Chapitre 23

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Ça fait 6 jours que mon père m'a enfermée dans cette pièce.

6 jours que je compte en boucle chaque secondes qui passent.

Je ne dois surtout pas m'arrêter, car dans cette chambre noire, le seul moyen de survivre est le temps. Je l'ai appris à mes dépends. Keira pouvait me laisser pourrir des semaines et le corps humain n'est pas fait pour tenir aussi longtemps.

Alors je fais défiler les secondes dans mon esprit pour toujours contrôler la situation. Et au compte des vingt-deux heures, lorsque mon père est obligé de se rendre aux galas et aux soirées, je m'éclipse pour me sustenter. 

Au début, j'ai cru que je m'habituerais à la fraicheur même en pleine hiver mais qu'importe le froid ou la douleur endurée, on la ressent toujours de la même intensité. Je grelotte sur le sol, alors que je me recroqueville pour me réchauffer. 

A chaque expirations, un petit nuage chaud s'échappe de ma bouche. Mon corps ankylosé par le froid et l'hypoglycémie me rend faible. Ma gorge sèche quémande de l'eau et mon ventre gronde en quête de nourritures. 

Je traine sur le sol à tâtons, comme une serpillière, laissant ma main sentir le toucher désagréable de la poussière et des toiles d'araignées. 

Je sens chaque latte du parquet et les silures du bois abimées, m'entailler légèrement la peau mais je continue, attendant celle qui grincera. Enfin l'une d'elle se soulève légèrement et un petit sourire vient orner mon visage. 

Je l'attrape pour la déposer à côté, tâtant l'intérieur secret pour trouver les clefs. 

La première fois que j'ai fais ce double de clef dans le dos de ma mère, j'ai tremblé de peur. Le simple fait qu'elle puisse s'en apercevoir me clouée sur place de terreur. Je savais qu'elle en serait les conséquences : la douleur... 

Pourtant, une chose était pire que ces coups et les potentiels punitions que j'inventais dans mon esprit. 

La mort.

Je préférais m'accrocher de toutes mes forces à la falaise que sombrer dans le précipice. Certain aurait pu trouver cela risible de m'accrocher à la vie à ce point. 

Mais je n'avais pas subis autant. Je ne mettais pas battu autant, pour simplement perdre à la fin. 

Je continuais d'espérer que ma vie prenne une autre tournure bien que je sache que personne ne viendrait l'arranger. Alors j'avais décidé de le faire seule. Pas une seule fois ma détermination ne s'est éteinte, pas une seule fois Keira n'a réussi à ébranler ce sourire. 

Je me démenais pour survivre comme un cafard qui grouille. Je m'accrochais à chaque lueur d'espoir, car je refusais de finir mes jours dans cette chambre noire. Puis les mois avaient passés et mes peurs se sont envolées. 

 J'ai vite compris que ma mère était bien trop alcoolique pour voir clair et mon père bien trop débordé pour s'en occuper. 

Alors j'ai commencé à compter.

******************

Au coup des vingt-deux heures, comme à mon habitude, j'enfonce la clef dans la porte et sort de la chambre en trombe. J'ai un peu près deux heures avant que le chauffeur ne revienne. C'est largement suffisant pour manger et obtenir quelques réponses à mes questions. 

Je veux comprendre ce que mon père a fait et arborer la meilleure stratégie pour notre survie. Et surtout quel est son lien avec Nikolay Blackwood et pourquoi il paraissait si jeune !

-« Mademoiselle », j'entends alors que je pénètre dans la cuisine.

Une assiette m'attend déjà, bien présenté et d'une odeur succulente. Molly m'a toujours aidée dans mes escapades nocturnes.

-« Vous allez bien mademoiselle ? Je n'aurais jamais pensé que votre père puisse vous enfermer. Je suis tellement désolée, je me sens tellement inutile...», geint t'elle doucement en plongeant sa tête entre ses mains. 

Je lui esquisse un sourire rassurant en posant ma main sur son épaule. 

-"Vous en faites bien assez, laissez moi m'occuper du reste. Je suis restée bien plus longtemps dans cette chambre noire et je m'en suis toujours sortie", je lui murmure doucement.

Mes propos n'arrivent pas à sécher ses larmes et l'inquiétude qui ride son front. Pire elle semble encore plus bouleversée qu'avant. 

