Chapitre 8
Je me réveille en sursaut, me redressant sur mon lit en sueur. Encore en transe, les battements de mon cœur martèlent mes tempes comme les coups sourds d'un tambour. Mon corps tremble, et je serre la couverture à blanchir mes phalanges pour me rassurer.
Puis, je passe une main sur mon front pour essuyer les gouttes de sueurs qui ont perlé. Je prends une grande inspiration, fermant les yeux pour essayer d'effacer les images qui s'imposent à mon esprit.
Mais les souvenirs douloureux sont comme une marque indélébile qui refuse de me quitter. Les cauchemars me les font revivre en boucle comme un disque rayé. J'étouffe un sanglot en serrant mon tee-shirt. Mes sourcils se froncent et mes yeux se posent sur mon poignet.
Mes pensées dérivent et mes souvenirs me reviennent en mémoire alors que ma vision se trouble sous un voile de larmes. Mon regard ne quitte pas mon poignet. Mes doigts parcourent la cicatrice boursouflée et rougie par le temps en forme de "K" que je cache avec mes longs vêtements.
La chambre est plongée dans l'obscurité du début de l'aurore, à peine éclairée par la lueur de la lune à travers les rideaux entrouverts. Chaque ombre se tord et se contorsionne pour prendre des formes monstrueuses dans mon esprit tourmenté.
Et son visage, cette expression de haine, de violence et de satisfaction ne veut pas quitter ma tête. Ses cris sont imprimés dans les recoins de ma peau à tel point que je pourrais en définir les fréquences.
- « J'ai besoin que vous alliez la voir demain et que vous essayez d'amadouer la situation, par culpabilité, elle acceptera peut être ses dix années de prisons et si ce n'est pas le cas, vous devriez témoigner ».
Je ricane alors que la phrase résonne dans mon esprit comme si les punitions qu'on m'avait infligé, n'avaient pas été suffisantes. Je jette la couette à l'autre bout de la pièce et mon visage se déforme de haine.
Je me lève et attrape ma peinture qui se tient sur mon bureau. Dans le clair de l'aurore, je projette les couleurs sur la toile posée sur le chevalet. Les tubes s'effondrent sur le sol dans un bruit sourd.
Ma nuisette blanche se tache et mon visage reçoit des éclaboussures mais je n'y prête aucune attention. J'attrape un grand pinceau et mélange les couleurs, laissant mes émotions créer la des formes abstraites.
Je vide ma colère, mon incompréhension et ma tristesse dans une toile qui comme un confident, récupère mes émotions avec douceur. Ma main tremble, mes mouvements sont imprécis, mes larmes dévalent mes joues, mes pensées se vident.
Je m'effondre sur le sol, à genoux dans un bruit sourd complétement démunie. Un poids invisible s'appuyant sur mon dos.
-« Mademoiselle », pousse une voix inquiète.
Je n'ai même pas entendu la porte s'ouvrir tant mes pensées résonnent dans mon esprit. Notre gouvernante se précipite vers moi pour m'aider à me relever. Ses cheveux grisâtres courts vont à la perfection avec ses yeux bruns cachés derrière une jolie paire de lunettes.
-« Tout vas bien Mademoiselle ? J'ai entendu du bruit alors j'ai accouru ! Vous êtes pleine de peinture... », commence t'elle, le front ridé par l'inquiétude.
-« Ne t'inquiètes pas Molly, je n'arrivais juste pas à dormir », je lui assure avec un maigre sourire.
-« Vous n'êtes pas encore entrain de me mentir, jeune fille ?! Je vous connais depuis que vous êtes enfant, je sais bien quand vous me mentez. Vous avez encore fait un cauchemar », m'assure t'elle fermement en m'aidant à m'assoir sur le lit.
-« J'ai l'impression qu'ils reviennent chaque années. J'aimerais vraiment m'en débarrasser », je soupire en détournant mes yeux.
Molly me jette un regard soucieux puis attrape mes poignets avec une douceur infinie.
