Chapitre 46
Alors c'est pour ça que Zephyr s'est fait changer en vampire ?
Il a subit pour une faute dont il est lui même pas à l'origine, simplement celle de son ancêtre.
Où est la justice dans tout ça ? Sa lignée a simplement été maudite.
Prise dans mes pensées, je pénètre dans la forêt sombre de Grimhill. Elle s'étend devant moi, menaçante, chaque arbre dressant son ombre comme une sentinelle. Un vent coupant me fouette le visage, important avec lui des odeurs de terre humide et de mousse en décomposition.
Les feuilles bruissent, murmures dissonants dans la nuit, presque comme si elles parlaient entre elles, comme si elles tentaient de m'avertir. Mon corps avance, mais mon esprit est ailleurs, tiraillé entre ma propre volonté et celle d'Eleonora, qui gronde en moi, impérieuse.
Je sens son aura grandir, envahir chaque recoin de ma conscience, et à chaque pas, je la laisse prendre un peu plus de place. Peut-être parce qu'au fond, je comprends ce qu'elle ressent. Elle veut régler ses propres comptes, et je ne peux pas l'en empêcher. Mon cœur tambourine furieusement alors que je m'enfonce dans le bois, chaque battement résonnant comme un écho de sa colère silencieuse.
Les arbres, hauts et massifs, m'entourent, leur silhouette menaçante se fondant dans l'obscurité qui m'avale toute entière. Cette forêt, je la connais par cœur, et pourtant, en cet instant, elle semble étrangère, presque hostile.
L'obscurité se referme sur moi, pesante, m'enveloppant d'un manteau de ténèbres épaisses. Une légère brume flotte au sol, rampante, et mes pas, étouffés par la mousse, se font presque silencieuse.
Quand j'arrive à la clairière, je me fige. Tout est déjà en place pour le rituel. Des bougies forment des cercles parfaits autour de ce qui semble être un autel improvisé. Cassian est là, figé dans un rôle qui ne lui ressemble pas, mais son expression, féroce, le rend méconnaissable. Il tient Zephyr agenouillé devant lui, maintenu de force.
Zephyr... Ses traits sont tirés par la douleur, ses vêtements en lambeaux, sa peau plus pâle que la mort elle-même. Il lutte pour respirer, chaque souffle semble lui coûter une éternité. La vision de sa souffrance me transperce, un coup de poignard glacé dans le ventre.
Et pourtant, les premiers mots qui sortent de ma bouche ne sont pas synonyme de compassion.
-"Pourquoi tu as fait ça, Cassian ?", je lui demande d'une voix dure et tranchante.
Je ne sais plus si c'est vraiment moi qui parle ou Eleonora à travers moi, mais je savoure le pique acide que je lui lance. Cassian relève la tête, son regard fiévreux d'un éclat presque sauvage. Ses pupilles luisent d'une lueur jaune, et dans ce reflet, je distingue quelque chose d'étrangement animal, une rage contenue qui palpite sous la surface.
Finalement, il marmonne :
-"C'est toi qui m'as menti, Lyssandra. Tu m'as caché ce que tu es... une nécromancienne".
Je grimace et me mord la lèvre de regrets. Je serre les poings, la colère et le regret se mêlant en moi, formant un tourbillon chaotique que je tente de contenir. Mes ongles s'enfoncent dans ma paume, la douleur vive me ramène à la réalité.
Peut être que j'aurais du lui en parler... Peut être que j'aurais pu nous empêcher d'en arriver là...
Mais je voulais le protéger, le préserver de mes ennemis, des ténèbres qui me dureront.
Parce que je savais que c'était dangereux.
-"C'était pour te protéger", je rétorque amèrement, d'un ton sec.
Cassian passe une main dans ses cheveux. Il secoue la tête, un sourire tremblant aux lèvres, sans joie.
-"Parce que tu trouves que ça a bien marché ?", s'insurge t'il, d'une voix remplit de sarcasme et de rancœur.
Je sens une culpabilité sourde s'infiltrer en moi, mais Eleonora fait taire cette émotion gênante d'une caresse glaciale, un réconfort qui me donne la force de soutenir le regard de mon frère.
