elle réagirait de la sorte. Je la connais bien mieux que personne, je sais quand elle se sent acculée. Je sais quand elle manipule et quand son égo la fera surréagir. Alors si je puis dire, chaque mot et chaque phrase était nécessaire dans le seul but d'arriver à ce moment précis.

-« Et bien que tu puisses penser que l'angle pourrait permettre de voir que je me suis fait cette cicatrice, personne ne cherchera à comprendre l'avis d'une femme qui frappait sa fille. Alors bon séjour en prison, maman », je lui assène avec un sourire.

Ses yeux s'écarquillent et sa bouche se pince avec un gout amer de défaite. J'ai encore prévu ses pensées et son prochain coup. Comme aux échecs, laisser une porte de sortie à l'adversaire pour qu'il se jette dedans et qu'on finisse par le cueillir. 

La porte s'ouvre. Le gardien entre et se précipite pour attacher ma mère à la table. Il lui jette un regard mauvais alors que je soutiens mon cou. Je laisse des larmes couler le long de mes joues.

Vite transformé en sanglot qui envahisse la pièce de petit gémissement plaintif. Mon corps tremble comme une feuille et j'inspire rapidement. Ma respiration se saccade et je commence à vaciller, mes jambes flageolantes.

-« Je...Je me sens pas très bien », je bégaye dans un souffle.

Le gardien me rattrape alors que j'allais m'effondrer sur le sol. Les battements de mon cœur se sont accélérés.

-« Comment ne pouvez vous pas comprendre qu'elle joue la comédie ? », hurle ma mère en se débattant sur la chaise.

Je fais mine de trembler dans les bras du gardien.

-« N'aggravez pas votre cas Madame Shaffer, après les événements de ce matin, le juge ne vous accordera jamais de remise de peine. C'est bien triste de savoir que vous ne saisissez aucune chance », soupire le gardien en me tenant pour m'aider à sortir.

Il m'installe en dehors dans son bureau en posant une couverture sur mes épaules. Il me fait assoir et respirer calmement.

-« Je suis désolée d'être tombée subitement, j'ai eu un vertige », je m'excuse platement en tentant de sécher les larmes qui coulent le long de mes joues.

Il me regarde d'un air désolé et me tend un mouchoir.

-« Je vais vous laisser un moment ici pour que vous puissiez vous calmer. Je vais aller voir s'il y a quelqu'un pour vous raccompagnez à l'entrée. Ne vous inquiétiez pas, vos symptômes sont normaux après un choc. Vous avez généralement des vertiges, palpitations, du mal à respirer et une accélération des battements du cœur. Ce n'est pas votre faute. Votre mère n'aurait jamais dû adopter ce comportement », s'énerve le gardien en me tendant une bouteille d'eau avant de sortir.

Intérieurement, mon sourire s'agrandit alors que ma comédie reste plaquer sur mon visage. Rien de plus simple que simuler un état de choc. Il suffit de prendre de la caféine avant pour accélérer les battements du cœur et de jouer le reste. Personne ne remettra en cause ma parole par rapport à celle de l'agresseuse.

Bien sur, il faut connaitre les symptômes. Mais quoi de plus simple quand on est la fille de Kiera Shaffer, le médecin le plus connu de Sunhaven beach.

Alors maman, tu es fière de moi maintenant ? 

A cette simple pensée, les battements de mon cœur s'accélère et une peur noire s'empare de mon corps. 

Et si j'étais entrain de devenir comme elle ?

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Bonjour à tous, 
Merci de suivre cette histoire !
Que pensez vous maintenant d'Evelyn ? 
Vous allez bientôt retrouver Lyssandra, ne vous inquiétez pas !
Lunarae.

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