-« Ne vous en faites pas Mademoiselle. C'est normal, mais dans quelques années, vous verrez, vous réussirez à dépasser vos tracas. Vous êtes intelligente et forte, vous êtes promu à un avenir joyeux », me réconforte Molly en caressant mon poignet.
Elle n'a pas un regard de pitié mais de compassion qui réchauffe mon cœur endurcit.
-« J'aimerai avoir votre aplomb », je laisse une larme coulée.
Molly la sèche d'un revers de la main.
-« Ne pleurez pas. Même si ce jour n'a pas toujours été synonyme de bonheur, maintenant vous pouvez regarder devant, en plus j'ai un petit cadeau pour vous », fait t'elle toute excitée en sortant des revers de sa grande robe une petite boite.
C'est un écrin rouge au bordure dorée d'une beauté stupéfiante. Je l'ouvre pour tomber nez à nez avec une broche en forme de cœur délicatement ciselé, orné de petites pierres précieuses scintillantes. Autour, des ailes d'ange s'étendent majestueusement et le centre étincèle d'un splendide rubis.
-« Cette broche représente l'amour, la protection et la force qui accompagnent nos liens qui sont précieux à mes yeux. Je ne voyais pas meilleure cadeau », m'explique Molly en essayant d'analyser mes réactions.
Les larmes aux yeux, je la prends dans mes bras. Ce simple contact me réchauffe le cœur. Etrangement, je le sens si maternelle et aimant, remplie de l'attention que j'ai toujours désiré. Bien plus qu'un simple cadeau, le simple fait qu'elle pense à moi réussie à m'émouvoir.
-« Merci, il ne fallait pas », je la serre touchée par son acte.
Je sens son sourire s'étirer sur ses lèvres et ses yeux se plisser avec empathie.
-« Je suis contente qu'elle vous plaise. Je ne pouvais quand même pas arriver les mains vides le jour de votre anniversaire », m'adresse t'elle avec douceur en me serrant à son tour.
Mon cœur se serre dans ma poitrine mais mon sourire sincère rayonne sur mon visage.
-« Bon, il ne faut pas trainer, je vous ai préparé votre tenue et votre bain. Pendant que vous vous préparez, je ferais le repas », me dit t'elle un air triste sur le visage.
Prise d'une pulsion, j'agrippe le bas de sa robe de mes doigts fins pour l'empêcher de sortir. Ma mine se renfrogne et je fuis son regard alors que je tente d'articuler les mots qui meurent dans ma gorge.
-« Molly, vous trouveriez ça étrange si je vous disiez que je n'avais aucune envie de la revoir », je lui demande tristement.
Elle me jette un regard désolé.
-« Je dirais qu'il n'y a pas d'émotions plus humaines que celle-ci », m'affirme Molly avec un petit sourire.
-« Pourtant elle reste ma mère, ne devrais je pas ressentir un attachement ? », je lui demande doucement en saisissant ma tête entre mes mains.
-« Mademoiselle, rien n'est plus complexe que ça. La maternité ne se résume pas à la naissance, mais se construit à travers chaque acte. Sinon aucune mère par adoption n'en serait une véritable », me répond t'elle avec sagesse.
Molly a raison comme toujours. Si elle ne s'est jamais comporté comme une vraie "mère", en a t'elle était une véritable ? Après tout, certains liens m'ont l'air bien plus fort que ceux du sang.
Comme celui qui me relie à Lyssandra ou à Molly, pour les protéger, je serais prête à tout.
N'est ce pas là le devoir d'un être cher ?
-« Pensez vous qu'elle n'en a jamais été une ? », je la questionne de nouveau.
Molly pousse un soupire, plaçant une main sur son front, l'air pensive.
-« Je pense qu'elle a essayé mais qu'elle a finit par se perdre elle-même. Keira était gentille quand je l'ai rencontrée, c'était une femme douce et amante. Le monde de votre père l'a changé », répond t'elle en passant une main sur mon dos pour me rassurer.
-« Vous qui l'avez connu, pensez vous qu'un jour je puisse lui pardonner et qu'elle redevienne celle qu'elle était ? », je continu.