-"Vous savez je pense que nous devrions contacter la police. Même votre amie Lyssandra a appelé ce matin, n'ayant plus de nouvelles de vous", tente de me suggérer Molly en se mordant la lèvre.

Je me fige des poils s'hérissant sur mon dos. Cette solution m'était apparue de nombreuses fois mais je connaissais l'argent des Shaffer et la corruption. Mon père n'avait rien fait pour ma mère qui n'en était une que par alliance, mais lui, il se sauvera quoi qui lui en coute. 

Si Molly venait à utiliser cette solution, le risque serait bien trop grand pour elle.

-"Ne dites pas de bêtise Molly, je me porte à merveille", je rétorque.

-"Non mademoiselle, vous n'allez pas bien. Je vous connais depuis votre enfance et je me suis tue à chaque douleurs que vous avez enduré car vous demandiez de le faire. J'ai du vous laissé vous faire blesser et maltraiter pendant des années, alors s'il vous plait, ne me demandez pas une nouvelle fois de simplement regarder", se met-elle à sangloter, sa voix brisée par l'émotion.

Je sens son regard désespéré se poser sur moi alors que j'essaie de la rassurer en la prenant dans mes bras. Un masque de détermination se dessine sur mon visage, cachant la folie croissante qui menace de dévorer mon esprit.

-"Vous semblez toujours me regarder avec cet air déterminé et ce sourire plein d'espoir. Mais comment faites vous pour restez aussi insensible à la douleur ? Pour prendre celle de tous sur vos épaules sans vouloir un seul instant confier les vôtres ? Je ne peux pas imaginer à quel point vous avez souffert pour en arriver à ce point là, mais je sens à travers les faux semblants, que vous avez besoin d'aide", me dit t'elle d'une traite l'air attristé. 

Je chasse d'un revers de la main ses accusations pour la prendre de nouveau dans mes bras.  La compassion de Molly est une lumière dans mes ténèbres, mais elle ne comprend pas les sacrifices nécessaires.

Elle est incapable de voir que dans ce monde, je n'ai pas le loisir de pouvoir montrer mes émotions. Si je parais trop faible, ils m'utiliseront et tenteront de m'achever car ils sont avares de notre fortune. 

Que se soit mon père, les Blackwood, les Maxwell, ils désirent le pouvoir. 

Et un Shaffer faible, est un Shaffer mort. 

-"Molly ne vous inquiétez pas, je prendrais la tête des Shaffer comme je vous l'avez dit, et plus jamais vous n'aurez le visage ainsi strier de pleurs", je lui assure en touchant légèrement la broche qu'elle m'a offerte.

Molly se mord la lèvre.

-"C'est bien ce qui m'inquiète, mademoiselle". 

Je fais mine de n'avoir rien entendu. J'aimerais pouvoir continuer cette discussion avec elle, mais le temps n'est pas un luxe que je peux m'offrir. Je me tourne vers elle, plus sérieuse, mes yeux verts dans les siens. 

-"Qu'avez vous appris de plus aujourd'hui ? Je veux savoir où mon père se rend, ce qu'il fait et avec qui, pour découvrir quel lien il entretient avec Nikolay Blackwood", je lui demande en finissant mon repas.

Molly a toujours été d'une fine oreille. Une gouvernante entends souvent beaucoup de rumeurs et des détours de conversations. Tout peut mettre utile avant de fouiller dans son bureau. 

-"Rien d'intéressant Mademoiselle. Il est resté presque toute la journée dans son bureau et refusait que je lui apporte une quelconque boissons. La seule chose que je sais, c'est que son chauffeur l'a emmené dans un club pour un rendez vous ce soir. Il me semble que le nom était Midnight Elysium", déclare Molly. 

Immédiatement, j'attrape mon téléphone pour lancer quelques recherches. Je découvre un lieu  de prostitutions mal famé qui se trouve dans la banlieue de Sunhaven Beach. Son patron, Zachaeus Caldwell, est à la tête d'une des plus grandes entreprises fluctuantes du porno.

Alors qu'est ce que mon père irait faire là bas ? Serait t'il capable de payer pour la prostitution ?

Zachaeus est-t'il un amateur d'art ?

Quelques choses me semblent louches dans cette histoire.

Est ce une connaissance de Nikolay Blackwood ?

Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que j'ouvre doucement la porte du bureau. La pièce est plongée dans une obscurité lourde, seulement percée par les lueurs fantomatiques de la lune filtrant à travers les rideaux.