D'un ton implacable, Eleonora prend le relais, ses mots s'insinuent dans ma voix, résonnant avec une force que je ne reconnais pas.
-"Et toi, Cassian ? Ne trouves-tu pas que c'est hypocrite de me juger alors que tu m'as toi-même caché que tu étais un loup-garou ? Tu prétends vouloir me protéger, et j'ai fait pareil pour toi !", le remballe Eleonora.
Ses mots frappent Cassian comme une gifle, et à voir la surprise dans son regard, je sais qu'elle a tapé dans le mille. Un rire sec rompt soudain le silence oppressant, et je tourne la tête vers Zephyr. Malgré la douleur, il trouve encore la force de parler, son humour noir intact, sa voix rauque trahissant l'agonie qui l'étreint.
-"Ce... clébard à la cervelle retournée pense... que c'est moi qui t'ai faite nécromancienne. Que je t'ai rendu mauvaise et méchante... Comme si j'avais ce genre de pouvoir...", ironise t'il d'une voix faible.
Sa voix est rauque, chaque mot semble être un effort monumental. Il est obligé de tousser plusieurs fois pour les faire sortir. Cassian serre les poings, son visage se refermant davantage.
Cassian... Qu'est ce qu'il a bien pu se passer pour qu'il en arrive là ?
Il a toujours été l'enfant qui avait ce besoin de sauver les autres. Lorsque nos parents sont morts, il pensait qu'en me sauvant, il se sauverait lui même... Mais ça n'a jamais réussi. Sa haine envers Zephyr semble le dévorer, et je vois dans ses yeux la flamme dangereuse de la certitude.
-"Tu... ", je commence en me tournant vers Cassian, mes yeux brillants de colère, "Tu fais ça pour me libérer ? Pour me sauver de Zephyr ? ".
Il hoche la tête, et dans ses yeux, une détermination sans faille. Il se croit en mission, convaincu qu'il agit pour mon bien.
-"Oui", rétorque-t-il, en hochant la tête, " Zéphyr te corrompt. Il t'entraîne dans ses ténèbres, et tu ne le vois même pas. Je te libère du mal qu'il te fait, Lyssandra. Si tu fais le rituel pour Nikolay, on pourra ramener nos parents. C'est une bonne chose, c'est... la seule solution".
Je le fixe incrédule et complétement décontenancé par ses propos. Son visage est empreint de cette confiance effrayante qui révèle combien il est perdu. Il a réussit à se convaincre lui même qu'il agissait pour la bonne cause. Il pense vraiment que Zéphyr est le mal et Nikolay le bien.
Il a même perdu toute notion de nuances, pour lui il y a un méchant qu'il doit combattre pour me sauver. Il a toujours eu besoin de se reposer sur les autres pour éviter de faire face à ses propres démons, et aujourd'hui, Zephyr est devenu son bouc émissaire.
-"Tu es au courant qu'une vie est nécessaire pour chaque vie ramenée, n'est-ce pas ?", je déclare d'une voix plus froide qu'elle ne l'a jamais été, " Une mort pour chaque résurrection. Tu veux ramener nos parents en tuant des innocents. Cela pourrait même me tuer si ça ne tue pas l'un d'entre nous".
Je vois le choc passer sur son visage, comme s'il venait de comprendre une vérité qu'il refusait de voir jusque-là. Le visage de Cassian se fige, ses yeux vacillants, et je lis dans ses traits l'ombre de la vérité qui s'abat sur lui.
Son regard devient flou, son expression passe de la colère au doute, puis à un désespoir profond, presque déchirant. Sa conviction se brise, et il murmure, la voix tremblante.
-"Je ne peux pas... je ne peux pas sauver tout le monde. Je suis... je suis un héros dans cette histoire, Lyssandra. Si je dois sacrifier quelques vies pour sauver les nôtres, je le ferai", dit il sa voix tremblante malgré sa conviction.
Il se perd dans ses propres mots, s'effondrant sous le poids de ses convictions. Un écho douloureux de culpabilité s'éveille en moi, et Eleonora le perçoit, l'absorbe, l'atténue. Ses mots prennent le relais, glaciaires et tranchants.