-« Vous êtes la seule capable de répondre à cette question. A vous de savoir si votre mère mérite une seconde chance et si elle est capable de la saisir. Mais ne le faites pas par culpabilité... », m'assure t'elle avant de me serrer une dernière fois.
Je hoche la tête, sereine et sincère. Mes yeux pétillent en voyant la mine si douce et patiente de Molly qui prend le temps comme à son habitude de me soutenir.
Cette femme est la mère que je choisis.
-« Merci Molly, d'avoir été là après toutes ses années », je lui dis sincèrement.
-« Ça a toujours été un plaisir de vous voir grandir et devenir une jeune femme charmante et généreuse. Mais à présent, allez vous lavez avant que votre père vous reproche votre retard », me réprimande t'elle gentiment avant de sortir de la pièce.
La salle de bain est immense, austère et riche. Molly l'entretient d'une main de maitre mais elle est trop froide à mon gout. En me plongeant dans le bain, mes sens s'apaisent. L'odeur du savon emplit mes narines et la chaleur détend mes muscles avec extase. Mes yeux ne tarde pas à s'arrêter sur l'ancien cadre photo.
A moitié fissuré, je le saisi entre mes mains pour contempler la photo. Un souvenir en famille heureux, ma mère souriante me prenant dans ses bras dans la douceur d'un été chatoyant et mon père avec un tablier faisant une grimace.
Je devais avoir à peine quelques années mais cette photo transpire le bonheur. Mon regard passe du cadre à la cicatrice sur mon poignet et un soupir s'échappe de mes lèvres.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
A quel moment tout est devenu plus sombre ?
Nous n'étions pas destinés à se déchirer de la sorte.
Je chasse mes pensées nostalgiques et je me sèche, passant avec douceur le tissus sur mes peaux rougies par les cicatrices. Ainsi devant le miroir, mon corps si hideux et honteux me fait face.
Qu'est ce que je le hais, lui qui est là pour me rappeler qu'elle ne l'a jamais été !
Je me renfrogne chassant ma colère et ma peine au plus profond de moi.
Aujourd'hui, rien ne viendra m'ébranler.
J'installe ma broche, le dos droit, sereine et forte. Puis je sors de la salle de bain, prête à affronter son regard et ses mots crus. Le soleil commence à percer à travers les rideaux, annonciateur d'un nouveau départ.
-"Molly," dis-je en ouvrant la porte, "Prépare la voiture. Je vais voir ma mère."
Molly se retourne, surprise de mon ton déterminé, mais elle lit dans mes yeux une sérénité nouvelle.
J'ai passé ma vie à la fuir, à avoir peur de simplement me retrouver en sa présence. Depuis qu'elle n'est plus là, je vis sans cesse avec son fantôme, comme si elle n'avait jamais quitté la maison.
-"Bien sûr, Mademoiselle," répond elle avec un sourire complice.
Je me dirige vers le miroir et observe mon reflet. La broche en forme de cœur scintille sur ma poitrine, symbole de force et de protection.
-"Aujourd'hui," je me murmure, "C'est le début de ma rédemption ."
Je quitte la chambre, une nouvelle résolution brûlant dans mes veines. La confrontation qui m'attend en prison ne sera pas facile, mais je suis prête. Pour la première fois depuis longtemps, je sens une force inébranlable grandir en moi. Ma mère devra affronter ses démons, tout comme moi.
La porte d'entrée claque derrière moi alors que je monte dans la voiture. Le moteur rugit, et nous nous dirigeons vers la prison. Un mélange de peur et de détermination palpite en moi. Ce moment marquera un tournant décisif dans ma vie.
La voiture s'arrête devant les portes massives, et je prends une profonde inspiration. Le chemin de la guérison commence ici.
En sortant de la voiture, je sens une force nouvelle m'habiter. Chaque pas résonne avec détermination alors que je m'avance vers l'entrée.
-"C'est le moment de briser les chaînes du passé," je me murmure en poussant la porte, prête à faire face à ma mère.
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Bonjour à tous,
Je vous présente le chapitre 8.
Que pensez vous de Molly ?
Est ce que la confrontation avec la mère va bien se passer à votre avis ?
Merci beaucoup pour votre lecture.
Lunarae.
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