Je me dirige rapidement vers le secrétaire central, mon souffle court et saccadé. Mon père a toujours été méthodique, chaque chose a sa place. J'ouvre le premier tiroir avec précaution. À l'intérieur, des dossiers soigneusement étiquetés que j'avais déjà vu auparavant : "Finances", "Propriétés", "Investissements". 

Mes doigts tremblants se posent sur le dossier "Investissements" et je le tire doucement vers moi.

Je feuillette rapidement les documents, mes yeux parcourant les lignes avec une concentration fébrile. Des chiffres, des graphiques, des rapports financiers... rien de suspect pour le moment. Mais je continue, poussée par une détermination farouche. Je dois savoir.

Je passe au deuxième tiroir, mes mains devenant moites à mesure que l'angoisse monte. À l'intérieur, je trouve des papiers plus personnels : correspondances, invitations, quelques vieilles photographies. Rien d'inhabituel. Mon esprit s'embrouille légèrement, mais je secoue la tête, refusant de céder au découragement.

Le troisième tiroir est plus récalcitrant. Je force un peu et il finit par céder, révélant une série de classeurs rouges, nettement plus usés que les autres. Je tire l'un d'eux et l'ouvre, découvrant des documents divers, des contrats. C'est alors que mon regard se fixe sur un nom familier : "Caldwell".

Mon cœur manque un battement. Je saisis le contrat avec précaution, comme s'il pouvait exploser à tout moment. Le nom de Zachaeus Caldwell saute aux yeux, suivi d'une somme colossale : 500000 euros. Mon esprit s'emballe tandis que je déchiffre les termes du contrat.

« Ciel étoilé », une œuvre inconnue du grand public, réalisée par un artiste anonyme. Mes mains se mettent à trembler de plus en plus fort. Je fouille de nouveau dans les dossiers, mes gestes devenant plus désordonnés et précipités. Je dois savoir si c'est bien ce que je pense.

Et là, au milieu d'une pile de documents moins importants, je trouve ce que je redoutais : un autre contrat, daté d'il y a quelques mois à peine. Mon père avait déjà vendu « Ciel étoilé » à un autre client. Mon souffle se coupe. 

Mon père, a-t-il vraiment osé arnaquer un homme comme Zachaeus Caldwell ?

Mon esprit tourbillonne de questions. Les scénarios se bousculent dans ma tête, chacun plus sinistre que le précédent. 

A-t-il vendu une contrefaçon à Caldwell ? 

Ou bien s'agit-il d'une machination plus complexe ? 

Et si Zachaeus avait découvert la supercherie, serait-il en train de faire chanter mon père ? 

Les implications de ces découvertes sont vertigineuses.

Je me redresse, le dos courbé par la tension. 

Mon père est-il capable de telles manipulations ?

Je le savais corrompu, mais à ce point ? 

Mais surtout jusqu'ou est t'il prêt à aller pour de l'argent ? 

Mes doigts glissent sur les pages du contrat, lisant et relisant les mots, cherchant une explication rationnelle. Mais plus je creuse, plus je me perds dans les méandres de cette trahison.

Alors que je tente de démêler cette histoire, une idée me traverse l'esprit comme un éclair. 

Et si tout cela était lié à Nikolay Blackwood ? 

Une alarme silencieuse se déclenche dans mon esprit. Le temps file. Je dois sortir d'ici avant que quelqu'un ne découvre mon absence. Je remets les documents en place avec soin, mémorisant leur disposition initiale. Chaque détail compte. Mon père ne doit se douter de rien.

Alors que je m'apprête à quitter le bureau, mon téléphone vibre dans ma poche. Je sursaute, mon cœur ratant un battement. Je le sors précipitamment et voit un message de l'application de tracking. Il m'indique que Nikolay Blackwood s'est déplacé. 

Mon esprit s'embrouille davantage et mes yeux s'écarquillent alors que je manque de faire tomber mon téléphone contre le sol.

Pourquoi se trouve-t-il lui aussi à Midnight Elysium ?

*************
Bonjour à tous,
Que pensez vous de l'évolution de l'histoire ?
L'étau se resserre, Evelyn commence à se douter de quelques choses !
Et du côté du Midnight Elysium, l'ambiance promet d'être animé.
Merci beaucoup pour votre lecture.
Lunarae

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