-"Pourquoi... pourquoi si tu te soucies de tout ceux que tu risques de sacrifier, tu ne t'ai jamais soucié d'Ezren ? Tu dois t'en souvenir, de ce petit louveteau à qui tu as arraché les jambes ! Et maintenant toi, tu oses me juger ?", s'emporte t'il, le visage couvert de larmes.
Son cri déchire l'air, mais je reste impassible, Eleonora est là pour me garder droite, pour supporter la rancoeur de mon frère et ma propre culpabilité. Peut être que j'aurais pu agir autrement cette fois là, peut être que j'aurais réussi à m'en sortir sans le détruire si j'avais gardé mon sang froid.
Mais maintenant c'est trop tard.
Mon corps tremble légèrement sous l'influence d'Eleonora. Ce vampire n'a pas encore totalement pris le contrôle, mais elle est là, bouillonnante, prête à éclater.
Et Nikolay... Il est là, en retrait, observant la scène avec un sourire narquois qui me donne envie de vomir. Il jubile, son regard ne quittant pas Zephyr, comme un prédateur jouant avec sa proie.
-"Quelle retrouvaille familiale écœurante. Tu veux sauver Zephyr, n'est-ce pas, Lyssandra ?, coupe t'il court à notre conversation. Sa voix est douce, mais terriblement vicieuse, "Si tu fais le rituel, je peux arranger les choses pour Zephyr. Mais si tu refuses... eh bien, il souffrira encore, jusqu'à ce que la mort le prenne. C'est ton choix".
Il me fait un chantage atroce, cruel, sans aucun remords. Je serre les poings, luttant pour garder le contrôle, mais Eleonora lance dans ma tête, furieuse.
Elle ne supporte pas de voir ce spectacle sordide, elle ne supporte pas les mensonges de Nikolay, et elle ne supporte pas l'idée que Zephyr puisse mourir ici, sous mes yeux.
Pour elle ce n'est pas juste. Elle n'a jamais désirée cela.
Je sens la pression monter, les voix se bousculent dans ma tête, mais cette fois, c'est la sienne qui prend toute la place. Eleonora, cette vampire ancienne et puissante, envahit chaque recoin de mon esprit. Sa colère devient la mienne. Sa haine devient la mienne. Sa rancoeur se mèle à sa tristesse et nous ne faisons plus qu'un.
-"Tu es un lâche, Nikolay...", je grogne à travers mes dents serrées, mais c'est à peine moi qui parle. C'est elle, "Je ne te connais que trop bien. Tout ceci... était un coup monté".
Les mots sortent sans que je les contrôle. Je sais que c'est vrai. Nikolay a tout manigancé, chaque détail, chaque trahison, chaque douleur. Il a tout orchestré pour nous détruire, et maintenant, il ose prétendre être le sauveur ? Non... non, je ne le laisserai pas faire.
Ma vision se trouble, mes mains tremblent, et je ne sais plus où commence ma propre colère et où finit celle d'Eleonora. Tout se mélange, tout s'embrouille. Je monte dans les tours, incapable de contenir ce qui s'agite en moi. Je le maudis, je maudis chaque chose qu'il incarne, chaque mot qu'il prononce.
"Nikolay !"
Le hurlement sort de ma gorge, et ce n'est plus ma voix. C'est la sienne, profonde, résonnante, emplie de haine et de colère accumulée au fil des siècles. Le son déchire l'air, si fort que tout le monde s'arrête. Un silence glacial s'abat, et même Nikolay recule d'un pas, son sourire s'évanouissant sous le poids de la peur.
Il se fige, surpris, presque terrifié. Son sourire narquois se fane lentement, remplacé par une expression d'inquiétude qu'il tente maladroitement de masquer.
Et c'est là qu'il le dit, dans un souffle à peine audible, mais pourtant si lourd de sens.
"Éléonora... "
Il bégaie, les mots coincés dans sa gorge, et pendant un instant, je vois une faiblesse que je n'aurais jamais imaginée.
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Bonjour,
Merci beaucoup d'avoir lu ce chapitre.
Lunarae.
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